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TA Melun, 11 mars 2004 (n°032652) - la prolongation de mise à l’isolement d’un prisonnier contre son gré ne peut se faire sans un avis médical préalable exprès

Publié le vendredi 8 janvier 2010 | http://prison.rezo.net/ta-melun-11-mars-2004-no032652-la/

[…] la décision de prolongation de mise à l’isolement au-delà d’un an à partir de la décision initiale ne peut être prise que par le ministre de la Justice ; celui-ci ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire n° 9840065C du 14 décembre 1998 pour affirmer que le transfèrement de M. B. à la maison d’arrêt de Fresnes a interrompu la durée de la mise à l’isolement dont il faisait l’objet depuis le 21 octobre 2001 ; que le requérant est, dès lors, fondé à soutenir que la décision en date du 16 février 2003, par laquelle le chef d’établissement de la maison d’arrêt de Fresnes a décidé son maintien à l’isolement, émane d’une autorité incompétente et est donc entachée d’illégalité ; […] l’administration, qui se borne à produire une attestation datée du 28 avril 2003, par laquelle le médecin intervenant à l’établissement affirme suivre régulièrement M. B., n’apporte pas la preuve qui lui incombe, qu’elle a, conformément aux dispositions précitées de l’alinéa 4 de l’article D. 283-1 du code de procédure pénale, recueilli l’avis du médecin avant de prolonger, par les décisions en date du 26 février et du 15 mai 2003, la mesure d’isolement de M. B. ; qu’ainsi lesdites décisions, intervenues sur une procédure irrégulière, encourent l’annulation ; […]

Tribunal administratif de Melun 11 mars 2004 N° 032652 1°) Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif de Melun sous le numéro 032652, présentée pour monsieur Jean-Claude B., par maître François Luneau, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; le requérant demande au Tribunal : - d’annuler la décision du 17 février 2003 le plaçant à l’isolement ; - d’annuler la décision du 26 février 2003 confirmant le placement à l’isolement ; - de condamner l’Etat au paiement d’une somme de 4000 euros au titre de l’article L 761-1 du Code de justice administrative ; Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2003, au greffe du Tribunal, présenté par le ministre de la justice, tendant au rejet de la requête ; Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif de Paris du 9 juillet 2003 transmettant au tribunal administratif de Melun la requête susmentionnée ; 2°) Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif de Melun sous le numéro 032654, présentée pour monsieur Jean-Claude B., détenu au quartier d’isolement de la maison d’arrêt de Fresnes sous le numéro d’écrou 906200, par maître François Luneau, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; le requérant demande au Tribunal : - d’ordonner la jonction de la requête enregistrée sous le numéro 032652 et de la requête susvisée ; - d’annuler la décision du 15 mai 2003 de prolongation de placement en quartier d’isolement prise par le directeur de l’administration pénitentiaire ; - de condamner l’Etat au paiement d’une somme de 4000 euros au titre de l’article L 761-1 du Code de justice administrative ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2003 au greffe du Tribunal, présenté par le garde des sceaux, ministre de la Justice ; le défendeur conclut à titre principal à l’incompétence du tribunal administratif de Melun et à titre subsidiaire au rejet de la requête ; Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2003 au greffe du Tribunal, présenté pour monsieur Jean-Claude B., détenu à la Maison d’arrêt de La Santé, par maître Florence Moreau, avocat au barreau de Paris, concluant aux mêmes fins que la requête ; Vu l’ordonnance du 9 juillet 2003 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Melun la requête précédemment mentionnée ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 février 2004 : - le rapport de Mme Weidenfeld, premier conseiller ; - les observations de maître Moreau, pour le requérant ; et les conclusions de M. Dewailly, commissaire du gouvernement ; Après en avoir délibéré ; Sur la jonction : Considérant que les requêtes enregistrées sous les numéros 032652 et 032654 présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’une seule décision ; Sur la compétence du tribunal : Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 351-3 du code de justice administrative : « Lorsqu’une cour administrative d’appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu’il estime relever de la compétence d’une juridiction administrative autre que le Conseil d’Etat, son président, ou le magistrat qu’il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu’il estime compétente » ; qu’en vertu du deuxième alinéa de l’article R. 351-6 du même code : « Lorsque le président de la cour administrative d’appel ou du tribunal administratif, auquel un dossier a été transmis en application du premier alinéa de l’article R. 351-3, estime que cette juridiction n’est pas compétente, il transmet le dossier, dans le délai de trois mois suivant la réception de celui-ci, au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l’affaire à la juridiction qu’il déclare compétente » ; qu’enfin, l’article R. 351-9 dudit code dispose : « Lorsqu’une juridiction à laquelle une affaire a été transmise en application du premier alinéa de l’article R. 351-3 n’a pas eu recours aux dispositions du deuxième alinéa de l’article R. 351-6 ou lorsqu’elle a été déclarée compétente par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, sa compétence ne peut plus être remise en cause ni par elle-même, ni par les parties, ni d’office par le juge d’appel ou de cassation, sauf à soulever l’incompétence de la juridiction administrative » ; Considérant qu’il résulte desdites dispositions que le ministre de la Justice, garde des Sceaux, qui n’a pas soulevé l’incompétence de la juridiction administrative comme le permettent seulement les dispositions de l’article R. 351-9 du code de justice administrative précité, ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de l’incompétence territoriale du tribunal administratif de Melun, auquel les requêtes susvisées ont été transmises par ordonnances en date du 9 juillet 2003 du président du tribunal administratif de Paris ; Sur les conclusions à fin d’annulation : Considérant que l’article D. 283-1 du code de procédure pénale dispose : « Tout détenu se trouvant dans un établissement ou un quartier en commun peut soit sur sa demande, soit par mesure de précaution ou de sécurité, être placé à l’isolement. /La mise à l’isolement est ordonnée par le chef de l’établissement qui rend compte à bref délai au directeur régional et au juge de l’application des peines. [...] La durée de l’isolement ne peut être prolongée au-delà de trois mois sans qu’un nouveau rapport ait été fait devant la commission de l’application des peines et sans une décision du directeur régional, prononcée après avis du médecin. La mesure d’isolement ne peut être prolongée au-delà d’un an à partir de la décision initiale que par décision du ministre de la Justice, prise sur rapport motivé du directeur régional qui recueille préalablement les avis de la commission de l’application des peines et du médecin intervenant à l’établissement [...] » ; En ce qui concerne la légalité de la décision du 17 février 2003 : Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête : Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article D. 283-1 du code de procédure pénale que la décision de prolongation de mise à l’isolement au-delà d’un an à partir de la décision initiale ne peut être prise que par le ministre de la Justice ; que celui-ci ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire n° 9840065C du 14 décembre 1998 pour affirmer que le transfèrement de M. B. à la maison d’arrêt de Fresnes a interrompu la durée de la mise à l’isolement dont il faisait l’objet depuis le 21 octobre 2001 ; que le requérant est, dès lors, fondé à soutenir que la décision en date du 16 février 2003, par laquelle le chef d’établissement de la maison d’arrêt de Fresnes a décidé son maintien à l’isolement, émane d’une autorité incompétente et est donc entachée d’illégalité ; En ce qui concerne la légalité des décisions du 26 février 2003 et 15 mai 2003 : Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête : Considérant que l’administration, qui se borne à produire une attestation datée du 28 avril 2003, par laquelle le médecin intervenant à l’établissement affirme suivre régulièrement M. B., n’apporte pas la preuve qui lui incombe, qu’elle a, conformément aux dispositions précitées de l’alinéa 4 de l’article D. 283-1 du code de procédure pénale, recueilli l’avis du médecin avant de prolonger, par les décisions en date du 26 février et du 15 mai 2003, la mesure d’isolement de M. B. ; qu’ainsi lesdites décisions, intervenues sur une procédure irrégulière, encourent l’annulation ; Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 CJA Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à verser à M. B. une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; Décide : Art. 1er : Les décisions des 17, 26 février 2003 et 15 mai 2003 prolongeant la mise à l’isolement de M. B. sont annulées. Art. 2 : L’Etat versera à M. B. la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Art. 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Art. 4 : La présente décision sera notifiée à M. B. et au garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Demandeur : B.Composition de la juridiction : M. Brotons, prés. - Mme Weidenfeld, rapp. - M. Dewailly, c. du g. - Mes Moreau, Luneau, av.