Publié le lundi 20 octobre 2003 | http://prison.rezo.net/2003-02-26-cedh-france-affaire/ Abdelhamid Hakkar 26 février 2003 : Condamné à perpétuité Abdelhamid Hakkar a assigné en référé le ministre de la Justice, Dominique Perben, en tant que représentant de l’Etat, pour demander sa libération, a-t-on appris, hier, auprès d’un de ses avocats, Me Mourad Benkoussa. L’audience est prévue ce mercredi matin (6 novembre 2002) au tribunal de grande instance de Troyes. Abdelhamid Hakkar, 46 ans, qui a vécu à Besançon où se trouve encore sa famille, est détenu depuis 1984. Il a été condamné, le 8 décembre 1989, à la réclusion à perpétuité assortie d’une mesure de sûreté de 18 ans par la cour d’assises de l’Yonne pour le meurtre du policier auxerrois, Claude Schaffer, le 30 août 1984 ; meurtre qu’il a toujours nié. En 1997, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait jugé ce procès inéquitable, car l’accusé, qui avait récusé ses avocats, s’était également retiré de la salle d’audience. Elle avait condamné la France en l’enjoignant d’octroyer au détenu un nouveau procès, prévu en janvier prochain (2003) devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine à Nanterre. ------ (19 février 2003)Vingt ans après les faits, Hakkar entame son vrai procès « Que faisiez-vous le 30 août 1984 ? » Depuis hier, la cour d’assises de Nanterre cuisine Abdelhamid Hakkar, 48 ans, sur son emploi du temps de cette journée-là. Sur des faits vieux de près de vingt ans. Ce procès est une première judiciaire en France, et une étrange victoire pour celui qui occupe le box des accusés : au terme d’un combat procédural obstiné, passant par une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), il a obtenu d’être rejugé par une deuxième cour d’assises. En 1989, celle de l’Yonne l’avait condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de dix-huit ans, pour avoir tué un policier et en avoir très grièvement blessé un autre. Commis d’office. La France a mis du temps à s’exécuter, malgré les interventions réitérées du Parlement européen. Doctement, Abdelhamid Hakkar disserte alors sur le choix de la garde des Sceaux Elisabeth Guigou d’opter pour la création d’une commission de réexamen des décisions pénales, en juin 2000, lors du vote de la loi sur la présomption d’innocence. Quoi qu’il en soit, le 30 novembre 2000, cette commission se prononçait pour une suspension de sa peine à perpétuité, et pour un réexamen de son affaire par la cour d’assises des Hauts-de-Seine. C’est ainsi qu’Abdelhamid Hakkar inaugure le nouveau dispositif. Altercation. Après avoir appelé la police, il se lance à la recherche des deux motards et les retrouve à la terrasse d’un café. Deux policiers Alain Gounel et Claude Schaffer le rejoignent pour une course-poursuite tragique. Dans une impasse, Gilles Blanchard parvient à s’échapper en escaladant un mur. Hakkar se retrouve face au gardien de la paix Alain Gounel. « Il braque son arme sur ma poitrine et me demande de ne pas faire le con, dit l’accusé. Au moment où j’obtempère, un coup de feu part et le policier se retrouve projeté à un mètre. » Alain Gounel s’en sortira avec un rein et un morceau de foie en moins. Claude Schaffer, qui prend le relais, sera tué d’une balle en plein coeur à quelques rues de là. Accablant. Psychologues et psychiatres viennent lire des expertises vieilles de seize ou dix-sept ans qui accablent l’accusé : instable, manipulateur, imbu de lui-même, paranoïaque qui se place toujours en position de victime d’injustice... Aîné d’une famille de 12 enfants, il a vécu dans les bidonvilles de Nanterre et tenté plus tard de trouver les ferments de sa révolte. Mais il y a des faits, des aveux en garde à vue. Et des témoins qui vont défiler tels des revenants à partir d’aujourd’hui. (20 février 2003) Hakkar accablé par des témoins Le temps ne fait rien à l’affaire. Dix-huit ans après les faits, la mémoire des témoins ne connaît pas de défaillance. Pour tenter de se disculper du meurtre du policier pour lequel il comparaît, Abdelhamid Hakkar évoque pourtant une fois encore l’existence d’un troisième complice, dénommé Jeff, qui serait, selon lui, l’auteur des coups de feu. Cet argument, souligne jeudi le procureur, n’est apparu qu’après après huit mois de silence et des aveux niés par la suite. Hakkar ne désarme pas et fait une "révélation" : Jeff était avec lui dans le camion quand il a pris la fuite. Tout le monde est surpris. "De qui vous moquez-vous ?," demande le procureur. Certains témoins sont catégoriques : "Je me rappellerai toujours de ses yeux noirs," dit une infirmière. Claude Brouillard, qui buvait un verre à une terrasse, l’a vu passer, "avec quelques chose d’enveloppé autour de la main". "Si vous vous en souvenez, dites-le, si vous ne vous en souvenez pas, ça ne fait rien", dit la présidente à ceux qui ont assisté aux courses-poursuites ponctuées de coups de feu dans le centre-ville d’Auxerre. Certitude Au deuxième jour des débats, la dizaine de témoins qui ont défilé jeudi ne sont quasiment sûrs que d’une chose : "C’est Hakkar qui a tiré". Pourtant les coups de feu eux-mêmes n’ont eu que deux témoins, le policier blessé notamment, dont le témoignage est très attendu. Le nom et le visage de celui qui s’était rendu le lendemain après avoir été encerclé par la police étaient dans tous les journaux, rappellent les avocats. Cette affaire avait fait grand bruit à l’époque, c’était le douzième policier tué en fonction depuis le début de l’année 1984. Le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe avait assisté à la cérémonie funèbre. Abdelhamid Hakkar condamné à la perpétuité à l’issue d’un nouveau procès Abdelhamid Hakkar a été condamné mercredi 26 février (2003) à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de dix-huit ans pour plusieurs crimes dont le meurtre d’un policier en 1984 à Auxerre. Cette peine est la même que celle qui avait été prononcée en 1989 par la cour d’assises de l’Yonne. Elle avait été annulée à la suite d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui avait notamment jugé le procès, mené en France, "inéquitable". M. Hakkar, livide, a accueilli l’annonce de sa condamnation en silence avant de se retirer. Les quelques membres de sa famille étaient entourés de nombreux policiers pour éviter tout incident. Après le verdict, ses avocats ont déclaré leur intention de faire appel de cette condamnation. . Lors de son premier procès, Abdelhamid Hakkar, un Algérien de 52 ans, avait refusé d’assister à l’audience et avait interdit à ses avocats, commis d’office, de le défendre. L’instruction, émaillée de nombreux incidents, avait duré cinq ans, ce qui avait valu à la France d’être également condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme. Après une semaine d’un nouveau procès devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine, l’avocat général Hervé Guarrigues a repris point par point l’accusation de 1989, accusant Abdelhamid Hakkar d’avoir tué le sous-brigadier Schaffer, alors qu’il était poursuivi par la police dans le quartier piétonnier d’Auxerre. Reprochant à Abdelhamid Hakkar d’utiliser les droits de l’homme "pour les tourner à son avantage", il l’a qualifié de "petit voyou de province" dont l’histoire est "mal ficelée" et a requis la perpétuité. Pour le défendre, les avocats Philippe Sarda et Thierry Lévy n’ont pas plaidé l’innocence mais répété que les débats n’avaient pas non plus prouvé la culpabilité. Contradictoires parfois et souvent confuses, les explications d’Abdelhamid Hakkar mettant en cause un certain "Jeff", un complice qui aurait tiré sur l’agent de police, n’ont pas convaincu. "Jeff, c’est la chimère d’Hakkar", a dit Me Lévy. En début d’après-midi, Me Sarda a tenté d’expliquer qu’après ses trois tentatives d’évasion, Abdelhamid Hakkar n’était de toute façon pas libérable avant fin 2011 et que même s’il n’était condamné "qu’à" une peine temporelle, il devrait accomplir, avant de la purger, quatorze années et demie de réclusion. "Fixez un terme à cette inhumanité", a-t-il demandé aux jurés. M. Hakkar a exprimé des regrets pour "tout ce qui s’est passé". Répondant mardi 25 février à une question de l’avocat général, il avait affirmé que ce procès, commencé le 19 février, avait été "équitable". Source : Site Denis Touret |