Publié le mercredi 10 septembre 2003 | http://prison.rezo.net/000-introduction/ La condamnation d’un individu quelque soit le crime ou le délit est un stigmate que celui-ci doit porter toute sa vie tel le Christ avec sa croix et fait écho à l’ostracisme de la Grèce antique. Le canon moral de la justice, le plus ancien et le plus naïf : toute chose a son prix et peut être payée, est une argutie quand nous savons tous que le droit est fonction de considérations personnelles, et que la justice, l’équité jouent un rôle assez peu important. La doctrine de l’égalité, le passage de la loi du talion à la justice distributive fait sans doute partie d’un des plus grands progrès de l’humanité. Cependant nombreux sont ceux qui se comportent comme des Lynchée, qui voient à travers les murs, qui ne pardonnent rien alors que tout est écrit, que les textes législatifs existent pour faciliter le retour dans la communauté. Ce qui me choque, c’est que l’on est coupable, parce qu’on est condamné, on est coupable parce qu’on est en prison.. Il ne s’agit pas de créer des sas de décompression comme l’a prétendu un célèbre condamné ayant échappé comme par miracle à l’échafaud, avant de libérer quelqu’un, c’est tous les obstacles administratifs auxquels l’on doit faire face à la sortie à commencer par le trou béant qui figure dans le curriculum vitae. La question de l’octroi systématique des droits civiques est beaucoup plus polémique. En ce qui me concerne, je ne remercie personne hormis les quelques professeurs et artistes qui ont fait le choix d’aller dans cette zone de non-droit et de promouvoir la civilisation, en se heurtant aux difficultés matérielles qu’impose leur présence dans ce lieu. C’est en cela que l’entreprise de Paris 7 et de la compagnie Planches Contact est subversive, car elle permet à ceux qui sont hors jeu de continuer à poursuivre des études et de leur apporter « un soutien logistique » à leur libération. Non seulement, elle leur permet d’intégrer des organismes culturels par éthique et, aussi parce que ce n’est pas un fantasme mais une réalité. Tout le monde ne s’appelle pas Anthony Delon, enfant prodigue, personnage illustre que Papa vient quérir en limousine pour le ramener à la maison.. La réinsertion existe peu ou prou, preuve en est la campagne médiatique de lynchage dont a été l’objet Patrick Henry après l’obtention de sa libération conditionnelle. Un homme, non des moindres qui n’est pas un avocat mais un simple chef d’entreprise, un citoyen, a osé lui offrir une deuxième chance et brusquement a ressurgi le débat sur la peine de mort et d’autres formes de bannissement dont la société civile est friande…. « Elle me dit son nom, celui qu’elle s’est choisi : Nadja, parce qu’en russe, c’est le commencement du mot espérance, et parce que ce n’est que le commencement » André Breton Mamadou S. Introduction « La prison, avec ses hauts murs, ses miradors, ses grilles, fait l’objet de nombreuses représentations sociales. C’est en partie parce que la prison se cache derrière ses murs que des mythes l’entourent et rendent son approche plus malaisée. [1] » La prison se cache au sein d’une société qui l’héberge mais ne la voit pas, qui construit ses murs mais ne les escalade pas, qui verrouille ses portes sans jamais les forcer… La prison se cache derrière des murs qui se fissurent sans jamais tomber, qui se craquèlent sans jamais s’écrouler… Des murs qui camouflent, qui dissimulent, qui masquent, qui masquent quoi ? La prison se cache et intrigue, nourrissant une curiosité et un imaginaire avides d’obscur et d’invisible. Et des deux côtés du mur on fantasme, « dedans » sur une liberté perdue, « dehors » sur un univers carcéral emmuré et emmurant toutes les expériences-limites du genre humain, le crime, la violence, l’insupportable enfermement… On imagine, on visualise, on entend presque les clés qui tintent et les portes qui claquent, les cris des uns, les pleurs des autres… On sait et on ne sait pas, on croit savoir, réveillant mythes et imaginaire collectif, représentations fantasmatiques nourries de visions cinématographiques ou romanesques et d’imagination débordante… Plusieurs amis m’ont demandé si les prisonniers, portaient toujours, tels des Daltons des temps modernes, des costumes rayés jaunes et noirs !!! Et pourquoi pas des boulets aux pieds et des cailloux à casser toute la journée comme au Bagne ???? Pourquoi ne pas ressusciter aussi les galères royales ???? Autre mythe indétrônable, celui de l’évasion et du tunnel creusé à la petite cuillère, source d’inspiration de nombreux films et romans… Toutes ces images nous habitent, hantent nos visions de la prison, dérangent une réflexion qui ne s’affranchit que difficilement des mythes et idées reçues. Des mythes entretenus par artistes et journalistes, dépeignant, sous leur plume évasions et incidents spectaculaires… Des mythes que je souhaitais briser, casser, anéantir… Pour voir, pour savoir… Pour découvrir un « pays étranger » en pleine France, pour franchir les murs et traverser les barreaux, pour ouvrir une porte que je ne pourrais plus refermer. Pour voir, pour savoir… Pour satisfaire une curiosité malsaine frôlant un voyeurisme redouté ??? Pour me rincer l’œil devant une souffrance jugée fascinante ??? Je ne pense pas… Pas pour comprendre non plus, je ne saurais pas … Pour voir, pour savoir… Pour oublier mes préjugés, pour arrêter de croire que la prison ressemble à un film américain, pour ne plus confondre La grande Evasion et la réalité carcérale, pour effacer les rayures et décrocher les boulets… Pour voir et ne plus faire semblant de ne pas savoir… Pour ne pas oublier la souffrance et la douleur derrière les murs, les humiliations d’êtres humains parqués en cage, les zones de non-droit aux portes de notre démocratie… La prison donc… Puis l’art en prison… Deux mots mal assortis, comme réunis par hasard ou par provocation, deux mots qui sonnent, à mes oreilles tout au moins, comme une contradiction intéressante. Le mot art tout évoque la liberté, l’indépendance, l’absence de barrière et de frontière ; la prison, les barreaux, les verrous, les impossibles, les interdits. Comment créer, s’exprimer librement, se consacrer à un art symbole de liberté dans l’espace clos de l’enfermement ? L’art puise-t-il dans la violence, l’agressivité et l’énergie brimée en détention ? La création artistique adoucit-elle une peine jugée insupportable ? Libère-t-elle, en pensée tout au moins, le prisonnier des murs et barreaux qui l’enferment ? La palette du peintre colore-t-elle le gris des murs et de l’atmosphère carcérale ? Le pinceau, la plume, les partitions kidnappent-ils le détenu qui s’échappe, s’évade de la prison, s’envole loin de sa cellule et des chaînes pénitentiaires ? L’art, d’autre part, instrument politique subversif par excellence, outil d’opposition et de résistance a-t-il sa place dans une institution totale voire totalitaire ? Cherche-t-on à l’étouffer, à le détourner, à l’instrumentaliser ? Les détenus luttent-ils, grâce au théâtre, le dessin, l’écriture, contre un système qui les incarcère, une institution qui les détruit, contre un personnel qui les surveille et les humilie ? Des sujets passionnants qui trottent dans ma tête avant que je ne tombe sur un article intitulé « La réinsertion par l’art ». J’ai enfin trouvé mon sujet… Je préfère en effet me concentrer sur la sortie du détenu, sur son futur retour dans la société civile, dans le monde libre qu’il avait quitté… Le tunnel carcéral débouche toujours en effet sur la lumière de la libération… « Il faut dans toute attente : l’Espérance Tout détenu redeviendra un jour un homme libre, rejoignant la « société civile » qui l’a exclu le temps d’une peine. La sortie de prison et le retour dans le monde libre qui l’accompagne nourrissent souvent déceptions, désillusions, blessures, voire récidives… L’individu, meurtri par une expérience carcérale non cicatrisable, peine, « dehors », à se reconstruire… Marqué par l’infantilisation et la déresponsabilisation de la prison, il se réadapte difficilement aux règles et à la vie extérieures. Humilié, méprisé, privé d’une dignité volée entre les murs, il emmène « dehors » une identité fragilisée porteuse d’échecs et d’espoirs déçus. Stigmatisé pendant et après sa peine, il subit rejets et marginalisations d’une société non tout à fait prête encore à accueillir les sortants de prisons, à gommer un passé délinquant ou criminel, à mélanger « innocents » et « coupables ». Une société qui enferme sans penser libération. Une société qui imagine des prisons sans voir les portes qui s’ouvrent. Une société qui ne sait « que faire » de toute cette population passée par la case carcérale… Quel espoir de réinsertion pour les prisonniers des geôles françaises ??? La réparation apparaît-elle réellement possible ? Le principe de l’emprisonnement lui-même n’empêche-t-il pas tout espoir de réinsertion ? Comment la rupture des liens familiaux, sociaux et professionnels, l’exclusion et l’éloignement de la société civile pourraient-ils favoriser le maintien des liens déjà tissés et une intégration sociale future ? L’organisation déresponsabilisante et infantilisante de la prison laissera au détenu des séquelles préjudiciables pour son avenir. L’Administration pénitentiaire, si elle privilégie sa mission de sécurité et de neutralisation, affiche cependant officiellement un souci de réinsertion sociale des détenus. La loi du 22 juin 1987 stipule en effet que « le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes confiées par l’autorité judiciaire. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation des peines ». La prison abrite donc une population qu’elle doit préparer à la sortie… ? Les populations incarcérées 59 155 [3] détenus peuplent aujourd’hui les prisons françaises [4] (pour une capacité théorique de 48 603 places !). Quelles sont ses principales caractéristiques de cette population ? La variable « sexe » semble la plus discriminante en matière de prison, les détenus appartenant majoritairement à la gente masculine. Au premier janvier 2000 [5], les femmes ne représentaient en effet que 3,7% de la population carcérale. Cette sous-représentation s’explique notamment par une plus grande tolérance envers les pratiques déviantes des femmes que des hommes, par des législations sanctionnant fortement des pratiques typiquement masculines comme les agressions sexuelles, par la dépénalisation de pratiques spécifiquement féminines comme l’avortement. La présence de femmes pose des problèmes particuliers concernant notamment la maternité et plus généralement la vie familiale. L’âge des détenus constitue une deuxième variable discriminante. Les prisons abritent essentiellement des hommes jeunes (24% ont entre 16 et 25 ans). L’allongement de la durée de détention pour certaines peines (notamment trafic de stupéfiant) et l’augmentation de la répression des délits à caractère sexuel (concernant un public d’hommes plus âgés), la possibilité de porter plainte longtemps après les faits, participent à l’accroissement de l’âge moyen des détenus. Selon le rapport du Sénat de Louis Mermaz, le nombre de détenus âgés de plus de 60 ans a triplé depuis 1990 [6]. L’incarcération de personnes âges dans des locaux et conditions non adaptées pose de même de nombreux problèmes. La proportion d’étrangers présents dans les prisons françaises est largement supérieure à celles des étrangers recensés sur le territoire français. Pierre Pradier note alors « la forte croissance des détenus étrangers, la répression de l’immigration clandestine jouant là un rôle prééminent et le recours à la prison ferme étant beaucoup plus fréquent à l’encontre des étrangers. (…) Pour des délits ou des crimes comparables, la longueur des durées de détention a presque doublé. [7] » De plus les détenus étrangers ne maîtrisent pas nécessairement la langue française, rencontrant des difficultés lors du procès comme de la détention. La population carcérale est une population déjà en situation de précarité avant l’entrée en prison. Deux chiffres, issus d’une enquête de la D.R.E.E.S. [8] effectuée en 1997 révèlent l’éloignement des entrants en détention du système de soins et plus généralement des différentes formes de protection sociale. De même, l’indigence économique sévit beaucoup plus « dedans » que « dehors ». Selon Philippe Combessie, « il y a en maison d’arrêt 57,7% des détenus en dessous du seuil de pauvreté [11], 60,9% en établissement pour peine alors que ce seuil ne concernait que 14,5% des ménages dans la société française en 1985 [12] ». Ces situations de pénurie s’aggravent, se renforcent au cours de l’incarcération. Les possibilités d’accès aux ressources économiques demeurent en effet extrêmement limitées et le travail totalement sous-payé. Enfin, les prisons abritent une forte population au faible niveau d’instruction, voire illettrée. Niveau scolaire des détenus évalué par un test pour ceux qui savent lire Dans les pays développés, les compétences lettrées (savoir lire, compter) représentent des acquis indispensables à tout adulte qui veut communiquer avec les autres et participer au monde social qui l’entoure. La prison, comme toute institution bureaucratique demeure centrée autour de l’écrit, ce qui n’est pas sans poser de lourds problèmes pour les populations illettrées. La population carcérale affiche donc nombre de fragilités et pauvretés économiques, scolaires, culturelles. Ses préoccupations culturelles et artistiques demeurent, nous le verrons plus tard, généralement minimes. Mon étude, sans vocation universelle, se concentrera donc sur une minorité de prisonniers concernés par l’art en prison…Les acteurs interrogés, en effet, ne reflètent point les prisonniers dans leur ensemble [14]. L’indicateur le plus visible et le plus facile à mesurer, le niveau d’instruction scolaire, nous le montre parfaitement. Beaucoup ont fait des études supérieures, de lettres, d’histoire, etc. Quelles politiques l’Administration pénitentiaire développe-t-elle pour favoriser la réinsertion de cette population carcérale ? ? Les outils de réinsertion Le mot même de ré-insertion pose tout d’abord problème. Se poser la question de la réinsertion, c’est d’abord accepter de dire que les détenus ont vécu un processus de désinsertion. C’est affirmer haut et fort que les prisons n’appartiennent pas à la société. Peut-on réellement désolidariser prisons et société ? Peut-on nier le fait que les détenus vivent et sont insérés au sein d’une société globale qui enveloppe aussi les prisons ? La ré-insertion suppose, d’autre part, une insertion antérieure, insertion non connue par nombre de prisonniers socialement désaffiliés. Subjective, enfin, la réinsertion repose sur un vécu, une perception, un sentiment. Etre réinséré, c’est se sentir réinséré… Et se sentir réinséré évoque une réalité différente pour chaque individu… Je retiendrai alors une définition « bricolée », née de discussions avec les acteurs rencontrés. La réinsertion sociale signifierait alors une réadaptation à la société civile, la possibilité de vivre avec autrui dans le monde libre, s’intégrer dans un ou différents réseaux licites. La réinsertion professionnelle, moins subjective, suppose l’acquisition d’un emploi après la sortie. Quelles sont dès lors les principales mesures adoptées par l’Administration Pénitentiaire pour favoriser la réinsertion sociale et professionnelle des détenus ? L’aménagement des peines L’aménagement des peines facilite le retour dans la société civile et la conservation des liens familiaux, sociaux et professionnels des détenus. La liberté conditionnelle et les permissions répondent parfaitement à cet objectif. On pourrait néanmoins citer aussi, la remise de peine, le placement à l’extérieur, la semi-liberté. La liberté conditionnelle*, née en 1885, permet au détenu de sortir avant la fin de sa peine, théoriquement à mi-peine ou après quinze ans de détention pour les condamnés à perpétuité, sous réserve du respect de certaines contraintes de suivi et de contrôle par le juge d’application des peines. Le détenu doit alors présenter « des gages sérieux de réadaptation sociale » enveloppant l’exercice d’une activité professionnelle, l’assiduité aux enseignements… Cependant, si elle connaît un certain essor dans les années 1970, cette mesure décline aujourd’hui fortement. Ainsi, le taux d’octroi de la libération conditionnelle s’élève à 14% en 1998 contre 29% en 1973. De plus, elles arrivent bien souvent trop près de la date de sortie et les détenus finissent alors par préférer quitter la détention totalement libres, sans mesure de surveillance ni contrôle. Les permissions*, octroyées par le juge d’application des peines (JAP)* et le CAP*, elles permettent au détenu de s’absenter pendant une période déterminée (24h à 72h). Elles visent à préparer la réinsertion sociale ou professionnelle, à maintenir les liens familiaux, à accomplir une obligation exigeant la présence du détenu (enterrement, paternité…). Cependant, la sortie se prépare aussi à l’intérieur, dans les murs même de l’établissement… Les préparations à la sortie La préparation à la sortie repose davantage sur un assemblage de plusieurs actions qu’un champ nettement délimité. Elle inclut le travail, les formations, l’enseignement, les activités socio-éducatives… Le travail n’est plus obligatoire depuis 1987, mais perçu comme un outil de réinsertion et de préparation au retour des détenus dans la société, il reste fortement conseillé. Ainsi, le Code de procédure pénal dispose que : « Les activités de travail et de formation professionnelle sont prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés ». Trois formes de travail pénitentiaire cohabitent : L’éducation et la formation participent directement à l’objectif d’insertion des détenus à leur sortie. Elles apparaissent d’autant plus primordiales que les détenus, pour la plupart issus des milieux sociaux fragilisés, affichent faible niveau scolaire et formation minime. Une convention, signée en 1995 par les Ministères de la Justice et de l’Education nationale a permis de créer des unités pédagogiques régionales (UPR) dispensant l’ensemble des formations initiales et préparant aux diplômes de l’Education nationale. L’importante présence du secteur associatif en détention (comme le G.E.N.E.P.I* par exemple) révèle une volonté de l’institution de résorber les déficits scolaires des prisonniers. Cependant, les cours et autres interventions extérieures restent bien trop limités pour répondre aux situations d’indigences scolaires des détenus. D’autre part, la demande d’éducation demeure faible et peu motivée par l’Administration Pénitentiaire. Les détenus ne perçoivent pas toujours l’intérêt d’une formation scolaire, rechignent à reprendre le chemin de l’école, trop souvent associé à un fort sentiment d’échec. Il préfèrent alors les formations professionnelles rémunérées, assurées par le Ministre de l’Emploi et de la Solidarité. Les actions socio-éducatives, enfin, constituent une branche récente de la politique de réinsertion, assurées par le Service Pénitentiaire d’Insertion de Probation (SPIP). Sa mission de réinsertion est définie dans le Code de procédure pénal (article D.461) : « participer à prévenir les effets désocialisants de l’emprisonnement sur les détenus, favoriser le maintien de leurs liens sociaux et familiaux et de les aider à préparer leur réadaptation sociale. des personnes détenues ». Le SPIP s’appuie alors sur des actions éducatives censées développer les connaissances des détenus, à les replacer dans une dynamique de construction personnelle, à les responsabiliser. Ce programme recouvre les activités dites « sociales » (séance sur la sécurité sociale par exemple), ainsi que les activités dites « informatives » (secourisme ou informatique) et les activités artistiques et culturelles (ateliers d’écriture, d’arts plastiques, conférences, concerts...). Les activités artistiques participent donc à la politique de réinsertion engagée par l’Administration Pénitentiaire. Je concentrerai mon étude sur les ateliers qui offrent, contrairement aux concerts, spectacles et autres manifestations artistiques, un espace d’expression et de création primordial pour la reconstruction de soi. Là encore je retiendrai une définition donnée par les acteurs interrogés eux-mêmes. Et ces acteurs entendent par ateliers artistiques : ateliers de théâtre, de danse, de musique, d’arts plastiques, d’écriture, de photographie, d’audiovisuel, de son… animés par des artistes, c’est-à-dire, selon eux, des personnes vivant de leur art extra-muros, des artistes engagés dans un vrai projet ambitieux et refusant toute « garderie culturelle » ou logique occupationnelle. Ces ateliers, outils de réinsertion officiel de la Pénitentiaire, favorisent-ils réellement un retour réussi dans la société civile ? Les ateliers artistiques permettent-ils une recréation et une reconstruction de soi facilitant la vie en liberté ? Une recréation de soi, d’un soi pour soi, d’un soi avec l’autre, d’un soi dans la société ? La recréation d’un soi personnel, social, professionnel ? Peut-on, en prison, créer pour se recréer ? Se recréer pour se réinsérer ? L’indifférence voire l’hostilité de l’institution et de ses personnels. Malgré l’objectif de réinsertion affiché… Les nombreuses contraintes, immobilismes, blocages carcéraux empêchent régulièrement intervenants et participants de travailler et de créer dans les meilleures conditions. Mais la prison peut-elle réellement appuyer et soutenir ce genre de projets ? D’autre part, la demande des détenus demeure extrêmement minime et marginale, voire intéressée. Mais les ateliers artistiques ne peuvent-ils pas favoriser une réinsertion sociale et professionnelle pour cette minorité, pour un type de population ciblée ? La création artistique développée au sein des ateliers enclenche en effet un processus de reconstruction de soi nécessaire dans une prison castratrice de désir, emprunteuse de liberté et mangeuse de dignité. Le prisonnier recouvre en effet des parcelles d’une « humanité » détruite par la machine carcérale, renouant avec des conduites d’ « homme libre », se réappropriant une parole, un temps et une vie désinvestis, recevant une reconnaissance rare en prison. . La réconciliation avec soi ne peut dès lors que faciliter la réconciliation avec l’autre. L’atelier collectif, le travail en groupe obligent à une confrontation avec l’autre bénéfique pour le détenu. Peut-on espérer, d’autre part, la création de réseaux de solidarité et de convivialité ? Peut-on envisager des formes de réinsertion sociale particulièrement liées aux ateliers ? Peut-on enfin penser à une réinsertion professionnelle dans les « métiers de l’art ? [1] Corinne Rostaing, La Relation carcérale, Identités et rapports sociaux dans les prisons de femmes, PUF, Paris, 1997 [2] Extrait de Prison d’Alexandrie, L’Ange déchu, Ban Public, prison.eu.org [3] Le Monde, 11 février 2003 [4] Je n’étudierai que le milieu fermé*, seul compatible avec mon sujet [5] Peu de chiffres récents sont disponibles [6] Anne-Julie Auvert, Ecrire pour survivre, ou les effets de l’incarcération à travers des expressions écrites des détenus, mémoire de maîtrise de sociologie, Université Paris VIII, 2001-2002 [7] Pierre Pradier, La Gestion de la santé sans les établissements de programme 13 000 : évaluation et perspectives : documents, visites, entretiens, réflexions. Rapport au garde des Sceaux, Paris, La Documentation française, 1999 in Anne-Julie Auvert, Ecrire pour survivre, op. cit. [8] Direction de la Recherche des Etudes de l’Evaluation et des Statistiques [9] Anne-Julie Auvert, Ecrire pour survivre, op. cit. [10] Louis Mermaz, Jacques Floch, La France face à ses prisons. Commission d’enquête, Paris, Assemblée nationale, 2000, n°2521 in Anne-Julie Auvert, Ecrire pour survivre, op. cit. [11] La mesure du seuil de pauvreté est définie ici par un revenu inférieur à la moitié du salaire moyen [12] Philippe Combessie, Sociologie de la prison, op. cit., p. 37 [13] Philippe Combessie, Sociologie de la prison, op. cit., p.37 [14] voir méthodologie en annexe 1 |