Publié le lundi 11 août 2003 | http://prison.rezo.net/2003-je-suis-le-detenu-65112-de-la/ Laurent JACQUA Bois d’Arcy le, lundi 4 août 2003 Messieurs, Mesdames les Députés, Je suis le détenu 65112 de la Maison d’Arrêt de Bois d’Arcy. Je m’adresse à vous, représentants du peuple français à l’Assemblée Nationale pour vous informer de ce que nous subissons dans les prisons de France et, dénoncer cette politique du tout répressif qui réduit à néant toute notion de respect de la personne humaine due aux détenus. Qui est le mieux placé, sinon un détenu pour parler de la prison ? C’est cette raison qui me pousse à vous écrire. Il est urgent d’agir et de réagir pour l’amélioration des conditions des détenus, ce qui n’a rien à voir avec l’amélioration des conditions de détention. La situation de souffrance psychologique ne changera pas avec l’amélioration des structures ou la construction de nouvelles prisons. Cette situation perdure dans un monde carcéral au bord de l’explosion. Tout est à refaire, tout est à repenser. Les premières victimes sont les plus fragiles. N’importe quel établissement public ayant un suicide tous les trois jours fermerait ses portes. Si je prends mon exemple pour illustrer la situation, c’est qu’il donne la pleine mesure de cette inhumanité carcérale. Malade du Sida, je croupis dans les quartiers d’isolements, ceci souvent sous des prétextes sécuritaires fallacieux qui couvrent en fait une décision totalement arbitraire et répressive. Tout cela, bien sur sans tenir compte des conséquences sur mon état de santé, car je ne suis pas à l’abri dans de telles conditions de « survie » de subir une dégradation de mes défenses immunitaires. Voilà vingt ans que je traîne cette maladie comme une double peine dans les geôles du pays des droits de l’homme. Quel paradoxe ! Rien, pas une once d’humanité dans ce système qui s’acharne à mettre ma santé en danger permanent. Qui sommes-nous, nous détenus ? Je vais vous le dire : Alors, à quoi sert donc la prison puisqu’elle n’est qu’un instrument de souffrances ? Souvent on me reproche mon insoumission mais ce n’est en vérité que la traduction d’un combat, d’une lutte que je mène pour la dignité, le respect du détenu que je suis. Cette cause me semble juste et, si elle ne l’est pas que l’on me prouve le contraire ! Je ne suis pas innocent, j’ai commis des actes, fait des erreurs qui m’ont conduit en prison mais dois-je pour autant subir humiliations et BRIMADES ? J’estime que cette peine doit être purgée avec les principes fondamentaux des droits humains. « Justice a été rendu au nom du peuple Français » ! Malheureusement, Mesdames, Messieurs les Députés, dans vos prisons un homme ou une femme se suicide tous les trois jours, « justice a été rendu au nom du peuple français » ! Certains deviennent fous, s’entassent ou crèvent de désespoir, « justice a été rendu au nom du peuple français » ! Malgré la souffrance que j’endure dans les oubliettes que sont les quartiers d’isolements, je ne laisserai rien passer et, par l’écrit je témoignerai contre cette « honte de la République » qu’est la situation carcérale française. Un jour on me donnera raison. En attendant et comme le dit le sous titre de mon livre [1] « silence, on meurt ... » Je vous prie d’agréer, Messieurs, Mesdames les Députés, mes sincères salutations. Laurent JACQUA [1] « La Guillotine Carcérale, Silence on meurt » Laurent Jacqua - Editions Nautilus |