Publié le vendredi 3 mai 2002 | http://prison.rezo.net/2000-au-directeur-de-la-maison/ Poissy le 15 février 2000 Monsieur le Directeur, Ayant été proches des deux personnes détenues, décédées récemment par suicide dans votre établissement, nous nous permettons d’attirer votre attention sur la situation particulière qui était celle de ces deux personnes. Nous savons que vous n’êtes pas insensible à ces deux décès, et beaucoup d’entre nous, détenus, le sommes sans doute plus encore qui les connaissions quotidiennement. Ces deux personnes étaient comme vous le savez sans doute très dépressives. Quelques soient leurs motivations réelles, ils demandaient un transfert avec insistance. Sans doute se sont-ils exprimés difficilement du fait de leur peu d’affinité avec l’écriture. Nous nous sommes souvent entretenus avec Eric qui confiait très souvent son ras le bol de ne pas être entendu quand il demandait son rapprochement familial sur Bordeaux. Par misère morale, il avait fini par ingérer n’importe quoi. Nous avions aussi beaucoup parlé avec Abdallah qui attendait, de notoriété publique, ce fameux transfert depuis 8 mois. Ce point commun entre ces deux détenus ne peut être un hasard, vous le conviendrez. Certains d’entre nous ont aussi vécu plus ou moins récemment des situations dans votre établissement qui auraient pu les amener facilement au suicide, dans la plus grande indifférence. A ce titre, vous nous permettrez de vous éclairer sur les réels motifs de cette décision d’en finir, plus ou moins déguisées. Vous en ferez sans doute un usage limité, nous n’avons sur ce plan aucune illusion ; mais sachant votre devoir légal de préserver les vies qui vous sont confiées, nous nous considérions comme grandement coupables si nous gardions pour nous-mêmes des informations qui pourraient vous manquer pour éviter que d’autres détenus soient tentés par le même geste. Vous nous permettrez de les résumer ainsi : une demande de transfert avec insistance devrait être prise avec suffisamment de sérieux pour être entendu, et surtout bien sûr réalisée. Sinon les dossiers et les paroles se vident rapidement de sens. Ce fut le cas pour des demandes réitérées depuis des années, suite à quoi beaucoup ont renoncé à toute nouvelle demande s’inscrivant dans une réinsertion sociale. Croyez, Monsieur le directeur, que nous avons hésité à vous remettre cette lettre au nom de l’indifférence exigée par la vie carcérale et son règlement à l’égard de l’expression collective des détenus. Dans ce cas, à défaut d’être des détenus conformes nous vous demandons simplement de nous considérer comme des hommes normaux, au sens de ce qu’on entend par ce terme hors les murs de votre établissement. Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations, encore teintée d’espoir d’être entendus. Le groupe de détenus Maison Centrale POISSY 17 rue de l’Abbaye 78303 - POISSY |