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CEDH, 29 octobre 2009, Paradysz c/ France (n°17020/05)
Violation de l’article 5§3 : durée excessive de la détention provisoire due à l’absence de diligence des autorités judiciaires
P... c. France
29 octobre 2009
- req. n/ 17020/05 -
- violation de l’article 5 § 3 en raison de la durée de la détention provisoire (droit à la liberté et à la sûreté), non violation de l’article 3 de la Convention (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) -
 
Faits :
Le requérant est actuellement détenu à la maison d’arrêt de Metz. En février 2002, il fut placé en détention provisoire et mis en examen pour viol commis en récidive légale sous la menace d’une arme. Il fut maintenu en détention jusqu’à sa condamnation par la cour d’assises, le 1erjuin 2006. Durant ces quatre années de détention provisoire, il sollicita à plusieurs reprises sa remise en liberté. Celle-ci lui fut toujours refusée, les juridictions saisies estimant notamment que les risques de récidive étaient trop importants.
 
Griefs :
Devant la Cour européenne, le requérant invoquait plusieurs articles de la Convention. Sur le fondement de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), il se plaignait des conditions dans lesquelles il avait, à trois reprises, été transféré de la prison à l’hôpital (avec des menottes et des entraves aux pieds, et non en fauteuil roulant comme il aurait dû l’être, selon lui). Sur le fondement de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté), il soutenait que la durée de sa détention provisoire avait été excessive.
 
Décision :
Concernant l’article 5 § 3 de la Convention
La Cour précise dans un premier temps que pour déterminer la durée de la détention provisoire il convient de prendre en compte, comme point de départ, le jour de l’arrestation et comme terme à la détention, le jour de la condamnation. “En l’espèce, le requérant a été condamné le 1er juin 2006 par la cour d’assises ; à compter de ce moment, il était détenu « après condamnation par un tribunal compétent » et non en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente” (§ 61). La détention a donc duré, selon la Cour, quatre années, trois mois et dix-huit jours.
Les juges européens recherchent dans les motivations des décisions nationales si le maintien en détention était justifié. Ils précisent que si “la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction (...) est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, (...) au bout d’un certain temps elle ne suffit plus” et il convient alors d’établir “si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté”. Lorsque les motifs sont “« pertinents » et « suffisants », [la Cour] cherche (...) si les autorités nationales ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure” (§ 66).
 
En l’espèce, la Cour note que la durée de la détention a été très longue et qu’elle a même été prolongée au delà de ce que prévoyait l’article 145-2 du code de procédure pénale. Elle examine alors les motifs des décisions de maintien en détention et constate que ceux-ci s’appuyaient notamment sur les risques de pression du requérant à l’égard de la victime ou des témoins et “sur l’insuffisance d’un contrôle judiciaire compte tenu en particulier du risque de réitération des faits”. Or, elle considère que ces motifs étaient « pertinents » et « suffisants » pour justifier le maintien en détention du requérant. Concernant le risque de récidive que présentait le requérant, la Cour précise que “L’état de récidive légale dans lequel le requérant se trouvait, sa précédente condamnation en 1994 à treize ans d’emprisonnement pour des faits similaires, les conclusions du rapport d’expertise, les éléments de l’information qui révélaient en outre sa violence ont pu, de l’avis de la Cour, suffire à caractériser une dangerosité de l’intéressé rendant le danger plausible et la mesure adéquate.” (§ 71).
 
La Cour vérifie ensuite si les autorités judiciaires ont fait preuve de diligence dans la poursuite de la procédure. Elle constate à cet égard des retards pour le dépôt du rapport de l’expert psychiatre ainsi que des périodes d’inactivités imputables aux autorités judiciaires, telle que la période entre l’ordonnance de renvoi de la chambre de l’instruction et la date de l’audiencement de l’affaire devant la cour d’assises. “Ainsi, et même si le requérant a fait preuve d’un comportement par certains moments obstructif, multipliant les voies de recours, les autorités judiciaires n’ont pas agi avec toute la promptitude nécessaire, puisque, sur la période totale de détention provisoire subie par le requérant (quatre années, trois mois et dix huit jours), une période de latence de 24 mois leur est imputable. Or, la Cour a déjà jugé que, même en présence de « motifs pertinents et suffisants » continuant à légitimer la privation de liberté, l’absence de « diligence particulière » apportée par les autorités nationales à la poursuite de la procédure peut entraîner une violation de l’article 5 § 3 de la Convention (voir, Garriguenc c. France, n/ 21148/02, § 49, 10 juillet 2008)” (§ 74).
 
Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 3 de la Convention.
 
[…] non violation de l’article 3 ConvEDH
 
La Cour alloue au requérant, au titre de l’article 41 de la Convention (satisfaction équitable), 4 000 euros pour dommage moral.
 
 
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• CEDH-Paradysz-17020-05, (PDF - 357.6 ko)