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CE, 24/04/2012, n°342104 (Pourvoi de CAA Lyon, 31/12/2009, n°08LY00874, appel de TA Lyon, 16/10/2007, n°0507053)
Possibilité pour les ayants droit du détenu d’invoquer, pour engager la responsabilité de l’Etat, une faute du personnel médical de l’établissement de santé auquel est rattaché l’établissement pénitentiaire si celle-ci a contribué à la faute du service pénitentiaire

Lorsque les ayants droit d’un détenu recherchent la responsabilité de l’Etat du fait des services pénitentiaires en cas de dommage résultant du suicide de ce détenu, ils peuvent utilement invoquer à l’appui de cette action en responsabilité, indépendamment du cas où une faute serait exclusivement imputable à l’établissement public de santé où a été soigné le détenu, une faute du personnel de santé de l’unité de consultations et de soins ambulatoires de l’établissement public de santé auquel est rattaché l’établissement pénitentiaire s’il s’avère que cette faute a contribué à la faute du service public pénitentiaire ; qu’il en va ainsi alors même que l’unité de consultations et de soins ambulatoires où le personnel médical et paramédical exerce son art est placée sous l’autorité du centre hospitalier.

Un homme fut incarcéré le 2 mars 1998 à la prison Saint Joseph de Lyon, puis transféré à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône à compter du 6 mai suivant. Il a été retrouvé pendu dans sa cellule le 9 mai 1998 et ses parents ont engagé une action tendant à faire condamner l’Etat en réparation de leur préjudice moral.

Ils soutenaient notamment que le personnel de santé de la prison Saint Joseph de Lyon avait commis une faute en n’assurant pas la transmission du dossier médical de leur fils à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône et en n’informant pas le personnel de santé du nouvel établissement de la nécessité de poursuivre le traitement prescrit et d’exercer une surveillance particulière de leur fils.

Le Tribunal Administratif de Lyon, par jugement du 16 octobre 2007, a rejeté leurs demandes.

La Cour Administrative d’Appel, a quant à elle, estimé que «  la responsabilité de l’Etat ne pouvait être engagée à raison de fautes commises par le personnel de santé de l’unité de consultations et de soins ambulatoires en milieu pénitentiaire de ces établissements, et que ces fautes, à les supposer établies, n’étaient susceptibles d’engager que la seule responsabilité de l’établissement hospitalier en charge de l’unité de consultations et de soins ambulatoires en milieu pénitentiaire de ces maisons d’arrêt, personne morale distincte de l’Etat ».

Le Conseil d’Etat a lui jugé que la CAA avait commis une erreur de droit en estimant qu’une faute de l’unité de soins ne pouvait pas être invoquée pour constituer la faute de l’administration pénitentiaire. Il a indiqué que « lorsqu’un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l’une de ces personnes ou de celles-ci conjointement […] ainsi lorsque les ayants droit d’un détenu recherchent la responsabilité de l’Etat du fait des services pénitentiaires en cas de dommage résultant du suicide de ce détenu, ils peuvent utilement invoquer à l’appui de cette action en responsabilité, indépendamment du cas où une faute serait exclusivement imputable à l’établissement public de santé où a été soigné le détenu, une faute du personnel de santé de l’unité de consultations et de soins ambulatoires de l’établissement public de santé auquel est rattaché l’établissement pénitentiaire s’il s’avère que cette faute a contribué à la faute du service public pénitentiaire ; qu’il en va ainsi alors même que l’unité de consultations et de soins ambulatoires où le personnel médical et paramédical exerce son art est placée sous l’autorité du centre hospitalier ; que dans un tel cas, il est loisible à l’Etat, s’il l’estime fondé, d’exercer une action en garantie contre l’établissement public de santé dont le personnel a concouru à la faute du service public pénitentiaire  »

Toutefois, en l’espèce, il a conclu qu’aucune faute n’avait été commise dans la mesure où le dossier médical avait bien été transféré mais qu’il ne comportait aucun élément laissant présager un comportement suicidaire, que dès l’arrivée du détenu dans le nouvel établissement, il avait été procédé aux entretiens prévus par les articles D. 285 et D. 381 du code de procédure pénale, avec le chef d’établissement et le médecin responsable du service médical et que le traitement médical mis en place à la maison d’arrêt de Lyon avait été reconduit. La requête de la famille a donc été rejetée.

 
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• CE_24_04_2012_342104, (PDF - 92.6 ko)
• TA-Lyon-16-10-2007-0705053, (PDF - 133.6 ko)
• CAA_Lyon_31_12_2009_08LY00874, (PDF - 84.5 ko)