Mémoire présenté par Dominique FAUCHER
Médecin attachée à l’U.C.S.A. du centre pénitentiaire de Fresnes
et à l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Paul Brousse
Travail réalisé dans le cadre du D.U. Ethique appliquée à la santé et aux soins - Assistance Publique - Hôpitaux de Paris Université Denis Diderot - Paris VII, UFR Lariboisière - Saint - Louis.
INTRODUCTION
La réflexion sur l’éthique appliquée aux soins ne s’est jamais imposée avec autant d’acuité que dans ma pratique médicale en milieu carcéral. Cette pratique m’interroge chaque jour sur le sens de ma mission de médecin généraliste auprès de personnes privées de liberté.
En France, l’exercice médical est régi par le code de déontologie médicale (Annexe 1) qui définit les devoirs des médecins, ainsi que par les principes d’éthique médicale européenne (Annexe 2). En milieu carcéral, diverses contraintes viennent encadrer la pratique des soignants, elles ont pour noms : sécurité, ordre, discipline, règlements,...arbitraire aussi. Le respect de la déontologie médicale se heurte à ces contraintes. La loi du 18 janvier 1994 prône l’accès aux soins " dedans comme dehors ". Le médecin-soignant en milieu carcéral exerce son art "dedans " et repart chaque soir " dehors " chargé de la vie des personnes détenues, de la vie de la prison. Dehors, il se retrouve médecin- citoyen et se rappelle qu’il existe encore d’autres règles d’éthique : les droits de l’Homme (Annexe 3). Sa conscience éthique l’invite à témoigner des atteintes à la dignité, à certains droits fondamentaux et des entraves à sa pratique.
Enoncer et discuter toutes les situations où l’éthique médicale est mise à mal en détention serait trop long pour le présent travail. En effet, de l’entrée à la sortie des personnes détenues, chaque instant de leur séjour, chaque endroit de la prison sont l’occasion de faits contraires au respect de leur dignité, de menace à leur intégrité physique et mentale, à leur autonomie. Il est toutefois deux lieux où les contraintes carcérales " bousculent " le plus notre pratique, notre éthique :le quartier disciplinaire et le quartier d’isolement. J’ai choisi de centrer ma réflexion sur le suivi médical des personnes détenues en quartier d’isolement.
Ce mémoire prétend principalement témoigner d’un exercice médical particulier et poser les questions éthiques soulevées par les conditions de cette pratique. A l’issue de cette réflexion, d’autres questions émergent qui interrogent non seulement le médecin en tant que soignant et citoyen, mais aussi la société. Soigner des personnes détenues en isolement fait-il du médecin une caution du système pénitentiaire et d’un mode de détention, défini dans le code de procédure pénale comme "ordinaire " tout en entraînant à long terme des effets néfastes et en nécessitant un suivi médical bihebdomadaire ? L’isolement prolongé est vécu par ceux qui le subissent comme une condamnation à mort, cela ne mérite-t-il pas un débat de société comme la peine capitale autrefois ? Le médecin ne doit-il pas aussi alerter la société sur les conditions dans lesquelles les hommes condamnés accomplissent leur peine ?
SOMMAIRE
I . INTRODUCTION
II . DETENTION EN QUARTIER D’ISOLEMENT
1 . Aspects réglementaires
2 . Le quartier d’isolement de Fresnes
Le cadre de vie
La vie quotidienne
La population du quartier
3 . Suivi médical des personnes isolées
III . SOINS AUX HOMMES DETENUS EN ISOLEMENT
ET ETHIQUE MEDICALE
1 . Soigner qui ?
Soigner toutes les personnes
Même les assassins d’enfant et les terroristes
Les isolés volontaires
Soigner des hommes en perte d’identité, d’image, de sens
2 . Soigner quoi ?
La santé physique
La santé mentale
3 . Soigner quand ?
4 . Soigner où ?
5 . Soigner comment ?
En témoin des atteintes à la dignité
En respectant le secret professionnel
En toute indépendance
Avec les contraintes pénitentiaires
Selon quelles règles
6 . Soigner pourquoi ?
IV . CONCLUSION
Annexes
BIBLIOGRAPHIE