Publié le samedi 21 mars 2009 | http://prison.rezo.net/no-128-supplement-acp-du-16-mars/ Supplément au N°128 Arpenter le Champ Pénal LA LOI PENITENTENTIAIRE ADOPTÉE PAR LE SÉNAT Un printemps sans hirondelle Les comptes du Lundi. Malgré des efforts louables, le compte n’y est pas. Je partage les sentiments exprimés, à la fin du débat au Sénat par M. Jean Desessard, sénateur de Paris (Vert), membre de la commission des affaires sociales, rattaché au Groupe socialiste : « Nous avons abordé ce texte avec optimisme et conviction. Nous sommes conscients des améliorations apportées par la commission au texte indigent du Gouverne-ment, et de celles que le Sénat a votées. Mais nous aurions pu enfin donner à la France une loi pénitentiaire digne de ce nom ; nous sommes restés au milieu du chemin. Malgré le respect que nous portons à l’excellent travail du rapporteur [Jean-René Lecerf], nous ne pouvons adhérer totalement à son texte, qui ne répond pas à nos attentes, même les plus réalistes. Notre optimisme s’est peu à peu transformé en déception et en frustration. Nous ne voterons pas contre le texte, parce que nous n’en ignorons pas les avancées ; nous ne pourrons voter pour, parce qu’il est finalement assez timide sur des points fondamentaux. Les sénatrices et sénateurs Verts s’abstiendront ». Socialistes, verts, communistes, rejoints par certains centristes, s’abstiendront, et le texte sera adopté, ce vendredi 6 mars 2009. Le résultat eut été bien différent si nombre d’amendements défendus en séance publique, par l’opposition avaient été adoptés : par exemple, amendements présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG (n°219 sur l’observatoire, n°229 sur le contrat de travail et n°278 sur l’encellulement individuel des prévenus), par M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n°101 et n°103 sur l’expression des détenus), par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani (n°20 rectifié sur le revenu minimum de préparation à l’insertion, n°16 rectifié et n°18 rectifié sur l’expression des détenus, n°55 sur l’encellulement individuel des prévenus). Sans parler de l’amendement n°191, sur le contrat de travail présenté par M. Nicolas About, président de la Commission des affaires sociales (UMP) qu’il a lui même retiré. Et surtout l’amendement n° 207, sur le numerus clausus limité, présenté par le même M. Nicolas About qu’il a aussi retiré. Repris par M. Alain Anziani, l’amendement a été repoussé. D’un autre coté, j’ai fortement regretté que les socialistes et les communistes tentent de s’opposer – heureusement en vain - à l’introduction, dans le 1er article de la loi, d’une référence au sens de la peine tel qu’il est défini dans les règles pénitentiaires européennes : « Permettre au condamné de mener une vie responsable et exempte d’infractions ». M. Louis Mermaz a eu ce mot bien étrange : « Je ne suis pas enchanté par la vie responsable » et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, celui-ci « Le qualificatif moralisateur de « responsable » n’a pas sa place dans la loi ». *** Dans les lignes qui suivent, je ne prétends pas à une analyse exhaustive des débats et du texte adopté. Plus modestement, et de façon toute subjective, je reviens sur les quelques points – pour moi essentiels – que j’avais soulevés dans ma lettre ouverte du 23 février 2009 (supplément à ACP n°123-124). Références Pierre V. Tournier, Que faire des nouvelles règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l’Europe, le 11 janvier 2006 ? in Dockès (E.) Dir. Au coeur des combats juridiques- Pensées et témoignages de juristes engagés, Dalloz, 2007, 245-258. …, Loi pénitentiaire. Contexte et enjeux, Editions l’Harmattan, coll. Sciences criminelles – Controverses, janvier 2008, 114 pages. …, L’avant projet de loi pénitentiaire à l’aune des règles pénitentiaires européenne, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, juin 2008, 22 pages. …, Vers un observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, in Alain Bauer (dir.), La criminalité en France. Rapport de l’Observatoire national de la délinquance 2008, Institut national des hautes études de sécurité (INHES), CNRS Editions, 2008, 665-672. …, Quand nécessité fait loi. Alternatives à la détention : faire des mesures et sanctions privatives de liberté l’ultime recours ? Contribution au débat sur le projet de loi pénitentiaire, Université Aix-en-Provence Marseille 3, Colloques « Enjeux et perspectives de la loi pénitentiaire », 27 septembre 2008, Revue pénitentiaire et de droit pénal, Editions Cujas, octobre - décembre 2008, n°4, 827-854. …, Lettre ouverte à propos du projet de loi pénitentiaire. Encore un effort Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Arpenter le champ pénal, supplément au n°123-124, 23 février 2009, 8 pages. *** SURPOPULATION DES PRISONS *** - 2. – Le débat sur la surpopulation carcérale Commentaires de PVT (Lettre ouverte du 23 février) : Le débat sur la surpopulation carcérale est souvent confus. On y parle de détenus qui n’ont même pas de lit, d’établissements où le nombre de détenus est supérieur à la capacité, mais aussi d’encellulement individuel et plus rarement de la vie en détention (temps excessif passé dans la cellule, oisiveté, absence de vie sociale au sein de la prison, etc.). Cette question de la surpopulation est évidemment primordiale car la possibilité de respecter la plupart des règles pénitentiaires en dépend. Rappelons, qu’au 1er janvier 2009, le nombre de détenus en surnombre s’élève à 12 669 contre 9 780, il y a deux ans, soit une augmentation de 30 % (France entière) . Dans la lutte contre la surpopulation carcérale, les priorités sont, pour moi les suivantes : - 1ère étape : Il ne doit plus y avoir de détenus dormant sur un matelas à même le sol. Depuis quelques temps, l’administration pénitentiaire tient une statistique du nombre de détenus à qui nous imposons ce traitement dégradant, mais le Garde des Sceaux se refuse à la rendre publique. - 2ème étape : le nombre de détenus en surnombre doit être proche de 0 (densité carcérale de chaque établissement inférieure ou égale à 100 détenus pour 100 places). Au 1er janvier 2009, 139 établissements ou quartiers – sur un total de 231, soit 60 % – ont une densité supérieure à 100. - 3ème étape : respecter le principe de l’encellulement individuel la nuit, pour les prévenus comme pour les condamnés . - 4ème étape : limiter le temps passé dans la cellule (la chambre) aux périodes de repos. Sauf cas exceptionnels, la journée doit se passer hors de la cellule, dans les « lieux de vie » : en ateliers, dans les locaux de formation générale ou professionnelle ou les lieux d’activités culturelles ou sportives, ou les espaces de promenade, dans les lieux de soins, les lieux de pratique religieuse, les parloirs, etc. * Résultats du débat au Sénat : Mes préoccupations – anciennes - quant à la nécessité de mettre un peu d’ordre (en terme de priorités) dans ce débat sur la surpopulation carcérale n’ont guère été partagées par les sénateurs quel que soit leur groupe d’appartenance. Le principe de l’encellulement individuel abandonné dans le projet « Dati » a été rétabli par le Sénat par l’adoption de l’article 49 rédigé ainsi : I. - Le dernier alinéa de l’article 716 devient l’article 715-1. Mais ce principe est rendu purement théorique par l’adoption du dernier article de la loi (art. 59), sur « le moratoire » malgré l’opposition des socialiste, verts et communistes : « Dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d’arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas leur application. Cependant, la personne condamnée ou, sous réserve de l’accord du magistrat chargé de l’information, la personne prévenue peut demander son transfert dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle. » *** LE SENS DES MESURES ET SANCTIONS PRIVATIVES DE LIBERTÉ *** - 3. – Article 1er A (nouveau). Le régime d’exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer la personne détenue à sa réinsertion afin de lui permettre de mener une vie responsable et exempte d’infractions. Commentaires de PVT : L’ajout de cet article est un progrès considérable de part la référence au « sens de la peine » défini dans les règles pénitentiaires européennes (Règle 106.1) . Encore ne faudrait-il pas oublier que la prison n’est pas uniquement un lieu d’exécution des peines. En 2008, sur les 89 054 entrées en détention (France entière), on compte 51 515 entrées de « prévenus », soit 58 %. Au 1er janvier 2009, sur les 66 178 personnes sous écrou, on compte 15 933 prévenus, soit 24 % de la population sous écrou. Aussi ce premier article devrait-il rappeler cette évidence, ainsi que le principe de la présomption d‘innocence. Il devrait aussi indiquer quel est le sens, dans un Etat de droit, des mesures privatives de liberté avant jugement définitif. * Résultats du débat au Sénat : Aucun sénateur n’a jugé utile d’aborder, dans ce 1er article, la question de la détention avant jugement définitif. Plus surprenant encore, socialistes et communistes ont tenté, en vain, de supprimer la référence au sens de la peine tel qu’il est défini dans les règles pénitentiaires européennes. - Éléments du débat - - L’amendement n°70, présenté par M. Alain Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés propose une autre rédaction de cet article : « L’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a pour objet de protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi de favoriser l’amendement de celui-ci et préparer sa réinsertion ainsi que de veiller au respect des droits des victimes ». M. Richard Yung « Le président Badinter a parlé de « loi Lecerf ». Nous avons, avec cet article premier A, un exemple de l’empreinte de notre rapporteur sur ce projet de loi où manquait effectivement la définition des finalités de la peine privative de liberté. Nous sommes tout à fait d’accord sur le fond mais préférons nous inspirer de la définition donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 janvier 1994, définition plus courte, plus nerveuse et qui emporte plus l’adhésion ». - L’amendement n°215, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG propose la rédaction suite : « La peine de privation de liberté concilie les objectifs de protection effective de la société, de sanction et de réinsertion du condamné et de prise en compte des intérêts de la victime. Son régime d’exécution doit être individualisé ». Mme Nicole Borvo Cohen-Seat : Le texte d’origine du Gouvernement n’évoquait nulle part le sens de la peine. C’est pourtant essentiel dans une loi pénitentiaire. La peine privative de liberté n’a de sens que si elle vise la réinsertion. La prison doit protéger la société du condamné mais aussi préparer celui-ci à une sortie inévitable. L’opinion publique aurait tendance à demander des peines plus longues et à trouver que la justice est trop laxiste, ce que dément l’analyse des sanctions pénales. Cette distorsion montre bien que le sens de la peine n’est pas clair. Le Gouvernement aurait dû inscrire ce sens dans la loi. Il ne l’a pas fait et le rapporteur a voulu combler cette lacune mais sa rédaction est subjective et moralisatrice. Qu’est-ce qu’une « vie responsable » ? Notre rédaction insiste sur la nécessité d’individualiser la peine. - L‘amendement n°216, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG, propose, de supprimer, à la fin de cet article, les mots : « afin de lui permettre de mener une vie responsable et exempte d’infractions ». Mme Nicole Borvo Cohen-Seat : Amendement de repli. Le qualificatif moralisateur de « responsable » n’a pas sa place dans la loi. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. – L’avis du rapporteur devient particulièrement difficile avec le nouvel article 42 car il ne peut plus présenter ses amendements ni ceux de ses collègues qui ont déjà été intégrés ; restent les amendements qui ont les plus fortes chances de recevoir un avis défavorable : il faudra s’y faire... (Sourires) M. Jean-Pierre Sueur. - J’ai bien entendu le rapporteur, mais nous sommes ici pour faire la loi et il est permis d’améliorer la rédaction, même après qu’elle a été adoptée en commission. La rédaction issue de ses travaux n’est pas la meilleure pour trois raisons. En premier lieu, la notion de vie responsable n’est pas juridiquement pertinente : le concept est flou. Mieux vaux dire que l’objet est de préparer la réinsertion, c’est plus court, plus sobre et cela évite les dissertations sur ce qu’est une vie responsable. En deuxième lieu, s’il est bon de parler des victimes, en rester à leurs intérêts est restrictif ; il est préférable de parler, comme nous le proposons, de respect de leurs droits. En troisième lieu, l’adjectif « effective » me chagrine dans un texte normatif. A-t-on dit que la peine de mort était « effectivement » abolie ? Cet adjectif n’apporte rien. Pour ces trois raisons, je préfère la rédaction défendue par M. Yung et dont les termes sont meilleurs et mieux adaptés. M. Louis Mermaz. - Je ne suis pas enchanté par la « vie responsable » mais c’est le verbe « concilier » qui m’étonne. Comment concilier les intérêts des victimes avec la « vie responsable » de l’auteur de l’infraction ? Celui qui a été douloureusement atteint ne sera jamais consolé par le fait que le responsable s’amende. Ce mélange des plans ne relève plus du droit, mais de la magie. Je préfère la rédaction du Conseil constitutionnel car j’y retrouve cette clarté cartésienne qui restera, je l’espère, la qualité principale des Français. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Je peux admettre une critique mais pas les autres. L’expression « la vie responsable » est tout à fait intéressante et ceux qui visitent les prisons savent bien le risque d’infantilisation de personnes qui n’ont plus aucune responsabilité, au point de paniquer à l’approche de leur libération. Une « vie responsable » facilitera le passage du dedans au dehors. M. le président. - Puisque le texte résulte de votre amendement, vous pouvez le rectifier et supprimer l’adjectif à la deuxième ligne de l’article premier A. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Soit. L’amendement n°70 n’est pas adopté, non plus que les amendements nos215 et 216. L’article premier A, rectifié, est adopté. *** OBSERVATOIRE EN MATIÈRE PENALE *** - 4. - Article 2 quinquies (nouveau). Un décret détermine les conditions dans lesquelles un observatoire, chargé de collecter et d’analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l’exécution des décisions de justice en matière pénale et à la récidive, établit un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l’impact des conditions de détention sur la réinsertion. Commentaires de PVT : Compte tenu de la réforme en cours, décidée par le président de la République, de l’Observatoire national de la délinquance (OND), cet article n’a pas lieu d’être. Rappelons que l’OND qui jusqu’à présent dépendait du Ministère de l’intérieur, sera dans l’avenir rattaché au Premier Ministre. Sa compétence sera élargie à l’ensemble du processus pénal : des faits constatés par la police et la gendarmerie à l’étude de la récidive des infractions pénales, en passant par l’activité des juridictions et l’exécution des mesures et sanctions pénales . Sera ainsi mis en place un Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Il reviendra, naturellement, au Ministère de la justice, de développer les outils nécessaires à l’étude de la récidive. Pour de nombreuses raisons que nous ne développerons pas ici, l’idée de produire, chaque année, des « taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l’impact des conditions de détention sur la réinsertion » est, sur le plan scientifique, dénué de toute pertinence . * Résultats du débat au Sénat : Seuls les communistes ont proposé la suppression de cet article, mais sans référence au futur Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Cette question de doublon avait été exposée, par mes soins, à M. Jean-René Lecerf, dans le cadre de mon audition. Par ailleurs, M. Jean-Pierre Sueur (socialiste) a été le seul à émettre quelques doutes quant à la pertinence (scientifique) du calcul, chaque année, de taux de récidive par établissement pour peine. Les élus ne sont pas, nécessairement, les mieux placés pour définir les bonnes méthodes pour étudier scientifiquement la récidive.
*** LUTTER CONTRE L’OISIVETÉ EN DÉTENTION *** - 5. - Article 11 ter (nouveau). Toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités et à sa personnalité. Commentaires de PVT : La proposition que j’ai présentée à maintes reprises – et répétée devant votre rapporteur M. Lecerf - est bien différente : « Dans les prisons françaises, il y a urgence à lutter contre l’oisiveté en détention. Chaque personne détenue devrait pouvoir bénéficier d’une, au moins, des solutions suivantes : a. un emploi, b. une formation générale et/ou professionnelle, c. des activités culturelles et/ou de formation à la citoyenneté. Pour chacune de ces activités, les personnes détenues (prévenues ou condamnées) devraient recevoir une rémunération et/ou un revenu minimum de préparation à la sortie (RMPS), naturellement calculés en fonction des ressources dont ils disposent. Cette proposition [...] avait été rendue publique dans une tribune que j’avais cosignée, dans Le Monde, avec Christine Boutin, alors députée des Yvelines (UMP) .
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Je n’abuserai pas de mon temps de parole pour présenter les modifications apportées par la commission, mais l’obligation d’activité le mérite. - L’amendement n°19 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani propose, dans cet article, remplacer les mots : « au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation » par les mots : « soit une activité professionnelle, soit une formation professionnelle ou générale ». Mme Alima Boumediene-Thiery. - Nous précisons le type d’activité pouvant être proposé. Le travail et la formation doivent figurer parmi les principales. Il ne serait pas normal que l’on puisse diriger les détenus vers un seul type d’activité, sportive, par exemple. Il s’agit également d’éviter un traitement différencié entre détenus. C’est pourquoi nous spécifions que les activités obligatoires doivent essentiellement avoir valeur pédagogique. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Je comprends vos intentions, qui devraient être satisfaites dans les faits, mais tiens qu’il faut conserver une certaine souplesse. Certaines activités culturelles ou sportives peuvent satisfaire l’exigence. Songeons au vieillissement de la population carcérale : pourquoi imposer une formation professionnelle, par exemple, à un détenu âgé, qui pourrait fort bien s’épanouir en exerçant des responsabilités associatives, culturelles ou sociales ? Défavorable. Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Votre rédaction est en effet très restrictive. Certains détenus suivent des thérapies, notamment dans des groupes de parole ; votre liste n’inclut pas ces programmes. Avis défavorable. L’amendement n°19 rectifié n’est pas adopté. - L’amendement n°61 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation favorisent l’égal accès de toutes les personnes condamnées aux activités mentionnées à l’alinéa précédent. » Mme Alima Boumediene-Thiery. - Une thérapie de groupe ou une activité sportive n’est pas incompatible avec une formation professionnelle ! M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Défavorable. La finalité de l’amendement va de soi ; il est même presque insultant de suggérer que l’on favoriserait un accès inégal à ces activités ! Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Les personnes détenues sont classées en fonction de l’offre existante, ainsi que de leur profil. Elles peuvent être déclassées si elles sont inaptes à l’activité, s’il n’y a plus d’offre, ou en guise de sanction. Dans ce dernier cas, la sanction est motivée et le recours possible. Les personnes qui souffrent d’addiction ou de fragilités particulières doivent être soignées avant de pouvoir entreprendre une activité. Laissons cette souplesse à l’administration. L’amendement n°61 rectifié n’est pas adopté. - L’amendement n°100, présenté par M. Alain Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Le travail en prison doit être considéré comme un élément positif du régime carcéral et en aucun cas être imposé comme une punition. Les autorités pénitentiaires doivent s’efforcer de procurer un travail suffisant et utile. » M. Claude Jeannerot. - Nous renforçons la portée de l’article en reprenant ces règles pénitentiaires européennes. Il s’agit de lutter contre les risques d’abus. Le travail ou l’activité doivent contribuer au développement des détenus. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Cette précision est plus déclaratoire que normative. Nous sommes loin des Dalton cassant des cailloux au pénitencier... (Sourires) Avis défavorable. Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le travail en prison est un élément positif, un gage de réinsertion, dont il est tenu compte pour les aménagements de peine. C’est au contraire le déclassement qui peut être une punition ! Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Attention à ne pas glisser de la notion d’activité à celle de travail... Les travaux forcés ont été supprimés en 1912 ! L’activité vise la reconstruction de l’individu. Elle doit être rémunérée de façon suffisante pour ne pas constituer une utilisation abusive du travail des détenus. M. Jean-Pierre Sueur. - Le rapporteur a eu la lucidité de poser cette question difficile au coeur du projet de loi. Les travaux forcés ont été supprimés : on ne saurait revenir à cette forme de travail obligatoire. Et le principal problème est le manque de travail, nous disent les personnels pénitentiaires ! L’amendement n°100 n’est pas adopté. - L’amendement n°189, présenté par M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l’activité consiste obligatoirement dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Lorsqu’elle ne maîtrise pas la langue française, l’activité consiste obligatoirement dans l’apprentissage de celle-ci. L’organisation des apprentissages est aménagée lorsqu’elle exerce une activité de travail. » M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Nous proposons d’utiliser cette obligation d’activité comme instrument de lutte contre l’illettrisme. La commission nationale de suivi de l’enseignement en milieu pénitentiaire évalue en effet à 12,3 % la proportion de détenus illettrés, auxquels il faut ajouter les 12,9 % rencontrant des difficultés de lecture. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Ces apprentissages figureront naturellement au premier rang des activités, mais une rédaction trop précise nous prive d’une souplesse indispensable. Le détenu étranger qui, à l’issue de sa peine, sera expulsé préfèrera sans doute un travail rémunérateur. Certes, il s’agit d’hypothèses limites mais que nous devons prendre en compte. M. bout entend concilier apprentissage et travail : mais entre le voeu et la réalité, il y a un pas important à franchir... Retrait. Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - L’amendement concerne le contenu des formations. Comme l’a dit le rapporteur, certains détenus préfèrent le travail à l’apprentissage des connaissances fondamentales ; du reste, la nature des activités programmées ne relève pas de la loi. M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Madame la ministre, je vois bien que ce dernier argument vous fait sourire vous-même... M. Claude Jeannerot. - L’apprentissage doit être librement consenti, mais nous pouvons enrichir la rédaction en précisant que les activités proposées peuvent être un travail, une formation professionnelle, un apprentissage... M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - C’est déjà écrit ! M. Claude Jeannerot. - Et la rédaction deviendrait compatible avec une proposition que nous avons faite précédemment. M. Nicolas About, rapporteur pour avis - Préparer à la réinsertion et à une « vie responsable et exempte d’infractions », voilà ce que nous avons voté comme préambule à ce texte, à l’article premier A nouveau, après une longue discussion. Mais comment le détenu qui ne sait pas lire y parviendra-t-il ? On a souligné plus haut à quel point les détenus ont des difficultés à comprendre leurs droits : ici, nous faisons en sorte qu’ils puissent lire les affiches dans les couloirs... et les 100 000 documents qui leur seront distribués par Mme la ministre. Mme Éliane Assassi. - Tout à l’heure, vous l’avez fait... M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - C’est qu’il était satisfait. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - Les activités recouvrent les cours, l’alphabétisation, les activités socioculturelles, la participation à un groupe de parole, etc. L’énumération n’a pas à figurer dans la loi mais nos travaux préparatoires sont clairs et l’interprétation du texte sera facile... Il n’y a en revanche pas lieu de contraindre. L’amendement n°189 est adopté. L’article 11 ter, modifié, est adopté. *** PARTICIPATION DES DÉTENUS A L’ORGANISATION DE LA DÉTENTION *** - 6. - Article 11 quater (nouveau). Sous réserve du maintien de l’ordre et de la sécurité de l’établissement, les détenus peuvent être consultés par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées. Commentaires de PVT : La rédaction de cet article est vraiment étrange : de fait, il autorise l’administration à consulter les détenus ! La règle européenne n°50, déjà très timorée par rapport à ce qui existe dans de nombreux pays européens (comités consultatifs de détenus) dit tout autre chose : « Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires à ce sujet ». * Résultats du débat au Sénat : Elus socialistes, communistes et verts ont déposé plusieurs amendements pour faire en sorte que cet article essentiel corresponde, effectivement, à l’esprit de la règle 50 du Conseil de l’Europe. Le rapporteur comme la Garde des Sceaux ont refusé ces amendements, sans réelle argumentation.
- L’amendement n°101 rectifié, présenté par M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés propose de rédiger comme suit cet article : « Sous réserve du maintien de l’ordre et de la sécurité de l’établissement, les détenus sont autorisés à s’exprimer collectivement sur les conditions de détention et à communiquer avec l’administration pénitentiaire. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. » M. Richard Yung. - La commission a adopté un texte qui prévoit la consultation des détenus sur les activités proposées : c’est une avancée, mais nous pouvons aller plus loin, afin de ne pas maintenir les détenus dans la passivité. Le dialogue avec l’administration pénitentiaire les responsabilise. Nous offrons un cadre à la consultation prévue : sinon, quelles en seront les modalités ? - L’amendement n°228, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG. propose de supprimer les mots, au début de cet article : « Sous réserve du maintien de l’ordre et de la sécurité de l’établissement ». Mme Josiane Mathon-Poinat. - L’article part d’une bonne intention mais sa rédaction n’est pas satisfaisante. Nous supprimons une restriction qui est apportée au droit d’expression avant même que celui-ci ne soit posé en principe ! Manifestement, il y a là plus un symbole qu’un véritable droit reconnu aux détenus. - L’amendement n°17, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller propose, dans cet article, de remplacer les mots : « peuvent être », par le mot : « sont ». Mme Alima Boumediene-Thiery. - La consultation des détenus doit être obligatoire, alors que la rédaction actuelle suggère qu’elle peut être laissée à l’appréciation arbitraire du chef d’établissement, ce qui la transformerait en voeu pieux. Si la consultation est laissée à la discrétion de l’administration, elle ne sera pas effective. Les détenus doivent pouvoir s’exprimer librement, formuler des souhaits et des recommandations. - Amendement identique n°102 rectifié, présenté par M. Alain Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés. M. Alain Anziani. - C’est le même dispositif. - L’amendement n°103, présenté par M. Alain Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, propose : dans cet article, après le mot : « activités », insérer les mots : « et les conditions de détention ». M. Richard Yung. - Cette extension va de soi. - L’amendement n°16 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Ils peuvent, dans les mêmes conditions, être consultés par l’administration pénitentiaire sur leurs conditions générales de détention ». Mme Alima Boumediene-Thiery. - La consultation des détenus sur leurs activités mérite d’être saluée, mais il faudrait élargir son champ d’application aux conditions mêmes de détention, conformément à la règle européenne applicable. Nous vous proposons à peu de choses près de reprendre l’article 23 de l’avant-projet du texte. - L’amendement n°18 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani , propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Un procès verbal de ces consultations est mis à disposition du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. » Mme Alima Boumediene-Thiery. - Il faut donner un sens à la consultation des détenus, qui restera inutile si les doléances finissent dans les tiroirs. Grâce à la disposition que nous proposons, une exploitation constructive sera possible par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - L’article 11 quater assure un équilibre entre le silence total de la législation actuelle sur la consultation des détenus et l’obligation proposée à l’amendement n°101 rectifié, que la commission repousse, car elle préfère s’en tenir aujourd’hui à une simple faculté, sans interdire aux établissements volontaires d’aller plus loin. La commission est donc défavorable à l’amendement. Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Consacrer au plan législatif la consultation des détenus sur les activités proposées constitue un premier pas important. Nous ne pouvons pas tout imposer, tout de suite. Sur le plan pratique, comment organiser une consultation collective ? Il faudrait élire des représentants des détenus ! Restons pragmatiques et attendons le retour d’expérience avant d’envisager une expression collective des détenus. Avis défavorable à l’amendement n°101 rectifié. M. Richard Yung. - Comme nous sommes conscients des difficultés de ce sujet, l’amendement n°101 rectifié prévoit, dans une rédaction prudente, qu’un décret d’application interviendra. Le Gouvernement n’a donc rien à craindre ! L’amendement n°101 rectifié n’est pas adopté. *** CONTRAT DE TRAVAIL EN DÉTENTION *** - 7. - Article 14. Rédiger comme suit cet article : La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à la signature d’un contrat de travail de droit public entre le détenu et l’administration pénitentiaire, représentée par le chef d’établissement [Avis de M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat]. Commentaires de PVT : Le contrat ne devrait-il pas concerner la personne détenue, l’administration pénitentiaire et , le cas échéant, l’employeur ? * Résultats du débat au Sénat : Après avis défavorable du rapporteur et de la Garde des Sceaux, M. Nicolas About retirera son amendement. Exit « le contrat de travail ». Le groupe communiste proposera « l’établissement d’un contrat de travail entre l’administration pénitentiaire, l’employeur et le détenu ». Cet amendement sera rejeté. - Éléments du débat – - L’amendement n°191, présenté par M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit cet article : « La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à la signature d’un contrat de travail de droit public entre le détenu et l’administration pénitentiaire, représentée par le chef d’établissement. » M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Nous proposons que l’acte d’engagement prenne la forme d’un contrat de travail, signé avec l’administration pénitentiaire et qui relèverait donc du droit administratif. Cela peut avoir pour effet pervers de rigidifier les choses et de rendre plus difficile l’accès au travail en prison mais, en même temps, on peut y voir l’intérêt de garantir le respect des droits des détenus exerçant une activité professionnelle en prison. Peut-être est-ce trop demander à la commission des lois ? Mais on ne demande beaucoup qu’à ceux qu’on aime. La commission des lois, qui a déjà prévu d’importantes avancées, ne voudra peut-être pas aller plus loin. Je ne vous en voudrai pas, monsieur le rapporteur... - L’amendement n°229, présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG propose de rédiger comme suit cet article : « La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans ou en dehors des établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un contrat de travail entre l’administration pénitentiaire, l’employeur et le détenu. Ce contrat prend en compte les conditions spécifiques inhérentes à la détention. Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il faut en effet demander beaucoup pour obtenir un tout petit peu... - L’amendement n°22 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani propose d’ajouter, avant le premier alinéa de cet article, un alinéa ainsi rédigé : « Les détenus reçoivent, dès leur incarcération et pendant l’exécution de leur peine, une information sur les droits sociaux de nature à faciliter leur réinsertion ». - L’amendement n°114, présenté par M. Alain Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, propose d’insérer, après la première phrase du premier alinéa de cet article, une phrase ainsi rédigée : « L’acte d’engagement est établi en présence de la structure d’insertion par l’activité économique qui mettra en oeuvre les modalités spécifiques et d’accompagnement du détenu. » M. Claude Jeannerot. - La structure d’insertion avec laquelle l’administration pénitentiaire aura contracté devrait être présente dès l’établissement de l’acte d’engagement. Il s’agit de permettre au détenu d’établir rapidement un contact avec la structure qui prendra en charge l’accompagnement dont il bénéficiera et de faire état de ses aspirations éventuelles. Réciproquement, cela doit permettre tant à l’administration pénitentiaire qu’à la structure d’insertion de mesurer la situation du détenu et ses capacités d’insertion sociale et professionnelle. La possibilité de créer une relation de confiance doit conduire à des actions d’insertion non seulement pendant la détention mais lors de la phase de préparation à la libération et postérieurement à celle-ci, avec l’élaboration d’un contrat de travail, le cas échéant dans le cadre de la structure d’insertion ou avec son soutien. Il faut s’orienter progressivement vers la mise en place systématique d’un contrat d’insertion dès l’arrivée du détenu sur le lieu de détention ; ce serait un gage de lisibilité et d’efficacité. - L’amendement n°21 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Les différends nés de l’application ou de l’interprétation de l’acte d’engagement mentionné dans le présent article relève de la compétence des tribunaux administratifs ». Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le travail en prison contribue certes à l’insertion des détenus mais aussi à l’enrichissement des entreprises, qui peuvent ainsi employer des salariés hors des règles du droit du travail et les rémunérer à 45 % du Smic. Nous ne souhaitons pas que les prisons se transforment en sweat shops, ces unités de production qui exploitent la misère des populations du tiers-monde... Le droit du travail doit entrer en prison. Or le projet de loi a choisi de privilégier non les droits des détenus mais la compétitivité des entreprises. D’où cet amendement, qui prévoit un contrôle de l’acte d’engagement par les juridictions administratives. - L’amendement n°23 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Il précise également les modalités selon lesquelles le détenu bénéficie du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles prévu aux articles L. 433-4 et L. 434-4 du code de la sécurité sociale ». Mme Alima Boumediene-Thiery. - Quand le détenu travaille, il peut se blesser ; dans ce cas, sera-t-il indemnisé ? Et par quelle caisse d’assurance ? Il doit bénéficier du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, du droit à la sécurité sociale. Cette exigence est d’ailleurs conforme à la règle européenne 26.14 qui dispose : « Des dispositions doivent être prises pour indemniser les détenus victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles dans des conditions non moins favorables que celles prévues par le droit interne pour les travailleurs hors de prison ». - L’amendement n°24 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « Les personnes détenues peuvent, avec l’autorisation du chef d’établissement, travailler pour leur propre compte ou pour le compte d’associations constituées en vue de leur réinsertion sociale et professionnelle ». Mme Alima Boumediene-Thiery. - Certains détenus travaillent en milieu ouvert pour leur propre compte, dans le cadre des mesures de semi-liberté, de placement à l’extérieur ou sous surveillance électronique ; dans ce dernier cas d’ailleurs, un contrat de travail de droit commun est établi. Il faut en tenir compte. - L’amendement n°63 rectifié, présenté par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé : « L’administration pénitentiaire favorise, dans la mesure du possible, l’égal accès de toutes les personnes détenues à une activité professionnelle. » Mme Alima Boumediene-Thiery. - Si on ne compte qu’un détenu sur trois qui travaille, ce n’est pas par manque de compétences ou d’aptitude mais parce que les offres ne sont pas assez nombreuses. Dans le droit commun du travail, l’accès à l’emploi est encadré ; il ne l’est pas en prison. On sait aussi que l’administration pénitentiaire l’utilise comme un outil de régulation de la détention ou le réserve aux détenus dont elle juge le comportement exemplaire. D’où notre amendement qui, je le souligne, ne crée pas d’obligation particulière. M. Jean-René Lecerf, rapporteur. - La commission des lois a souhaité l’instauration d’une obligation d’activité, celle-ci pouvant être un travail, une formation, un apprentissage ou une responsabilité sociale, culturelle ou sportive. Il est clair cependant qu’il faut privilégier le travail. On sait qu’il permet de faire baisser la tension en milieu carcéral, de rapprocher autant que faire se peut le temps de la prison du temps de la vie en dehors, de faciliter la transition au moment de la sortie. Les détenus peuvent acquérir grâce à lui un savoir-faire ou une qualification professionnelle qui leur sera utile ; ils en tirent une rémunération qui leur donne la possibilité de cantiner, d’augmenter leur pécule et de participer à l’indemnisation des victimes. Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Le travail en prison répond à une volonté de réinsertion ; il ne s’agit pas d’une sanction ni de travaux forcés. Le taux d’activité est de 51 % dans les établissements pour peines contre 38 % dans les maisons d’arrêt, ces dernières hébergeant également des détenus (sic). Malgré les problèmes rencontrés, liés notamment à la sécurité, à la surveillance, à la configuration des locaux, l’administration pénitentiaire accomplit un énorme effort pour maintenir cette activité. M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Mon coeur s’incline devant la raison : je retire mon amendement, mais nous en reparlerons... L’amendement n°191 est retiré. Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - J’ai moi aussi un coeur et une raison, mais je ne m’inclinerai pas... (Sourires) M. Nicolas About, rapporteur pour avis. - Le mieux est l’ennemi du bien ! Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Tout est difficile pour les détenus. Il est déjà difficile pour les détenus d’exercer des droits civiques, d’entretenir des liens familiaux. Renoncer à appliquer ces droits, c’est hypothéquer la réinsertion, aller à l’encontre du sens de l’histoire humaniste... Certes, beaucoup de détenus ne peuvent pas travailler, et les réticences des entreprises sont connues. Mais toute personne exerçant une activité doit bénéficier des droits afférents au contrat de travail et d’une rémunération indexée sur quelque chose de réel ! Le rapport Loridant date de 2002 ; cette nouvelle loi pénitentiaire est encore une occasion ratée. Si les entreprises peuvent exploiter les détenus, faire du télétravail, nul doute qu’elles le feront ! L’amendement n°229 n’est pas adopté. Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je ne peux accepter de retirer mes amendements, qui visaient à rassembler des dispositions éparpillées pour rendre plus lisible le droit applicable, et lui donner une valeur politique. Dans la réalité, l’administration pénitentiaire utilise le refus de l’accès au travail comme sanction déguisée, en fonction du comportement des détenus. Certes, le déclassement peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, mais le jugement n’interviendra qu’au bout de plusieurs années ! Enfin, il existe des droits sociaux spécifiques, notamment en cas d’accident du travail. L’amendement n°22 rectifié n’est pas adopté. M. Claude Jeannerot. - Nous nous rangeons aux arguments du rapporteur sur notre amendement n°114, mais, sur le fond, le texte gagnerait à ce que les articles 14 et 11 ter soient rassemblés dans une même rubrique : l’obligation de proposer au détenu une forme de contrat d’insertion, passant par l’activité et la formation professionnelle. L’amendement n°114 est retiré. *** NUMERUS CLAUSUS *** - 8. - Article additionnel après l’article 32. « Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé : Un détenu ne peut être incarcéré dans un établissement ayant un taux d’occupation supérieur de 20 % à ses capacités. » [Avis de M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat]. Commentaires de PVT : Excellente proposition ; enfin la nécessité d’un numerus clausus pénitentiaire est reconnue, même si je préférerais parler d’établissement – ou quartier - ayant une densité carcérale supérieure à 120 détenus pour 100 places (opérationnelles). Faisons une simulation. Au 1er janvier 2009, 104 établissements - ou quartiers de détention - ont une densité carcérale supérieure à 120 détenus pour 100 places. Sur les 12 669 détenus en surnombre (France entière), 11 947 se trouvent dans ces 104 établissements – ou quartiers (soit 94 % du nombre de détenus en surnombre). Imposer de ne pas dépasser une densité de 120 détenus pour 100 places reviendrait à retirer de ces établissements ou quartier 6 997 détenus (au moyen d’un aménagement de peine ?). Ainsi cette mesure ramènerait le nombre de détenus en surnombre à 12 669 - 6 997 = 5 672. * Résultats du débat au Sénat : Après avis défavorable du rapporteur et de la Garde des Sceaux, M. Nicolas About retirera son amendement (sic) que les communistes n’avaient pas l’intention de soutenir (abstention). L’amendement sera repris par les socialistes et … repoussé. A noter la position de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois : « La question de la surpopulation est essentielle, et notre ambition est bien plus grande (sic) que celle portée par cet amendement. Seule l’administration pénitentiaire pourrait approuver la disposition proposée ! ».
* Arpenter le Champ Pénal. Directeur de la publication : Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. pierre-victor.tournier@wanadoo.fr
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