Publié le jeudi 8 mars 2018 | http://prison.rezo.net/de-la-refondation-penale-en-trompe/ Dans un discours aux accents toujours populistes, le président de la république a décidé d’entreprendre un nouveau chantier dans le cadre de l’exécution des peines. Nouveau ? Non, pas vraiment. Le président a souhaité que les peines de moins de 6 mois soient exécutées hors les murs de la prison sous la forme de bracelet électronique ou autre et que l’emprisonnement ferme soit dûment motivé et prononcé en dernier recours. Nouveauté ? Nullement. Cela est déjà la règle puisque l’article 132-19 du Code pénal prévoit qu’en matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours « si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. » Cette disposition quant au prononcé de l’emprisonnement ferme en dernier recours, existe, en substance, depuis…1994 ! En indiquant qu’il souhaitait que les peines de moins de 6 mois soient exécutées hors les murs, le président n’a fait que rappeler les dispositions de l’article 132-57 du Code pénal qui prévoit que ces peines, lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’un mandat de dépôt, peuvent être converties en sursis avec travail d’intérêt général. Est-ce que ce sera systématiquement le cas désormais ? Assurément non, puisqu’on nous parle toujours plus de bracelet électronique, moyen de contrôle toujours plus orwellien. Une logique d’enfermement au dépend de la réinsertion
Par ailleurs, il a sournoisement porté un coup de canif à l’article 723-15 du Code de procédure pénale (introduit par la loi dite Perben II) qui prévoit que les peines d’emprisonnement ferme inférieures ou égales à 2 ans (lorsqu’il s’agit d’une première condamnation) ou 1 an (lorsque le condamné est récidiviste) mais non mises à exécution immédiatement par la délivrance d’un mandat de dépôt, peuvent faire l’objet d’un aménagement de peine sous la forme d’un bracelet électronique, d’une semi-liberté ou d’un placement extérieur. Cette procédure a depuis longtemps fait les preuves de son efficacité pour le suivi du condamné en milieu libre ayant une courte peine à exécuter ! Elle permet indubitablement d’assurer une individualisation de la peine, telle qu’exigée par la constitution, dans des procédures rapides où aucune véritable enquête de personnalité n’a pu être réalisée à temps (on pense notamment aux procédures de comparutions immédiates). Cet article permet aussi de lutter efficacement contre la surpopulation carcérale : sans lui, ce ne n’est pas 15000 de places de prison qu’il faudrait construire mais bien une centaine de milliers ! Quand on sait que les peines les plus destructrices socialement sont les peines de 3 mois à un an on ne pourra que souligner le désengagement de toute volonté de réinsertion au profit de la seule logique de punition et d’enfermement. Des aménagements de peines qui ne sont pas automatiques
Le président a assené une contre-vérité en ce que ces aménagements de peine seraient automatiques ! C’est faux. Nombre de peines inférieures à ces seuils sont mises à exécution immédiatement (délivrance d’un mandat de dépôt à l’audience) et surtout le juge de l’application des peines peut décider de les écarter. Il n’y a rien d’automatique, quoiqu’en dise Monsieur Macron. Le président a ajouté cette horreur : la fin des aménagements de peine pour les peines supérieures à un an mais il veut y ajouter la contrainte pénale automatique. On peine à comprendre : la contrainte pénale est un aménagement automatique, et qui plus est, elle a montré un cuisant échec en ce qu’elle ordonne la remise en liberté de personne sans aucun projet ! Par ailleurs, supprimer les aménagements de peine alors qu’ils sont les meilleurs moyens de lutter contre la récidive, risque de créer d’inévitables tensions en détention, aboutissant à des comportements les plus extrêmes. Sans espoir, sans perspective d’organiser sa sortie, le prisonnier se révoltera inévitablement. L’annonce du président est donc la continuité du tout répressif et les conséquences de la surpopulation carcérale sont inévitables ! Le droit de vote existe déjà en prison mais n’est pas appliqué
Le président a ensuite indiqué qu’il ne comprenait pas que les prisonniers ne disposent pas du droit de vote. On peine à comprendre une telle affirmation : les prisonniers, tant qu’aucune peine de déchéance des droits civiques n’a été prononcée, disposent toujours de leur droit de vote. Mais ce sont les conditions de l’exercice de ce droit de vote qui posent problème : faiblesse du nombre des permissions de sortie accordée dans ce but, absence de possibilité de vote dans la commune où se trouve la prison si le prisonnier ne peut donner procuration à une personne de confiance, absence de garantie de publicité suffisante si des bureaux de vote étaient installés en détention, non mise en place de bureau de vote en détention. Un n-ième fichier de suivi des condamnés
Enfin, la création d’un n-ième dossier ou fichier de suivi des condamnés n’a que pour but une fois de plus de porter atteinte à la liberté individuelle en fichant toujours plus les corps condamnés. Oui, assurément, les annonces du président sont scandaleuses, répondant uniquement à un populisme toujours plus croissant, faites sans aucune concertation de qualité avec des personnalités réellement qualifiées et indépendantes. Une réforme impensée
Ban Public dénonce cette n-ième réforme qui fait de la prison le creuset systématique de tous les gouvernements qui se succèdent sans que ne soient pensés tant le sens de la peine que l’efficacité d’un système carcéral où la logique du répressif a remplacé celle de la réinsertion. |