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Ouverture d’une enquête après la mort suspecte de prisonniers turcs

Un nouveau scandale éclabousse les prisons françaises. Régulièrement pointées du doigt pour la précarité de leurs établissements, elles sont aujourd’hui accusées par des familles turques de dissimuler la mort de prisonniers sous le motif officiel de suicide. Les services consulaires turcs ont été avertis et une enquête a été ouverte.
 
L’inquiétude règne chez les familles franco-turques. Depuis 1994, les cas de prisonniers turcs décédés mystérieusement se multiplient dans les prisons françaises (voir encadré). Alors qu’une bataille juridique a été lancée par plusieurs familles, les agents diplomatiques turcs ont annoncé pour leur part qu’une enquête a été ouverte dans divers établissements carcéraux à la suite des contestations émises par ces familles sur les causes déclarées de ces morts, à savoir par suicide. Les parties civiles accusent notamment les prisons françaises de négligence.
 


 
Anomalies dans les dossiers
 
Durant ces 3 dernières années, 296 personnes condamnées sont mortes en France de manière douteuse. Les familles reprochent aux autorités françaises de ne pas avoir été informées directement ou de l’avoir été par téléphone. Dans d’autres affaires, ce sont les rapports d’autopsie nécessaires aux procès qui n’ont pas été envoyés aux familles qui attendent jusqu’à trois semaines avant de pouvoir récupérer les corps de leurs défunts. Parfois, c’est par l’intermédiaire des autres détenus que les familles ont appris la mort de leur proche. La famille d’Erdogan Hanbas décédé le 22 novembre 2012 alors qu’il ne lui restait que 9 mois de prison après 6 années d’incarcération se prépare ainsi à une bataille judiciaire avec les autorités carcérales de Toulouse. Son grand frère a précisé que peu de temps avant sa mort, une altercation avait eu lieu avec un gardien qui lui avait coûté la perte d’une dent. Autre cas similaire : Yalçin Demir (21 ans) retrouvé pendu 3 jours avant sa libération après 3 années d’incarcération. La famille affirme ne pas croire au suicide car le plafond était beaucoup trop haut pour qu’il puisse mettre fin à ses jours. Les décès de Samet Baki et Kubilay C. (21 ans) ont également été annoncés quelques semaines avant leur libération. Des procédures juridiques vont être lancées également à propos des morts suspectes d’Abdullah Ceylan et Erhan Celik. Ce dernier avait fait une dépression en prison, il avait été retrouvé mort dans une cellule de discipline alors que les psychologues contre-indiquaient son isolement. Son décès à 18 ans, 2 mois avant sa libération, avait suscité une vive émotion. La famille d’Erhan Celik avait obtenu gain de cause et reçu un dédommagement de 20.000 euros.
 
 

 
« Notre enfant avait des projets d’avenir »
 
Mehmet Ceylan, le père d’Abdullah Ceylan, a décidé quant à lui de mener le combat judiciaire au nom de son fils décédé le 30 août 2000 à la Cour européenne des droits de l’Homme. « On nous a dit qu’il s’était suicidé à l’aide d’un câble de télévision. Nous ne sommes pas convaincus de cela car il avait des marques d’altération sur la tête. Notre enfant avait des projets d’avenir », confie-t-il à Zaman France. Ses proches avaient été dédommagés par la justice française de la même manière que la famille d’Erhan Celik mais ils ont décidé de poursuivre le procès afin que les responsables soient réellement sanctionnés. En 2003, le ministère de la Justice avait mis en place une série de réformes pour lutter contre les suicides en prison. Le consul général de Strasbourg a annoncé qu’il allait s’entretenir avec les directions des différentes prisons ainsi qu’avec les condamnés turcs.
 
 
 
13 morts suspectes déjà en 2013
 
D’après le rapport de l’Observatoire international des prisons, les conditions de détention en France sont les plus exécrables d’Europe. Des morts mystérieuses et des suicides sont signalés tous les trois jours. Ban Public, l’association qui soutient les familles dans les procédures judiciaires des condamnés suicidés, a précisé que depuis 2010, 309 prisonniers sont morts ou se sont suicidés suite aux négligences constatées dans les prisons. 13 autres condamnés seraient déjà morts de manière suspecte en 2013. 
 
 
 

Une série de morts suspectes

 

YALÇIN DEMIR (21 ANS)

Condamné à 3 mois de prison en 1994, se suicide 3 jours avant sa libération.

Prison : Strasbourg/Elsau.

 

ABDULLAH CEYLAN (24 ans)

Condamné à 18 mois de prison, se suicide le 30 août 2000, 4 mois avant sa libération.

Prison : Saint-Mihiel.

 

BAYSAL GÖKOGLAN (40 ans)

Marié, père de 3 enfants

Condamné à 18 mois de prison, se suicide le 17 septembre 2002, 3 mois avant sa libération.

Prison : Epinal.

 

ERHAN ÇELIK (19 ans)

A 18 ans, il a été interpellé puis emprisonné pour 4 mois. Par la suite, cette durée d’incarcération a été prolongée à 2 reprises de 4 mois supplémentaires. Suicide le 3 avril 2004.

Prison : Epinal.

 

FATIH TURAN (26 ans)

Condamné à 5 années d’emprisonnement, se suicide 2 années avant sa libération en 2006.

Prison : Ecouvre.

 

KUBILAY C. (21 ans)

En 2010, se suicide peu de temps avant sa libération.

 

SAMET BAKI (21 ans)

Condamné à 18 mois d’incarcération. Le 25 juin 2011, se suicide 2 mois et demi avant sa libération.

Prison : Ecouvre.

 

ERDOGAN HANBAŞ (34 ans)

Condamné à 6 années d’emprisonnement, père d’un garçon de 10 ans, il voulait se marier. Suicide 9 mois avant sa libération le 22 novembre 2012, appris par un autre prisonnier incarcéré.

Prison : Toulouse.