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Les fantômes la nuit font revivre ces murs

Publié le mardi 11 novembre 2003 | http://prison.rezo.net/les-fantomes-la-nuit-font-revivre/

« Les fantômes la nuit font revivre ces murs
Combien de désespoirs, de souffrances, et d’attentes
Dans ces pierres gravées depuis combien d’années
Combien d’hommes enfermés, de coupables et de purs
De familles brisées par une longue attente ?
Ils en ont vu ces murs divisant la prison
Ces murs où sont gravés d’étranges souvenirs
Quand vient la nuit ils parlent, ils gémissent et ils souffrent
Ils transpirent de haine et de lointains soupirs
Ils transpirent un parfum plus acre que le souffre.
Ces murs sont bien vivants, je le sais, ils me parlent
Ils racontent la nuit les exploits oubliés
Les crimes inexpliqués, les innocents qui meurent
D’avoir été trahis et ici rejetés.
Fiancée de ces murs, la porte reste fidèle
Elle se referme plus sur la vie qu’elle ne s’ouvre
Elle rythme les journées, elle vous ensorcelle
Quand on ne voit plus qu’elle vous disant « je te tiens »
Complice de ces murs, veillant comme une louve
Avec son oeil central, presque cyclopéen.
Les barreaux quant à eux, qui à perpétuité
Refont l’acte d’amour dedans le mur scellé
Ont quadrillé le ciel de tant de prisonniers
Qu’on ne sait aujourd’hui s’il y a un Infini
En effet l’horizon est limité aux murs
Et lorsqu’un ciel zébré est votre unique vue
Comment peut-on, ici, oser imaginer
Qu’il y ait des espaces, au dehors, infinis ?
(…)
Ces murs ont un passé, une histoire profonde
Un désespoir aiguë gravé en chaque pierre
Une accumulation de haines et de frondes

Un condense de fiel et une crasse fière.
Combien d’écrasements supporteront encore
Ces pierres encore gardiennes d’espérances déchues ?
Combien de pauvres gens, d’innocents accusés ?
De présumés coupables, d’utopistes déçus ?
Il faudra bien un jour pourtant exorciser
Ces forts cloisonnements, ces cellules obscures
Il faudra qu’ils comprennent qu’un tel enfermement
N’aboutira jamais qu’à exciter la bête,
Ne servira jamais qu’à abrutir celui
Qu’on aurait pu guider et puis réinsérer
Dans une société qui idiotement dure
Ne sait que compromettre les grands revirements.
Ces murs maudits écroulent le cœur et notre esprit
Ils refoulent la haine sur celui qui survit
Eteignant le consciences, ils étouffent la vie
Et accumulent encore de nouveaux désespoirs
Les barreaux et les grilles s’entrecroisent, amants,
Barrant l’espoir, la Vie, d’un grand renoncement.
Les barreaux et les grilles accouplées dans le ciel
Forment un tableau moderne
D’un mètre carré.
La grille et le barreau protègent notre esprit
D’une illégal fugue, imprudente évasion
Ce n’est pas qu’ils soient durs, ils sont là, ça suffit
Pour nous faire comprendre, forte persuasion,
Que l’on est en prison.
Les barreaux et les grilles, tout comme les verrous
Sont les gardiens légaux des illusions perdues
Les verrous, l’œilleton, vers l’extérieur tournés
Mettent à dispositions les numéros d’écrou
Que nous sommes aujourd’hui, identités fourbues,
Sans espoir, sans chaleur, sans personnalité. »

Poème de Xavier

Extrait du mémoire "Ecrire pour survivre" de Anne-Julie Auvert