Publié le samedi 14 juin 2003 | http://prison.rezo.net/courrier-a-christine-boutin/ Courrier recommandé reçu le 10 juin 2003 À Madame Christine BOUTIN Avize, le mercredi 4 juin 2003 Objet : Privation de parloir injustifiée et arbitraire Chère Madame, C’est en tant qu’enseignant de Lettres et de Philosophie dans les prisons, et comme membre de l’association BAN PUBLIC, que je me permets de vous alerter sur une situation grave, concernant un détenu incarcéré en détention provisoire à la Maison d’arrêt de Fresnes, ainsi que sa famille. Il ne s’agit nullement de me prononcer sur les raisons qui ont conduit à l’incarcération de Monsieur Brahim TITI, mais d’en appeler à la défense des valeurs familiales auxquelles je connais votre attachement. En tant que prévenu, M. Titi doit bénéficier de trois parloirs hebdomadaires. Or, il n’a pas pu rencontrer sa femme et sa petite fille de 11 ans depuis trois mois. Cette dernière en souffre tout particulièrement, ce qui l’a déjà conduit à être suivie par le service pédopsychiatrique de l’hôpital de Créteil. De plus, à la suite d’un récent débat télévisé sur France 3 (5 mai dernier) où Madame Rahya TITI a été invitée à témoigner des conditions de détentions faites à son mari, et de la difficulté du maintien des relations familiales, son époux a non seulement été condamné à 45 jours de mitard, mais l’audience prévue au tribunal le 23 mai qui aurait enfin donner à cette famille l’occasion de se voir (et dans quelles condition !) a été remise à un mois, sur simple décision du juge : son épouse en a été avisée par téléphone la veille, et ce, sans aucune justification et en dépit de toutes les procédures légales. Ce n’est pas en privant les détenus de leurs liens familiaux que l’on peut espérer préparer des réinsertions réussies. Et si cette façon de procéder est déjà inadmissible pour des adultes, comment le faire comprendre à une petite fille à qui on refuse de rencontrer son papa ! Pour la connaître un peu, je puis vous assurer qu’elle ne porte pas particulièrement le monde de la Justice dans son cœur : en confondant cette petite fille dans le crime ’ supposé ’ de son père, que sommes nous en train de faire ? Des révoltés ; de la graine de délinquants. Je ne pense pas qu’en agissant de la sorte - et je suis certain que vous partagerez ce point de vue -, on œuvre à l’établissement de la “paix sociale” dont nous parlent tant nos politiques. Je vous prie donc de bien vouloir user de votre influence de femme de convictions, pour que le droit de visite de cette famille soit rétabli au plus vite. Il en va de la santé mentale des intéressés et de la santé de notre société. Sûr de votre compréhension, et vous remerciant par avance de l’intérêt que vous aurez porté à ce courrier, je vous prie d’agréer, Madame Boutin, l’expression de mes plus respectueuses salutations. Dominique Bataillon |