Publié le samedi 15 février 2003 | http://prison.rezo.net/reflexion-de-jean-francois-dudoue/ Châlons-en Champagne, le vendredi 14 février 2003 Je me permets de vous écrire afin de vous présenter mon projet. Vous serez fixé sur ma situation à la lecture de mon adresse ci-dessous. Je peux ajouter que je suis jugé et qu’en janvier 2004, j’entrerai dans cette période où l’on peut éventuellement faire la demande d’une libération conditionnelle. Mon projet va peut-être vous paraître ambitieux, mais il est réaliste. En effet, depuis mon incarcération, j’ai pu constater que dans les prisons la part consacrée à la culture était infime. En trois ans, trois débats sur le SIDA. Certes, le SIDA est un sujet important. Mais ne peut-on proposer autre chose en plus. La culture en prison, ce serait un bon moyen de permettre aux détenus, contraints à une introspection et à des interrogations sur leur devenir, de réfléchir, voire débattre sur la société. Un bon moyen de retrouver cette phrase de morale inscrite sur la tableau noir de la classe. La "Madeleine de Proust". Ce temps inoccupé, 30 à 40 % d’illettrés, des gens pour la plupart issus de milieux défavorisés. Des gens qui, très tôt, n’ont pas eu accès à la culture, la connaissance des autres. Des gens qui n’ont pas pu avoir accès aux rêves. À l’heure où une réforme de la prison est envisagée, des constructions à l’étude ou déjà commencées, la culture, dans son sens le plus large, se doit d’être présente : elle est l’outil nécessaire qui va permettre de conserver le lien entre la société et le citoyen égaré. La culture ne doit pas être une simple télévision, un cours d’informatique, un orchestre à Noël, la présentation d’un sujet par an (SIDA). La culture, c’est l’existence, c’est en grande partie l’humanisation, la re-socialisation, un moyen important d’ouvrir des horizons, pour beaucoup inconnus. L’image ... L’image est accessible à tous, nul besoin de traducteur. L’image choque, provoque, interpelle, elle est le moyen qui permet d’ouvrir le débat ; elle est le support d’une réflexion qui peut s’étendre à un groupe, guidé par des intervenants. C’est dans ce sens que veut s’inscrire mon projet. Il n’est qu’une ébauche, il peut être amélioré ; mais, dans tous les cas, il est "le" moyen de proposer des sujets divers : de société, l’alcool au volant et/ou la drogue, la pollution en France ou dans le monde. Mais aussi des spectacles, du théâtre, de la peinture, des visites de lusées, de châteaux, mais également de pays, d’aventures d’hommes et de femmes, etc., etc... Un monde nouveau pour bon nombre de gens. Un moyen dans la nouvelle politique pénitentiaire de dire : « ces hommes ne sont pas perdus ». Un bon moyen de positiver en diffusant en interne les actions qui sont ou qui ont été menées (des détenus interviennent dans la dépollution des plages, etc...) Si, grâce à la diffusion de cette culture générale, un homme ou deux changent, alors que tous les autres systèmes n’y sont pas parvenus, ce serait bien ... Non ? Vous remerciant d’avoir bien voulu m’accorder un peu de votre temps et souhaitant avoir suscité un intérêt, Jean-François Dudoué
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