Née de la convention signée en décembre 2003 par le centre hospitalier sud francilien, le conseil général de l’Essonne et la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, l’unité mobile mère-enfant est financée par le Département. Elle est constituée d’une équipe de gynécologie-obstétrique mais aussi de trois professionnelles de la petite enfance qui assurent à la nurserie une présence permanente au côté des mères et de leurs bébés. Reportage à la nurserie de Fleury-Mérogis.
Comme dans tout lieu dédié aux enfants il y a les inévitables portes peintes en rose et un mur décoré de girafes. Il y a aussi une marelle dessinée sur le sol, des poussettes, une grande salle de jeux. Ici, une maman promène son gros ventre avec fierté tandis que sur un banc, une femme tricote de la layette en discutant avec sa voisine qui nourrit son bébé. Plus loin, une autre se lève et sort tranquillement dans le jardin où elle allume une cigarette. De fait, ici, les fenêtres ouvrent sur un espace vert et n’ont pas de barreaux. Dans le couloir, une surveillante discute avec deux détenues adossées à la grille fermant la nurserie. Près de ces barreaux, une éducatrice de jeunes enfants prépare la poussette deux places pour une balade dans le bois voisin. Et au milieu de tout cela, un petit garçon et une petite fille trottinent ensemble. Ainsi va la vie à la nurserie de Fleury-Mérogis. En ce début du mois de décembre, la maison d’arrêt compte 334 détenues (« Ça oscille entre 310 et 345 », indique l’adjointe au chef de détention, Christèle Delozé) pour une capacité théorique de 259. Quant à la nurserie, ce jour-là, elle accueille dix mamans et leurs enfants ainsi que sept femmes enceintes. Parmi elles, de nombreuses étrangères, notamment des jeunes femmes d’Amérique du Sud qui ont servi de « mules » aux trafiquants de drogue.
Tout au bout d’une des ailes de la maison d’arrêt, la nurserie est un lieu à part. Cela reste un lieu de détention avec des surveillantes, un accès strictement contrôlé et les portes des cellules fermées à clé la nuit. Pourtant, dans ce bâtiment éclaté en deux ailes (l’une réservée aux femmes enceintes, l’autre aux mamans et leurs bébés), le climat est différent.
« C’est le seul endroit de l’établissement où les portes des cellules sont ouvertes », note Sabine Devienne, la directrice de la maison d’arrêt des femmes. Les horaires d’ouverture des cellules sont toutefois réglementés et les allées et venues limitées à la nurserie.
Prise en charge globale
Les limites de la nurserie sont là : beaucoup de choses sont faites pour que l’enfant et la mère soient le mieux possible mais en aucun cas, on enlève la prison. Les femmes arrivent ici dès qu’elles sont enceintes de quatre mois. Pendant la grossesse, leur prise en charge sanitaire est confiée à une équipe pluridisciplinaire du service de gynéco-obstétrique du centre hospitalier. « En moyenne, la mère va deux fois à l’hôpital avant l’accouchement, pour les rendez-vous avec l’anesthésiste et le gynécologue. Le suivi et notamment les échographies se font au service médical de la maison d’arrêt où la sage-femme tient sa consultation », explique Valérie, puéricultrice. Quelques semaines avant la naissance, la détenue bénéficie de deux ou trois après-midi pour aller dans l’aile des mères aménager la chambre qu’elle partagera avec son enfant. « Pour les indigentes, les vêtements sont fournis en partie par la maison d’arrêt et pour l’autre, par des dons. Quant aux couches, aux produits d’hygiène et au lait, c’est fourni par l’administration pénitentiaire », précise Valérie. « Chaque mardi, elles font une liste de leurs besoins et le lendemain, je distribue », complète une surveillante.
Le jour J, une surveillante accompagne la détenue prise en charge par les pompiers. À la maternité, en attendant d’être relevée par les policiers, la surveillante monte la garde à la porte de la chambre. Si la naissance a lieu en semaine, la famille est prévenue par le conseiller d’insertion et de probation (CIP). Le week-end, les proches doivent appeler la maison d’arrêt qui donne alors l’information. Quant aux visites de la famille à la maternité, elles font l’objet d’une demande spéciale étudiée par les services de la préfecture puisque sitôt « extraite » de la maison d’arrêt, la détenue ne dépend plus de l’administration pénitentiaire. Quoiqu’il en soit, il y a la visite systématique de la puéricultrice : « Humainement, c’est souvent un moment fort », commente celle-ci.
Soutien à la parentalité
Certaines mères se posent parfois la question de confier l’enfant à son père ou à la famille proche. Ainsi, Aurélie, enceinte de quatre mois, s’inquiète-t-elle de l’avenir de son enfant. « Si jamais je ne bénéficiais pas d’aménagement de peine, je préférerais que mon bébé soit dehors avec son père. Car la nurserie, même si c’est mieux - on peut prendre une douche tous les jours -, ça reste quand même la prison », résume-t-elle.
« Les enfants ne sont pas détenus, ils sont sous la responsabilité de leur mère », rappelle Denis Boullier, chef du service d’insertion et de probation à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Et d’ajouter : « Dans une maison d’arrêt, beaucoup d’informations circulent entre les détenues ; des fausses et des vraies. Notre rôle est d’exposer à la mère les tenants et les aboutissants afin qu’elle puisse prendre sa décision. » Si pendant la grossesse, cette question se pose fréquemment, in fine, 99 % des femmes gardent leur enfant avec elles.
A son retour de la maternité, une nouvelle vie commence pour la détenue. Déjà, pas moyen de reprendre son travail, si elle en avait un. « La nurserie n’est absolument pas conçue comme un mode de garde. Pendant dix-huit mois au maximum, il s’agit avant tout de donner les bases pour que cela se passe le mieux possible dehors », souligne Christèle Delozé.
Le leitmotiv est lancé : ici, la préoccupation majeure est de donner à ces jeunes femmes, parfois immatures, des repères simples. Chevilles ouvrières de ce travail, la puéricultrice et les deux éducatrices de jeunes enfants qui organisent les sorties pour les enfants mais aussi leur suivi médical ainsi que des activités communes aux mères et à leurs bébés (lire l’article sur l’équipe petite enfance) . « Les sorties ont lieu avec nous ou avec le père de l’enfant ou un membre proche de la famille comme par exemple la grand-mère », indique une éducatrice.
Préparer la sortie
Les mères sont donc avec leurs enfants jour et nuit. « À celles qui n’ont pas fait la démarche spontanément, je conseille de trouver une personne de confiance (une co-détenue ndlr) à qui elles pourront confier leur enfant le temps d’un rendez-vous chez le juge, avec le CIP ou chez le médecin. Et si nous voyons que la maman qui en garde deux a des difficultés, nous venons prendre le relais », commente Valérie. Quant aux surveillantes, elles font preuve, dixit Christèle Delozé, « d’une attitude bienveillante ». Concrètement, ce sont elles qui le matin surveillent les bébés pendant que leurs mères sont sous la douche.
Mis en place depuis 2000, le suivi médical des enfants est opéré par une équipe PMI du conseil général. « Le camion stationne dans une cour de la maison d’arrêt et la mère y entre seule avec son enfant. Ce dispositif vise à différencier la consultation du milieu carcéral. D’ailleurs, le personnel de la prison n’y entre pas », explique-t-on au conseil général.
« Dehors, une maman n’a pas un tel suivi. Tous les quinze jours, se tient une réunion de l’ensemble des personnels qui travaillent à la nurserie. Cette pluridisciplinarité est très intéressante », approuve Sabine Devienne. De leur côté, les trois conseillères d’insertion qui ont en charge l’ensemble des détenues de la maison d’arrêt travaillent à la sortie des mères et de leur enfant. Pour les étrangères, et elles représentent environ 60 % des détenues de Fleury, les conseillères d’insertion mettent tout en œuvre pour qu’elles puissent rentrer le plus tôt possible dans leur pays. « Dans ce cas, on demande une expulsion vers le pays d’origine. C’est également possible dans les pays de l’Union européenne, à condition que le juge notifie une interdiction de territoire français », explique Denis Boullier. Pour les autres, le CIP monte une demande de liberté conditionnelle. Dans la mesure où il s’agit de peines souvent courtes, les liens familiaux existent encore et nombre de ces mamans reçoivent le soutien de leur famille. Pour les autres, la galère commence. « Pour celles qui n’ont pas d’hébergement, nous cherchons une place en foyer mais c’est très dur à trouver », regrettent deux conseillères.
Reste que l’enfant doit quitter la prison lorsqu’il a dix-huit mois. Toutefois, dans la majorité des cas, les détenues sortent avec leur enfant car elles sont en fin de peine ou elles ont bénéficié d’un aménagement (lire le témoignage d’un ancienne détenue). Il est vrai qu’avec le juge d’application, l’usage est d’organiser, autant que faire se peut, une sortie concomitante de la mère et de l’enfant.
Nathalie Bougeard
Source : Lien social, l’actualité sociale autrement
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