République irréprochable…S’il y a bien un endroit où elle est défaillante, notre République, c’est bien en prison. Le lieu qui n’existe que par la loi et l’application de la loi par le juge est la plus grande zone de non-droit et d’inapplication des lois.
Rien de nouveau… Si, tout de même, car cette fois-ci ce ne sont pas les groupes défenseurs des droits des prisonniers qui montent au créneau, mais la très officielle Cour des Comptes dans un rapport de 227 pages. Comme lecture dans un hamac et sous un cocotier, on trouve plus distrayant, mais gardez bien de côté ce document. C’est une étude exhaustive et très précise, vous en apprendra beaucoup sur le monde pénitentiaire, et, à l’occasion, vous servira à coller un faux nez de menteur à ceux qui racontent sur les prisons et la vie des détenus.
Je reprends ici un point, celui concerne la prise en charge des patients-psy. Histoire de voir comment ça, marche et comment sont appliquées les lois qui instaurent des programmes de soins. Une question humaine et sociale hautement sensible.
La dernière étude épidémiologique de l’Institut National pour la Santé et le Recherche Médicale (INSERM) date… de 2006. Cette étude montrait que l’état de santé psychiatrique des détenus à leur entrée en prison était très préoccupant : 35% des détenus étaient considérés à l’époque comme manifestement ou gravement malades. A ce constat préoccupant sur l’état de santé des détenus au moment de leur incarcération, s’ajoute par ailleurs la dégradation que l’incarcération elle-même génère sur les détenus les plus vulnérables : isolement affectif, promiscuité, inactivité… Des chiffres de 2006 pour piloter en 2010. Comme le dit la Cour, « on peut regretter à ce titre que l’actualisation de ces données ne soit pas envisagée ». Oui, ça serait bien d’envisager une étude sur cette population dont la santé est objectivement fragile... Ca pourrait éventuellement éclairer le législateur, et éviter de dire trop de bêtises sur la qualité des soins psy en taule.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté l’avait dit, et la Cour des comptes le confirme : le système de prise en charge est obsolète. Le premier moyen pour consulter un psy est de prendre rendez-vous auprès du psychiatre qui assure des consultations dans le service, mais c’est plus qu’aléatoire. Ca marche un peu mieux quand existe un service de psy au sein de la prison (Les SMPR), mais comme le dit le rapport « le système des SMPR est, à l’image de la psychiatrie publique, soumis à forte tension ».
Le rapport poursuit : « Il en résulte un phénomène de file d’attente avant l’admission dans ces services, dont les cadres de santé des établissements se sont souvent fait l’écho ». Aussi, pour la Cour, la question est moins d’être soigné que d’avoir accès aux soins : « Les statistiques relayées par les derniers rapports parlementaires en la matière, et qui sont malheureusement elles aussi datées, montrent en tout état de cause que la probabilité pour un détenu de recourir aux soins de santé mentale varie fortement selon l’établissement d’incarcération. Ainsi, le recours aux soins de santé mentale est trois fois supérieur dans les établissements pénitentiaires dotés d’un SMPR ».
Face à cette demande croissante de soins, la loi d’orientation et de programmation pour la justice, en 2002, avait prévu de recentrer l’activité des SMPR sur la prise en charge psychiatrique en ambulatoire et de créer des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), afin de prendre en charge l’hospitalisation de l’ensemble des détenus atteints de troubles psychiques, entendus des hospitalisations avec ou sans leur consentement. Excellent projet,… mais piètre réalisation : la loi avait prévu la création de 705 lits d’hospitalisation, répartis dans 17 UHSA. Alors, chères amies et chers amis, quelle réalisation 8 ans plus tard, quand on nous bassine sur l’obligation faite aux détenus psy de se soigner ? Et que s’ils ne soignent pas assez bien, on les gardera après la fin de leur peine ? Lisons le rapport de la Cour : « L’application de ces dispositions a été excessivement lente ; la première de ces structures n’étant entrée en service qu’en mai 2010 (60 places à Lyon) ».
705 places votées en 202 ; 60 réalisées en 2010. Sans commentaires. Ah, si : j’attends avec impatience la prochaine loi nous annonçant la création de 645 places dans des services d’hospitalisation, spécialisés et tout et tout.