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Le directeur nous a proposé de rentrer

Publié le lundi 26 janvier 2009 | http://prison.rezo.net/le-directeur-nous-a-propose-de/

« Le directeur nous a proposé de rentrer » 23-01-2009

Prison. « Ils ont fait ce qu’ils ont fait, mais il y a quand même un minimum. » Patricia, la tante d’un détenu retrouvé pendu aux Baumettes, témoigne de l’état de délabrement de la cellule.

Une odeur de pourriture s’est incrustée au plus profond de ses souvenirs. Une odeur rance associée à cette cellule des Baumettes où son jeune neveu de 21 ans a été retrouvé pendu quelques jours plus tôt. Une puanteur qui la hante depuis le 18 février 2008. Patricia raconte « ce mur délabré » percé d’un haut fenestron à barreau. Elle voit encore ce « lavabo pourri » sur lequel se décompose un vieux repas jamais terminé.

« Les toilettes, à peine cachées derrière un muret, sentaient la pisse », il y a ces graffitis un peu partout laissés par des années de détenus successifs, les cris permanents de ceux des cellules voisines, cette lumière jaunâtre qui éclaire ce lit superposé à trois places d’où a été décroché deux jours plus tôt Cédric, « tout le monde l’appelait Pilou ».

Elle se lamente encore de ces matelas en mousse « où même un chien n’irait pas » et sur l’un desquels pourtant, ce jour-là, sa sœur avait été obligée de s’allonger pendant une demi-heure. Et puis ces petites encoches sur la structure du lit, dérisoires décomptes, espoir de sortie.

« Ne faites pas attention aux insultes »

« Ils ont fait ce qu’ils ont fait, mais il y a quand même un minimum », enrage Patricia.

Son Pilou venait d’être interpellé avec des dealers de sa cité la Bingale (9e), « de simples connaissances avec qui il n’avait aucun rapport ». Il attendait d’être jugé quand, ce samedi matin, il refusait de répondre à l’appel du maton. A 10h, le médecin constatait sa mort. Patricia, la mère et la sœur de Pilou venaient le lundi aux Baumettes pour récupérer des affaires. « Le directeur nous a alors proposé de rentrer dans la cellule. » Il a fallu passer plusieurs quartiers de sécurité, « plusieurs passages avec des grilles », affronter les regards de certains prisonniers dans les corridors, « "ne faites pas attention aux insultes" nous disait le directeur ». Des mots raisonnent dans la tête de Patricia, ceux qui concluent la lettre trouvée dans la poche de Pilou : « Je vous verrai de là-haut, je vous aime à tous. » Pourtant Patricia ne croit pas que son neveu se soit donné la mort, « on l’a suicidé ». Les personnes qui avaient été interpellées avec Pilou ont depuis écopé de 5 ans de prison. Patricia se bat aujourd’hui pour deux choses : « Ces conditions d’incarcération sont inadmissibles, c’est inhumain, indigne. » Puis, elle veut connaître les circonstances de la mort. « Il était menacé pour ce qu’il savait, affirme-t-elle, et la lettre, un expert m’a affirmé qu’elle a été écrite sous la contrainte ». Elle a pris un avocat, Maître Jean-Claude Valéra. Et elle va voir un médecin régulièrement « pour tenir ».

PHILIPPE PUJOL