Publié le mercredi 20 juillet 2016 | http://prison.rezo.net/atteinte-a-la-presomption-d/ La Commission Européenne des Droits de l’Homme estime qu’il a été porté atteinte par deux fois au principe de la présomption d’innocence dont le requérant devait bénéficier : une première fois dans les écritures de l’agent judiciaire du Trésor, représentant de l’Etat, nonobstant la décision de justice définitive revêtue de l’autorité de la chose jugée ; une seconde fois par la commission nationale d’indemnisation, celle-ci ayant formulé une déclaration de culpabilité à l’égard du requérant. En l’espèce, le requérant, mis en cause dans une affaire de trafic de stupéfiants, fut mis en Détention Provisoire (DP) le 09 juillet 1989. Sa DP fut prolongée par trois fois par le Juge d’instruction et ses demandes de mises en liberté furent toutes rejetées par la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Douai. Le 16 octobre 1992, le Tribunal correctionnel de Dunkerque le condamna à 12 ans d’emprisonnement et au paiement d’une amende douanière. Il fut immédiatement incarcéré. Toutefois, estimant qu’un doute demeurait toujours quant à l’intention délictuelle, la Cour d’Appel de Douai prononça sa relaxe par arrêt du 05 mars 1993. En conséquences, le requérant déposa le 19 août 1993 une demande d’indemnisation devant la Commission Nationale d’indemnisation en matière de détention provisoire, indemnisation qui lui fut refusée. En effet, « Le procureur général estima que la requête était recevable mais que ni l’incarcération initiale, ni la prolongation de la détention, ni la réincarcération après le 1er jugement ne révélaient de dysfonctionnement susceptible de donner lieu à indemnisation. » L’agent judiciaire du Trésor indiqua quant à lui dans ses conclusions que « Le bénéfice d’une indemnité est ainsi réservé aux seuls détenus provisoires reconnus totalement innocents. Précisément, tel n’est pas le cas en l’espèce (…) » Pour la Commission d’indemnisation, l’appel formé devant la Cour de Douai ne portait que sur les dispositions pénales relatives à la législation sur les stupéfiants et non sur l’amende pour le délit douanier de contrebande. Or, pour elle, il aurait fallu une relaxe portant sur la totalité des chefs d’accusation. S’estimant victime d’une atteinte à la présomption d’innocence, le requérant porta l’affaire devant les tribunaux et devant la Commission EDH. Cette dernière expliqua constater qu’avec un tel raisonnement, le droit français, en matière douanière permettrait de rester pénalement coupable nonobstant une décision de relaxe. Or, la Commission EDH a indiqué ne pas relever d’éléments justifiant, en cas de relaxe, de ce que l’octroi de Dommages et intérêts emporterai déclaration de culpabilité pénale pour la commission de facto d’infractions douanières. « Au demeurant, la Commission n’a pas relevé, dans la décision de relaxe de la cour d’appel de Douai, une motivation relative à l’existence ou à la subsistance d’infractions douanières. […] La Commission considère que la motivation retenue par la commission d’indemnisation ne saurait constituer un simple rappel de la jurisprudence applicable en matière douanière, mais qu’elle établit un véritable constat de culpabilité. […] La Commission conclut à l’unanimité qu’il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 6 par. 2 de la Convention. » Un délai de trois mois s’étant écoulé sans que l’affaire ne soit déférée devant la Cour EDH, le Comité des ministres, a, le 18 janvier 1999, fait sien l’avis rendu par la Commission EDH le 1er juillet 1998 (résolution intérimaire) et la résolution finale fut adoptée le 20 avril 2007.
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