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Recommandation R(87)3 sur les règles pénitentiaires

RECOMMANDATION N°R(87)3 DU COMITE DES MINISTRES AUX ETATS MEMBRES SUR LES REGLES PENITENTIAIRES EUROPENNES
 [1]

(adoptée par le Comité des Ministres le 12 février 1987, lors de la 404è réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des ministres, en vertu de l’article 15.b du Statut du Conseil d’Europe,

Considérant qu’il est de l’intérêt des Etats membres du Conseil de l’Europe d’établir des principes communs en matière de politique pénale ;

Constatant que (nonobstant les progrès considérables intervenus dans la mise au point de mesures non pénitentiaires de traitement des délinquants) la privation de liberté demeure une sanction pénale nécessaire ;

Considérant l’importance que revêtiront les règles internationales dans la pratique et la philosophie pénitentiaires ;

Observant toutefois que l’évolution de la société et les changements concernant le traitement des détenus et l’administration pénitentiaire sont tels qu’ils exigent une révision de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, élaborées par le Conseil d’Europe (Résolution (73)5) afin d’appuyer et d’encourager les conceptions les plus appropriées et d’offrir un cadre aux modifications ultérieures,

Recommande aux gouvernements des Etats membres de s’inspirer dans leur législation et pratique internes des principes retenus dans le texte des règles pénitentiaires européenne, tel qu’il figure en annexe à la présente Recommandation, en vue de leur mise en œuvre progressive, en prêtant une attention particulière aux objectifs énoncés dans le préambule et aux principes fondamentaux exposés dans la première partie, et de donner à ce texte la plus large diffusion possible.

Annexe à la Recommandation n° R (87) 3 - Règles pénitentiaires européennes - Version européenne révisée de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus

PREAMBULE

Les buts de ces règles sont :
a. d’établir un ensemble de règles minima portant sur les aspects de l’administration pénitentiaire qui sont essentielles pour assurer des conditions humaines de détention et un traitement positif dans le cadre d’un système moderne et progressif ;

b. d’inciter les administrations pénitentiaires à développer une politique, une gestion et une pratique fondées sur des principes de finalité et d’équité actuels ;

c. d’encourager le personnel pénitentiaire à adopter une attitude conforme à la déontologie de la profession et à la fonction sociale qu’il est appelé à remplir, à exercer son activité de manière gratifiante au mieux des intérêts de la collectivité et des détenus qui lui sont confiés ;

d. de définir des critères de base réalistes permettant aux administrations pénitentiaires et aux services d’inspection de porter des jugements valables sur les résultats obtenus et d’améliorer encore ces résultats.

Soulignons que ces règles ne sont pas des règles types et que, en fait, de nombreux services pénitentiaires européens sont d’ores et déjà allés au-delà et que d’autres s’efforcent de leur emboîter le pas. Lorsque l’application des règles est malaisée ou pose des problèmes d’ordre pratique, le Conseil d’Europe a l’expérience et les moyens nécessaires pour donner des avis et faire part des fruits de l’expérience dont disposent déjà dans ce domaine les diverses administrations pénitentiaires des Etats membres.

Il est beaucoup insisté, dans ces règles, sur la notion de dignité humaine, sur la volonté de l’administration pénitentiaire d’agir avec humanité et efficacité, sur l’importance du rôle joué par le personnel et la mise en œuvre d’une gestion moderne. Ces règles ont été élaborées pour servir de référence, encourager et guider l’action du personnel à tous les niveaux de l’administration pénitentiaire. L’exposé des motifs qui accompagne les règles a pour objet de bien faire comprendre et accepter les règles et de leur conférer la souplesse nécessaire pour en assurer l’application dans les meilleures conditions possible.

PREMIERE PARTIE - Principes fondamentaux

1. La privation de liberté doit avoir lieu dans des conditions matérielles et morales qui assurent le respect de la dignité humaine en conformité avec les présentes règles.
2. Les règles doivent être appliquées avec impartialité. Il ne doit pas être fait de différence de traitement fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la naissance, la situation économique ou toute autre situation. Les croyances religieuses et les principes moraux du groupe auquel le détenu appartient doivent être respectées.
3. Les buts du traitement des détenus doivent être de préserver leur santé et de sauvegarder leur dignité et, dans la mesure où la durée de la peine le permet, de développer leur sens des responsabilités et de les doter de compétences qui les aideront à se réintégrer dans la société, de vivre dans la légalité et de subvenir à leurs propres besoins après leur sortie de prison.
4. Des inspecteurs qualifiés et expérimentés, nommés par une autorité compétente, devront procéder à l’inspection régulière des établissements et services pénitentiaires. Leur tâche constituera en particulier à veiller si et dans quelle mesure ces établissements sont administrés conformément aux lois et règlements en vigueur, aux objectifs des services pénitentiaires et aux normes imposées par les présentes règles.
5. Le respect des droits individuels des détenus, en particulier la légalité de l’exécution des peines, doit être assuré par un contrôle exercé conformément à la réglementation nationale par une autorité judiciaire ou toute autre autorité légalement habilité à visiter des détenus, et n’appartenant pas à l’administration pénitentiaire.
6-1. Ces règles doivent être portées à la connaissance du personnel dans les différentes langues nationales.
6-2. Elles doivent également être accessibles aux détenus dans ces mêmes langues et dans la mesure du possible dans d’autres langues.

DEUXIEME PARTIE - Administration des établissements pénitentiaires

Accueil et enregistrement

7-1. Aucune personne ne peut être admise dans un établissement sans un titre de détention valable.
7-2. Les principales indications figurant sur ce titre et celles relatives à l’accueil doivent être immédiatement consignées.
8. Dans tout endroit où des personnes sont incarcérées, les informations suivantes concernant chaque nouveau détenu admis doivent être conservées dans leur totalité et en lieu sûr, à savoir :
son identité ;
le motif de sa détention et l’autorité compétente qui l’a décidée ;
le jour et l’heure de l’admission et de la sortie.
L’accueil des détenus doit être conforme aux principes fondamentaux des règles et conçu de façon à les aider à résoudre leurs problèmes personnels urgents.
9-1. Dès que possible après l’admission, il convient d’établir des dossiers détaillés sur la situation personnelle de chaque détenu condamné à une peine d’une certaine durée et de mettre sur pied un programme de formation pour préparer sa sortie. Ce programme sera soumis au directeur pour information ou approbation selon les cas.
9-2. Il faut obligatoirement que figurent dans les dossiers les rapports d’un médecin et du personnel directement responsables du détenu en cause.
9-3. Les rapports et renseignements concernant chaque détenu doivent être réunis en tenant compte de leur caractère confidentiel dans les dossiers individuels, régulièrement mis à jour et accessibles aux seules personnes autorisées.

Répartition et classification des détenus

10-1. Pour la répartition des détenus dans les établissements ou le choix d’un régime applicable, il est tenu compte notamment de leur situation judiciaire ou légale (prévenu ou condamné, condamné primaire ou récidiviste, courte peine ou longue peine), des exigences particulières de leur traitement, de leurs besoins médicaux, de leur sexe et âge.
10-2. Les hommes et les femmes doivent être détenus en principe séparément, mais ils peuvent participer ensemble à des activités organisées dans le cadre d’un programme de traitement déterminé.
10-3. En principe, les prévenus et les condamnés doivent être détenus séparément, sauf s’ils acceptent de cohabiter ou de participer ensemble à des activités profitables à tous.
10-4. Les jeunes détenus doivent être hébergés dans des conditions qui les protègent le mieux possible contre toute influence néfaste et ils doivent bénéficier d’un régime qui tienne compte des besoins particuliers de leur âge.
11. La répartition des détenus, ou la modification de cette répartition, doit avoir pour objet :
de séparer les détenus qui, en raison de leurs antécédents ou de leur personnalité, ont intérêt à être isolés des autres ou qui risquent d’exercer une influence fâcheuse sur leurs codétenus ; et de placer les détenus de manière à faciliter leur traitement et leur réadaptation sociale en tenant compte des exigences de l’administration et de la sécurité.
12. Il faut disposer, dans la mesure du possible, d’établissements séparés, ou de sections distinctes d’un établissement, pour faciliter l’application des différents régimes de traitement ou l’affectation de certaines catégories de détenus.

Locaux de détention

13-1. Les détenus doivent en principe être logés pendant la nuit dans des chambres individuelles, sauf dans les cas où il est considéré comme préférable qu’ils cohabitent avec d’autres détenus
13-2. Lorsqu’une chambre est partagée, elle doit être occupée par des détenus reconnus aptes à être logés dans ces conditions. La nuit, les détenus seront soumis à une surveillance adaptée au type d’établissement considéré.
14. Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de la santé et de l’hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne le cubage d’air, une surface raisonnable, l’éclairage, le chauffage et l’aération.
15. Dans tout local où les détenus sont appelés à vivre ou à travailler :
les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que le détenu puisse notamment lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales. L’agencement de ces fenêtres doit permettre l’entrée d’air frais, sauf s’il existe un système de climatisation approprié. En outre, les fenêtres doivent, compte tenu des exigences de sécurité, présenter par leurs dimensions, emplacement et construction, une apparence aussi normale que possible ;
la lumière artificielle doit être conforme aux normes techniques admises en la matière.
16. Les installations sanitaires et leur accès doivent permettre au détenu de satisfaire aux besoins naturels au moment voulu dans des conditions de décence et de propreté.
17. Les installations de bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse être à même et tenu de les utiliser, à une température adaptée au climat, et aussi fréquemment que l’exige l’hygiène générale, selon la saison et la région géographique, mais au moins une fois par semaine. Partout où cela est possible, les détenus devraient y avoir librement accès à tout moment jugé raisonnable.
18. Tous les locaux d’une institution doivent être maintenus en parfait état d’entretien et de propreté.

Hygiène personnelle

19. On doit exiger des détenus la propreté personnelle ; à cet effet, ils doivent disposer d’eau et des articles de toilette nécessaires à leur santé et à leur propreté.
20. Par souci d’hygiène et afin de permettre aux détenus d’avoir un aspect correct et de préserver le respect d’eux-mêmes, des facilités seront prévues pour le bon entretien de la chevelure et de la barbe ; les hommes doivent pouvoir se raser régulièrement.

Vêtements et literie

21-1. Tout détenu qui n’est pas autorisé à porter ses vêtements personnels doit recevoir un trousseau adapté au climat et propre à le maintenir en bonne santé. Ces vêtements ne doivent en aucune manière être dégradants ou humiliants.
21-2. Tous les vêtements doivent être propres et maintenus en bon état. Les sous-vêtements doivent être changés et lavés aussi fréquemment qu’il est nécessaire pour le maintien de l’hygiène.
21-3. Quand un détenu obtient la permission de sortir de l’établissement, il doit être autorisé à porter ses vêtements personnels et sous-vêtements n’appelant pas l’attention.
22. A moment de l’admission d’un détenu dans un établissement, des dispositions doivent être prises pour assurer le maintien en bon état de ses vêtements.
23. Chaque détenu doit disposer d’un lit et d’une literie individuelle convenables, entretenue correctement et renouvelée de façon à en assurer la propreté.

Alimentation

24-1. L’administration doit, conformément aux normes établies en la matière par les autorités de santé, fournir aux détenus, aux heures habituelles, une nourriture convenablement préparée et présentée, répondant du point de vue de la qualité et de la quantité aux règles de la diététique et de l’hygiène modernes et tenant compte de leur âge, de leur état de santé, de la nature de leur travail et, dans toute la mesure du possible, des exigences imposées par des convictions religieuses ou culturelles.
24-2. Chaque détenu doit avoir la possibilité de disposer d’eau potable.

Services médicaux

25-1. Chaque établissement pénitentiaire doit disposer au moins des services d’un médecin généraliste. Les services médicaux devraient être organisés en relation étroite avec l’administration générale du service de santé de la communauté ou de la notion. Ils doivent comprendre un service psychiatrique pour le diagnostic et, s’il y a lieu, le traitement des troubles mentaux.
25-2. Pour les détenus malades qui ont besoin de soins médicaux spécialisés, il faut prévoir le transfèrement vers des établissements spécialisés ou vers des hôpitaux civils. Lorsque le traitement hospitalier est organisé dans l’établissement, celui-ci doit être pourvu d’une installation, d’un matériel et des produits pharmaceutiques permettant de donner les soins et le traitement convenables aux détenus malades ; le personnel doit avoir une formation professionnelle suffisante
25-3. Tout détenu doit pouvoir bénéficier des soins d’un dentiste diplômé.
Les détenus ne peuvent être soumis à des expériences pouvant porter atteinte à l’intégrité de leur personne physique ou morale.
Les détenus ne peuvent être soumis à des expériences pouvant porter atteinte à l’intégrité de leur personne physique ou morale.
26-1. Dans la mesure du possible, des dispositions doivent être prises pour que les accouchements aient lieu dans un hôpital civil. Toutefois, à défaut de tels arrangements, les institutions doivent disposer du personnel nécessaire, d’arrangements et d’installations spéciaux pour l’accouchement des femmes enceintes et les soins post-natals. Si l’enfant est né en prison, il importe que l’acte de naissance n’en fasse pas mention.
26-2. Lorsque les mères détenues sont autorisées à garder leur enfant, des mesures spéciales doivent être prises pour disposer d’une crèche, dotée de personnel qualifié, où les nourrissons seront placés durant le temps où ils ne sont pas laissés au soin de leur mère.
27. Le médecin doit examiner chaque détenu dans les plus brefs délais possible après son admission et aussi souvent que cela est nécessaire par la suite, aux fins notamment de déceler l’existence possible d’une maladie physique ou mentale et de prendre toutes les mesures nécessaires pour son traitement médical ; d’assurer la séparation des détenus suspects d’être atteints de maladies infectieuses ou contagieuses ; de relever les déficiences physiques ou mentales qui pourraient lui être un obstacle à sa réinsertion après sa libération, et de déterminer la capacité physique de travail de chaque détenu.
28-1. Le médecin est chargé de surveiller la santé physique et mentale des détenus. Il doit voir, dans les conditions et suivant la fréquence qu’imposent les normes hospitalières, tous les détenus malades, tous ceux qui signalent être malades, blessés, et tous ceux sur lesquels son attention est particulièrement attirée.
28-2. Le médecin doit présenter un rapport au directeur chaque fois qu’il estime que la santé physique et mentale a été ou sera défavorablement affectée par la prolongation ou par une modalité quelconque de la détention.
29-1. Le médecin ou une autorité compétente doit faire des inspections régulières et conseiller le directeur en ci concerne :
la quantité, la qualité, la préparation et la distribution des aliments et de l’eau ;
l’hygiène et la propreté de l’établissement et des détenus ;
les installations sanitaires, le chauffage, l’éclairage et la ventilation de l’établissement
la qualité et la propreté des vêtements et de literie des détenus.
29-2. Le directeur doit prendre en considération les rapports et conseils du médecin visés aux règles 30, paragraphe 2, et 31, paragraphe 1, et, en cas d’accord, prendre immédiatement les mesures voulues pour que ces recommandations soient suivies ; en cas de désaccord ou si la matière n’est pas de sa compétence, il transmettra immédiatement ses propres commentaires et le rapport médical à l’autorité supérieure.
30. Les services médicaux de l’établissement doivent s’efforcer de dépister et de traiter toutes les maladies physiques ou mentales, ou de corriger les défauts susceptibles de compromettre la réinsertion du détenu après sa libération. A cette fin, il doit être fourni au détenu tous les soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques nécessaires, y compris ceux qui sont dispensés à l’extérieur.

Discipline et punition

31. L’ordre et la discipline doivent être maintenus dans l’intérêt de la sécurité, d’une vie communautaire bien organisée et des objectifs du traitement poursuivi dans l’établissement.
32-1. Aucun détenu ne pourra remplir dans les services de l’établissement un emploi comprenant un pouvoir disciplinaire.
32-2. Cette règle ne saurait toutefois faire obstacle au bon fonctionnement d’arrangements impliquant que certaines activités ou responsabilités d’ordre social, éducatif ou sportif soient confiées, sous contrôle, à des détenus groupés en vue de leur participation à des programmes propres à leur régime.
33. Les points suivants doivent être déterminés soit par la loi, soit par un règlement de l’autorité compétente :
la conduite qui constitue une infraction disciplinaire ;
le genre et la durée des sanctions disciplinaires qui peuvent être infligées ;
l’autorité compétente pour prononcer ces sanctions ;
l’autorité à saisir d’un recours et la procédure à suivre en la matière.
34-1. Un détenu ne peut être puni que conformément aux dispositions d’une telle loi ou d’un tel règlement, et jamais deux fois pour les mêmes faits.
34-2. Le rapport disciplinaire doit être immédiatement transmis aux autorités compétentes qui statuent sans délai.
34-3. Aucun détenu ne peut être puni sans être informé de l’infraction qu’on lui reproche et sans qu’il ait eu la possibilité de présenter sa défense.
34-4. Dans la mesure où cela est nécessaire et réalisable, le détenu doit être autorisé à présenter sa défense par l’intermédiaire d’un interprète.
35. Les sanctions collectives, les peines corporelles, la mise au cachot obscur, ainsi que toute punition cruelle, inhumaine ou dégradante, doivent être complètement défendues comme sanctions disciplinaires.
36-1. La sanction de l’isolement disciplinaire et toute autre mesure punitive qui risquerait d’altérer la santé physique et mentale du détenu, ne peuvent être infligées que si le médecin, après avoir examiné le détenu, certifie par écrit que celui-ci est capable de les supporter.
36-2. En tout cas, de telles mesures ne devront jamais être contraires au principe posé par la règle 37, ni s’en écarter.
36-3. Le médecin doit visiter tous les jours les détenus qui subissent de telles sanctions disciplinaires et doit faire rapport au directeur s’il estime nécessaire de mettre fin à la sanction ou de la modifier pour des raisons de santé physique ou mentale.

Moyens de contraintes

37. L’emploi de chaînes et de fers doit être prohibé. Les menottes, les camisoles de force et autres entraves ne seront jamais appliquées à titre de sanctions. Elles ne pourront être utilisées que dans les cas suivants :
au besoin, par mesure de précaution contre une évasion pendant un transfèrement, pourvu qu’elles soient enlevées dès que le détenu comparaît devant une autorité judiciaire ou administrative à moins que ladite autorité en décide autrement ;
pour des raisons médicales, sur indications et sous la surveillance du médecin ;
sur ordre du directeur, si les autres moyens de maîtriser un détenu ont échoué, afin de l’empêcher de porter préjudice à lui-même ou à autrui ou de causer des dégâts importants ; dans ce cas, le directeur doit consulter d’urgence le médecin et faire rapport à l’autorité administrative supérieure.
38. Le modèle et le mode d’emploi des instruments de contrainte autorisés à l’article précédent doivent être déterminés par la loi ou les règlements en vigueur. Leur application ne doit pas être prolongée au-delà du temps strictement nécessaire.

Information et droit de plainte des détenus

39-1. Lors de son admission, chaque détenu doit recevoir des informations écrites concernant la réglementation relative au traitement des détenus de la catégorie concernée, des règles disciplinaires de l’établissement, des moyens autorisés pour obtenir des renseignements et formuler des plaintes, et de tous autres points qui peuvent être nécessaires pour lui permettre de connaître ses droits et ses obligations et de s’adapter à la vie de l’établissement.
39-2. Si le détenu ne peut prendre connaissance de ces informations, toutes explications doivent lui être données oralement.
40-1. Tout détenu doit avoir chaque jour l’occasion de présenter des requêtes et des plaintes au directeur de l’établissement ou au fonctionnaire ayant qualité pour agir en ses lieu et place.
40-2. Tout détenu doit pouvoir s’adresser ou présenter des requêtes ou des plaintes à un inspecteur des prisons ou à toute autre autorité dûment habilitée à visiter l’établissement, hors de la présence du directeur et des autres membres du personnel. Toutefois, les recours introduits contre des décisions officielles peuvent être limités aux procédures autorisées.
40-3 Tout détenu doit être autorisé à adresser, sous pli fermé, une requête ou plainte à l’administration pénitentiaire centrale, à l’autorité judiciaire ou à d’autres autorités compétentes.
40-4. Toute requête ou plainte adressée ou transmise à l’autorité pénitentiaire doit être étudiée sans retard par cette autorité et une réponse donnée au détenu en temps utile.

Contacts avec le monde extérieur

41-1. Les détenus doivent être autorisés à communiquer avec leur famille et, sous réserve des impératifs de leur traitement, de la sécurité et du bon ordre de l’établissement, avec les personnes ou représentants d’organismes extérieurs, et à recevoir des visites desdites personnes à intervalles réguliers.
41-2. Afin d’encourager les contacts avec le monde extérieur, il doit exister un système de congé pénitentiaire compatible avec les objectifs du traitement qui font l’objet de la quatrième partie de présentes règles.
42-1. Les détenus nationaux d’un pays étranger devraient être informés, sans retard, de leur droit de s’adresser aux représentants diplomatiques et consulaires de l’Etat auquel ils appartiennent ; des facilités raisonnables doivent leur être accordées pour communiquer avec lesdits représentants. L’administration pénitentiaire devrait coopérer étroitement avec ces représentants dans l’intérêt des ressortissants étrangers incarcérés qui peuvent avoir besoin d’une assistance particulière.
42-2. Les détenus ressortissants d’Etats qui n’ont pas de représentants diplomatiques ou consulaires dans le pays, ainsi que les réfugiés et les apatrides, doivent bénéficier des mêmes facilités de s’adresser au représentant diplomatique de l’Etat chargé de leurs intérêts ou à toute autre autorité nationale ou internationale dont la mission est de défendre lesdits intérêts.
43. Les détenus doivent pouvoir se tenir régulièrement au courant des évènements, soit par la lecture des journaux quotidiens, de périodiques et d’autres publications, soit par tous autres moyens similaires autorisés ou contrôlés par l’administration. Des dispositions spéciales devraient être prises pour répondre aux besoins des ressortissants étrangers éprouvant des difficultés linguistiques.

Assistance religieuse et morale

44. Chaque détenu doit être autorisé, dans la mesure du possible, à satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, spirituelle et morale, en participant aux services ou réunions organisées dans l’établissement et en ayant en sa possession les livres ou publications nécessaires.
45-1. Si l’établissement contient un nombre suffisant de détenus appartenant à la même religion, un représentant qualifié de cette religion doit être nommé ou agréé. Lorsque le nombre de détenus le justifie et que les circonstances le permettent, un arrangement devrait être conclu sur une base permanente.
45-2. Le représentant qualifié, nommé ou agréé selon le paragraphe 1 doit être autorisé à organiser périodiquement des services et des activités religieux et à faire, chaque fois que cela est indiqué, des visites pastorales en particulier aux détenus de sa religion.
45-3. Le droit d’entre en contact avec un représentant qualifié d’une religion ne doit jamais être refusé à aucun détenu. Si un détenu s’oppose à la visite d’un représentant d’une religion, sa volonté doit être respectée.

Dépôt des objets appartenant aux détenus

46-1. Lorsque le règlement n’autorise pas les détenus à conserver en leur possession l’argent, les objets de valeur et autres effets qui leur appartiennent, ceux-ci doivent être placés en lieu sûr, lors de l’admission dans l’établissement. Une liste de ces objets doit être établie et signée par le détenu. Des mesures doivent être prises pour conserver ces objets en bon état. Si des objets sont détruits par mesure d’hygiène, ce fait doit être consigné et le détenu en sera informé.
46-2. Ces objets et l’argent doivent lui être rendus à sa libération, à l’exception de l’argent qui a été régulièrement prélevé, des objets qu’il a pu envoyer à l’extérieur ou qui ont dû être détruits par mesure d’hygiène. Le détenu doit donner décharge des objets et de l’argent qui lui ont été restitués.
46-3. Dans la mesure du possible, les valeurs ou objets envoyés de l’extérieur au détenu sont soumis aux mêmes règles à moins que leur utilisation pendant l’incarcération ait été prévue et autorisée.
46-4. Si le détenu est porteur de médicaments au moment de son admission, le médecin décidera de l’usage à en faire.

Notification de décès, maladie, transfèrement...

47-1. En cas de décès ou de maladie grave, d’accident grave ou de placement du détenu dans un établissement pour malades mentaux, le directeur doit en informer immédiatement le conjoint ou le parent le plus proche et, en tout cas, toute autre personne dont le détenu a demandé qu’elle soit informée.
47-2. Un détenu doit être informé immédiatement du décès ou de la maladie grave d’un proche parent. Dans le cas, et lorsque les circonstances le permettent, le détenu devrait être autorisé à rendre visite à ce parent, soit sous escorte, soit librement.
47-3. Tout détenu aura le droit d’informer immédiatement sa famille de sa détention ou de son transfèrement dans un autre établissement.

Transport des détenus

48-1. Lorsque les détenus sont amenés dans un établissement ou en sont extraits, ils doivent être exposés aussi peu que possible à la vue du public, et des dispositions doivent être prises pour les protéger des insultes, de la curiosité et de toute espèce de publicité.
48-2. Le transport des détenus dans des véhicules mal aérés ou éclairés ou dans des conditions leur imposant une souffrance physique ou une humiliation, doit être interdit.
48-3. Le transport des détenus doit se faire aux frais de l’administration, conformément aux règles en vigueur.

TROISIEME PARTIE - Personnel

49. Compte tenu du rôle capital joué par le personnel pénitentiaire en ce qui concerne la bonne gestion des établissements et les efforts déployés en vue d’atteindre leurs objectifs visés au plan de l’organisation et du traitement, les administrations pénitentiaires placeront en tête des priorités la stricte observance des règles applicables au personnel.
50. Les membres du personnel pénitentiaire seront constamment encouragés par le truchement de la formation, de procédures de consultations et des méthodes efficaces de gestion, à développer en eux le sens de l’humain et du devoir.
51. L’administration pénitentiaire doit estimer que l’une de ses tâches majeures est de tenir l’opinion publique constamment informée du rôle joué par le système pénitentiaire et du travail accompli par son personnel, de manière à mieux faire comprendre au public l’importance de leur contribution à la société.
52-1. L’administration pénitentiaire doit choisir avec soin le personnel de tout grade, au moment du recrutement et lors des affectations successives. Compte doit être tenu en particulier de l’intégrité des qualités humaines, des capacités professionnelles et des aptitudes personnelles exigées par cette tâche.
52-2. Les membres du personnel doivent normalement être employés à titre permanent en qualité de fonctionnaires pénitentiaires ; ils doivent avoir le statut d’agents de l’Etat et être assurés en conséquence d’une sécurité d’emploi ne dépendant que de leur bonne conduite, efficacité de leur travail, aptitude physique et santé mentale, et d’un niveau d’instruction approprié. La rémunération doit être suffisante pour permettre de recruter et de maintenir en service des hommes et des femmes compétents ; les avantages de carrière et les conditions d’emploi doivent être déterminés en tenant compte de la nature pénible du travail.
52-3. Chaque fois qu’il est nécessaire d’employer du personnel à temps partiel, ces critères devraient lui être appliqués dans la mesure où ils sont pertinents.
53-1. Le personnel doit suivre, dès son recrutement ou après un stage de durée appropriée, un cours de formation générale et spéciale et satisfaire à des épreuves théoriques et pratiques, à moins que ses qualifications professionnelles ne l’en dispensent.
53-2. Tout au long de sa carrière, le personnel devra entretenir et améliorer ses connaissances et ses compétences professionnelles en suivant les cours de perfectionnement organisés périodiquement par l’administration.
53-3. Des dispositions devraient être prises pour permettre au personnel, dont les capacités professionnelles en bénéficieraient, d’acquérir une expérience et une formation plus étendues.
53-4. Tous les membres du personnel, au cours de leur formation, devraient prendre connaissance des règles pénitentiaires européennes et être informés de leur mise en application ; ils devraient également être initiés à la Convention européenne des Droits de l’homme.
54. Tous les membres du personnel doivent en toute circonstance se comporter et accompli leur tâche de telle manière que leur exemple ait une bonne influence sur les détenus et suscite leur respect.
55-1. On doit adjoindre au personnel, dans toute la mesure du possible, un nombre suffisant de spécialistes tels que les psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, enseignants, instructeurs techniques, professeurs ou moniteurs d’éducation physique et sportive.
55-2. Ce personnel ainsi que d’autres spécialistes doivent normalement être employés sur une base permanente, mais on peut aussi faire appel à des auxiliaires à temps partiel ou à des bénévoles en cas de besoin, lorsque leur intervention est jugée opportune.
56-1. L’administration pénitentiaire doit s’assurer que chaque établissement soit à tout moment sous l’entière responsabilité du directeur, du directeur adjoint ou d’un fonctionnaire en charge.
56-2. Le directeur d’un établissement doit être bien qualifié pour sa tâche, qu’il s’agisse de son caractère, de ses compétences administratives, de sa formation et de son expérience.
56-3. Le directeur doit être nommé à plein temps dans un établissement ; il doit pouvoir être contacté ou être disponible à tout moment, ainsi qu’il est stipulé dans les instructions de l’administration pénitentiaire.
56-4. Lorsque deux ou plusieurs établissements sont sous l’autorité d’un seul directeur, celui-ci doit les visiter l’un et l’autre à de fréquents intervalles. Chacun des établissements doit avoir à sa tête un fonctionnaire responsable.
57. L’administration doit promouvoir des méthodes d’organisation et des systèmes de gestion propres à assurer une bonne communication entre les diverses catégories de personnel de l’établissement et une bonne coordination des services, spécialement en ce qui concernent le traitement et la réinsertion sociale des détenus.
58-1. Le directeur, son adjoint et la majorité des autres membres du personnel doivent parler la langue de la plupart des détenus, ou une langue comprise par la majorité d’entre eux.
58-2. On doit recourir aux services d’un interprète chaque fois que cela est nécessaire et possible.
59-1. Des dispositions doivent être prises, pour assurer qu’un médecin qualifié et approuvé soit en mesure d’intervenir à tout moment en cas d’urgence.
59-2. Dans les institutions ne disposant pas d’un ou plusieurs médecins permanents, un médecin à temps partiel ou une personnel autorisé d’un service de santé doit procéder à des visites régulières.
60. La nomination de membres du personnel des deux sexes travaillant ensemble, dans les établissements ou des ailes d’établissements, hébergeant des détenus hommes ou femmes, doit être encouragée.
61-1. Le personnel des établissements ne doit pas utiliser la force à l’égard des détenus qu’en cas de légitime défense, de tentative d’évasion ou de résistance active ou passive à un ordre fondé sur la loi ou le règlement. Les fonctionnaires qui recourent à la force doivent en limiter l’emploi au strict nécessaire et signaler immédiatement l’incident au directeur de l’établissement.
61-2. Les membres du personnel pénitentiaire doivent recevoir si nécessaire une formation technique spéciale qui leur permette de maîtriser les détenus violents.
61-3. Sauf circonstances spéciales, les agents qui assurent un service les mettant en contact direct avec les détenus ne doivent pas être armés. Par ailleurs, on ne doit jamais confier une arme à un membre du personnel sans que celui-ci ait été entraîné à son maniement.

QUATRIEME PARTIE

Objectifs du traitement et régimes

62. L’emprisonnement, de par la privation de liberté, est une punition en tant que telle. Les conditions de détention et les régimes pénitentiaires ne doivent donc pas aggraver la souffrance ainsi causée, sauf si la ségrégation ou le maintien en discipline le justifie.
63. Tous les efforts doivent être entrepris pour s’assurer que les régimes des établissements soient établies et gérés de manière à :
assurer les conditions de vie compatibles avec la dignité humaine et avec les normes acceptables par la collectivité ;
réduire au minimum les effets préjudiciables de la détention et les différences entre la vie carcérale et la vie en liberté afin que les détenus ne perdent pas le respect de soi pou le sens de leur responsabilité personnelle ;
maintenir et renforcer les liens des détenus avec les membres de leur famille et le monde extérieur dans l’intérêt des uns et des autres ;
offrir aux détenus la possibilité d’améliorer leurs connaissances et leurs compétences et d’accroître ainsi leurs chances de réinsertion dans la société après leur libération.
64. Dans cette perspective, tous les moyens curatifs, éducatifs, moraux, spirituels et tous les autres moyens appropriés devraient être disponibles et utilisés pour répondre aux besoins du traitement personnalisé des détenus. Il faudrait donc prévoir :
une aide et assistance spirituelles et la possibilité de travailler, de bénéficier d’une orientation et d’une formation professionnelles, de faire des études, de pratiquer des exercices physiques, d’apprendre à vivre en société, d’être conseillé, de s’adonner à des activités de groupe et à des activités récréatives ;
la prise de dispositions pour que ces activités soient conçues, dans la mesure du possible, de manière à rendre plus nombreux les contacts avec et les possibilités offertes par le monde extérieur afin de faciliter la réinsertion sociale des détenus ;
des procédures pour établir et réviser les programmes de traitement personnalisé et de formation à l’intention des détenus après ample consultation du personnel concerné et, dans la mesure du possible, des détenus dont il est question ;
des systèmes de communication et un mode de gestion qui favorisent l’établissement de relations positives entre le personnel et les détenus qui permettront d’élaborer des perspectives de régimes et de programmes de traitement efficaces.
65-1. Pour atteindre ces objectifs, il convient de personnaliser les traitements ; il faut donc mettre en place un système souple de répartition des détenus qui devraient être placés dans des établissements ou unités différents où chacun d’eux pourra recevoir et la formation et le traitement appropriés.
65-2. Le type, la dimension, l’organisation et la capacité de ces établissements ou unités dépendra essentiellement du traitement appliqué.
65-3. Le système de répartition des détenus tiendra pleinement compte des impératifs de sécurité et de contrôle. Les détenus devraient toutefois être placés dans la catégorie la plus basse possible, compatible avec la sécurité publique et les besoins de chacun d’eux. il faut s’efforcer de placer les détenus dans des établissements ouverts, ou bien leur offrir de larges possibilités de contacts avec la communauté extérieure. Il semble particulièrement important que les ressortissants étrangers aient des contacts avec leurs propres compatriotes.
66. C’est pourquoi, dès que possible après l’admission et après une étude de la personnalité de chaque détenu condamné à une peine d’une certaine durée, un programme de traitement dans un établissement approprié doit être préparé pour lui, à la lumière des données dont on dispose sur ses besoins individuels, ses capacités et son état d’esprit, en particulier son désir de demeurer à proximité de sa famille.
67-1. Les détenus, astreints à tel ou tel régime, doivent pouvoir participer, dans l’établissement, à des activités susceptibles de développer leur sens des responsabilités, d’autodépendance et de les amener à s’intéresser activement à leur propre traitement.
67-2. On devrait s’efforcer de mettre au point des méthodes propres à favoriser la coopération et la participation des détenus à leur traitement. A cette fin, il conviendrait d’inciter les détenus à assumer, dans le cadre de la règle 34, des responsabilités dans certains secteurs d’activités de l’établissement.
68-1. La préparation des détenus à leur libération devrait commencer le plus tôt possible après leur arrivée dans un établissement pénitentiaire. On doit se garder de faire sentir aux détenus qu’ils sont exclus de la société, mais bien au contraire leur donner à penser qu’ils continuent à en faire partie. Dans cette optique, il serait bon de faire appel dans toute la mesure du possible à des organismes et à reclasser les détenus et, en particulier, à entretenir et à améliorer les relations du détenu avec sa famille, avec d’autres personnes et avec les organismes sociaux. Des mesures doivent être prises aux fins de sauvegarder, dans toute la mesure compatible avec la loi et la peine infligée, les droits civils, les droits en matière de sécurité sociale et autres avantages sociaux des détenus.
68-2. Les programmes de traitement devraient également comporter une disposition relative aux congés pénitentiaires qui devraient aussi être accordés le plus largement possible pour des raisons médicales, éducatives, professionnelles, familiales et autres raisons sociales.

68-3. Les ressortissants étrangers ne devraient pas être exclus du bénéfice des congés pénitentiaires, uniquement en raison de leur nationalité. En outre, tout devrait mis en œuvre pour leur permettre de participer en commun aux activités prévues par leur régime, afin d’atténuer leur sentiment d’isolement.

Travail

69-1. Le travail en prison doit être considéré comme un élément positif du traitement, de la formation et de la gestion de l’établissement.
69-2. Les détenus condamnés peuvent être soumis à l’obligation du travail, compte tenu de leur aptitude physique et mentale telle qu’elle est déterminée par le médecin.
69-3. Un travail suffisant ou, le cas échéant, d’autres activités utiles doivent être proposés aux détenus pour qu’ils soient occupés pendant la durée normale d’une journée de travail.
69-4. Ce travail doit être, dans la mesure du possible, de nature à entretenir ou à augmenter la capacité du détenu de gagner normalement sa vie après sa sorite de prison.
69-5. Il faut donner une formation professionnelle dans des métiers utiles aux détenus qui sont à même d’en profiter, et particulièrement aux jeunes.
69-6. Dans les limites compatibles avec une sélection professionnelle rationnelle, les possibilités de l’administration et les exigences de la discipline de l’établissement, les détenus doivent pouvoir choisir le genre de travail qu’ils désirent accomplir.
70-1. L’organisation et les méthodes de travail dans les établissements doivent se rapprocher autant que possible de celles qui régissent un travail analogue dans la communauté, afin de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre. Ce travail devrait donc répondre aux normes en vigueur et aux techniques, et être organisé dans le cadre des méthodes modernes de gestion et de production.
70-2. La volonté de tirer un profit financier du travail pénitentiaire peut avoir pour effet d’élever le niveau et d’améliorer la qualité de la formation, mais les intérêts des détenus et leur traitement ne doivent pas être subordonnés à cette fin.
71-1. La mise au travail des détenus doit être assurée par l’administration pénitentiaire
soit dans ses propres locaux, ateliers et exploitations agricoles ;
soit avec le concours de chefs d’entreprise à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement. 71-2. Dans ce cas, les employeurs doivent verser le salaire normalement dû, en tenant toutefois compte du rendement des détenus.
72-1. La sécurité et l’hygiène doivent être assurées dans des conditions semblables à celles dont bénéficient les travailleurs libres.
72-2. Des dispositions doivent être prises pour indemniser les détenus victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles dans des conditions égales à celles prévues par la loi dans le cas de travailleurs libres.
73-1. Le nombre maximal d’heures de travail des détenus par jour et par semaine doit être fixé conformément à la réglementation ou aux usages locaux concernant l’emploi des travailleurs libres.
73-2. Les détenus doivent bénéficier d’au moins un jour de repos par semaine et de suffisamment de temps pour s’instruire et s’adonner aux activités prévues dans le cadre de leur traitement et en vue de leur réinsertion sociale.
74-1. Le travail des détenus doit être rémunéré d’un façon équitable.
74-2. Le règlement doit permettre aux détenus d’utiliser au moins une partie de leur rémunération pour l’achat d’objets autorisés par le règlement, destinés à leur usage personnel, et d’en consacrer une autre partie à leur famille ou à d’autres usages autorisés.
74-3. Le règlement devrait prévoir également qu’une partie de la rémunération sera mise de côté par l’administration afin de constituer un pécule qui sera remis au détenu au moment de sa libération.

Instruction

75. Un programme d’études complet doit être mis sur pied dans chaque établissement afin d’offrir à tous les détenus la possibilité de cultiver au moins certains de leurs centres d’intérêt. L’objectif de tels programmes devrait être d’accroître leurs chances de réinsertion sociale, de soutenir leur moral, d’améliorer leur comportement et de les aider à sauvegarder leur dignité.
76. L’éducation doit être considérée comme une activité du régime pénitentiaire, au même titre que le travail, à condition qu’elle soit intégrée dans l’horaire normal de travail et fasse partie intégrante du programme de traitement personnalisé.
77. L’éducation des jeunes détenus, notamment de ceux d’origine étrangère ou ceux ayant des besoins culturels particuliers, en raison de leur ethnie, devrait retenir particulièrement l’attention des administrations pénitentiaires.
78. Des programmes spéciaux de rattrapage devraient être mis sur pied pour les détenus qui ont des problèmes spéciaux, par exemple ceux qui sont illettrés.
79. Dans la mesure du possible, l’instruction des détenus doit :
être intégrée au système d’éducation publique afin que les intéressés puissent poursuivre aisément leur formation après leur sortie de prison ;
être dispensée dans des établissements d’enseignement en dehors de l’établissement pénitentiaire.
80. Chaque établissement sera doté d’une bibliothèque destinée à toutes les catégories de détenus ; elle sera approuvée convenablement en ouvrages récréatifs et instructifs et les détenus seront encouragés à en faire pleinement usage. Partout où cela est possible, la bibliothèque de la prison devrait être organisée avec le concours des bibliothèques publiques.

Education physique, exercice, sports et loisirs

81. Les régimes pénitentiaires doivent reconnaître l’importance pour la santé physique et mentale d’activités visant à maintenir les détenus en bonne forme physique, à leur permettre de faire de l’exercice et de se distraire.
82. Par conséquent, un bon programme d’éducation physique, de sport et d’activités récréatives devrait être mis en place dans le cadre du système de traitement et de formation. A cet effet, le terrain, les installations et l’équipement doivent être mis à leur disposition.
83. Les administrations pénitentiaires devraient veiller à ce que les détenus qui participent à ces programmes possèdent les aptitudes physiques requises. Des dispositions spéciales devraient être prises, sous la direction d’un médecin, aux fins d’organiser des séances d’éducation physique et de thérapies curatives à l’intention des prisonniers qui en ont besoin.
84. Tout détenu qui ne travaille pas à l’extérieur, ou qui n’est pas hébergé dans un établissement ouvert, doit être autorisé, si le temps le permet, à prendre une heure au moins par jour de promenade ou l’exercice physique approprié en plein air, dans toute la mesure du possible à l’abri des intempéries.

Régime préparatoire à la libération

85. Tous les détenus devraient bénéficier de dispositions visant à les aider, lors de leur retour dans la société, à renouer avec leur vie familiale et à trouver un emploi après leur sortie de prison. Des arrangements et des cours spéciaux devraient être prévus à cette fin.
86. Quant aux détenus condamnés à des peines de plus longue durée, il convient de leur assurer un retour progressif à la vie en société. Ce but pourra être atteint, en particulier, grâce à un programme de préparation à la libération, organisé dans l’établissement même ou dans un autre établissement approprié, ou grâce à une libération conditionnelle sous contrôle assortie d’une assistance sociale efficace.
87-1. Les administrations pénitentiaires devraient travailler en étroite coopération avec les services sociaux et les organismes qui aident les détenus libérés à retrouver une place dans la société, en particulier à reprendre la vie familiale et à trouver un emploi.
87-2. Des dispositions doivent être prises pour assurer que les détenus libérés disposent des documents et pièces d’identité nécessaires et soient aidés à trouver un logement approprié et du travail. Ils doivent également être munis des moyens nécessaires pour substituer pendant la période qui suit immédiatement la libération, être pourvus de vêtements convenables et appropriés au climat et à la saison, et disposer de moyens leur permettant d’arriver à destination.
87-3. Les représentants agréés des services ou organismes sociaux devraient pouvoir se rendre dans l’établissement et s’entretenir avec les détenus afin de les aider à préparer leur libération t à se reclasser.

CINQUIEME PARTIE - Règles complémentaires applicables à certaines catégories de détenus

88. L’administration pénitentiaire doit s’inspirer de l’ensemble des règles dans la mesure où celles-ci peuvent être effectivement appliquées aux catégories spéciales de détenus pour lesquels les règles complémentaires ci-après sont prévues.

Prévenus

89. Sans préjudice des dispositions légales relatives à la protection de la liberté individuelle et suivant la procédure applicable aux prévenus, ces derniers qui jouissent d’une présomption d’innocence jusqu’à ce que leur culpabilité soit établie, doivent bénéficier des avantages qui peuvent leur être accordés au titre de la règle 90 et être traités sans autres restrictions que celles imposées par la procédure pénale et la sécurité de l’établissement.
90-1. Tout détenu doit immédiatement pouvoir informer sa famille de sa détention et se voir accorder toutes les facilités raisonnables pour pouvoir communiquer avec celle-ci, et avec ses amis et les personnes avec lesquelles il a un intérêt légitime d’entrer en contact.
90-2. Il doit aussi être autorisé à recevoir, dans des conditions pleinement satisfaisantes du point de vue humain, des visites de ces personnes, sous réserve des restrictions et des mesures de surveillance nécessaires dans l’intérêt de l’administration de la justice, de la sécurité et du bon ordre de l’établissement.
90-3. Si un prévenu ne désire pas entrer en contact avec l’une ou l’autre de ces personnes, l’administration pénitentiaire ne doit pas intervenir, sauf pour des raisons impérieuses, comme par exemple l’âge, l’état mental ou toute autre incapacité du prévenu.
91. Tout prévenu doit pouvoir, dès son incarcération, choisir son avocat ou être autorisé à demander la désignation d’un avocat d’office, lorsqu’une telle assistance est prévue, et à recevoir des visites de son avocat et vue de sa défense. Il doit pouvoir préparer et remettre à celui-ci des instructions confidentielles, et en recevoir. Sur sa demande, toute facilité doit lui être accordée à cet effet. Il doit notamment pouvoir se faire assister gratuitement par un interprète dans ses rapports essentiels avec l’administration et la défense. Les entrevues entre le prévenu et son avocat peuvent être à portée de vue mais pas à portée d’ouïe directe ou indirecte d’un fonctionnaire de la police ou de l’établissement. La répartition des prévenus doit être conforme au dispositions de la règle 11, paragraphe 3.
92. Sauf si les circonstances le rendent peu souhaitable, la possibilité doit être donnée aux prévenus de disposer de chambres individuelles.
93-1. La possibilité doit être donnée au prévenu de porter ses vêtements personnels si ceux-ci sont propres et convenables.
93-2. Lorsque tel n’est pas le cas, une tenue convenable doit lui être fournie.
93-3. A défaut d’effets personnels convenables, un costume civil en bon état doit être mis à la disposition du prévenu en vue de sa comparution devant les autorités judiciaires ou lors de sorties autorisées.
94. Tout prévenu doit, dans la mesure du possible, avoir la possibilité de travailler, mais sans y être obligé. S’il travaille, il doit être rémunéré comme les autres détenus. S’il existe des programmes d’études et de formation professionnelle, il doit être encouragé à en bénéficier.
95. Tout prévenu doit être autorisé à se procurer, à ses frais ou aux frais de tiers, des livres, des journaux, le matériel nécessaire pour écrire, ainsi que d’autres moyens d’occupation dans les limites compatibles avec les intérêts de l’administration de la justice et avec la sécurité et le bon ordre de l’établissement.
96. La possibilité doit être donnée au prévenu de recevoir la visite et les soins de son médecin ou de son dentiste personnel, si sa demande est raisonnablement fondée. En cas de refus, celui-ci doit être motivé. Les frais encourus ne sont pas à la charge de l’administration pénitentiaire.

Condamnés par une procédure non pénale

97. Dans les Etats où la législation prévoit l’emprisonnement pour des peines privatives de liberté résultant d’une décision judiciaire à la suite d’une procédure non pénale, ces détenus ne doivent pas être soumis à plus de restitutions ni être traités avec plus de sévérité qu’il n’est nécessaire pour assurer la sécurité et le maintien de l’ordre. Leur traitement ne doit pas être moins favorable que celui des prévenus, sous réserve toutefois de l’obligation éventuelle de travailler.

Détenus aliénés et anormaux mentaux

98-1. Les aliénés ne doivent pas être détenus dans les prisons et des dispositions doivent être prises pour les transférer aussitôt que possible dans des établissements appropriés pour malades mentaux.
98-2. Des institutions ou sections spécialisées placées sous contrôle médical doivent être organisées pour l’observation et le traitement des détenus atteints d’autres affections ou troubles mentaux.
98-3. Le service médical ou Psychiatrique des établissements pénitentiaires doit assurer le traitement psychiatrique de tous les détenus qui ont besoin d’un tel traitement.
98-4. Des dispositions doivent être prises, en accord avec des organismes compétents, pour que le traitement psychiatrique soit continué, si nécessaire, après une libération et pour qu’une assistance sociale post-pénitentiaire à caractère psychiatrique soit assurée.

[1] Lors de l’adoption de cette Recommandation, et en application de l’article 10.2.c du Règlement intérieur des réunions des Délégués des ministres :

Le Délégué du Danemark a réservé le droit de son Gouvernement de se conformer ou non à l’article 38, paragraphe 3, de l’annexe à la Recommandation

Le Délégué de la France a réservé le droit de son Gouvernement de se conformer ou non à l’article 54, paragraphe 2, de l’annexe à la Recommandation