Publié le mardi 8 juillet 2014 | http://prison.rezo.net/des-formations-pour-les-detenus/ En 1981, fort de son expérience en milieu carcéral, un groupe de professionnels crée l’association Formation et aide à la réinsertion (FAIRE). Son objectif est de faciliter la réinsertion sociale et professionnelle à la sortie de prison. Au fil du temps, elle a adapté ses actions et opté pour une prise en charge globale Rencontre avec Imanouel Pajand, coordonateur du suivi des détenus Après quelques années d’expérience en prison, l’association FAIRE 1 s’interroge : « Nos formations ont-elles un réel impact sur la réinsertion des détenus ? Favorisent-elles la lutte contre la récidive ? ». Estimant son action trop partielle, l’association décide de s’intéresser à l’insertion bien avant la sortie et met en place des dispositifs en ce sens. « Nous avons vu qu’en dépit d’une formation béton, si nous ne prenions pas en compte la situation globale du prisonnier, nous étions à côté de la plaque », explique Imanouel Pajand, coordinateur du suivi des détenus. La réinsertion professionnelle nécessite un travail sur l’ensemble de la problématique du détenu : situation administrative (il n’a souvent plus de papiers), situation familiale (isolement, divorce, famille éloignée…), santé (problème d’alcool, toxicomanie), hébergement… L’association, grâce à un financement du Fonds d’action sociale (FAS, aujourd’hui FASDIL), constitue alors une équipe pluridisciplinaire et met en place des actions avec l’administration pénitentiaire, le juge d’application des peines, la mission locale, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales…. Chaque intervenant prend en charge un problème différent pendant l’incarcération. En cela, FAIRE est aidée par la réforme de l’administration pénitentiaire. En 1999, celle-ci ouvre la prison aux partenaires extérieurs et s’attache à préparer la sortie des détenus. Avec la mise en place des Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) 2 , l’insertion devient un objectif prioritaire. L’administration soutient FAIRE dans l’organisation d’actions ou des module de préparation à la sortie de détention. Modules qui fonctionnent à deux niveaux : un travail collectif sur la socialisation (échanges d’expériences, réflexions sur les thèmes en relation avec la situation du détenu avec la justice…) et la participation à un chantier-école (réhabilitation et rénovation d’édifices). Dans le chantier-école, le détenu participe à des activités de formation théoriques et professionnelles afin de pouvoir occuper un poste de travail concret à la sortie. Parallèlement, il bénéficie d’un accompagnement individuel pour préparer sa sortie. FAIRE constate, que même en préparant « les choses en amont », avec une vision globale, l’insertion n’est pas vraiment au rendez-vous. « Nous pensions qu’en résolvant les problèmes sociaux, tout irait bien, or ce n’est pas tout à fait le cas. Aujourd’hui, le profil des détenus a beaucoup changé. Toutes les catégories socioprofessionnelles vont en prison. Nous restions trop branchés sur le public marginalisé avec un problème de langue », dit Imanouel Pajand. Dès lors l’association prend en compte d’autres paramètres : « Si on donne une bonne formation à un jeune de 17 ans qui a purgé une peine de trois ans pour un acte grave en préparant bien sa sortie, mais qu’il reste dans la dénégation de son acte, se pose comme une victime, on ne réussira pas à l’aider dans la réinsertion », constate Imanouel Pajand, les problèmes qui l’ont amené en prison sont d’une autre nature : il ne sait pas différer son désir immédiat, a des problèmes vis-à-vis de la hiérarchie et de l’ordre et une résistance à la contrainte inexistante, s’il voit un objet qui lui plaît dans une vitrine, il le lui faudra de suite. Ce type de problème relève du comportement et du savoir-être ». Il devient alors important d’agir aussi sur ce volet. Les personnes arrivent dans la prison avec l’ensemble des problèmes qui les y amènent. Les années d’incarcération en créent de nouveaux surtout pour les personnes fragiles. Après des années d’incarcération, difficile pour de nombreux détenus de prendre des initiatives. Certains commencent à avoir des problèmes d’identité, d’orientation dans l’espace… Même si les actions d’associations comme FAIRE rompent leur isolement et leur sentiment d’abandon, cela s’avère insuffisant. « La réinsertion n’est possible que si nous arrivons à définir et évaluer les problèmes qui les amènent là, insiste Imanouel Pajand : il m’arrive de retrouver en prison les enfants d’anciens détenus avec lesquels j’ai travaillé et que j’avais pensé réinsérer en réglant leurs problèmes sociaux. Or, la présence de leurs enfants en prison prouve que ça n’a pas été le cas. Nous arriverons à retarder la récidive si nous amenons les détenus à la réflexion suivante : “Et moi dans tout ça ? “. Les situations difficiles qu’ils vivent ne légitiment pas la transgression. À nous professionnels d’intervenir pour qu’il y ait une prise de conscience de leur comportement ». De la même manière que se mettent en place des objectifs d’apprentissage (lire un message simple au bout d’un mois de formation), des actions sur le changement de comportement doivent avoir lieu. Un exemple ? Dans une salle de cours, un formateur fait remarquer à un détenu qui fume, que c’est interdit. Celui ci, part en claquant la porte. Le formateur évalue la résistance à la contrainte et travaille dessus avec l’ensemble du groupe. Le détenu pourra accepter la discussion : « Si vous fumez, vous dérangez les non-fumeurs. Vous devez donc sortir pour le faire » et la négociation : « Demandez aux personnes du groupe si la fumée les gêne ». Pour que ce travail sur le savoir-être puisse se faire, il faut que les pouvoirs publics en fassent la commande. Pour l’instant si le détenu désire devenir cuisinier, l’administration le fait bénéficier d’une formation adéquate. Il faudra aller plus loin, former les formateurs à travailler sur le savoir-être et le comportement. « L’apprentissage du savoir-être est de notre ressort. Bien entendu, ça irait beaucoup plus vite si les détenus bénéficiaient d’un suivi psychologique, mais ça passe encore très mal, la majorité d’entre eux l’associe à la folie et le refuse », dit Imanouel Pajand. Katia Rouff 1-FAIRE - 48, rue de l’Amiral Mouchez - 75014 Paris. Source : Lien social, l’actualité sociale autrement |