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CEDH, 3 avril 2001, Keenan c/ Royaume-Uni (n°27229/95)
L’existence de sérieuses lacunes dans les soins médicaux prodigués à une personne souffrant de troubles mentaux peut constituer une violation de l’article 3 de la Convention

Publié le jeudi 5 décembre 2002 | http://prison.rezo.net/l-existence-de-serieuses-lacunes/

 Les faits :

La requérante est la mère de Mark Keenan, qui s’est suicidé par pendaison à la prison d’Exeter (Angleterre) à vingt-huit ans.

Depuis l’âge de vingt et un ans, il suivait par intermittence un traitement pour psychose, il avait manifesté des symptômes de paranoïa, d’agressivité, de violence et une tendance à se faire délibérément du mal.

Le 1er avril 1993, il fut admis à la prison d’Exeter, d’abord à l’hôpital carcéral, afin d’y purger une peine d’emprisonnement de quatre mois pour voies de fait sur son amie.

On tenta à plusieurs reprises de le transférer dans une cellule normale, mais en vain car son état se dégradait à chaque transfert.

Le 1er mai 1993, alors que l’on discutait avec lui de son transfert dans l’aile principale de la prison, il agressa deux agents hospitaliers, dont l’un fut grièvement blessé. Il fut placé le même jour en isolement dans le quartier disciplinaire.

Le 14 mai, il fut reconnu coupable de coups et blessures et sa peine d’emprisonnement globale fut augmentée de vingt-huit jours, dont sept jours supplémentaires en isolement dans le quartier disciplinaire.

Le 15 mai 1993, il fut retrouvé pendu dans sa cellule.

La requérante allègue que son fils s’est suicidé en prison faute pour les autorités pénitentiaires d’avoir protégé sa vie et qu’il a subi des traitements inhumains et dégradants en raison de ses conditions de détention, soit une violation des articles 2 et 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

 Le raisonnement de la Cour :

 Concernant la violation alléguée de l’article 2 (droit à la vie) :

"Pour dire s’il y a eu violation de l’article 2, la Cour recherche si les autorités savaient ou auraient dû savoir qu’il existait un risque réel et immédiat que Mark Keenan se suicidât et si elles ont fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles compte tenu de la nature du risque."

Si la Cour retient que le défunt souffrait sans conteste de troubles mentaux nécessitant un suivi de près, elle ajoute que rien n’indiquait un risque de suicide immédiat.

Expliquant que l’intéressé était examiné tous les deux jours par un médecin et que celui-ci n’a pas jugé incompatible son état de santé avec la mise à l’isolement, la Cour en conclut que les autorités n’avaient aucun moyen de prévoir le passage à l’acte.

Par conséquent, la Cour conclut à une absence de violation de l’article 2.

 Concernant la violation alléguée de l’article 3 (interdiction de traitements inhumains et dégradants) :

La Cour, constate tout d’abord que du 5 au 15 mai 1993, soit pendant 10 jours, aucune note n’a été portée au dossier médical du requérant, alors pourtant qu’il nécessitait une haute surveillance.

Elle estime que « l’absence de suivi effectif de son état et le fait que l’on n’ait pas recouru à l’avis d’un psychiatre pour apprécier son état et le traitement à prescrire révèlent de sérieuses lacunes dans les soins médicaux prodigués à une personne souffrant de troubles mentaux et que l’on savait suicidaire. »

La Cour en a donc déduit qu’il y avait eu une violation de l’article 3 en ce sens.

 
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• CEDH, 3 avril 2001, Keenan c. Royaume-Uni, (PDF - 296.8 ko)
• communiqué-presse-Keenan, (PDF - 385.7 ko)