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1 Contexte

Publié le jeudi 6 novembre 2003 | http://prison.rezo.net/1-contexte/

« La prison n’est pas un univers figé, immobile, mutique. […]
La prison, entre émeutes et manifestations, reste toujours menacée par l’oubli. »
Dominique LHUILIER, N. AYMARD [1]

L’action culturelle relève d’une volonté politique menée conjointement par le Ministère de la Justice et celui de la Culture. Signé entre ces deux ministères, le protocole d’accord de 1986 [2], a pour objectif de "favoriser la réinsertion des détenus en encourageant en autre les prestations culturelles de qualité, […] en sensibilisant et en associant, chaque fois que possible, les instances locales à ces actions".

Toutes ces mesures ont donc pour but "de favoriser la rencontre des publics avec l’art et de démocratiser ainsi l’accès aux œuvres et aux pratiques artistiques et culturelles". Pour certains, il s’agit là d’une "exigence de démocratie culturelle. [3]" On pourrait alors s’interroger sur les finalités du développement de la culture en milieu carcéral ? Peut-on réellement parler de "démocratisation de la culture" quand on sait, par définition, que la prison est un lieu de "privation de liberté" et de "non-droit " [4] ?

Une chose est sûre, cette volonté de rendre accessible la culture au plus grand nombre ne peut se faire sans la mobilisation et la participation de l’ensemble des acteurs impliqués, de près ou de loin, dans le développement de l’action culturelle en milieu carcéral ; volonté qui a aussi pour objectif de provoquer un échange entre la population pénale et les intervenants culturels. "Cela suppose un enrichissement mutuel, un "décloisonnement" des deux mondes (carcéral et artistique.)  [5] "

1. L’action culturelle en milieu carcéral

1.1 Le cadre réglementaire

L’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du 10 décembre 1948, prévoit que "toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent." Ce texte fondamental fut complété en 1966, par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui reconnaît à chacun "le droit de participer à la vie culturelle [6]". Auparavant, le préambule de la Constitution, depuis 1946, stipulait que "la nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, la formation professionnelle et à la culture". Bien des textes, relatifs au respect des droits de l’homme, soulignent aujourd’hui le droit à la culture pour tous et cela, dans le souci de légitimer l’intervention des pouvoirs publics en matière de développement artistique et culturel dans les prisons. Au regard de la loi, "une programmation culturelle, résultant de la représentation la plus étendue des secteurs de la culture, est mise en œuvre dans chaque établissement pénitentiaire." Art. D.441 (Décr. n°98-1099 du 8 déc.1998) du code de procédure pénale.

Tous ces textes, de portée nationale voire internationale, tentent d’offrir un cadre normatif et réglementaire aux initiatives prises dans le domaine culturel en prison. Mais, aussi officiels soient-ils, ces textes appliquent-ils réellement la loi ? Respectent-ils l’accès aux droits et à la culture comme le prévoit l’article premier de la DUDH  [7] ? Qu’en est-il vraiment sur le terrain ?

1.2 Les missions du SPIP

Le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation), créé en 1999, est un service de l’Etat, faisant partie intégrante du Ministère de la Justice. Son action s’inscrit exclusivement dans l’action de la justice pénale. Cette structure est "issue de la fusion entre le service socio-éducatif de l’établissement pénitentiaire et du comité de probation et d’assistance aux libérés [8]". Acteur départemental, il est placé sous l’autorité de la DRSP (Direction régionale des services pénitentiaires).

Le SPIP a notamment pour missions premières de "favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées" et, de "prévenir des effets désocialisants de l’incarcération". Cela est fait notamment par la pratique d’activités socioculturelles. Le SPIP a la pleine compétence sur certains secteurs d’intervention dont "l’action culturelle et le développement de la lecture [9]". Il est également chargé d’évaluer les besoins et les priorités de la population carcérale en matière d’animation culturelle et de constituer des projets d’activités. Les projets sont élaborés en collaboration avec les établissements pénitentiaires.

L’action culturelle s’intègre donc dans un processus global de réinsertion. Elle est susceptible d’enrichir l’ensemble des dispositifs existants, tels que ceux liés à l’enseignement, à la formation professionnelle, au travail. "Le SPIP veille particulièrement à la qualité des intervenants et à l’intégration des actions socioculturelles dans un dispositif d’ensemble cohérent. [10]"

Le SPIP doit aussi, par des conventions locales, sensibiliser les partenaires publics (services déconcentrés de l’Etat, conseils régionaux et généraux, villes, organismes sociaux) et privés (associations départementales et locales), au développement d’actions culturelles en milieu carcéral. Cette action de partenariat sera un facteur important d’intégration de la prison dans la cité ou le département.

L’organisation des activités socioculturelles repose essentiellement sur les travailleurs sociaux  [11] et les agents de justice [12]. A Caen, dans chaque établissement pénitentiaire (CP  [13] et MA [14]), un ou plusieurs travailleurs sociaux sont nommés référents d’activités socioculturelles. Mais, face à la masse de travail administratif, ils n’ont pas toujours le temps de s’occuper du développement et du suivi des actions culturelles. Ils sont donc relayés dans leur mission par des agents de justice. Deux assistantes culturelles sont présentes au CP et à la MA.
Elles s’occupent de monter de nouveaux projets, de favoriser les partenariats, d’animer ponctuellement les activités, de mettre en place et de gérer la "programmation" culturelle.

Les activités proposées au CP s’organisent autour de plusieurs clubs et ateliers  [15] :

§ Bibliothèque : lecture & écriture
Actuellement en cours de rénovation parce que récemment détruite par les flammes [16], la bibliothèque du CP, d’une superficie de 61 m², se divisait en trois salles communicantes : la salle de lecture, la salle principale et enfin le complément de rayonnage, lieu ouvert disposant d’un espace de consultation.
Environ 15 000 ouvrages composaient le fonds de cette bibliothèque ; un fonds constitué principalement de dons et qui comptait surtout des romans policiers et de science-fiction (ouvrages les plus demandés par la population pénale). On y trouvait aussi des BD (environ une centaine), des biographies, des livres de poésie, des livres scientifiques, religieux, artistiques, etc. Dans la salle de lecture, plusieurs revues et quotidiens étaient mis à disposition des lecteurs. En accès libre, la bibliothèque était ouverte du lundi au vendredi de 15h à 17h30 et le samedi de 14h à 15h.
La gestion est assurée par deux auxiliaires-bibliothécaires, avec l’aide d’une documentaliste de la bibliothèque municipale.
Environ 290 détenus sont inscrits à la bibliothèque sur une population de 436. Approximativement 4 000 ouvrages furent empruntés en 2001 [17]. Ces chiffres montrent bien l’importance de la lecture dans la vie des personnes incarcérées.

Des ateliers d’écriture et des rencontres autour du livre ont bien vu le jour au CP de Caen. Quelques exemples datant de l’année 2001-2002 :
- un atelier d’écriture de nouvelles policières conjointement mis en place par le SPIP du Calvados (SPIP 14), représenté par … et ..., assistants culturels et l’association C’est quoi ce baz…art ?, représenté par …, écrivain et animatrice des ateliers les lundis après-midi, de octobre à mars 2002.
- des lectures d’extraits d’œuvres d’auteurs reconnus animées par deux comédiennes du Panta Théâtre.
- des rencontres d’auteurs de polar : Patrick RAYNAL (écrivain et directeur de la série noire), Pascal FONTENEAU (auteur de roman et de nouvelles), lectures de textes choisis et/ou écrits par les détenus.
- publication d’un recueil de douze nouvelles policières écrit par les détenus participants aux ateliers d’écriture et intitulé Un p’tit noir.

§ Atelier Vidéo
En détention, lieu de toutes les "fiertés", cet atelier dispose d’un véritable studio de montage entièrement aménagé par les détenus. Cette activité permet aux détenus participants d’acquérir une formation et une expérience professionnelle qui pourra être mise en valeur à la sortie.
Deux détenus gèrent aujourd’hui l’atelier, devenu association. Ce statut leur permet de réaliser des travaux sur demande (montage principalement). En contre-partie, ils peuvent recevoir une rémunération. Le temps de mon stage, l’équipe en charge de l’atelier vidéo terminait différents montages [18] dont celui d’un film sur l’art-thérapie, écrit et réalisé au CP de Caen [19]. Ce film sera présenté lors d’un colloque national organisé à Caen, en octobre prochain. Ce colloque aura pour thème "l’art et la science" et touchera le milieu carcéral, hospitalier et les maisons de retraite. Il traitera principalement de l’enfermement physique, moral et psychologique et cherchera à comprendre comment les activités jouent dans ces cas-là, un rôle thérapeutique.

Les actions mises en place par l’atelier Vidéo au niveau du CP :
- la réalisation d’un journal télévisé interne informant de la vie en détention mais également de l’actualité nationale et internationale. Plusieurs rubriques comme le sport, la présentation d’un CD ou bien d’un livre viennent compléter ce journal riche en informations [20].
- la diffusion d’émissions, de documentaires ou de films enregistrés sur les chaînes hertziennes.

Cette activité bénéfice de l’intervention de …, monteur à France 3 et de …, réalisatrice.
§ Le journal Quand ?
Le journal écrit du CP, crée il y a trois ans, est géré par deux détenus et encadré par une référente (…, assistante culturelle). Ce journal de 24 pages est composé d’interviews (psychologues du SMPR, personnel pénitentiaire, etc.), de sujets d’actualité (pénitentiaire, nationale ou internationale), de dossiers (le bagne, le Mémorial de Caen…), d’articles de journaux, de nouvelles sportives, d’un "coin philo", de publicités, etc.

Le journal, diffusé à l’intérieur comme à l’extérieur  [21] des murs, a deux objectifs :
- Informer les personnes détenues sur leurs droits, les intéresser au monde qui les entoure.
- Sensibiliser l’opinion publique sur ce qui se passe en prison.

Le journal, vendu 1€, compte aujourd’hui 36 abonnés à l’extérieur, 86 à l’intérieur et 78 "personnalités" (journal distribué gratuitement à l’administration, aux différents clubs et ateliers, à la bibliothèque, etc.). 300 à 350 exemplaires sont en moyenne tirés à chaque numéro. Principal regret : très faible participation des détenus à ce travail d’écriture et d’expression. "Ils sont trop nombreux parmi la population carcérale à ignorer cet espace de libre expression, cette passerelle à construire vers le dehors. [22]"

Le journal, financé par l’association d’aide aux détenus [23], la DRAC, la DRSP  [24] et par diverses subventions (publicité principalement), est soumis à la censure ’ mais le mot semble "fort" ici pour dire que l’information est contrôlée.

§ Théâtre
Au CP, cela fait presque quatorze ans maintenant qu’il existe une troupe de théâtre. Le club, longtemps considéré comme une activité vivante, est aujourd’hui "en perte de vitesse". La sortie d’un des détenus (membre actif du groupe puisque président du club) a remis en cause la dynamique et la pérennité du club. Les hostilités récentes entre les différentes personnes du club viennent perturber l’ambiance du groupe et la qualité des spectacles. Néanmoins, les détenus participant à cette activité ont joué en juin dernier devant un public composé de détenus, de membres de l’administration pénitentiaire et d’intervenants extérieurs ; spectacle écrit, mis en scène et interprété par la troupe du CP, et soutenu par l’assistante culturelle, ….

§ Musique
Composée de deux groupes ayant un niveau différent, les musiciens et chanteurs de ce club disposent d’une salle de répétition. Mais depuis quelques années, elle est inaccessible (local inondable) ; les répétitions ont donc lieu dans la salle de spectacle. Le club possède quelques instruments : batterie, guitares, claviers …
Le club répète principalement en vue de la fête de la musique qui a lieu annuellement en juin, dans l’enceinte même de la prison. A cette occasion, groupes locaux et membres du club se produisent devant un public composé de détenus et d’invités (chef d’établissement, personnel pénitentiaire et du SPIP, visiteurs de prison, etc.).
Depuis avril 2002, des cours d’instruments de musique sont dispensés aux membres du club, par des intervenants extérieurs (initiative SPIP 14).

§ Poterie, peinture, sculpture, marqueterie
L’animation est assurée par les détenus. Les membres de ces clubs achètent la matière première à partir des subventions qu’ils reçoivent de l’AECSAD et de l’argent dont ils disposent en cantinant, en travaillant, etc. Un partenariat, fortement soutenu par l’assistante culturelle, se met en place entre le CP et le centre d’animation caennais Tandem en vue d’une exposition de peinture, sculpture, à l’extérieur des murs.

§ Chessman
Cette activité, plus proche du loisir que du culturel, compte quand même parmi les activités socioculturelles proposées aux détenues. Ce club propose de nombreux jeux de société : tarot, monopoly, échec … Mais, depuis la démission de son président, le club ne fonctionne plus si bien. Il a été découragé par la concurrence des jeux vidéo (de nombreux détenus passent leur journée à jouer sur leur ordinateur en cellule).

§ Informatique
Créé par les détenus, ce club accueille aussi bien les initiés que les débutants. Il dispose de sept ordinateurs et, deux fois par semaine, douze des participants bénéficient de cours d’initiation.
§ Des actions ponctuelles sont également proposées par l’assistante culturelle du CP dont une exposition itinérante entre le CP, la MA et le SPIP (opérateur : Artothèque de Caen). Cette action est complétée par l’intervention en détention du médiateur culturel de l’Artothèque afin de sensibiliser le regard des détenus à l’art contemporain.

§ Des projets sont également à l’étude : formation audiovisuel, projet avec la bibliothèque municipale pour l’enregistrement de bandes sonores pour personnes aveugles.

1.3 Des acteurs régionaux : la DRSP et la DRAC

La DRSP  [25] et la DRAC [26], relais entre l’Etat et la région, sont chargées de mettre en œuvre la politique définie par le ministère de la Justice et celui de la Culture.

La DRSP dispose d’une unité d’action sociale et éducative. En lien avec la DRAC, cette unité spéciale intervient dans la définition de la politique régionale des actions à mettre en place. Elle répond à des questions d’ordre technique et joue un rôle de "chef d’orchestre". Ses objectifs premiers sont : trouver de nouvelles pistes de travail, faire évoluer les réflexions sur le développement culturel en milieu pénitentiaire, coordonner et superviser les actions mises en place. La DRSP apporte également des moyens financiers quant au développement de projets culturels. Elle reste en lien avec les directions des établissements pénitentiaires et les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

La DRAC, au delà de son rôle de financeur, "fait le lien" entre le monde culturel et le monde carcéral. Elle participe au développement, sur le long terme, d’une politique culturelle menée tant au niveau régional que départemental. Par sa connaissance des structures et des équipes artistiques, elle est en mesure "d’affiner les projets" et de proposer les "bons" intervenants.

1.4 Le Centre pénitentiaire de Caen : une double mission

Construit en 1785, à l’emplacement d’une ancienne léproserie, le Centre pénitentiaire de Caen portait autrefois le nom de "prison Beaulieu". On y transférait les fous, les déserteurs, les contrebandiers, les malades et les détenus par lettre de cachet.
Son histoire fut agitée quand, en 1944, après maintes réformes, la prison brûla sous l’occupation allemande. Presque aussitôt remise en service (dès 1946), elle devint un centre réservé aux condamnés pour longues peines. Elle se dota ainsi d’un régime progressif à base de "rééducation".
A partir de 1975, elle prit le nom de "Centre de détention" et, son régime progressif disparut au profit d’un régime libéral. Depuis 1983, la principale particularité du Centre de détention de Caen réside justement dans son système de fonctionnement en journée continue  [27] (travail le matin et détente ou pratique d’activités socioculturelles et/sportives l’après-midi) ; système non obligatoire proposé aux détenus.
Aujourd’hui d’une capacité de 425 places [28], la "prison Beaulieu" est devenue un centre pénitentiaire, depuis l’existence d’une unité de consultation et de soins ambulatoires dans l’enceinte même de la prison.

Il est certain qu’un certain nombre d’éléments influe sur la dynamique donnée à l’action culturelle en milieu carcéral. Cette dynamique impulsée aux projets culturels en prison dépend beaucoup de la politique générale menée par l’établissement. Au Centre pénitentiaire de Caen, le chef d’établissement prône plutôt une politique d’auto-surveillance et de confiance. Même si la direction de l’établissement a un pouvoir décisionnel assez lourd quant au développement d’actions culturelles en détention, elle nomme à la tête de chaque club ou atelier, un président responsable de l’activité. Le CP de Caen est donc décrit par beaucoup des acteurs intervenants en détention comme un "établissement pilote".

Le personnel surveillant, si il n’est pas impliqué directement, peut également jouer un rôle très important dans le déroulement des activités proposées. Sollicité par exemple pour la distribution de bulletins en cellule, il peut contribuer à la "bonne" diffusion et à la circulation de l’information "en interne", auprès des détenus. Les chefs de détention ou chefs de service pénitentiaire sont eux, chargés d’accueillir les intervenants culturels à l’entrée de la prison.

1.4.1 La garde, la sécurité

Protéger la société des personnes dites "dangereuses" : là est la mission première d’un établissement pour peine. La prison reste la prison. Avec ses contraintes, ses interdits, ses missions : "surveiller et punir".

Aujourd’hui, que ce soit dans les médias ou dans l’opinion publique, tous en appellent à la sécurité, occultant ainsi la deuxième mission de l’administration pénitentiaire à savoir la réinsertion. Pourtant, pour … [29], chef de service pénitentiaire (CSP2), en stage au Centre pénitentiaire de Caen, ce n’est qu’une "question d’équilibre". Si l’établissement est trop axé sur le sécuritaire, il y a danger parce que les personnes détenues risquent d’exploser et on obtient l’effet "cocotte-minute". Par contre, si l’établissement est trop laxiste, les détenus profitent de la situation. Cette réflexion témoigne d’une prise de conscience collective sur les conditions de détention en France et sur le système pénitentiaire français en général.

"L’administration pénitentiaire est une vieille dame compliquée, déchirée entre une mission de garde et une mission plus ouverte de ré-inclusion qui tente d’évoluer au rythme de la société. [30]"

1.4.2 La contribution à l’insertion

Mais au delà de son rôle de "surveillante", l’administration pénitentiaire participe au processus d’insertion des personnes détenues et notamment par l’intermédiaire de l’association d’aide aux détenus présente dans chaque établissement pénitentiaire depuis 1981. Au Centre pénitentiaire, elle est appelée AECSAD [31]. L’association a justement pour objectif de favoriser la réinsertion sociale des personnes incarcérées, notamment par le soutien et le développement d’activités culturelles, sportives et de loisirs mais aussi par l’aide individualisée aux détenus et la sensibilisation quant aux problèmes de la réinsertion.

Une fois de plus, le Centre pénitentiaire de Caen est considéré par beaucoup comme un établissement "pilote" en matière de réinsertion. Il accueille les personnes détenues qui sont en fin de peine. Une grande place est donc accordée à la préparation de la sortie ; une politique de réinsertion forte défendue par un chef d’établissement convaincu que le processus d’insertion doit être appliqué par l’administration pénitentiaire.

La réelle nécessité d’une préparation à la sortie
La Justice fait le pari d’enfermer des hommes un temps pour les laisser ressortir "meilleurs". Il semble donc évident, pour que la peine ait un sens, que ces hommes soient accompagnés tout le long de leur "parcours" pénitentiaire et que les mesures prises leur permettent une meilleure ré/insertion dans la société. Si la personne détenue ressort plus déstructurée qu’elle n’est rentrée, on peut s’interroger sur le sens et les effets de la peine. Un individu paye des années de sa vie, enfermé dans un univers violent, déstructuré par un système punitif rigide. Si cet individu, une fois libre, développe un sentiment haineux contre la société, on peut alors dire que la prison a échoué dans sa mission de ré/insertion. Une fois libre, la personne détenue est confrontée à une autre réalité, celle d’une société dite "normale". Il y a, après toutes ces années passées en prison, des habitudes à changer, des repères à prendre, un nouveau mode de vie à adopter. "Passer un, cinq ou dix ans en détention à présent, c’est perdre un temps devenu précieux parce que le monde se transforme sans que l’on s’en aperçoive, parce qu’à la sortie, l’on ne reconnaîtra plus son quartier, ses amis … bref ce qui constituait sa vie auparavant. […] La mode, vestimentaire ou musicale, change rapidement : saura-t-on alors s’y adapter en sautant des étapes, pourra-t-on s’insérer dans le discours de son groupe sans connaître les derniers films […] ? Le libéré, surtout s’il est jeune, est partagé entre la gloire de figurer au rang des "durs" grâce à l’incarcération et la crainte d’être dépassé par les événements. [32]" Pour éviter ces réflexes de peur ou d’appréhension, ce sentiment d’être "dépassé", il est nécessaire de préparer la sortie.

"Après avoir purgé de longues peines de prison, les détenus appréhendent le jour où ils se retrouveront de l’autre côté, confrontés au monde extérieur, libres. […] Crainte ou idéalisée, la libération n’est de toute façon jamais gagnée.  [33]" La prison est une étiquette qui vous colle à la peau. Une fois libre, elle est toujours là, dans votre tête, sur votre visage. Elle se lit dans vos yeux. Comment oublier l’enfermement ? Comment effacer de sa mémoire ces bruits et ces odeurs qui vous ont hantés pendant si longtemps ? Et lors du premier entretien d’embauche, comment justifier ce "vide" de dix ans passé derrière les barreaux ? On ne peut alors s’empêcher de s’interroger sur ce paradoxe qui consiste à vouloir ré/insérer des individus exclus depuis trop longtemps de la société, "mis à l’ombre", enfermés, déshumanisés par des conditions de détention difficilement supportables. Déjà en son temps, KROPOTKINE évoquait ce paradoxe  [34] : "La prison tue en l’homme toutes les qualités qui le rendent mieux appropriés à la vie en société. […] Qu’on la réforme tant qu’on voudra, elle sera toujours une privation de liberté, un milieu factice."

Ce sont toutes ces idées, toutes ces réflexions et interrogations qui nous font dire aujourd’hui qu’il est important de préparer la sortie et d’offrir au sortant de prison un cadre structurant. La période de transition entre la libération et la vie autonome se fait souvent en foyer, pour re/nouer progressivement avec la vie libre, la vie "ordinaire", pour re/trouver une identité, pour re/prendre confiance en soi et en l’autre.

"Les libérés jouent parfois avec les limites de la transgression, mais le cadre structurant offert par le travail partenarial paye souvent. […] Discret, l’accompagnement des sortants de prison, à l’intérieur comme à l’extérieur des murs, ne répond pas qu’à un souci d’humanité : il est aussi un puissant moyen de prévention de la récidive. [35]" Même si rien n’est jamais acquis, le chef d’établissement du Centre pénitentiaire de Caen veut pourtant croire en cette chance offerte aux personnes détenues de pouvoir réintégrer la société progressivement, par la libération conditionnelle. Il a même affirmé, lors d’une émission diffusée sur FR3 en mai dernier [36], qu’il est prouvé statistiquement que la libération conditionnelle crée deux fois moins de récidive que la sortie en fin de peine.

2. Un public dit "empêché"

Souvent, pour évoquer le public carcéral, on parle de publics "empêchés" ; empêchés parce que exclus de la société. Ce public, souvent en grande difficulté d’exclusion, se trouve également en situation d’échec social, professionnel, scolaire et/ou familial. L’action culturelle en milieu carcéral, inscrite alors dans un temps et dans un espace peu ordinaire, permet à des personnes privées de liberté physique, de ne pas se couper totalement du monde qui les entoure et de la société dans laquelle ces personnes sont appelées à "vivre à nouveau". La culture se pose alors comme un moyen d’aider les détenus à surmonter leur peine et à supporter l’enfermement.

2.1 L’image du détenu

La première image que l’on peut avoir du détenu est celle véhiculée par la télévision, les livres ou encore le cinéma : l’image d’une "grosse brute" tatouée, boucle à l’oreille, chaîne en or autour du cou ; une image bien sûr faussée par la fiction.

Les personnes détenues que j’ai pu rencontrer n’ont rien de ces "sales types" présentés comme tels par les médias. Ce sont des hommes, des femmes, des mineurs, tous détenus pour des peines plus ou moins longues, tous différents les uns des autres, individuellement marqués par la prison. Ces hommes et ces femmes, jeunes et moins jeunes, mariés, divorcés, célibataires, avec ou sans enfants, parfois déjà grand-parents, venus de la ville ou de la campagne, issus de milieux plus ou moins défavorisés, ont en commun un présent qui est la prison et cette éternelle question de l’enfermement.

En organisant précisément mon travail autour de ces portraits d’hommes, bannis du système parce que "fautifs", j’ai cherché à comprendre comment ces personnes, en situation d’exclusion et de détention, pouvaient se "reconstruire". Réduire un condamné à sa peine n’est-il pas l’exclure définitivement du monde qui l’entoure ? N’est-il pas justement plus dangereux pour notre société d’entretenir ce sentiment de haine et de vengeance chez ces personnes mises en marge de la société ? L’entretenir en enfermant, en condamnant, en jugeant, en traitant, en punissant ?

2.2 Profil sociologique des personnes détenues en France

Au 1er novembre 2002, le Ministère de la Justice recensait 54 438 détenus  [37] dont 20 128 prévenus et 34 310 condamnés. Les femmes détenues, au nombre de 2 061, représentent 3.8% de l’ensemble de la population pénale. 78.5% des détenus sont français, 21.5% étrangers [38].

Répartition par âge : 1.3% des détenus a moins de 18 ans ; 8.8% de 18 à 21 ans ; 62% entre 21 et 40 ans ; 16.6% entre 40 et 50 ans, 8.1% entre 50 et 60 ans et 3.2% ont plus de 60 ans [39].

"L’origine familiale et sociale prédispose-t-elle à se retrouver un jour derrière les barreaux ?" Pour répondre à cette question, l’INSEE [40] a dû mener sa propre enquête en milieu carcéral  [41] : une démarche jusqu’alors inédite pour l’Institut.

"Lors du dernier recensement de la population française, en mars 1999, 380 000 hommes et femmes vivant en ménage et 1700 hommes détenus ont répondu à un même questionnaire sur le thème de leur histoire familiale. […] Rendus publics en janvier 2002, les résultats de cette étude fournissent des données précises et chiffrées sur la population masculine emprisonnée. Ils permettent aussi de comparer les caractéristiques sociales et familiales des hommes détenus et des hommes libres [42]". Ce qui l’en ressort :

Pour l’INSEE, la population des hommes détenus est démographiquement et socialement assez homogène. Elle est jeune, bien plus que l’ensemble de la population masculine. Les hommes incarcérés sont majoritairement issus des milieux populaires : plus souvent que les autres, ils sont enfants d’ouvriers, nés à l’étranger et issus d’une famille très nombreuse. Ils ont terminé leurs études et quitté le domicile parental précocement (69% des détenus ont terminé leurs études avant 18 ans contre 36% des hommes à âge comparable). On retrouve également chez cette population d’hommes détenus une "union souvent instable" (40% ont connu un divorce contre 18% des autres hommes), union qui généralement ne peut survivre à l’incarcération. Autre constat : à âge égal, les détenus ont une vie familiale plus précoce que les autres hommes. Philippe de COMBESSIE [43], sociologue au groupe d’analyse du social et de la sociabilité (CNRS-IRESCO) et maître de conférence à l’Université René Descartes - Paris V, souligne que « sur 100 condamnations concernant des personnes sans profession, 49 sont des peines de prison ferme ; chez les ouvriers, le ratio s’élève à 14 ; chez les chefs d’entreprise ou chez les agriculteurs, il descend à 3.2. Si ces chiffres datent de 1978, il y a toutefois peu de raisons qu’ils aient beaucoup évolué depuis. Il est donc très net que le fait d’être sans emploi, au moment où l’on passe devant le juge, accentue grandement les risques de se retrouver incarcéré. »
 
Constatant « l’accumulation des facteurs caractéristiques des situations de pauvreté et de précarité dans la population masculine emprisonnée », les chercheurs concluent : « Tous les indicateurs socio-démographiques désignent des populations fragilisées ou exclues ».

On dit de la prison qu’elle est une "entreprise de paupérisation. [44]" Pour Philippe de COMBESSIE, la prison est d’ailleurs "une sanction qui vise les milieux les plus modestes, c’est aussi une sanction qui vise particulièrement les plus jeunes. C’est pour ces populations que l’ensemble de la société doit trouver des solutions. L’école, la formation professionnelle, les clubs sportifs, les radios, les télés, les associations culturelles…, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour présenter à ces jeunes en mal de reconnaissance des voies d’intégration sociale qui leur évitent de se livrer à des comportements que la société réprouve. [45]" Philippe de COMBESSIE souligne d’ailleurs combien les détenus sont, à plusieurs titres, éloignés de "la norme sociale dominante" et, en dressant le profil sociologique de ces hommes détenus, il montre ainsi que certaines caractéristiques socio-démographiques peuvent ainsi constituer des facteurs de risque d’incarcération, poussant ainsi les plus démunis vers la prison.

2.3 Un public particulier, une offre culturelle adaptée

Par la nature même des établissements pénitentiaires, on peut déjà distinguer deux types de public : celui des maisons d’arrêt et celui des établissements pour peines [46].

Le public en MA se compose de prévenus  [47] et en principe, de personnes condamnées à moins d’un an de prison. La Maison d’arrêt de Caen compte environ 420 personnes. Le Centre pénitentiaire accueille lui les longues peines ’ au CP de Caen, ce sont aussi environ 420 personnes incarcérées pour des peines allant de 8-9 ans à perpétuité. Ce sont souvent des personnes sur la voie de la réinsertion (préparation à la sortie ou aménagement de peines [48]).

Compte tenu de ces multiples différences (mode de fonctionnement, configuration des bâtiments, nature des peines exécutées), il est difficile de mettre en place une politique commune aux deux établissements pénitentiaires que ce sont la MA et le CP de Caen. Au niveau de la "programmation culturelle", les activités mises en place au CP sont pensées sur le long terme alors qu’à la MA, elles sont pensées différemment. Ce sont pour la plupart des activités qui sont amenées à ne pas durer. La population carcérale en MA est une population "changeante", très éphémère. Les personnes incarcérées en MA ne sont normalement que "de passage". Beaucoup sont là en attente de jugement, de transfert ou de libération. Dans le jargon pénitentiaire, on parle de "turnover". Il est donc très difficile de planifier, d’élaborer une "programmation" adaptée aux besoins et aux attentes de chacun. De plus, les conditions de détention en MA contraignent les détenus à vivre en collectivité, de partager une cellule ’ ils sont en général trois ou quatre par cellule. En partageant leur espace/lieu de vie, ils partagent inévitablement un peu de leur intimité. Quand on se confronte à cette réalité, il devient alors d’autant plus difficile d’organiser des activités socioculturelles avec ce souci constant de vouloir donner un peu de "distraction" à ce quotidien pesant. C’est aussi toutes raisons qui donnent aux activités un côté "occupationnel".

Jean-Sébastien DUPUIT, directeur du livre et de la lecture (DLL) en 1995, disait lors d’une rencontre nationale sur la lecture en prison : "Le monde carcéral, par sa singularité et l’acuité des situations individuelles qu’il présente, appelle une offre culturelle particulièrement réfléchie et responsable [49]."

La singularité de ce public dit "marginalisé" ne réside pas uniquement dans l’acte qui l’a amené à la prison mais justement dans la multiplicité de ces individualités. C’est aussi pour cette raison qu’il paraît important d’individualiser les peines. Chaque individu qui se trouve ici, en prison, a un passé et un avenir différents. Ce lieu rassemble des hommes qui n’ont en commun que le présent dans lequel ils se trouvent, contraints et forcés. Pour la plupart, ils n’espèrent pas revoir ces hommes qu’ils côtoient chaque jour et qu’ils appellent leurs "camarades de galère". La prison doit appartenir au passé, aux "mauvais souvenirs". Il y a nécessité de "rompre" avec ce qui peut rappeler les murs, les barreaux, l’odeur ou les bruits de la prison.

Une autre donnée à prendre en compte c’est le type de public. En majorité constitué de personnes en situation d’exclusion et/ou d’échec, de personnes pour la plupart défavorisées, il paraît nécessaire d’adapter l’offre culturelle au public auquel elle se destine. La population carcérale, dans sa majorité, est composée de personnes dont le niveau scolaire n’atteint pas la classe de 5ème. Selon les données, elle serait de l’ordre de 8O% [50]. Cette caractéristique de la population carcérale est l’une des plus discriminantes. Elle ne fait qu’accroître la fragilité de l’individu incarcéré face à l’institution judiciaire et pénale.

François CLANCHE, chef de la Division enquêtes et études démographiques de l’INSEE, affirme que « statistiquement, l’arrêt précoce des études est vraiment le facteur le plus discriminant. Cela traduit sans doute une difficulté à s’insérer dans un certain modèle social. […] Par ailleurs, cela complexifie l’insertion dans la vie économique, situation dont découle souvent le délit sanctionné par l’incarcération. Mais l’échec scolaire lui-même est la conséquence d’autre chose (problème socio-économique, instabilité dans la famille). De même, bien maîtriser la langue correspond peut-être au premier niveau de la possibilité d’intégration sociale et économique. […] D’où l’importance de développer des actions d’alphabétisations, notamment en détention. [51]" 

3. Les effets déstructurants de l’enfermement

Les "longues peines [52]" disent, quand ils entrent en prison, au moment de l’incarcération, qu’ils vont "faire leur trou [53]". Cette expression du jargon pénitentiaire témoigne des effets désocialisants de la prison et de l’enfermement.

La prison est avant toute chose un lieu de contraintes ’ le temps fait d’attente, l’espace exigu, la promiscuité, le manque d’intimité, le bruit incessant, les rapports de force, la confrontation avec les autres, la peur de l’autre, le caïdat, l’impossibilité à se concentrer, l’isolement, l’enfermement, la peur de la répression, les nuits sans sommeil, la fatigue physique et psychologique, les médicaments pris comme une drogue, pour calmer l’état nerveux de certains détenus, les maladies, le mélange des individus et des peines, etc. ’ où l’accès à l’art et la culture fait partie du "processus de résistance à l’enfermement". 

Elle est un "état d’exception", au sein duquel les individus sont privés de droits fondamentaux (négation totale du condamné : de son corps et de son esprit). La vie y est artificielle. Les détenus perdent leur identité, ils ne sont plus qu’un numéro d’écrou, ils sont victime d’une mort civile et souffrent d’absence de choix dans les décisions et les actes du quotidien. Le paradoxe de la prison réside dans la nécessité de réinsérer les individus au sein même d’un système qui fait tout pour les détruire. Pour beaucoup, l’entrée en prison coupe le détenu de sa vie sociale. Les rituels d’arrivée (douche, fouille au corps, prise d’empreinte, perte des effets personnels) marquent le début d’une longue déstructuration. La peine constitue une privation de liberté et l’obligation de se soumettre à des contraintes physiques, psychologiques et sociales, et des interdits engendrent une privation d’autonomie, de biens, de relations sexuelles, de relations "normales" tout simplement.

L’interdit se manifeste en premier lieu dans la conception architecturale où l’espace devient un instrument de pouvoir et où règne l’arbitraire. Comme l’explique E. GOFFMAN au sujet des hôpitaux psychiatriques, la rigidité d’un système ne peut conduire qu’à des échanges informels. La transgression ou la liberté de violer un interdit est productrice de sens : affirmation, refus, indocilité, résistance, d’où son importance vitale en prison où c’est l’un des seuls moyens qu’ait le détenu à sa disposition pour affirmer son existence et sa singularité.

Michel FOUCAULT, dans Surveiller et punir, parle de trois fonctions qui caractérisent le milieu carcéral : celle d’élimination, celle d’expiation et celle de sanction. La seule qui atteint vraiment son but selon lui est la première, la fonction d’élimination.

D’autre part, il expose le projet architectural original mis au point par Jeremy BENTHAM qui propose un système de surveillance assurant le fonctionnement automatique du pouvoir.

Ce dispositif aménage ainsi des unités spatiales qui permettent de surveiller les personnes détenues et qui induisent chez ces dernières un état conscient et permanent de visibilité. Contrairement au principe du cachot où l’on enferme, prive de lumière et cache, le détenu est ici vu, exposé et la visibilité devient alors un piège. Ainsi pour J. BENTHAM, le pouvoir doit être visible et invérifiable. Visible car de la tour centrale, le détenu est en état permanent de visibilité. Invérifiable car le détenu ne doit jamais savoir si il est regardé.

J. BENTHAM, philosophe anglais du 18ème siècle, rêvait d’une prison idéale dont le dispositif de surveillance serait applicable à toute institution sociale (école, usine, ville…) et donc à toute la société : « L’ensemble de cet édifice est comme une ruche dont chaque cellule est visible d’un point central. […] Cette maison de pénitence serait appelée « panoptique  [54] », pour exprimer d’un seul mot son avantage essentiel, la faculté de voir d’un coup d’œil tout ce qui s’y passe ». (Extrait du Panopticon)
Le panoptique devient alors un dispositif particulier de médiation qui renvoie à des agencements techniques et matériels d’organisation. En ce sens, on peut dire qu’il existe ’ et peut-être plus encore dans le cas de la prison ’ une logique de transmission spatiale et de pérennisation des idées et des savoirs dans le dispositif de médiation et pas seulement une logique de transmission temporelle comme tente de le démontrer Régis DEBRAY [55].
Selon Alex MUCCHIELLI, professeur à l’Université de Montpellier, le dispositif panoptique transforme, réorganise la communication et modifie ainsi les relations entre individus ; d’un côté, il y a ceux qui ont le pouvoir, et de l’autre, il y a ceux qui le subissent. Pour ces derniers, leur statut est transformé. Ils ne sont plus sujet de cette communication mais deviennent alors objet d’une information. Ce dispositif produit un assujettissement réel se basant sur un système de relations fictives. Celui, soumis à la visibilité permanente, reprend les contraintes du pouvoir. Il est celui sur lequel le pouvoir s’exerce et celui par lequel il s’exerce.

La détention est un lieu de vie habité par des hommes, gardé par d’autres hommes où chacun tente de vivre, ou survivre. La prison est une société artificielle possédant, comme celle de l’extérieur, ses propres règles, sa propre hiérarchie, avec ses caïds et ses rejetés (souvent les détenus pour affaires de mœurs), ses plus forts et ses plus faibles, les uns cherchant à éviter les autres. Elle marginalise, de la même façon, les personnes en grandes difficultés, les détenus qui n’arrivent pas à s’intégrer à un groupe, etc. La hiérarchie des valeurs du monde extérieur est ici reproduite ; un discours qui semble d’ailleurs unanime au sein de l’administration pénitentiaire et au sein de la population carcérale elle-même : la prison fonctionne comme la société. Le système carcéral reproduit le même schéma dominants/dominés.

Il y a des clans, des leaders, des présidents de clubs ou d’ateliers, des chefs à "respecter". Chaque individu obéit un certain nombre de "lois" instaurées et imposées les uns aux autres. La prison est une micro-société avec ses règles à respecter à la différence près que cela se passe dans un espace clos et restreint. Il y a une véritable "vie du dehors" à l’intérieur des murs. Les activités permettent également de se rendre compte du comportement en groupe des détenus et révèlent souvent leur vraie personnalité. L’expression et l’affirmation de soi sont des valeurs fondamentales à défendre mais dans certains cas, elles deviennent excessives. En détention, règnent des rapports de force et de pouvoir. Certains parlent de "loi du plus fort". La prison, lieu de non-droit et de violence par définition, regroupe des personnes d’horizons variées. Les personnes qui s’y trouvent sont sans cesse confrontées à des situations d’agression, ils sont en permanence en situation d’exclusion, en situation de danger, pour eux-mêmes et pour autrui. La cellule devient alors le seul lieu de l’intimité et du "refuge" ; refuge à l’ennui ou à la peur. Pourtant, le sentiment d’appartenance à un groupe, à un lieu, à un espace, à un temps est plutôt rassurant et réconfortant pour la personne incarcérée.

3.1 L’anonymat

L’une des contraintes carcérales les plus déstructurantes est sans doute l’anonymat ; souvent très dur à supporter, surtout dans les temps qui suivent l’incarcération. Le détenu perd son identité. Il devient un numéro d’écrou et quand un surveillant s’adresse à lui, il l’appelle par son nom de famille ou son numéro d’écrou. Pourtant, selon …, chef d’établissement du CP de Caen, il est important que le détenu reste avant tout une personne humaine, qu’il soit traité comme tel, qu’il soit connu et reconnu par le personnel de l’AP. Mais la réalité carcérale est souvent très éloignée de ce discours "humaniste". Les relations entre détenus et surveillants restent dans la plupart des cas strictement impersonnelles, parfois même violentes. Certains des détenus sont accusés, jugés, "pointés" par leurs co-détenus ou par certains membres du personnel de surveillance. Toutes ces réactions entraînent bien souvent de la violence et de la méfiance et génèrent des tensions permanentes en détention ; des tensions difficiles à canaliser. Ce manque de reconnaissance fait naître chez le détenu un sentiment de honte, un manque de confiance évident qui peut se lire sur les visages, dans la cour de promenade : tête baissée, regard fuyant, peur de croiser celui des autres, empressement d’en finir avec la promenade quotidienne qu’il s’imposerait presque pour sortir de la cellule.

3.2 Le temps infini des longues peines [56

Il est toujours difficile de parler du temps carcéral "dont quiconque n’est pas incarcéré n’a au mieux qu’une approche approximative." Cette idée du Docteur …, chef du SMPR  [57] du Centre pénitentiaire de Caen, témoigne du temps douloureux, du temps infini, du temps psychologiquement dur à supporter, difficile à accepter. Parce que, outre le fait qu’un individu soit privé de sa liberté physique, il devient aussi prisonnier du "temps qui passe". Le temps "ordinaire" devient pour lui le temps de la détention, le temps de la peine ou celui de la privation de liberté. Ce même temps qui semble s’arrêter au moment de l’incarcération et qui devient "temps carcéral" : donnée pourtant invariable, à l’intérieur comme à l’extérieur des murs. Mais il est d’autant plus dur pour un individu privé de liberté de gérer un temps dénué de sens. Il ne s’agit plus là de "courir après le temps" mais de "prendre son temps" au sens littéral. Prendre son temps pour réfléchir, pour se "reconstruire", pour méditer, pour se "réparer", pour apprendre.

Chacun des individus incarcérés gère son temps de détention de façon différente. Certains, en voulant échapper au temps qui passe, comblent l’attente des journées infinies par la pratique d’une activité socioculturelle. Selon le Docteur …, psychologue, « En pratiquant une activité artistique, culturelle et/ou sportive, l’individu s’inscrit ou se réinscrit dans une temporalité ». D’autres au contraire utilisent ce même temps pour réfléchir à leur délit ou à leur crime, retournant ainsi leur temps de détention contre eux-mêmes. Un individu a le choix d’utiliser son temps d’incarcération pour se "reconstruire", mais il peut également utiliser ce même temps à "gamberger [58]". Le temps, dans ce cas là, devient alors dangereux et peut conduire au suicide [59]. On "compte" trois temps où l’envie de se suicider est la plus forte : les jours qui suivent l’incarcération, ceux après la condamnation et ceux qui précèdent la sortie.

Au moment de l’incarcération, le temps s’arrête. Il devient le temps suspendu qui fera perdre à l’individu écroué, ses repères temporels. La prison "aliène" le temps. Elle amène parfois à perdre pied avec la réalité et dans ce sens, l’insertion/réinsertion pour les personnes condamnées peut être vécue comme difficile. Dépossédé de son temps, de sa liberté à organiser sa journée, le détenu perdra ainsi la notion de "temps-libre". L’individu libre pensera pourtant que le détenu dispose de beaucoup de temps. "Or en prison, le temps a une vitesse et une signification différente de l’extérieur. En réalité, si le détenu a du temps, son esprit est rarement libre et disponible pour une activité structurante. La réduction de l’espace engendre également une passivité du détenu et souvent une régression psychologique." Pour le Docteur …, les peines à perpétuité sont des "peines d’élimination" conduisant la personne condamnée vers une "paralysie psychique" par rapport au temps. Un esprit humain est dans l’incapacité de se représenter le temps à l’infini. Il a besoin d’une échelle de temps pour pouvoir continuer à se projeter dans l’avenir. Il est impossible pour une âme humaine, pour un être de vingt-cinq ans condamné à perpétuité avec une peine de sûreté de trente ans, d’accepter l’idée de la condamnation à perpétuité. D’où le nombre élevé de suicide.

Inévitablement "pesant", le temps joue un rôle essentiel dans le déroulement de la peine. Chaque minute, chaque heure a son "importance" et sa part de quotidien. Le temps, lié aux contraintes administratives, se trouve associé à celui des parloirs - avocats, juges, travailleurs sociaux ou bien encore psychologues. Ce temps est bien souvent fait d’attente. Pour les détenus, une minute peut paraître infinie. Les personnes condamnées à de longues peines ne comptent pas les années jusqu’à leur sortie, ils comptent les minutes d’attente pour un parloir ou un entretien. Il y a aussi le temps consacré à la famille, aux amis, à l’entourage, aux visiteurs de prison ; le temps "partagé", le temps à discuter, à échanger, le temps des horaires à respecter. Le temps carcéral obéit à des règles. Il est surveillé, appliqué, respecté. Cela, pour éviter tout risque de sanction.

Le temps en prison devient presque routinier, rythmé par le travail et/ou les activités. Il est découpé, morcelé, répétitif. Exemple d’un temps "organisé" : journée d’un détenu-travailleur au Centre pénitentiaire de Caen.

7h30 ’ ouverture des portes et début du travail
13h30 ’ fin du travail et retour en cellule pour le repas du midi
13h45 ’ repas servi en cellule
14h20 ’ réouverture des portes
14h30 ’ début des activités sportives, artistiques et/ou culturelles
16h30/17h00 ’ fin des activités
17h00 ’ douche, promenade dans la cour, café, discussions
18h30/18h45 ’ retour au bâtiment des hébergements pour le repas du soir
18h50 ’ repas du soir servi en cellule
19h20 ’ fermeture des cellules au bâtiment A
19h30 ’ fermeture des cellules au bâtiment B

Le soir est le temps de l’intimité. "Il n’y a vraiment que le soir, que l’on se retrouve seul, dans son intimité ; une fois les portes fermées [60]". Le soir devient le temps de l’écriture, le temps de la lecture, le temps à ne rien faire, à écouter de la musique, à regarder la TV, à jouer aux jeux vidéos, à essayer de dormir.

En prison, le temps partagé peut faire naître une certaine complicité, ou du moins une certaine entente entre co-détenus. Mais l’amitié reste rare en prison. Il est difficile de construire de véritables relations d’amitié. Cela reste bien souvent des "relations de prison", des relations de "bonne entente". Ces personnes partagent un quotidien, le temps de leur incarcération. Bien souvent elles disent : "Je suis là pour faire ma peine, pas plus." Les relations d’entente en prison sont à l’image d’un yo-yo. Elles peuvent se construire très vite, comme elles peuvent se dégrader tout aussi vite. Et puis, une fois libre, les personnes changent. Elles ne sont plus toujours les mêmes. Faire confiance ou avoir confiance en quelqu’un est souvent vécu comme un risque. Il y a une remise en question permanente "sur nos sentiments, sur notre passé, sur notre vie à venir [61]". La sortie de prison peut être tout aussi écrasante que l’entrée. "Ici, quelque part, on est "protégé", infantilisé [62]". La prison, bien que dure et inhumaine, infantilise beaucoup les individus, nourris, logés, blanchis. Et pour beaucoup, la peur de la sortie est présente et vécue comme une appréhension. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les effets déstructurants passent aussi par cette infantilisation et cette "peur" de la sortie. L’envie de construire ou reconstruire une "nouvelle" vie est très forte. Elle entraîne bien souvent la peur de ne pas réussir, d’échouer, de vouloir aller trop vite et de ne pas réussir à intégrer une société qui les a "mis à l’ombre", pour certains à perpétuité. L’intégration et l’insertion sont parfois deux choses très difficiles dans la vie d’une personne condamnée à une longue peine. En plus, "ces hommes fantasment énormément la liberté et leur capacité à s’en sortir" explique un conseiller d’insertion et de probation. Il est donc nécessaire de les confronter à la réalité, de les préparer à la sortie. C’est aussi le rôle de l’intervenant culturel. Il a toute cette dimension sociale à apporter [63].

3.3 L’espace
 
Inévitablement lié au temps et à son rôle essentiel dans le déroulement des peines, l’espace reste plus lié au "matériel" et au sentiment d’"appartenance", très fort en détention. La possession est vécue comme un besoin chez l’individu incarcéré. Il est important pour lui de posséder "un petit bout de vie". Et même si les barreaux, les barbelés et les murs seront toujours là pour rappeler les contraintes physiques (et morales) de la prison [64], la cellule devient alors une extension de soi, la reconstruction d’un "chez soi". Elle devient en quelque sorte l’unique repère spatial.

Cependant, il y a en établissement pour peine une certaine "liberté" qui peut être dangereuse parce que fictive. Toujours selon le Docteur … [65], l’apparent respect d’une vie privé n’est qu’un leurre. Les détenus, vivant en cellule individuelle, investissent assez vite cet espace personnel et intime pour en faire un "chez eux". Mais, quand l’administration pénitentiaire décide d’une fouille des cellules pour telle ou telle raison [66], cet espace "vital" redevient propriété de l’Institution et l’intimité de la personne détenue est ainsi violé au nom de la sécurité. En prison, la vie privée, la vie intime, n’existe pas. Les détenus se sentent constamment surveillé. Le courrier, passé au greffe, peut faire l’objet de censure. La personne détenue vit dans l’appréhension que l’on puisse lire à tout moment son intimité affective. L’administration pénitentiaire a vraiment les moyens de tout connaître d’elle.

3.4 La télévision, le somnifère de la détention

"Depuis le texte de 1985, les postes de télévision sont omniprésents en détention. […] La télévision occupe une place importante dans l’univers carcéral et elle constitue un passe-temps pour la majorité des détenus." (ARSEC, 2001). L’ARSEC souligne également que "les détenus sont en général des téléspectateurs assidus et certains déclarent que leur vie est rythmée par les horaires des feuilletons ou des émissions". La télévision devient en détention un moyen de s’occuper, de passer le temps mais aussi, par sa simple présence, elle isole l’individu dans sa cellule. Elle devient ainsi un moyen de "s’enfermer à l’intérieur de l’enfermement", une manière de "se mettre des murs". Une fois de plus, le détenu, détenteur d’un poste télévision, se met en marge de la population carcérale et adopte souvent une attitude passive. En cela, la télévision peut jouer un rôle désocialisant pour l’individu incarcéré. Le risque est d’autant plus dangereux que ce même individu est justement appelé à se "resocialiser". Ce qu’on ne dit pas, ou peu, c’est qu’au même titre que les "cachetons [67]", la télévision contribue au calme en détention. C’est une façon pour le personnel de surveillance "d’avoir la paix". La majorité des surveillants souligne que l’introduction de la télévision en cellule a amélioré les conditions de détention et a facilité leur travail quotidien. Ils précisent aussi que la télévision facilite le retour en cellule. En détention, une télévision allumée peut être tout aussi "dangereuse" qu’une drogue. Un usage excessif peut entraîner "un risque de dépendance, voire d’abrutissement." (ARSEC, 2001). Il peut "contribuer à infantiliser davantage le détenu, à le faire vivre dans un monde imaginaire, irréel." (ARSEC, 2001). La télévision n’est donc plus considérée là comme un outil d’information, de communication ou d’éducation mais comme un "somnifère", "une forme de déréalité du quotidien". En cela, le discours de l’administration pénitentiaire est double. D’un coté, il "prêche" la réinsertion, l’importance pour les personnes incarcérées de ne pas perdre pied avec la réalité, de toujours avoir pour objectif la sortie. Et de l’autre, il vante les "bienfaits" de la télévision.

Plus récemment, le "phénomène ordinateur", au même titre que la TV, est devenu un instrument d’aliénation qui isole les personnes détenues en cellule. Au CP de Caen, ce serait environ quatre-vingt personnes qui posséderaient un ordinateur en cellule ’ soit un peu moins de vingt pour cent de la population pénale ’ ce qui peut sembler énorme compte tenu des chiffres alarmants sur les conditions précaires et d’indigence des personnes détenues en France. Le risque, une fois de plus, est dans l’usage abusif qui peut en être fait. Si c’est à titre scolaire ou pour un travail d’écriture, l’ordinateur en soit n’est pas néfaste. Seulement, beaucoup de ces quatre-vingt personnes, passent leur journée à jouer sur leur ordinateur, enfermées dans leur cellule, sans aucun contact avec l’extérieur. Ce qui pourrait aussi expliquer le faible taux de participation aux activités socioculturelles. L’ordinateur, au même titre que la télévision, peut entraîner "un risque de dépendance, voire d’abrutissement." (ARSEC, 2001). Il fragilise un peu plus la personne incarcérée, la poussant à se replier sur elle-même, à "s’enfermer" dans sa cellule, à se couper de l’extérieur et de son environnement quotidien, à se "condamner" à la solitude, à toujours porter une étiquette, celle de l’être asocial.

Cependant, le rapport sur les actions audiovisuelles en milieu pénitentiaire (ARSEC, 2001) a rendu compte d’une chose observable au CP de Caen : "Les personnes incarcérées ayant participé aux actions audiovisuelles ont le plus souvent modifié leurs pratiques télévisuelles, en réduisant leur consommation et en devenant plus sélectif." Les détenus responsables de l’atelier vidéo au CP n’ont pas de TV en cellule la considérant comme "aliénante" et puis aussi, pour pouvoir consacrer plus temps à d’autres pratiques artistiques et culturelles comme l’écriture, la lecture ou la musique.

Heureusement, la télévision peut aussi "constituer un sujet de discussion avec les personnes incarcérées. Elle devient alors une zone de partage". (ARSEC, 2001). L’atelier vidéo, devenue association CIS7 VIDEO, permet et encourage les rencontres avec l’extérieur. A titre d’exemple, et le temps de mon stage, différents intervenants se sont succédés au studio de montage du CP de Caen, comme Edwy PLENEL, directeur de la rédaction au Monde, Gérard HOUSSIN, responsable du service des animations à la Ville de Caen, Pascale MORICE, maire-adjointe (jeunesse) et auteur d’un livre sur le suicide Fatigué de ce monde, Nicolas HULOT, journaliste-reporter. Ce sont les détenus participant à l’atelier Vidéo qui ont eux-mêmes organisé ces rencontres (avec l’accord de la direction de l’établissement). Ce sont également eux qui ont joué le rôle de journaliste-interviewer. Ces rencontres sont ensuite diffusées sur le canal interne. Dans l’ensemble, ce sont des actions qui "passent bien" auprès de la population carcérale même si il est toujours difficile de pouvoir en mesurer les impacts et d’en avoir un retour. Il est d’ailleurs plus fréquent d’avoir un retour, non pas négatif, mais souvent avec des reproches, qu’un retour vraiment enthousiaste. Dans les discours, on sent une certaine pointe de jalousie de ne pas avoir participé à l’action mais aussi de fierté de connaître les personnes détenues qui ont rencontrées une personnalité (sans vraiment la connaître ou savoir ce qu’elle fait). Il y a là un besoin de reconnaissance et de mise en valeur de la personne détenue ; une reconnaissance qui passe par une poignée de main, une parole, une écoute, un regard. Pour ces hommes, "en manque de valorisation", ces gestes simples contribuent à la construction d’une image positive. Une personne regardée ou écoutée va toute de suite se sentir exister. Le détenu cherche à se mettre en valeur et à se faire reconnaître d’un système qui l’a "mis à l’ombre".

Les risques, lorsque l’on parle de "valorisation" et de "reconnaissance", ce sont les sentiments qui en découlent : jalousie et convoitise, surestimation de soi et pouvoir ; la jalousie et la convoitise étant deux sentiments très présents en détention. L’atelier Vidéo par exemple suscite un sentiment de jalousie animé par le fait que la Vidéo reste un cercle assez fermé. On y retrouve souvent les mêmes détenus. Le risque serait de faire de cette activité "La vitrine de la détention." ’ ou de faire de la prison "le réceptacle des bonnes intentions, ou pire, le fonds de commerce de certains artistes. […] Le lieu prison est tellement symbolique et générateur de fantasmes qu’il suscite parfois des aventures hasardeuses. [68]"

[1] In L’univers pénitentiaire : du côté des surveillants de prison. Desclée de Brouwer, 1997

[2] Signé le 25 janvier 1986 par R. Badinter, Ministre de la Justice, et J. Lang, Ministre de la Culture et réaffirmé en 1990 par un deuxième protocole d’accord puis, par une circulaire en 1995 relative à la mise en œuvre de programmes culturels adressés aux PPSMJ. La dernière en date est une note du 11 mai 2000 relative aux missions régionales de développement culturel en milieu pénitentiaire. Voir en annexe

[3] In L’action culturelle en milieu pénitentiaire, ARSEC, sous la direction de L.Anselme, février 1997, p7

[4] In Peines perdues : faut-il supprimer les prisons ?, Dominique Vernier, 2002, Fayard, p.161

[5] …, chargée de mission DRAC/DRSP in Mission régionale de développement culturel en milieu pénitentiaire (Basse-Normandie), avril 2002

[6] Article 15 adopté par l’Assemblé générale le 16 décembre 1966, et entré en vigueur le 3 janvier 1976

[7] Article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme ’ "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits."

[8] Le SPIP, DAP, Ministère de la Justice (E.Guigou), novembre 1999

[9] Le SPIP, DAP, Ministère de la Justice (E.Guigou), novembre 1999

[10] Mission régionale de développement culturel en milieu pénitentiaire (Basse-Normandie), avril 2002, …, chargée de mission DRAC/DRSP

[11] Ensemble des conseillers d’insertion et de probation (CIP) et des assistantes sociales (AS)

[12] Agents de justice recrutés dans le cadre des emplois-jeunes

[13] Centre pénitentiaire

[14] Maison d’arrêt

[15] Sources : Mission régionale de développement culturel en milieu pénitentiaire (Basse-Normandie), avril 2002, …, chargée de mission DRAC/DRSP

[16] Voir article en annexe. Incendie au centre de détention de Caen. Pays d’Auge, 31janvier 2003, n°3017

[17] Chiffres issus de l’état des lieux réalisé par … au Centre pénitentiaire de Caen, en avril 2002

[18] Comme celui de A Caen la Paix, manifestation caennaise qui a eu lieu le 24 et 25 mai dernier

[19] Entre l’ombre et la lumière. Participation de …

[20] Le temps de mon stage, plusieurs invités se sont succédés sur le "plateau" du JT interne. Pour ne citer que quelques exemples : Edwy Plenel, directeur de la rédaction au Monde ; Gérard Houssin, responsable du service des animations à la Ville de Caen, Pascale Morice, maire-adjointe (jeunesse) et auteur d’un livre sur le suicide Fatigué de ce monde, Nicolas Hulot, journaliste-reporter

[21] En vente libre sur Caen dans 4 librairies, 1 bar-tabac, 1 presse, mais aussi sur les stands des bouquinistes du marché de Caen

[22] A lire en annexe l’article intitulé "L’écriture, l’échappée belle" paru dans le dossier Des mots en prison, livre/échange (journal trimestriel édité par le CRL de Basse-Normandie), février 2003, n°21, p.7

[23] AECSAD : Association Educative, Culturelle et Sportive d’Aide aux Détenus

[24] Voir glossaire

[25] Direction Régionale des Services Pénitentiaires

[26] Direction Régionale des Affaires Culturelles

[27] Voir "journée d’un détenu" p. 42

[28] Sources : Des mots en prison, livre/échange (journal trimestriel édité par le CRL de Basse-Normandie), février 2003, n°21

[29] Lors d’un entretien le 4 avril 2003

[30] Docteur Plichart, psychologue et chef du SMPR au CP de Caen

[31] Association Educative, Culturelle et Sportive d’Aide aux Détenus

[32] in Le temps en milieu carcéral : temps institutionnel et temps vécu. C. PAUCHET. Revue pénitentiaire et de droit pénal n°2. Avril-juin 1984. pp. 151-161

[33] Cécile Prieur, dans un article du Monde paru le 20/12/2002 ’ et paru dans le journal interne Quand ?, n°22, février-mars 2003

[34] Kropotkine cité par Pierre Deyon in Le temps des prisons, p. 189, PUF, 1975

[35] Kropotkine cité par Pierre Deyon in Le temps des prisons, p. 189, PUF, 1975

[36] Les dossiers de FR3 : prisons en crise. Débats en région. Lundi 5 mai 2003, 22h50

[37] Métropole et outre-mer

[38] In Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire. Ministère de la Justice. DAP. Décembre 2002

[39] In Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire. Ministère de la Justice. DAP. Décembre 2002

[40] Institut national de la statistique et des études économiques

[41] Enquête réalisée entre le 2 et le 12 février 1999 auprès d’un échantillon représentatif de détenus. Au total, 1719 entretiens ont été menés dans 23 maisons d’arrêt et 5 centres de détention dans 14 régions de France métropolitaine. Le taux d’échec s’établit à 17.5%, ce qui est comparable à de nombreuses enquêtes menées en "milieu libre"

[42] Histoire des détenus : précarité sociale et fragilité familiale. Dossier paru dans Dedans Dehors, OIP ’ Section française, n°33, septembre 2002, p. 10 à 25

[43] notamment l’auteur de Sociologie de la prison, La Découverte, coll. Repères, 2001

[44] Patrick Marest dans le dossier Histoire des détenus : précarité sociale et fragilité familiale. Dedans Dehors, OIP ’ Section française, n°33, septembre 2002, p. 12

[45] Propos recueillis par Florence Raynal et parus dans le dossier Histoire des détenus : précarité sociale et fragilité familiale. Dedans Dehors, OIP ’ Section française, n°33, septembre 2002, p. 10 à 25

[46] Voir glossaire

[47] Voir glossaire

[48] Voir glossaire

[49] Actes des rencontres nationales sur la lecture en prison : Paris, 27-28 novembre 1995. Fédération Française de Coopération entre Bibliothèques. Direction du livre et de la lecture. Direction de l’administration pénitentiaire

[50] in Actes des rencontres nationales sur la lecture en prison : Paris, 27-28 novembre 1995. Fédération Française de Coopération entre Bibliothèques. Direction du livre et de la lecture. Direction de l’administration pénitentiaire

[51] Propos recueillis par Florence Raynal et parus dans Dedans Dehors, OIP ’ Section française, n°33, sept. 2002. Histoire des détenus : précarité sociale et fragilité familiale (dossier)

[52] Personne condamnée à purger une longue peine en centre de détention ou en maison centrale

[53] Détenu qui doit s’organiser sur le long terme

[54] Sens du mot "Pan/optique" : possibilité de voir et d’être vu de toute part

[55] Notamment auteur de Introduction à la médiologie, PUF, coll. 1er cycle, 2000

[56] MARCHETTI, Anne-Marie. Perpétuités : le temps infini des longues peines. Paris : Plon, 2001

[57] service médico-psychologique régional

[58] mot populaire très utilisé par les détenus. Il a pour eux une connotation souvent négative

[59] La France occupe, aux côtés de l’Autriche aux effectifs très différents, la première place dans le tableau des effectifs en pourcentages de décès et de suicides en prison en 1996 in Anne-Marie Marchetti, Perpétuités, le temps infini des longues peines, Paris, Plon, 2001

[60] Parole d’un détenu du CP de Caen

[61] Parole d’un détenu du CP de Caen

[62] Parole d’un détenu du CP de Caen

[63] Voir sous-partie : I- 1.4.2. La contribution à l’insertion : La réelle nécessité d’une préparation à la sortie. p.30

[64] Un des problèmes physiques qu’engendre la prison : la baisse du champ de vision. Les personnes détenues, ne pouvant voir à l’horizon, ont la vue qui baisse

[65] psychologue et chef du SMPR du Centre pénitentiaire de Caen

[66] A ce propos lire en annexe : Deux prisons fouillées de fond en comble, Ouest-France, 15-16 mars 2003

[67] Au sein de la détention, on appelle "cacheton" les médicaments pris comme une drogue, pour calmer l’état nerveux, dépressif ou suicidaire d’une personne incarcérée

[68] DE SAINT-DO Valérie. L’art en prison : éternel clandestin ?. Cassandre, n°39