Publié le vendredi 23 mai 2003 | http://prison.rezo.net/alain-sole-nouvelle-demande-de/ A Mesdames Messieurs les Président et Conseillers composant la Chambre de l’Instruction près la Cour d’Appel de Paris Parquet P 993483904/9 DEMANDE DE MISE EN LIBERTE POUR : Monsieur Alain Solé, né le 26 janvier 1952 à Coutances (50), domicilié 4, rue Pipon 35000 Fougères, actuellement emprisonné à la Maison d’arrêt de Fresnes. Isabelle COUTANT PEYRE, CONTRE : Ministère Public Objet : Demande de mise en liberté (articles 137, 148-1, alinéas 1 et 2 du Code de procédure pénale.) I - Demande d’audience publique Monsieur Alain Solé demande à comparaître personnellement et que les débats se déroulent en audience publique, en application de l’article 199 du Code de procédure pénale. Aucune des exceptions énumérées par l’article 199, au principe du caractère public des débats, ne s’applique à l’occasion de l’appel examiné par la Chambre d’instruction. L’audience publique constitue l’une des garanties essentielles de la défense et du caractère impartial et équitable des débats, en particulier lorsqu’il s’agit de procédures politiques comme c’est le cas de celle qui concerne Alain Solé. Il sera donc fait droit à cette demande de publicité des débats, comme lors de précédentes audiences ayant le même objet. II – Sur le bien fondé de la demande de mise en liberté Alain Solé est un prisonnier politique. Responsable de l’association culturelle bretonne Kevredigezh, il fait l’objet d’une répression motivée par sa défense de la culture bretonne. Il est emprisonné « provisoirement » depuis le 9 octobre 1999, soit depuis plus de trois ans, dans un cadre de responsabilité collective et par un contournement des textes légaux limitant la détention provisoire. La détention abusive d’Alain Solé est de nature à mettre en péril sa vie même, comme l’a démontré le rapport de l’expertise médicale ordonnée par la Cour et le démontrent de plus fort le compte-rendu du dernier examen médical pratiqué. Or, par de précédents arrêts, la Cour est passé outre l’avis du professeur Jacques F. Azorin, l’expert qu’elle avait désigné, pour décider qu’Alain Solé pouvait rester détenu, pour les motifs suivants : « Considérant que l’expertise a révélé que des examens médicaux, et le cas échéant, une intervention chirurgicale, étaient indispensables, compte tenu de l’état de santé d’Alain SOLE, « Que l’exécution de ces actes médicaux n’est pas en contradiction avec sa détention, dès lors qu’ils sont diligentés au plus vite. » Pourtant, non seulement les prescriptions du Professeur Azorin dans son rapport du 25 novembre 2002 n’ont été suivies que partiellement par l’administration pénitentiaire mais surtout, avec un retard criminel, de sorte que les interventions chirurgicales permettant de sauver la vie d’Alain Solé ne peuvent plus être effectuées. La meilleure preuve de cette évidence en est que depuis le dépôt du rapport du Professeur Jacques F. Azorin, il y a plus de cinq mois, les examens, actes et interventions chirurgicales prescrits urgemment et impérativement par celui-ci pour limiter le risque de décès, n’ont toujours pas été effectués, hormis épisodiquement pour certains d’entre eux, sans que les suites médicales leur soient données. Entre temps, la dégradation de l’état de santé d’Alain Solé s’est considérablement accélérée. Lorsqu’un Professeur de médecine, expert judiciaire, précise que des examens doivent intervenir d’urgence, afin de permettre un diagnostic et déterminer des actes chirurgicaux, il s’agit là d’un avis impératif, sachant que la notion d’urgence médicale se situe directement dans la zone du risque vital. Or : - La scintigraphie ordonnée le 25 novembre 2002, comme urgente, n’a été faite que le 20 janvier 2003, soit deux mois plus tard. - La coronographie quant à elle n’est intervenue que le 17 avril 2003. Le compte-rendu de cette coronographie que Alain Solé n’a pu obtenir qu’un mois après cet examen, est édifiant puisqu’il apparaît que sa tardiveté rend impossible l’angioplastie prescrite par le Professeur Azorin pour préserver la vie de Alain Solé. En effet, les médecin ont constaté à sa lecture : - L’occlusion à 40 % de l’artère circonflexe distale sur une longueur de 2,5 cm. - L’occlusion complète de la coronaire droite - Une sténose modérée à 30 % de la coronaire gauche Les médecins concluent que l’angioplastie (pose de stènes) n’est plus possible du fait de la longueur des zones d’occlusion. Il apparaît que seul un double ou un triple pontage serait maintenant de nature à limiter le risque du décès brutal et prématuré d’Alain Solé. Les médecins constatent également une « large séquelle d’infarctus inféro-latéral basal avec altération de la fonction sistolique globale » Il s’agit de l’infarctus survenu le 4 octobre 2002, et non détecté à la Maison d’arrêt de Nanterre, l’un des éléments matériels la plainte avec constitution de partie civile pour non assistance à personne en danger (article 223-6 alinéa 2 du Code pénal), déposée par Alain Solé et instruite au Tribunal de Grande instance de Nanterre. Il s’avère que le rapport du Professeur Azorin se fondait notamment sur les résultats d’une artériographie effectuée le 30 octobre 2002. Les observations résultant de cet examen sont périmées puisque la coronographie faite seulement le 17 avril 2003 révèle une aggravation considérable des occlusions rendant maintenant impossible les actes chirurgicaux d’angioplastie préconisés par le Professeur Azorin, en l’état des examens effectués à l’époque où il a procédé à son expertise. Il est encore souligné que les conditions de détention dans les prisons françaises empêchent un suivi sérieux du diabète de type 3 dont souffre Alain Solé, et notamment le régime alimentaire, qui est, outre l’injection d’insuline, l’un des éléments déterminants de stabilisation des dégradations et conséquences irrémédiables de ce diabète, en particulier sur les artères. Il faut enfin rappeler que Alain Solé n’a pas été jugé et bénéficie de la présomption d’innocence comme toute personne, même mise en examen. Il y a en effet application à son égard d’un responsabilité collective puisque lui sont opposés des faits survenus alors qu’il était en prison, notamment le 19 avril 2000 au moment d’une explosion à Quevert (Finistère), ayant entraîné la mort d’une personne. Les conditions d’emprisonnement et le fonctionnement de l’administration pénitentiaire ne permettent pas de préserver la santé d’une personne incarcérée, dont le pronostic vital est en jeu. Dans deux précédents arrêts, la Cour est passé outre aux mises en garde d’être rendue responsable d’un accident vital d’Alain Solé, faute de soins et actes médicaux appropriés, rendus impossibles par le cadre pénitentiaire. L’acharnement des juges à maintenir Alain Solé emprisonné équivaut à la peine de mort sans jugement, puisqu’ils disposent de compte-rendu médicaux et ne peuvent prétendre ignorer la gravité et la dégradation de son état de santé. Il s’agit d’une violation caractérisée de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Un arrêt rendu le 14 novembre 2002 par la Cour européenne (Mouisel c/ France) a de nouveau condamné la France pour des faits similaires. « L’arrêt Mouisel consolide la jurisprudence selon laquelle l’article 3 impose à l’Etat de protéger la santé des personnes privées de liberté et de fournir des soins médicaux appropriés, en jugeant qu’un maintien en détention inconciliable avec l’état de santé du détenu est incompatible avec l’article 3 ». La défense d’Alain Solé rappelle à nouveau aux juges décidant de sa détention qu’elle les tient entièrement responsables de son état de santé et de la protection de sa vie. Par ces motifs Vu les constatations effectuées sur la dégradation de l’état de santé Vu l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, Il est demandé à la Cour de : - se réunir en audience publique, conformément à l’article 199 du Code de procédure pénale. Et, - Ordonner la mise en liberté de Monsieur Alain Solé, en application des articles 137, 148-1, alinéas 1 et 2 du Code de procédure pénale. Sous toutes réserves Paris, le 19 mai 2003 ANNEXE Avant que certains des examens prescrits par le Professeur Azorin n’aient été effectués Force est de constater que depuis l’arrêt du 3 décembre 2002, et comme l’avait annoncé par avance la défense d’Alain Solé, la Cour n’a aucun pouvoir sur le traitement appliqué aux prisonniers par l’administration pénitentiaire. Quelques jours après cet arrêt, Alain Solé a été transféré à Fresnes, en division normale dans des conditions d’emprisonnement encore plus difficiles (notamment cellule humide et glacée) et non pas à l’hôpital, et seul l’un des examens réclamés par le professeur Azorin a été effectué (une scintigraphie), cela près de deux mois après l’arrêt de la Cour. Donc, il est établi que le système pénitentiaire s’oppose aux conditions de protection de l’état de santé posées par la Cour au maintien en détention d’Alain Solé, ou qu’il est dans l’incapacité d’y satisfaire. De plus, la Cour ne semble pas avoir bien compris que la dégradation de l’état de santé d’Alain Solé résulte exclusivement de l’absence de moyens mis en oeuvre par l’administration pénitentiaire pour préserver son état de santé, absence ayant abouti à un risque vital établi, par le constat d’un infarctus non détecté, accident cardiaque pouvant se reproduire à tout moment et par un risque d’occlusion brutale au membre inférieur gauche. Il est également établi que l’infarctus non détecté et l’accident cerebro vasculaire survenu quelques jours plus tard, ayant entraîné son hospitalisation en urgence, étaient la conséquence du refus de l’administration pénitentiaire de Nanterre d’accepter son extraction pour procéder à des examens médicaux. Pour ces faits répétés, Alain Solé a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X, pour non assistance à personne en danger (article 223-6 alinéa 2 du Code pénal). En effet, d’une part, comme l’attention de la Cour a déjà été attirée par le passé, Alain Solé souffre d’un diabète de type 3, nécessitant un traitement permanent d’insuline, et entraînant la dégradation progressive des fonctions essentielles, et notamment d’organes vitaux. Il a fallu qu’une grave alerte survienne le 4 octobre 2002, entraînant son hospitalisation aux urgences, pour qu’enfin soit ordonnée une expertise médicale. Le rapport de l’expert désigné, le Professeur Jacques F. Azorin, établi le 25 novembre 2002, démontrait que le maintien en détention d’Alain Solé entraîne obligatoirement des accidents vitaux, faute de structure de soins appropriées aux graves pathologies dont il souffre. Ce rapport démontre d’ailleurs que l’évolution de ces pathologies vitales résulte du manque de traitement depuis son incarcération. Le résumé des différents compte-rendu d’hospitalisation démontre que : - faute de surveillance médicale, alors que l’administration pénitentiaire avait refusé l’extraction d’Alain Solé pour différents examens hospitaliers, le 4 octobre 2002, survenait un infarctus du myocarde, dans un cadre de cardiopathie ischémique. - Les examens effectués à la suite de l’hospitalisation d’Alain Solé aux urgences, révélaient : * « une sténose serrée de l’artère iliaque primitive associée à des plaques sur la bifurcation fémorale » * « l’artère coronaire droite occluse à la fin du segment I, réopacifiée en distalité par la circulation collatérale homolatérale » entraînant « une nécrose dans le territoire inférieur » Dans ses conclusions, l’expert relève : « Surtout, il a été mis en évidence récemment premièrement sur le plan cardiaque, une insuffisance coronarienne avec un infarctus du myocarde au niveau du territoire inférieur, infarctus silencieux fréquent chez les diabétiques (…) une sténose hostale à l’origine d’une marginale qui pourrait se décompenser ». L’expert relève également au niveau des effets du diabète d’Alain Solé un risque d’occlusion brutale de l’artère iliaque interne gauche. Or, si le médecin expert ne se prononce pas explicitement sur l’incompatibilité de l’état actuel d’Alain Solé avec la détention, car indique-t-il « Ne connaissant pas personnellement les conditions d’une détention ordinaire, il nous est difficile d’affirmer », il relève : - « comme facteur de risque, nous avons retenu un diabète insulino-dépendant qu’il n’est pas toujours facile d’équilibrer », Or, note-t-il « Il est difficile de réaliser un régime particulier dans ces conditions de détention » - la nécessité de procéder à des examens médicaux complexes « scintigraphie myocardique au Thallium Permantine », « une angioplastie de l’artère iliaque gauche pour éviter une occlusion brutale pouvant entraîner une ischémie du membre inférieur gauche », et une fois ces conditions requises : - les moyens logistiques et médicaux nécessaires à l’équilibrage du diabète. Il faut nécessairement déduire de ces constatations que l’administration pénitentiaire n’est pas en mesure de répondre à ces actes nécessaires pour empêcher l’aggravation de l’état de santé d’Alain Solé, mettant sa vie en péril. Ainsi, s’ajoute encore à une détention provisoire inadmissible, une incarcération dans des conditions visant à le détruire physiquement. L’infarctus dont a été victime Alain Solé le 4 octobre 2002, aurait pu être évité si l’administration pénitentiaire n’avait refusé dans la période précédente à ce qu’il soit procédé à des examens en milieu hospitalier, comme les médecins l’avaient demandé. La Cour n’est pas maître de l’administration pénitentiaire et de ses déficiences, mais elle a la responsabilité de la détention, de sorte que l’aggravation de l’état de santé d’Alain Solé, et le risque d’un accident vital est de sa responsabilité, comme le Ministre de la justice de son côté, porte la responsabilité hiérarchique et politique sur le défaut de surveillance médicale et soins appropriés pour préserver l’état de santé d’Alain Solé. |