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Nouvelle alerte sur la situation de Chloé Vilain, transsexuelle incarcérée

Publié le mardi 28 février 2012 | http://prison.rezo.net/nouvelle-alerte-sur-la-situation/

Ban Public a maintes fois alerté l’opinion publique sur la situation que vivait Chloé Vilain, transsexuelle incarcérée (http://prison.eu.org/article12179.html) au centre de détention de Caen.

Plusieurs associations ont été sensibles à la situation de Chloé et se sont jointes aux actions engagées.

A tel point que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a émis un avis [1] sur la situation des transsexuelles incarcérées qui subissent ces peines complémentaires que sont les humiliations, la négation de leur identité féminine, la surdité du corps médical.

Il s’agit bien de peines et souffrances insupportables dans le cas de Chloé.

Appelée « la chose  » ou encore « le monstre  » par certains surveillants de cet établissement, elle est régulièrement victime de toutes les vexations, et comportements contraire à la déontologie que le législateur a pris soin d’édicter.

Si dans un premier temps, son transsexualisme était bestialement rejeté par les personnes incarcérées à ses côtés (elle aurait été violée 3 fois en détention), aujourd’hui tous les hommes de la prison l’ont acceptée et la respectent. A tel point qu’elle est responsable de son équipe au sein des ateliers de l’établissement pénitentiaire.

Mais le corps de surveillance n’est pas aussi « réceptif » : des insultes, des noms d’oiseau sont quotidiens, auxquels il faut ajouter les vexations (refus d’achat de type soutiens gorges, maquillage, teinture etc.) qui couvrent les bons de cantine…ou même les courriers de l’un de ses avocats (à titre d’exemples : sur un bon de cantine, à l’achat d’une chemise de nuit, il a été rajouté la remarque « avec des pompons roses ? », blagues de potaches inadmissibles pour du personnel pénitentiaire en charge d’assurer la réinsertion des personnes condamnées) ; rature sur l’enveloppe de son avocat qui avait indiqué « Mademoiselle Chloé  » (Mademoiselle fut barrée etc).

Dernière attitude de l’administration de cet établissement : une volonté manifeste de la transférer vers une autre prison alors que c’est le seul établissement où elle a pu rester plusieurs années consécutives, se faire accepter et trouver un conjoint.

Chloé ne pose aucun problème en détention. Elle ne porte aucun vêtement féminin (proscrits dans cet univers masculin...alors qu’elle dispose d’un certificat médical pour en porter, et que ces vêtements ont beau lui être interdits, ils sont portés par le personnel féminin pénitentiaire !), ne porte aucun accessoire « outrancier » ou pouvant « aguicher » les hommes de l’établissement.

Elle vit sa vie, de recluse criminelle, à l’ombre de tout incident.

Elle veut vivre, accomplir sa peine, en tant que femme mais elle en est empêchée.

Empêchée d’une part par le corps médical en charge de l’examen de sa demande de changement de sexe (ses premières automutilations remontent à plus de 7 ans et aucune opération définitive n’est intervenue !), mais aussi par une administration où la virilité, la bêtise, et la bestialité de l’humanité semblent être les maitres mots.

« C’est inhumain de la laisser dans une telle situation de souffrance » rapportait un surveillant de cet établissement à Ban Public.

S’automutilant régulièrement tant qu’on ne lui aura pas enlever totalement ce qu’elle appelle elle-même « ce truc  », le corps médical en charge d’examiner sa demande vient de la rejeter après plus de 28 mois d’attente- contre 24 mois prévus par les textes. « Dites-moi où est l’entrée du cirque que je puisse m’y exhiber ! » écrit Chloé à un des médecins la suivant.
Contacté par nos soins, plusieurs transsexuelles nous ont indiqué que cette brillante équipe serait composée « d’anti-trans primaires qui n’hésitent pas à écrire que « ce sont des êtres qui une fois terminées ne ressemblent à rien. » » Après 6 années d’hormonothérapie, elle est donc prétendante à l’opération, mais au sein de cette équipe « on peut laisser jusqu’à dix ans des trans sous Androcur et hormonothérapie, s’ils ne crèvent pas avant avec un foie en béton, ce sont de bons candidats à l’opération  ».

Pacsé avec un homme du même établissement, celui-ci devient désormais l’objectif pour faire craquer Chloé.
« Monsieur, le problème pour votre réinsertion, c’est Chloé  », a-t-il pu entendre. « Vous serez plus heureux quand elle sera partie. Il faut qu’elle soit transférée. »
Alors que l’exécution de la peine doit assurer le maintien des liens familiaux et qu’implicitement le Tribunal administratif de Paris a admis que deux détenus, pacsés et exécutant leur peine dans la même cellule ont droit à une vie de famille normale, au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’autorité judiciaire de Caen n’est pas non plus empreinte de toute critique [2].

L’administration n’en veut plus : l’opération ayant été refusée, elle reste un homme en vertu de son sexe, et en dépit de son changement d’identité civile. Son genre n’est donc jamais pris en considération. C’est un paquet encombrant qu’il convient de ne plus croiser dans les couloirs de cette prison, que le transsexualisme et l’homosexualité dérangent (http://prison.eu.org/spip.php?article13625).

Chloé doit-elle davantage subir la peine prononcée par les juridictions de jugement ?
Elle qui a été violée, agressée, rackettée, manipulée, maltraitée, insultée, mourante par deux fois, s’est faite une vasectomie elle-même, s’est découpée ses testicules pour que le traitement hormonaux agisse mieux, qui a perdu la moitié de la vue, s’est vue entendre dire qu’elle était la transsexuelle qui avait le plus souffert pour arriver au protocole médicale.

En dépit de cela, et contrevenant aux expertises de deux psychiatres, l’opération définitive lui a été refusée.

Dès lors, si les vexations et insultes quotidiennes paraissent sans conséquences face à la douleur physique ressentie, à ce jour, elles ne peuvent qu’accabler davantage Chloé.

Ban Public réaffirme son indignation quant aux comportements allégués et à l’inhumanité dont font manifestement preuve le corps médical en charge de l’examen de la demande de Chloé, ainsi que le personnel de surveillance du Centre Pénitentiaire de Caen, non exempt de précédents (http://prison.eu.org/spip.php?article13625).

Ban Public demande que les autorités saisies agissent au plus vite afin que toute la lumière soit faite dans ces affaires et que Chloé puisse exécuter sa peine dans des conditions sereines.

Ban Public exige que l’administration pénitentiaire prenne ses responsabilités quant au comportement du personnel de Caen.

Ban Public affirme
que le transfert de Chloé ou de son partenaire aura des conséquences dramatiques pour l’un comme pour l’autre.

Ban Public rappelle que «  le droit ne s’arrête pas aux portes des prisons.  » (Cour EDH, Ch. 28 juin 1984, Campbell et Fell c. Royaume-Uni, Req. n° 7819/77 § 67-73)

Ban Public rappelle également que :
1. Les propos, insultes, menaces et discriminations en raison de l’orientation sexuelle sont punis par la loi pénale.
2. Le code de procédure pénale impose aux personnels pénitentiaires d’agir avec respect à l’égard des personnes incarcérées.

Les articles D219 et D220 du Code de procédure pénale disposent :
Les membres du personnel doivent, en toute circonstance, se conduire et accomplir leur tâche de telle manière que leur exemple ait une bonne influence sur les détenus et suscite leur respect.
Ils doivent s’abstenir de tout acte, de tout propos ou de tout écrit qui serait de nature à porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements et doivent remplir leurs fonctions dans des conditions telles que celles-ci ne puissent préjudicier à la bonne marche des procédures judiciaires
.[…] (D219 CPP, al.1 et 2)
Indépendamment des défenses résultant de la loi pénale, il est interdit aux agents des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire et aux personnes ayant accès aux établissements pénitentiaires :
- de se livrer à des actes de violence sur les détenus ;
- d’user, à leur égard, soit de dénominations injurieuses, soit de tutoiement, soit de langage grossier ou familier
[…] (D220, al.1 et 2)

La loi du 24 novembre 2009 dite loi pénitentiaire a créé un code de déontologie à l’égard du personnel pénitentiaire dont les articles suivants sont issus :
• Article 3
L’administration pénitentiaire s’acquitte de ses missions dans le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et des lois et règlements.
Les valeurs de l’administration pénitentiaire et de ses membres résident dans la juste et loyale exécution des décisions de justice et du mandat judiciaire confié et dans le respect des personnes et de la règle de droit
.

• Article 6 
Tout manquement aux devoirs définis par le présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire ou au retrait, dans les conditions fixées par le code de procédure pénale, du titre en vertu duquel il intervient au sein des services de l’administration pénitentiaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale.

• Article 13 
Le personnel qui serait témoin d’agissements prohibés par le présent code doit s’efforcer de les faire cesser et les porter à la connaissance de sa hiérarchie. Si ces agissements sont juillet constitutifs d’infractions pénales, il les porte également à la connaissance du procureur de la République.

• Article 15 
Le personnel de l’administration pénitentiaire a le respect absolu des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire et de leurs droits. Il s’interdit à leur égard toute forme de violence ou d’intimidation. Il ne manifeste aucune discrimination. Il ne doit user ni de dénomination injurieuse, ni de tutoiement, ni de langage grossier ou familier. Il manifeste le même comportement à l’égard de leurs proches.

Ban Public rappelle la position de Thomas Hammaberg, Commissaire aux Droits de l’Homme dans son document « droit de l’Homme et identité de Genre » du 29 juillet 2009 et ses recommandations aux Etats membres, dont la France, pays des droits de l’Homme, n’a guère fait application

Ban Public alerte toutes les autorités compétentes, tous les journalistes, et tous les citoyens pour que cette situation soit dénoncée.

Contact Presse :
redaction@banpublic.org

[1] On peut regretter toutefois que le législateur n’est pas rendu les avis du contrôleur contraignants

[2] Si elle est parfois prompte à poursuivre devant les tribunaux le comportement de certains détenus, il est à noter que depuis un an, Ban Public a été avisé d’une part de poursuites sur une infraction imaginaire (entrainant la nullité des poursuites contre le détenu et mettant à néant son projet de transfèrement), ou d’un classement sans suite pour les insultes subies par deux détenus de l’établissement.
Pourtant, la Constitution ne lui indique-t-elle pas qu’elle est gardienne de la liberté individuelle ?
 Ajoutons à cela, une application des peines qui rejette tous les aménagements de fin de peine (alors qu’il est démontré que c’est la meilleure solution pour lutter contre la récidive et assurer les intérêts de la société et des condamnés), qui refuse une demande de permission de sortie alors qu’un certificat médical est produit, mais aussi un tribunal administratif qui est sourd aux demandes des prisonniers (froid glacial dans les cellules disciplinaire et refus du tribunal administratif pour faire constater ces conditions, absence de notifications de décisions de sanction empêchant tout recours devant les tribunaux, détenus faisant office de gardes malades etc.)