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TA Versailles, 24 mars 2005 (n°0406598) - juge administratif apprécie proportionnalité de la sanction disciplinaire prononcée au regard de la faute disciplinaire reprochée

Publié le jeudi 14 janvier 2010 | http://prison.rezo.net/ta-versailles-24-mars-2005/

[…] la mise en cellule disciplinaire constitue le cinquième et dernier degré de l’échelle des sanctions […] M. B. a été condamné à la sanction de la mise en cellule disciplinaire pendant une durée de huit jours, pour des faits qualifiés de faute disciplinaire du deuxième degré ; […] le requérant […] a participé à une prière collective improvisée dans la cour de promenade de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis ; d’après le témoignage du surveillant affecté au mirador, qui a seul rendu compte de la scène, M. B. ne peut être regardé comme ayant pris l’initiative de cette action ni comme s’étant institué meneur de la prière collective à laquelle il lui est reproché d’avoir participé ; que, par ailleurs, le requérant a soutenu devant le conseil de discipline qu’il ignorait qu’ils fussent interdits ; […] la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée au regard des actes isolés auxquels il s’est borné à participer, sans avoir même conscience de commettre une infraction ; que le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit, par suite, être accueilli ; […]

Tribunal administratif de Versailles 24 mars 2005 N° 0406598 Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 25 novembre 2004, l’ordonnance en dite du 15 octobre 2004 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis la requête de M. M. B. ; Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 8 juillet 2004, et au greffe du tribunal administratif de Versailles le 25 novembre 2004, sous le numéro 0406598, la requête présentée pour M. Mustapha M. B., actuellement détenu à la maison d’arrêt de Nanterre, par Me Plouvier, avocat, avant son étude 73 boulevard de Sébastopol 75002, Paris ; M. B. demande au tribunal d’annuler la décision du directeur régional des services pénitentiaires de Paris en date du 22 juin 2004 confirmant la sanction de 8 jours de cellule disciplinaire prononcée le 27 mai 2004 par la commission de discipline de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis ; Il soutient que la faute sanctionnée par la décision attaquée a consisté à participer a une prière collective dans la cour de promenade ; que cette prière collective s’est déroulée de façon improvisée, l’administration ne satisfaisant pas aux obligations que lui impose le code de procédure pénale pour permettre aux détenus d’exercer leur liberté de religion, conformément aux exigences posées par l’article 9 de la. convention européenne des droits de l’homme ; que le regroupement de quelques détenus en vue d’une prière collective ne peut être qualifié d’attroupement, au sens des dispositions de l’article R. 249-2 2° du code de procédure pénale ; qu’il n’est pas constitutif d’un trouble au maintien de la sécurité, compte tenu de la discrétion de cette action collective dont aucun codétenu ne s’est plaint ; que la sanction est manifestement disproportionnée, eu égard à la gravité des faits reprochés ; Vu, enregistré le 28 janvier 2005. le mémoire présenté par le ministre de la justice ; Le ministre conclut au rejet de la requête Il soutient que M. B. conduisait le déroulement de la prière du 7 mai 2004 ; que de nouvelles prières collectives ont eu lieu les 19, 23 et 25 mai 2004 ; qu’au sein des établissements pénitentiaires, les pratiques religieuses collectives ne peuvent s’exercer en dehors de l’encadrement des autorités religieuses ; qu’à l’époque des faits, trois aumôniers musulmans intervenaient à Fleury-Mérogis, dont deux à la maison d’arrêt des hommes ; que la limitation apportée à la liberté de manifester sa religion poursuit, en l’occurrence, un but légitime et est nécessaire à la protection de l’ordre et des libertés, conformément au 2e paragraphe de l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme ; que la sanction n’est pas disproportionnée aux faits reprochés au requérant ; Vu, enregistré le 4 mars 2005, le mémoire présenté comme précédemment pour M. B. ; Le requérant conclut aux mêmes fins ; Il soutient en outre que la décision du directeur des services pénitentiaires est entachée d’une inexacte qualification juridique des faits et d’une erreur de droit en ce que la décision attaquée est motivée par un risque d’atteinte à la sécurité de l’établissement, alors que l’article D. 249-2 du code de procédure pénale vise les actions de nature à perturber l’ordre ; Vu la décision attaquée ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Vu la convention européenne des droits de 1’homme et des libertés fondamentales ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 mars 2005 : - le rapport de Mlle Laguette ; - les observations de Me Petit substituant Me Plouvier pour M. B. ; - et les conclusions de M. Couvert-Castéra, commissaire du gouvernement ; Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête : Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article D. 251 du code de procédure pénale, la mise en cellule disciplinaire constitue le cinquième et dernier degré de l’échelle des sanctions non spécifiques susceptibles d’être prononcées à l’encontre d’un détenu ; que M. B. a été condamné à la sanction de la mise en cellule disciplinaire pendant une durée de huit jours, pour des faits qualifiés de faute disciplinaire du deuxième degré, passibles, à ce titre, d’une sanction allant de l’avertissement à la mise en cellule disciplinaire pour une durée maximale de trente jours ; qu’il ressort des pièces du dossier que le requérant, incarcéré depuis le 9 avril 2004, a participé à une prière collective improvisée dans la cour de promenade de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis le vendredi 7 mai 2004 ; que d’après le témoignage du surveillant affecté au mirador, qui a seul rendu compte de la scène, M. B. ne peut être regardé comme ayant pris l’initiative de cette action ni comme s’étant institué meneur de la prière collective à laquelle il lui est reproché d’avoir participé ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait réitéré ces agissements, dont il a soutenu devant le conseil de discipline qu’il ignorait qu’ils fussent interdits ; que, dans ces conditions, M. B. est fondé à soutenir que la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée au regard des actes isolés auxquels il s’est borné à participer, sans avoir même conscience de commettre une infraction ; que le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit, par suite, être accueilli ; Décide : Article 1er : La décision du directeur régional des services pénitentiaires de Paris en date du 22 juin 20014 est annulée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mustapha B. et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée au directeur régional des services pénitentiaires de Paris.