Publié le mardi 6 septembre 2016 | http://prison.rezo.net/le-simple-fait-qu-un-detenu-soit/ L’absence de mesures particulières adoptées à l’égard d’un détenu schizophrène dont le comportement ne pouvait laisser présager un suicide n’implique pas qu’une faute ait été commise par l’administration pénitentiaire. Les faits :
Le 27 mars 2002, le frère des requérantes fut incarcéré, puis il obtint une libération conditionnelle à compter du 29 décembre 2003, avec obligation de soins. Le Juge d’Application des Peines s’était fondée pour motiver sa décision, sur une expertise psychiatrique de l’homme effectuée le 11 décembre 2003 et qui faisait état de sa fragilité sur le plan psychique. Le 30 janvier 2004, ne respectant pas son obligation de soins (et de travail), et sa conseillère sociale constatant que son état variait de la « dépression totale à un état de confusion » rendant nécessaire la protection de ses proches, il fut à nouveau écroué à la Maison d’Arrêt de Villefranche-sur-Saône. Le 02 février 2004, il fut reçu par le chef de service pénitentiaire qui remplit la « grille d’aide au signalement des personnes détenues présentant un risque suicidaire ». Si des troubles du comportement et une nervosité palpable de l’intéressé furent relevés, aucune volonté suicidaire ne fut notée. Le 10 février 2004, il fut hospitalisé d’office en raison d’une décompensation paranoïaque mais cette mesure fut levée deux jours plus tard en raison d’une stabilisation sous traitement rendant possible son retour en maison d’arrêt. Le 6 avril 2004, un parloir organisé avec son fils fut annulé « en raison d’un changement du mode de fonctionnement de l’établissement » mais deux notes furent publiées par l’administration afin d’en informer les personnes détenues. Le 07 avril 2004, il fut retrouvé pendu dans sa cellule. Devant les juridictions françaises :
Ses deux sœurs ont alors décidé d’assigner l’administration en justice pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger. Elles furent déboutées par les juridictions judiciaires nationales qui estimèrent que rien dans le comportement de leur frère n’avait laissé présager un tel acte. Formant ensuite une requête en indemnisation devant les juridictions administratives, ces dernières conclurent que s’il était constant que le défunt souffrait d’une pathologie psychiatrique, il ressortait des avis médicaux que sa maladie ne s’accompagnait pas de tendances suicidaires et que rien dans ses antécédents ou dans sa conduite récente ne pouvait laisser présager un suicide. Alléguant d’une atteinte au droit à la vie, les deux sœurs portèrent l’affaire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Le raisonnement de la Cour :
La Cour constata tout d’abord que l’homme était détenu en régime ordinaire et qu’aucun risque suicidaire n’avait été identifié chez lui. Elle releva que s’il était bien vulnérable de part sa privation de liberté et ses troubles mentaux, il avait pourtant fait part au personnel pénitentiaire de projets d’avenir, il acceptait les soins et n’avait pas créé de problème en détention. "La Cour estime également que l’annulation des parloirs familiaux du 6 avril 2004 ainsi que la rupture entre A.S. et sa compagne n’apparaissent pas pouvoir, à eux seuls, être de nature à modifier l’appréciation faite par les autorités internes quant à l’existence ou non d’un risque de suicide." Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la Cour considéra qu’il “ne saurait être affirmé que les autorités internes auraient dû savoir qu’un risque réel et immédiat qu’A.S. attente à sa vie existait au moment de son passage à l’acte. Dès lors, ces dernières n’étaient pas tenues d’adopter des mesures particulières, au-delà de l’accompagnement médical qui a été effectivement mis en place en l’espèce. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 2 de la Convention dans son volet matériel.”
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