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1 Principes fondamentaux

Publié le mercredi 12 novembre 2003 | http://prison.rezo.net/1-principes-fondamentaux/

Introduction
1. Certaines des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (RMT) revêtent un caractère prescriptif absolu. Elles constituent des principes fondamentaux devant s’appliquer en tout lieu et en tout temps. Ces principes fondamentaux découlent d’autres textes des Nations unies en matière de défense et de garantie des droits de l’homme [1].

2. On donnera quelques exemples de ces principes fondamentaux :
- les prisons doivent être des communautés organisées en vue d’assurer la vie, la santé et l’intégrité de la personne des détenus ;
- les détenus ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination dans le cours de leur traitement ;
- lorsqu’un tribunal inflige une peine d’emprisonnement à un délinquant, il impose une sanction extrêmement pénible en elle-même qui ne peut en aucun cas être aggravée du fait des conditions de détention ;
- les activités organisées à l’intérieur de la prison doivent tenir compte autant que possible de la resocialisation des détenus à l’issue de leur peine. En conséquence, les règles et les régimes pénitentiaires ne doivent pas limiter plus qu’il n’est besoin les libertés des détenus, leurs contacts avec l’extérieur et les possibilités de leur développement personnel. Les règles et les régimes pénitentiaires doivent au contraire favoriser l’intégration du détenu au sein d’une collectivité ayant un mode de vie normal.
On reviendra plus en détail sur ces principes fondamentaux dans les paragraphes suivants.

L’esprit des principes fondamentaux
3. Les observations préliminaires (règles 1, 2, 3 et 4) exposent la philosophie qui anime les principes fondamentaux [2]. De même, les règles 27 et 56 sont moins des règles de portée générale que des principes fondamentaux sur lesquels doit se fonder la gestion de tout système pénitentiaire. Aussi toutes les RMT doivent-elles être lues à la lumière de ces déclarations d’intention et de ces principes fondamentaux.

4. Les observations préliminaires (règles 1, 2, 3 et 4) peuvent être résumées comme suit : les RMT ne visent pas à décrire dans le détail un système modèle d’institution pénale, elles tentent de mettre en exergue, avec sincérité et à partir d’un consensus général, les principes essentiels et les pratiques correctes qui doivent présider au traitement des détenus ou à la gestion des prisons. Les conditions légales, sociales, économiques et géographiques variant sensiblement d’un pays à l’autre, ces règles ne sont pas applicables partout et au même moment. Un effort doit cependant être poursuivi en vue, d’une part, d’accélérer et d’étendre la mise en application de ces règles minima et, d’autre part, de favoriser les politiques expérimentales qui s’en inspirent.

5. Aucun système pénitentiaire ne satisfait complètement aux exigences des RMT et certaines politiques pénales en sont particulièrement éloignées. D’où le besoin d’un effort continu d’expérimentation, de développement et d’amélioration des RMT. Il faut garder en mémoire la règle 56 : Les principes directeurs qui suivent ont pour but de définir l’esprit dans lequel les systèmes pénitentiaires doivent être administrés et les objectifs auxquels ils doivent tendre, conformément à la déclaration faite dans l’Observation préliminaire n° 1 du présent texte.

6. La règle 27 exige pour sa part que l’ordre et la discipline doivent être maintenus avec fermeté, mais sans apporter plus de restrictions qu’il n’est nécessaire pour le maintien de la sécurité et d’une vie communautaire bien organisée. Cette règle représente un impératif catégorique qui s’impose à toute administration pénitentiaire : la mise en œuvre de toutes les autres règles en dépend. La sûreté des prisons est la priorité des priorités : les prisons doivent être sûres pour les détenus, pour les agents pénitentiaires et pour la société. L’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies stipule que : “ Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ”. Le premier devoir de toute administration pénitentiaire est donc de s’assurer que les prisons sont sûres pour les détenus qui sont obligés d’y résider et pour le personnel pénitentiaire qui doit y travailler. Les détenus et les agents doivent éviter toute violence et s’interdire de menacer la vie et la santé de quiconque. La société est en droit d’exiger que ses membres soient à l’abri des activités agressives des détenus.
Rendre les prisons sûres tout en recourant au minimum de moyens de coercition, tel est le sens de l’article 3 de la Déclaration Universelle et de sa traduction dans les RMT.

7. Les règles de caractère général sont applicables à toutes les catégories de détenus ; la plupart des règles élaborées en faveur des condamnés s’appliquent aux catégories spéciales de détenus mises en exergue dans les RMT. Cette disposition revêt une importance considérable, compte tenu du nombre élevé de détenus placés en détention préventive ou maintenus en prison pour d’autres raisons dans beaucoup de pays du monde, et dont les conditions de détention sont moins bonnes que celles des condamnés - une situation inacceptable au vu de la présomption d’innocence et de la recommandation de l’observation préliminaire n° 4.

L’esprit et la portée des RMT
8. Les règles découlent des principes fondamentaux dont on vient de rappeler le contenu et l’esprit. On peut donc déduire de ces mêmes principes les objectifs et les limites des RMT. Ainsi, celles-ci n’aspirent pas à bâtir le système pénitentiaire idéal. Une telle ambition serait irréaliste autant qu’illégitime. Elle supposerait d’une part plus de connaissances et de compétences de la part des experts et, d’autre part, que la question de l’espace (variations économiques, sociales, historiques et politiques d’un pays à l’autre) et du temps (maintien d’une perfection permanente) serait esquivée (ou résolue). Cette ambition serait de surcroît contradictoire avec celle de réaliser un changement positif continu.

9. L’objectif premier des RMT est posé clairement dans l’Oobservation préliminaire n° 1 : les règles visent à identifier les “ éléments essentiels des systèmes contemporains les plus adéquats ”, à exposer “ les principes et les règles d’une bonne organisation pénitentiaire ” et à mieux cerner “ la mise en pratique adéquate du traitement des détenus ”. La référence aux “ éléments essentiels ” se rapporte directement au fait que les RMT ne prennent en compte que les nécessités de base minimales - soient les conditions nécessaires pour qu’un système pénitentiaire permette effectivement que les détenus bénéficient d’un minimum de respect humain. Les “ éléments essentiels ” renvoient aussi, quoiqu’indirectement, aux droits de l’homme affirmés dans les divers documents internationaux que nous examinerons dans le chapitre IX.

L’interdiction de toute discrimination
10. Règle 6 (1) Les règles qui suivent doivent être appliquées impartialement. Il ne doit pas être fait de différence de traitement basée sur un préjugé, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

Règle 6 (2) Par contre, il importe de respecter les croyances religieuses et les préceptes moraux du groupe auquel le détenu appartient.

Les exigences de la règle 6 (1) sont sans équivoque. Les RMT doivent être appliquées “ impartialement ”, c’est-à-dire avec justice et équité. Il y a discrimination dès lors qu’un préjudice ou un désavantage est imposé à certains détenus ou groupes de détenus pour l’une ou l’autre des raisons évoquées par la règle. Toute pratique pénitentiaire basée sur un parti pris, le sectarisme, le fanatisme ou un préjugé quelconque est par conséquent interdite. La règle 6 (1) utilise pour prohiber toute discrimination à peu près les mêmes termes que l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies. Une semblable interdiction a été renouvelée dans le deuxième des Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus, adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies lors de sa 68ème réunion de décembre 1990. L’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948, affirmait pour sa part :
Tous (les citoyens) sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi.
Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.

11. La règle 6 (1) interdit la discrimination sur la base d’une “ autre situation ”. Une telle “ autre situation ” est devenue malheureusement d’une actualité brûlante et d’une importance considérable au sein des prisons : on aura compris que les détenus déclarés séropositifs ne doivent être l’objet d’aucune discrimination. C’est rarement le cas. La crainte et l’ignorance face à la transmission de l’infection par des détenus séropositifs conduit trop souvent à ce qu’ils subissent une discrimination, en particulier sous la forme d’une exclusion de la communauté, voire d’un isolement physique que ne justifient dans beaucoup de cas ni raisons médicales, ni problèmes de comportement. Des mesures particulières peuvent être prises dans des cas extrêmes, mais en dehors de ces situations exceptionnelles, l’isolement des détenus séropositifs constitue bel et bien une discrimination [3].

Un traitement respectueux des différences ne constitue pas une discrimination.
12. L’interdiction de toute discrimination ne signifie en rien la non reconnaissance de l’extrême diversité des convictions philosophiques, morales ou religieuses. Il est opportun d’établir ici une distinction très nette entre discrimination et différenciation. La “ discrimination ” a pour conséquence d’infliger un préjudice ou d’imposer un désavantage sous le prétexte de raisons injustes sinon nocives. La “ différenciation ” implique au contraire une variété de traitement des détenus résultant de croyances ou de besoins spécifiques, de situations ou de statuts spécialement handicapants - le fait par exemple d’être un étranger, une femme ou d’appartenir à une minorité ethnique ou religieuse. Contrairement à la discrimination, la reconnaissance de différences fondamentales entre les personnes ne devrait pas avoir pour conséquence d’infliger un préjudice ou d’imposer un désavantage, sous le prétexte de raisons injustes sinon nocives.

13. Cependant les détenus appartenant au groupe majoritaire peuvent considérer la différence de traitement dont bénéficient les minorités comme une discrimination injuste, en particulier quand ces minorités sont considérées comme d’un statut inférieur. Le personnel pénitentiaire doit être conscient de cette difficulté, afin de pouvoir proposer des explications rationnelles à ces distinctions ainsi pratiquées, particulièrement dans le cas où il serait saisi de plaintes formulées par des détenus appartenant au groupe majoritaire.

14. La mise en œuvre d’une peine de prison conduit inévitablement à soumettre les détenus à certaines contraintes. Ainsi, un détenu qui doit être expulsé à la fin de sa peine ne bénéficiera pas de permission s’il est susceptible de commettre de nouveaux délits au cours de ladite permission. Un tel désavantage n’est admissible qu’envisagé comme une conséquence nécessaire de l’application d’une peine de prison légalement prononcée et correctement exécutée. La différence de traitement appliquée aux détenus ne doit jamais être le résultat d’un préjugé ou d’un parti pris, du fanatisme ou du sectarisme. Des traitements différents peuvent être considérés comme légitimes dès lors qu’ils sont la conséquence juste et raisonnable de la condamnation, qu’ils sont justifiés par un savoir-faire et une expérience reconnus, qu’ils ont pour objet l’amélioration de la situation personnelle et sociale du détenu et qu’ils se fondent sur un haut degré de tolérance et de compréhension. Le caractère équitable et mesuré des contraintes imposées par l’incarcération doit pouvoir être testé à l’aune des possibilités offertes aux détenus de se plaindre à une autorité indépendante. La discrimination devient par contre effective lorsque des modèles de comportement déviants, quoique connus des autorités, continuent d’inspirer des pratiques déviantes [4].

Liberté des croyances et interdiction des contraintes religieuses
15. La liberté de croyance religieuse est un des principaux droits de l’homme. Elle est garantie par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Toute contrainte dans le choix de la religion est interdite. La règle 6 (2) des RMT reconnaît la nécessité de respecter les croyances religieuses et les préceptes moraux du groupe auquel le détenu appartient [5].

16. Quelle doit être la pratique vis-à-vis de groupes que les croyances religieuses ou les préceptes moraux qui les guident conduisent à l’exercice de la cruauté et de la violence ou à des menaces proférées contre d’autres groupes ? Peut-on tolérer n’importe quel type de comportement dès lors qu’il est fondé sur des croyances religieuses ou des préceptes moraux ? La règle 6 (2) n’admet de fait aucune restriction. Toutefois, la vie en prison, tout comme celle en société, serait impossible si une croyance religieuse ou des préceptes moraux permettaient de justifier n’importe quel type de comportement. Le respect dû aux croyances religieuses ou aux préceptes moraux présuppose que ces croyances et ces préceptes ne dénient pas l’existence d’autres croyances et préceptes et qu’ils ne sont pas porteurs de cruauté, de violence ou de menaces. Il est opportun de rappeler ici l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme :
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils (...) doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Les croyances religieuses et les préceptes moraux qui dénient ces droits sont porteurs de discrimination et ils tombent comme tels sous l’interdiction signifiée dans l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme citée dans le paragraphe 10.

Tenue d’un registre en vue d’éviter les détentions arbitraires
17. La règle 7 qui s’intéresse à l’écrou des détenus est impérative, et ne souffre aucune exception compte tenu de ses implications.
Règle 7 (1)
Dans tout endroit où des personnes sont détenues, il faut tenir à jour un registre relié et coté
indiquant pour chaque détenu :
a) Son identité ;
b) Les motifs de sa détention et l’autorité compétente qui l’a décidée ;
c) Le jour et l’heure de l’admission et de la sortie ;

Règle 7 (2)
Aucune personne ne peut être admise dans un établissement sans un titre de détention valable,
dont les détails auront été consignés auparavant dans le registre.

18. La règle 7 doit être interprétée à la lumière des dispositions des articles 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui interdisent tout internement arbitraire. Ces articles 9 et 10 proclament que :
-Article 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.
-Article 10
Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit de même dans son article 9.1 que :
Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi.
Pour que ces conditions soient respectées, le personnel pénitentiaire doit s’assurer que tout écrou résulte d’un ordre d’incarcération authentique et valable. La responsabilité de la mise en œuvre de cette partie de La règle 7 est du ressort tant de chaque administration centrale nationale que du directeur et du personnel de chaque établissement pénitentiaire.

19. La règle 7 trouve un fondement supplémentaire dans le principe 12 de l’Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement. Ce Principe s’applique plus particulièrement aux personnes détenues dans des cellules de police et aux prévenus :
1) Seront dûment consignés :
a) Les motifs de l’arrestation ;
b) L’heure de l’arrestation, l’heure à laquelle la personne arrêtée a été conduite dans un lieu de détention et celle de sa première comparution devant une autorité judiciaire ou autre ;
c) L’identité des responsables de l’application des lois concernées ;
d) Des indications précises quant au lieu de détention.
2) Ces renseignements seront communiqués à la personne détenue ou, le cas échéant, à son conseil, dans les formes prescrites par la loi.
L’enregistrement détaillé de ces informations et de celles exigées par la règle 7 constitue une importante protection contre le phénomène des “ disparitions ”, au sens où des détenus disparaissent au sein du système pénitentiaire sans que personne ne sache où ils se trouvent.

20. La règle 7 exige aussi, dans sa première partie, que soient enregistrés l’identité de chaque détenu, le ou les motifs ayant présidé à son incarcération, la date et l’heure de celle-ci ainsi que la nature de l’autorité ayant délivré le titre de détention. Pendant toute la durée de l’emprisonnement, des circonstances très variées peuvent intervenir qui rendent nécessaire la connaissance précise de ces renseignements : mauvaise conduite, évasion, accident, maladie, décès, incendie, mutinerie, etc., autant d’événements qui entraînent enquêtes et procédures légales. Les prescriptions particulièrement tatillonnes de la règle 7 (registre relié et coté) peuvent paraître obsolètes alors que beaucoup d’administrations pénitentiaires font usage de systèmes informatisés. Les méthodes d’enregistrement peuvent différer de celles décrites dans La règle, à la condition expresse qu’un enregistrement fiable soit assuré, qui ait un caractère permanent et dont les données soient facilement accessibles dans les cas d’urgence. Lors d’incendies et de mutineries, ces données peuvent rapidement être détruites alors même qu’elles sont essentielles pour le contrôle de la situation. Les administrations pénitentiaires doivent par conséquent veiller avec beaucoup de soin à la préservation de ces documents, en particulier quand ils concernent un grand nombre de détenus.

Démarrage et mise en œuvre du traitement pour la resocialisation des détenus
21. La règle 4 établit que les règles applicables aux condamnés le sont aussi à toutes les catégories de détenus, pourvu qu’elles ne soient pas contradictoires avec les règles concernant certaines catégories de détenus, ces dernières prévalent alors. Sous cette réserve, les règles suivantes sont donc applicables aux prévenus, aux malades mentaux ou déséquilibrés, aux détenus pour dettes et aux personnes détenues sans charge légale.

22. Règle 57 L’emprisonnement et les autres mesures qui ont pour effet de retrancher un délinquant du monde extérieur sont afflictives par le fait même qu’elles dépouillent l’individu du droit de disposer de sa personne en le privant de sa liberté. Sous réserve des mesures de ségrégation justifiées ou du maintien de la discipline, le système pénitentiaire ne doit donc pas aggraver les souffrances inhérentes à une telle situation.

La règle propose une définition claire de la peine de prison et souligne que l’emprisonnement est une peine de caractère afflictif par nature, ce caractère ne pouvant être aggravé que des seuls faits d’une ségrégation justifiée et du maintien du bon ordre dans la prison. On peut résumer ainsi cette règle : les délinquants subissent une peine de prison et non pas une peine en prison.

23. L’emprisonnement entraîne néanmoins toute une série de privations. Les détenus doivent vivre en commun avec des personnes qu’ils n’ont pas choisies et se soumettre au régime pénitentiaire en vigueur dans l’établissement. Ils sont privés de contact normal avec les personnes du sexe opposé, avec tout ce que cela implique de frustrations tant au point de vue de l’expression émotionnelle que dans l’affirmation de l’identité personnelle. Ils sont privés aussi de l’accès normal aux biens et aux services. Le degré de responsabilité qu’ils sont à même d’exercer dans la conduite de leur vie quotidienne demeure limité. Ces effets se manifestent différemment, en étendue et en intensité, d’un système pénitentiaire à un autre, voire d’un établissement ou d’un quartier d’établissement à un autre ; reste que l’incarcération est toujours pénible en elle-même.

24. Les privations et les souffrances générées par la vie en prison ont été mises en exergue dans un grand nombre de recherches en criminologie qui ont démontré qu’elles avaient pour effet de renforcer l’adhésion aux habitudes et aux associations criminelles en même temps que le rejet des valeurs sociales consensuelles. Cependant, quand bien même le droit d’initiative serait fortement compromis du fait de l’incarcération, le devoir de l’administration est d’offrir aux détenus le maximum d’occasions permettant de restaurer ce droit et d’exercer une responsabilité personnelle. Au nom de considérations aussi bien juridiques que pratiques, il importe que les seules souffrances subies par les détenus soient celles qui sont inévitables parce qu’inhérentes à l’incarcération. Ces souffrances inévitables devraient faire constamment l’objet de contrôles et d’efforts continus en vue de les atténuer.

La sûreté comme une nécessité primordiale pour les détenus et le personnel pénitentiaire
25. La règle 57 évoque aussi les restrictions imposées à l’initiative et à la liberté personnelle qui résultent du maintien de la discipline en prison. On ne le répétera jamais assez : dans tout système pénitentiaire, le maintien de l’ordre au sein de la communauté des détenus est fondamental, les prisons devant être des lieux où la sûreté est assurée en faveur des détenus comme du personnel pénitentiaire. Le fait de subir une peine ne doit jamais signifier que les détenus et les surveillants renoncent à leurs droits d’être protégés contre des menaces de violence, de meurtre, de chantage, d’attaques sexuelles ou autres ou soient exposés à des risques pour leur santé physique et mentale et pour leur intégrité personnelle.
Détenus et surveillants partagent un intérêt commun : que le bon ordre soit maintenu à l’intérieur de la prison.

26. Le bon ordre est assuré au sein d’une communauté à partir du moment où il est fondé sur des règles auxquelles adhèrent volontairement tous ses membres. On reviendra dans ce livre sur les actions positives qui peuvent être entreprises à cette fin. Il peut cependant s’avérer nécessaire, en toute dernière extrémité, de restreindre la liberté de certains détenus afin d’éviter de leur part des activités destructrices.
De telles restrictions doivent pouvoir être révisées en permanence et des efforts doivent être entrepris pour favoriser le retour de tels détenus au sein de la détention normale.

Le traitement pénitentiaire et la préparation à la sortie
27. Règle 58 Le but et la justification des peines et mesures privatives de liberté sont en définitive de protéger la société contre le crime. Un tel but ne sera atteint que si la période de privation de liberté est mise à profit pour obtenir, dans toute la mesure possible, que le délinquant, une fois libéré, soit non seulement désireux, mais aussi capable de vivre en respectant la loi et de subvenir à ses
besoins.

Règle 59 A cette fin, le régime pénitentiaire doit faire appel à tous les moyens curatifs, éducatifs, moraux et spirituels et autres et à toutes les formes d’assistance dont il peut disposer, en cherchant à les appliquer conformément aux besoins du traitement individuel des délinquants.

Les règles rappellent que l’objectif essentiel de la privation de liberté est de protéger la société. Ce qui ne signifie pas que la prison est un moyen pour la société de se débarrasser des délinquants dans le but d’éradiquer la délinquance. De nombreuses recherches tendent à prouver que le recours à l’emprisonnement a relativement peu d’effet sur le taux de la délinquance, quel que soit le type de société. Les règles veulent donc signifier que l’emprisonnement est une sanction ultime qui ne devrait être utilisée que lorsque la sécurité de la société est gravement menacée. Même dans ce cas, il incombe aux autorités pénitentiaires et au personnel de surveillance de travailler en vue d’une sûreté future, quand sera venu le temps où le détenu sera libéré reprendra sa place dans la société. On y parviendra en limitant autant que faire se peut les effets nuisibles de l’incarcération et en cherchant à convaincre le détenu qu’il est de son intérêt de saisir toutes les opportunités de se préparer à une vie responsable et socialement acceptable après sa libération.

28. La règle 58 souligne le fait que les détenus retournent presque tous dans la société après un temps d’enfermement plus ou moins long. Dans beaucoup de cas, le retour dans la société intervient avant l’achèvement de la peine par suite d’une réduction de peine ou d’une libération conditionnelle. La société n’a évidemment rien à gagner à ce que les détenus reviennent en son sein en étant devenus plus impliqués dans un mode de vie délinquant. Un nombre incalculable de recherches en criminologie menées dans toutes les parties du monde a démontré cependant que ce phénomène constitue l’un des effets les plus courants de l’emprisonnement. Aussi beaucoup de gouvernements s’efforcent-ils dorénavant d’atténuer le dommage personnel et social subi par le détenu du fait de l’incarcération. C’est une première étape dans un processus de resocialisation qui requiert le développement d’un grand nombre de programmes d’action, tous mobilisés autour du retour du détenu au sein de la société. La règle établit également que les habitudes de sociabilité doivent être encouragées, de même que l’accès à l’information et le recours à tous les moyens qui faciliteront une vie honnête après la libération.

29. La règle 59 reconnaît la complexité des programmes de resocialisation des détenus. Il est nécessaire de proposer une large palette de ces programmes, compte tenu de la variété des problèmes auxquels sont confrontés les détenus [6]. Cependant ces programmes doivent avoir en commun de chercher à augmenter les occasions pour les détenus d’exercer des choix responsables dans la conduite de leur vie, aussi bien pendant qu’après leur emprisonnement. Il existe toutefois des détenus qui disent clairement qu’ils n’ont pas l’intention de mener une vie honnête après leur libération. Le personnel pénitentiaire a le devoir et la responsabilité de contester constamment de telles proclamations, qui peuvent parfois n’être rien de plus que l’expression du désir d’être reconnu par ses pairs. Certains détenus peuvent changer d’attitude, mais peut subsister un petit noyau de détenus qui n’ont aucune intention de vivre en accord avec la loi et qui manifestent en conséquence un intérêt limité ou nul pour les programmes de préparation à la sortie. Ceux-ci doivent néanmoins être autorisés à participer à ces programmes pour autant qu’ils le souhaitent. Utiliser positivement son temps d’enfermement n’est de toute manière jamais négligeable.

30. Les divers modes d’assistance aux détenus ne doivent pas avoir pour seul objectif le court terme de la réintégration dans la société. Les citoyens bénéficient de nombreuses formes de soutien, qu’ils considèrent comme des droits, et il n’existe souvent aucune raison valable d’exclure les détenus de la jouissance de tels droits. Procéder à une intervention médicale dans le but de guérir un handicap paralysant peut, par exemple, contribuer à la resocialisation ultérieure du détenu, mais le recours à une telle intervention ne doit pas procéder de ce seul motif.

La vie communautaire en prison. Le principe de normalité
31. Règle 60 (1) Le régime de l’établissement doit chercher à réduire les différences qui peuvent exister entre la vie en prison et la vie libre, dans la mesure où ces différences tendent à établir le sens de la responsabilité du détenu ou le respect de la dignité de sa personne.

Règle 60 (2) Avant la fin de l’exécution d’une peine ou mesure, il est désirable que les mesures nécessaires soient prises pour assurer au détenu un retour progressif à la vie dans la société. Ce but pourra être atteint, selon les cas, par un régime préparatoire à la libération, organisé dans l’établissement même ou dans un autre établissement approprié, ou par une libération à l’épreuve sous un contrôle qui ne doit pas être confié à la police, mais qui comportera une assistance sociale efficace.

On a indiqué, dans le paragraphe 2 du présent chapitre, que les libertés des détenus, leurs contacts avec l’extérieur et leurs possibilités de développement personnel ne devaient pas être limités plus qu’il n’est absolument nécessaire, et que les règles et contraintes de la prison ne devaient pas faire obstacle à la préparation à une vie en société normale après la libération. Ces préceptes sont quelquefois regroupés dans un seul principe appelé le “ principe de normalité ” [7]. Il ne découle pas du principe de normalité que les conditions de vie en prison devraient être exactement les mêmes qu’à l’extérieur - confortables par exemple dans une société riche et misérables ou déficientes dans une société pauvre. La règle 60 (1) signale au contraire que des différences entre les conditions de vie en prison et celles au sein de la société enlèvent au détenu son sens des responsabilités ou le privent du respect qui lui est dû comme à toute personne humaine.

32. La règle 60 (1) souligne que les régimes pénitentiaires se concentrent traditionnellement sur la régulation minutieuse de la vie du détenu, ce qui a pour conséquence de réduire les occasions de la prise d’initiatives et de l’exercice de responsabilités personnelles. Si l’on veut atteindre les objectifs de l’emprisonnement tels qu’ils sont décrits dans La règle 58 (rendre à la société un détenu en capacité de s’insérer lors de sa libération), il est impératif de réduire les différences entre la vie “ à l’intérieur ” et la vie “ à l’extérieur ”. La règle 60 (2) évoque, c’est à signaler, la nécessité d’un retour graduel, articulé en plusieurs étapes et suivant des méthodes d’une grande souplesse. La même règle suggère des régimes de préparation à la sortie pratiqués au sein de l’établissement ou à l’intérieur d’une structure mieux appropriée. Un détenu effectuant sa peine dans une prison de sécurité maximale pourra, par exemple, être transféré à cette occasion dans une prison ouverte ou dans une institution proche de son domicile.

33. La règle 60 (2) indique qu’un prévenu pourra bénéficier d’une libération sous contrôle judiciaire. Des mesures telles que la libération conditionnelle, les réductions de peine, les permissions ou les grâces ne constituent pas, c’est à souligner, un “ retour graduel à la vie en société ” si elles ne s’insèrent pas dan un programme de préparation à la sortie. Elles consistent au contraire dans un retour immédiat et brutal à une vie sociale où le détenu se trouve confronté à des problèmes pratiques insurmontables. Les détenus qui ont subi une longue incarcération se sentent souvent incapables de faire face à des situations simples : voyager en bus ou en train, s’occuper de leur situation au regard de la sécurité sociale, chercher un travail ou un logement. La règle 60 (2) suggère au contraire le besoin impérieux d’une préparation à la sortie consistant dans l’accès aux informations sociales essentielles et l’apprentissage des aptitudes et comportements indispensables à la vie en société. La règle 60 (2) indique en outre que ces aptitudes ne peuvent pas toujours être enseignées à l’intérieur de la prison, mais qu’elles nécessitent une pratique de la vie en société qui ne peut être acquise que dans le cadre de permissions de sortie.

34. La règle 60 (2) est muette quant au mode de sélection des détenus pouvant bénéficier des différentes sortes de permission de sortie. Le choix est difficile car il doit être tenu compte du degré de risque que représentent pour le public des détenus condamnés pour des crimes ou des délits graves ou présentant des signes de désordres mentaux. La plupart des détenus retournent en fait dans la société et la question est principalement de savoir s’ils y sont convenablement préparés et s’ils y seront efficacement contrôlés. Le détenu doit accéder facilement aux mesures qui garantiront sa resocialisation, mais des précautions doivent être prises, tant à l’égard du détenu que du public et de l’administration pénitentiaire ; aussi est-il souhaitable que, dans les cas difficiles, les autorisations de permission ou de libération conditionnelle soient prises par une instance indépendante. Une telle procédure serait en accord avec les dispositions du principe 4 de l’Ensemble des principes pour la protection de toutes les 8 Cf. infra, entre autres le chapitre V où sont analysées les conséquences de ce principe pour la pratique en prison.
21 personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1988 :
“Toute forme de détention ou d’emprisonnement et toute mesure mettant en cause les droits individuels d’une personne soumise à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement doivent être décidées soit par une autorité judiciaire ou autre, soit sous son contrôle effectif.
Le principe 11 (3) du même document établit que :
Une autorité judiciaire ou autre sera habilitée à contrôler, selon qu’il conviendra, le maintien de la détention.

35. La règle 60 (2) exclut catégoriquement la police de cette forme de contrôle. Elle exige au contraire que le détenu libéré reçoive une aide sociale efficace quelles que soient les méthodes de contrôle utilisées. Cette exigence découle naturellement de l’objectif de réadaptation qui sous-tend la permission.

36. Il n’a été question jusqu’ici que des principes généraux. D’autres règles, que l’on citera et commentera un peu plus loin, décrivent les moyens plus concrets qui peuvent et doivent être utilisés pour permettre au détenu libéré de se réadapter progressivement à la vie en société.

Principes directeurs applicables aux prévenus
37. Les prévenus se voient offrir des conditions de détention souvent moins bonnes que celles des condamnés. En raison de la “ présomption d’innocence ” dont ils bénéficient, ces conditions devraient pourtant leur être plus favorables.

Règle 84 (1) Tout individu arrêté ou incarcéré en raison d’une infraction à la loi pénale et qui se trouve détenusoit dans des locaux de police soit dans une maison d’arrêt, mais n’a pas encore été jugé, est qualifié de “ prévenu ” dans les dispositions qui suivent.
Règle 84 (2) Le prévenu jouit d’une présomption d’innocence et doit être traité en conséquence.

Règle 84 (3) Sans préjudice des dispositions légales relatives à la protection de la liberté individuelle ou fixant la procédure à suivre à l’égard des prévenus, ces derniers bénéficieront d’un régime spécial dont les règles ci-après se bornent à fixer les points essentiels.

Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
38. Un ensemble important de preuves, réunies par des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, montre que, dans toutes les parties du monde, les conditions d’arrestation et de détention de personnes attendant d’être jugées justifient souvent des critiques graves. Ces critiques sont étendues et diverses. Elles incluent des actes avérés de torture mais aussi des régimes de détention comportant des privations sévères infligées à des personnes non encore reconnues coupables d’un délit.
L’interdiction de la torture est absolue. Elle est énoncée dans l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme :
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Cette déclaration est confirmée dans des termes identiques par l’article 7 du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques et par la Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui définit dans son article 1 la torture comme “ un outrage à la dignité humaine ”. La torture est encore interdite par la Convention des Nations Unies contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui complète la Déclaration et fut adoptée par l’Assemblée générale en 1984 avant d’entrer en vigueur en 1987 [8]

39. Concernant les régimes de détention, les principales dérives consistent à maintenir des détenus dans ce qui est virtuellement un isolement pendant toute ou partie de la journée. La détention peut être pratiquée dans de toutes petites cellules - particulièrement lorsqu’il s’agit de cellules de police - et de façon continue pendant de longues périodes, dans certains cas pendant des années. Les détenus ne bénéficient que de très peu d’activités, il peut même arriver qu’ils soient livrés à eux mêmes vingt quatre heures sur vingt quatre. La nature restrictive de beaucoup de ces régimes de détention peut avoir des conséquences sérieuses sur la santé et le bien-être, quand on sait que les personnes détenues sont souvent dans un état de tension et d’anxiété extrêmes. Les conséquences les plus graves sont les suicides et les automutilations. Le personnel de police et celui des prisons doivent par conséquent être formés à identifier les personnes à risque et prendre les dispositions qui s’imposent les concernant. La direction de la prison est responsable de la mise en place d’une politique de prévention de tels risques et de la publicité qui doit en être faite auprès de tous les agents.

Les personnes détenues dans des cellules de police
40. La règle 84 (1) spécifie que le terme “ détenus ” n’inclut pas seulement ceux qui sont en prison mais aussi ceux qui sont gardés dans des cellules de police. La précision est importante, car des violations des droits de l’homme interviennent souvent au sein de ces lieux de détention. Les gouvernements ont, par conséquent, la responsabilité de veiller à ce que les services de police connaissent et mettent en pratique les RMT et les autres documents internationaux qui les concernent.

Présomption d’innocence
41. La règle 84 (2) établit le principe de la présomption d’innocence.
Ce même principe figure aussi à l’article 11 (1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 14 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et constitue le principe 36 de l’Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement. La présomption d’innocence joue sans aucun doute un rôle fondamental dans l’exercice de la justice pénale. La règle pose comme préalable que la présomption d’innocence justifie et dicte un traitement des prévenus qui soit, à certains égards, plus favorable que celui appliqué aux condamnés. Les différences dans le traitement des prévenus sont développées dans la règle 84 (3).

42. La règle 84 (3) établit cependant clairement que les RMT ne doivent déroger ni aux règles légales qui président à la conduite d’une instruction pénale ni mettre en cause la protection des libertés individuelles.
C’est dans le cadre de telles limites que les RMT exigent que les prévenus bénéficient d’un régime spécial justifié par la présomption d’innocence.

Régimes des prévenus
43. Un certain nombre de règles - sur lesquelles on aura l’occasion de revenir - définissent les caractères essentiels de tels régimes.
La règle 84 (3) souligne que ces exigences représentent un minimum. Ceci signifie que les gouvernements doivent chercher à assurer aux prévenus des conditions meilleures encore que celles indiquées dans les règles, ce qui est loin d’être le cas dans la réalité. Les régimes spéciaux doivent faciliter les visites familiales et officielles, le travail volontaire et des activités éducatives et sportives.

44. Certains détenus se reconnaissent coupables et déclarent leur intention de plaider dans ce sens.
Lorsqu’il apparaît vraisemblable qu’ils seront condamnés, il y a lieu de mettre en place dans les meilleurs délais un programme constructif de traitement pénitentiaire.

Condamnés pour dettes et à la prison civile

45. Règle 94 Dans les pays où la législation prévoit l’emprisonnement pour dettes ou d’autres formes d’emprisonnement prononcées par décision judiciaire à la suite d’une procédure non pénale, ces détenus ne doivent pas être soumis à plus de restrictions ni être traités avec plus de sévérité qu’il n’est nécessaire pour assurer la sécurité et pour maintenir l’ordre. Leur traitement ne doit pas être moins favorable que celui des prévenus, sous réserve toutefois de l’obligation éventuelle de travailler.

La règle 94 s’applique à des détenus civils, habituellement incarcérés pour dettes. Ces personnes ont en commun d’être en prison à la suite d’une procédure non pénale. La règle établit une distinction entre ces personnes et les délinquants condamnés, exigeant que les premières ne subissent pas les privations imposées aux seconds. On doit leur accorder le même traitement qu’aux prévenus, à cette différence près qu’elles peuvent être obligées à travailler.

Personnes arrêtées ou incarcérées sans avoir été inculpées
46. Règle 95 Sans préjudice des dispositions de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les personnes arrêtées ou incarcérées sans avoir été inculpées jouissent de la protection garantie par les parties I et II C (des RMT). Les dispositions pertinentes de la partie II A (des RMT) sont également applicables lorsque leur application peut être profitable à cette catégorie spéciale de détenus, pourvu qu’il ne soit pris aucune mesure impliquant que des mesures de rééducation ou de réadaptation puissent être applicables en quoi que ce soit à des personnes qui ne sont convaincues d’aucune infraction. ”

La règle 95 est applicable aux personnes qui ne sont ni en attente de jugement ni condamnées pour une infraction. De telles personnes bénéficient d’un nombre important de droits et protections déterminés par l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’article 9 établit par exemple que l’arrestation, la détention et toute autre forme de privation de liberté ne doivent pas être arbitraires et sont soumises à des motifs et des procédures prévus par la loi. L’article stipule aussi que les personnes arrêtées doivent être rapidement informées de toutes les charges pesant contre elles et qu’elles ont le droit des personnes arrêtées ou détenues doivent pouvoir introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de leur détention et ordonne leur libération si cette détention est illégale. Aucun de ces droits et protections n’est affaibli ni invalidé par les dispositions de la règle 95.

47. Rien ne justifie par conséquent des conditions d’emprisonnement défavorables à ces personnes.
L’absence de charges et, par suite, l’absence de condamnation à une peine d’emprisonnement donnent au contraire à ces personnes le droit de bénéficier des conditions de détention les plus favorables, soit celles réservées aux personnes en état d’arrestation ou en attente d’être jugées. En outre, cette catégorie spéciale de détenus ne doit pas être soumise à des mesures de rééducation ou de resocialisation adaptées à des individus condamnés pour avoir commis une infraction. En pratique, les personnes concernées par la règle 95 sont souvent des étrangers, parfois accompagnés de leur famille, qui attendent d’être expulsés. De telles personnes méritent souvent une assistance particulière.

[1] 2 Cf. infra, chapitre IX pour un exposé plus complet de ces textes

[2] Cf. infra, chapitre IX

[3] Cf. infra, chapitre IV, § 48

[4] Cf. infra , chapitre II

[5] Cf. infra, chapitres V et VI

[6] Cf. infra, chapitre VI

[7] Cf. infra, entre autres le chapitre V où sont analysées les conséquences de ce principe pour la pratique en prison

[8] Cf. infra, chapitre II