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Des animaux pour compagnons de cellule (article de François Koch, l’Express)

Des animaux pour compagnons de cellule
Par François Koch

A Strabourg, les détenus peuvent s’occuper d’animaux. Efficace pour adoucir l’enfermement et préparer la réinsertion.
 

Surréaliste... Derrière les murs de la maison d’arrêt de Strasbourg, ses grilles et ses barreaux, trône, depuis moins d’un an, une animalerie : des lapins, des cochons d’Inde, des colombes, un hamster russe, un furet et un chinchilla. Une heure par jour, des détenus sortent ces occupants de leur cellule afin de les nourrir, de nettoyer leur cage et de leur offrir l’occasion de se dégourdir les pattes... ou les ailes. 

"C’est un grand moment d’évasion, je me sens comme chez moi" confie Didier, tout en caressant son minuscule hamster russe. "Lorsque j’ouvre la cage à ma colombe Era, je retrouve la liberté par procuration", ajoute un autre détenu. Il suffit que Nicolas prenne son furet, Lola, dans les mains pour se sentir apaisé. Comme Anton avec Benji, son chinchilla, qui lui permet de ne pas penser à l’enfermement. 

L’animal améliore les relations entre détenus

Quelque chose a changé dans cette maison d’arrêt, malgré ses 685 détenus pour 444 places. Depuis 2009, l’administration pénitentiaire y mène une expérience, unique en France, de médiation animale. L’initiative en revient à la psychologue Patricia Arnoux, 36 ans, passionnée par la relation entre l’homme et l’animal. Après avoir exercé ses talents à l’hôpital, auprès d’enfants autistes, elle découvre, au cours d’une formation au Québec, en 2006, "que la zoothérapie y est utilisée au profit de personnes âgées et de détenus". De retour à Strasbourg, la jeune femme en parle à un cadre de la prison, qui lui répond : "Inimaginable chez nous !" Un an plus tard, il la rappelle : "J’ai changé d’avis." Entre-temps, une vague de suicides de détenus a frappé les prisons de Metz et de Strasbourg. 

"Le bilan est très positif, se réjouit aujourd’hui Bénédicte Brunelle, directrice de la maison d’arrêt. L’animal améliore les relations entre détenus et sert d’incitation au travail, base de la future réinsertion." Patricia Arnoux ajoute : "Parce que nous leur donnons des responsabilités, les détenus reprennent confiance en eux." Trois mineurs ont même obtenu le droit de conserver un animal en permanence dans leur cellule. Ils souhaitaient une mygale, une tarentule ou un reptile. L’administration leur a proposé une souris, une gerbille, famille des rongeurs, ou un cochon d’Inde. Ils ont choisi ce dernier. Le contrat est exigeant : en contrepartie de ce privilège, les trois détenus doivent travailler dix jours par mois au nettoyage des parties communes de la prison. Ils reçoivent une paye mensuelle de 50 euros, dont ils doivent reverser la moitié pour l’entretien de leur animal. 

Une expérience encore limitée

Cette cohabitation catalyse les discussions. "Lorsque nous échangeons sur la fidélité chez les colombes ou sur le goût de la provocation et de l’interdit chez le furet, explique Patricia Arnoux - toujours accompagnée de son golden retriever de 9 mois - je sens que chacun se projette à travers l’animal." 

L’expérience, concluante, demeure limitée. Une quinzaine de détenus ont la responsabilité d’une petite bête et une soixantaine d’autres participent à des séances avec les pensionnaires de l’animalerie ou avec des chiens et des chats apportés de l’extérieur. "Je totalise 15 heures de présence par semaine en prison, alors qu’il en faudrait 30, confie Patricia Arnoux. L’association qui nous payait n’en a plus les moyens." Le ministère de la Justice ne finance pas ce type d’activité. Dans les mois à venir, Patricia Arnoux espère bénéficier de subventions publiques et privées. L’administration pénitentiaire juge l’expérience intéressante. Mais attend 2011 pour délivrer son autorisation à d’autres établissements.