Publié le lundi 24 février 2003 | http://prison.rezo.net/la-question-pamphlet-octobre-2002/ C’est au XIII° siècle et pendant bien longtemps encore que, sous l’appellation de "Question", on soumettait, de bonne conscience, l’homme à la torture. Au comble de ces infamies, le chargé de ces affaires se donne le plaisir dans la nuance subtile, d’apporter la grande et la petite torture. Afin d’estre au mieux dans la jouissance zélée de ses actes, il prend soin, pour que l’homme ainsi soumis à son rosle de torturé, jouisse sans retenue de la souffrance qu’on lui inflige. Il prend soin donc de la présence d’un digne représentant du serment d’Hippocrate, qui mettra ses attentions et toute sa science à ce que le torturé, par le fleuve de la nuit, n’échappe insidieusement à la souffrance ; ce qui ne paraît, à ce gentilhomme des lois, qu’apporter un réel déplaisir et une grande tristesse ... Ma foi ! A l’aube de ce XXI° siècle, bien loin sommes-nous de tout cela. la France, comme le disait Voltaire, passe toujours "pour un peuple foret humain". mesme si le sieur Voltaire s’étonnait dans son époque que les Anglais, par choix, ne soumettaient plus l’homme à la "question", jugeant cette pratique barbare. C’est ainsi qu’il en avait pris parti d’en dénoncer avec force cette pratique en nostre pays. N’y voyez aucune similitude, mais l’Angleterre, dans une décision rescente, refuse d’estrader un détenu de peur que sa détention soit indécente. Ne prenez pas ombrage de ces calomnies infâmes, qui nous font cités comme "l’asne à l’escole", dans les listes des instances européennes ou d’Amnesty International. Pamphlets, articles de nos presses, manuscrits de doctes écrivains, rapports de dignes parlementaires ou de commissions sénatoriales, soyez-en sûrs, nos hauts fonctionnaires en prendront connaissance .... " d’une fesse distraite". Toute similitude ne serait que fortuite. de nos jours encore les charges de nos grands magistrats sont affaires de familles, de père en fils, ou sociale, petite bourgeoisie locale. Encore aujourd’hui on peut citer Voltaire, afin de saisir l’instant où l’estre en robe entre chez lui : « La première fois, Madame en a été révoltée, à la seconde, elle y a pris goust, parce qu’après tout les femmes sont curieuses ; ensuite, la première chose qu’il lui dit lorsqu’il rentre en robe chez lui : " Mon petit cœur, n’avez-vous fait donner aujourd’hui la question à personne ? " » (Dictionnaire Philosophique, article « Torture », 1764). Ne prenons pas ce passage à la lettre car, depuis, bien des choses ont changé ; en effet, sous les robes d’antan le froc était de mise ; sous les robes d’ici, l’on trouve aussi, souvent, d’autre robe, ce peut être l’homme qui manifeste de la curiosité. Toute ressemblance, là encore, ne serait que pur hasard s’il m’arrivait d’éclairer sur les us et coutumes de cette engeance d’ici. Nos juges, à présent, sont bien loin des sénateurs romains ; plus de langues arrachées, plus de mains coupées, on ne brûle plus à petit feu et après tout cela on ne torture plus encore, afin de vous extirper d’autres turpitudes dont vous ne savez quoi, mais que votre juge se plairait à entendre. Que ne pourrait-on faire afin de lui plaire ! Il y a peu encore, c’est de la peine capitale qu’on l’a privé, de façon brutale. Gardons-nous aussi de cet homme qui a prêté serment. Hippocrate non plus ne saurait le connaistre. Sous des prétextes sournois, il distribue des médecines bizarres, qui adoucissent la souffrance afin de mieux la donner. Il s’occupe, s’intéresse d’un zèle obséquieux, vous êtes le sujet auquel il voue toute son attention, sa connaissance. Mais pour quel résultat ? Si ce n’est celui de vous faire accepter votre souffrance et que vous y soyez dans la forme la meilleure. Le jour où le Juge, des Festoy, aura fini, c’est sur vous qu’il devra tenter de sentir la puissance de ses ancestres, même si cela lui laisse le goût amer du travail inachevé. je le prends en pitié et réclame aujourd’hui. Qu’on lui laisse, je vous prie, de temps à autre, une petite place auprès du boucher. Le sang lui manque et fait perdre à ses joues les couleurs di bien-estre. Ah ! Ce temps jadis, ce plaisir que donnait la question, on en pouvait jouir. A ces jours d’ici, ce n’est de qualité mais de quantité que l’on se réjouit. Dans ce siècle du sang ? Des ablations ? Point du tout. Des tortures ? Certes, délicates, subtiles, plus propres, élaborées mesme par les plus hauts dignitaires et appliquée avec zèle ; on donne dans la finesse, dans l’esprit, la délicatesse. c’est dans l’esprit mesme que l’on tranche, que l’on coupe, que l’on arrache ou lapide. Oh ! qu’elle est belle notre revanche sur le pesant outillage de nos Anciens ! C’est à l’esprit mesme que la question est donnée, oubliant ainsi l’enveloppe charnelle qui ne saurait estre responsable en lieu et en place de l’esprit. De nos jours, point de bardeau au pied de l’échafaud, la plèbe a séant de choix au balcon de l’amphithéâtre. Le Lambda, ces jours-ci, a sa part du Festoy. Oui Monsieur Voltaire, visionnaire vous estiez, mais visionnaire vous estes encor. Car en y bien réfléchir, si peu de choses ont changé. A cet instant, c’est de médisance que l’on pourrait me charger ; en votre temps, les juges avaient plaisirs à la "question", ils en tiraient renom, notabilité et fierté. Dans ce travail, on y consacrait sa vie, ils avaient souci à s’appliquer, on y prenait le temps ; aujourd’hui, sous de vils sentiments humanistes, il fait mine de vouloir s’enquérir de la bonne mouche de la cité, certain pousse mesme le vice à posséder ses pauvres. La "Question" passe ainsi en autre position, elle s’en trouve bâclée, il n’y a aucun zèle. l’intérêt seul est de nourrir sa famille. il faut dire, monsieur, que chez nous comme chez vous, il est plaisant, chez ces gens-là, de s’ouvrir à la "Question", à la misère, dans de grandes soirées, sur des sofas de velours, auprès de marquises empourprées. Ah ! Monsieur Voltaire, en quel siècle vivons-nous ? |