Publié le mardi 2 décembre 2003 | http://prison.rezo.net/idoia-lopez-riano-une-journee/ Une journée quelconque. « Je traîne. Je traîne mes pieds, mon corps, et aussi toutes ces chaînes invisibles pour ceux qui ne connaissent pas les prisons, ces maisons hantées. Oui, quelque part, nous sommes un peu comme des fantômes qui attendent que la vie veuille bien les reprendre, attendre encore et toujours de pouvoir s’asseoir à nouveau dans le train de l’existence, mais cette fois, dans le sens de la marche. Parce qu’ici, coincée dans cette attente qui a un goût d’interminable, tu vois la vie qui passe et qui t’échappe à vitesse "grand V ". La vie du dehors, la vie, quoi, même si elle est toujours teintée de galère, c’est tant de choses... Avant que tu ne les vois arriver, elles sont déjà partis... On vit dans un manque perpétuel. Si l’enfer existe, il doit ressembler à cela. (...) Juste au-dessus de ma tête, les barbelés, infestés de petites lames bien aiguisées qui me rappellent que je passerai un mauvais quart d’heure si jamais l’idée me venait de les traverser... (...) Et voilà, je rêvais de nouveau, et comme s’ils pouvaient lire dans les pensées, les réflecteurs qui éclairent les murs qui entourent la prison se sont allumés. Bientôt il fera nuit. Des mois, déjà, que je ne vois pas les étoiles. La lumière des réflecteurs est trop puissante... Peut être que... si je m’allonge par terre, sur les dalles, et que je colle mon visage contre le mur de cette cellule, juste sous la fenêtre, je pourrais chercher un angle où la lumière soit reflétée par la vitre, et... qui sait... ! Je pourrai peut-être voir quelques-uns de ses petits points brillants qui nous ont tant fait rêver... Mais j’avais oublié le barbelé, au-dessus de la fenêtre. Ce qui brille, se sont pas les étoiles. Ce sont les lames. » Extrait du mémoire "Ecrire pour survivre" d’Anne-Julie Auvert |