Publié le mercredi 12 novembre 2003 | http://prison.rezo.net/8-l-inspection/ Introduction 2. Les inspections, si importantes soient-elles, ne sont pas le moyen unique d’assurer la mise en œuvre des règles. En finir avec la tradition de secret qui trop souvent entoure les prisons et ce qui se passe derrière leurs murs est le moyen le plus assuré de mettre les RMT en pratique [1]. Le champ d’investigation des inspections Règle 55 Des inspecteurs qualifiés et expérimentés, nommés par une autorité compétente, devront procéder à l’inspection régulière des établissements et services pénitentiaires. Ils veilleront en particulier à ce que ces établissements soient administrés conformément aux lois et règlements en vigueur et dans le but d’atteindre les objectifs des services pénitentiaires et correctionnels. 4. Le mot “ inspection ” signifie “ observation attentive ”, “ examen soigneux afin de contrôler, de vérifier ”. Les inspections, qui examinent attentivement les régimes de détention en vue de vérifier la mise en pratique des lois et des règlements, constituent une protection importante pour les détenus aussi bien que pour les agents pénitentiaires. Les premiers ont le droit de subir leur peine dans les conditions stipulées par les lois et les règlements ; les seconds ont le devoir de mettre en œuvre une pratique de l’emprisonnement conforme à ces lois et ces règlements. Des inspections convenablement conduites garantissent ce principe de conformité et peuvent agir préventivement dans ce sens : la détection précoce de pratiques inacceptables empêche que se développent des situations intolérables. Au contraire, le fait de pointer et d’encourager des pratiques positives contribue à leur reconnaissance et à leur permanence, pérennisant ainsi la transcription dans le réel des objectifs en matière de peine et de resocialisation. Des inspections régulières et fréquentes effectuées par un personnel qualifié 6. Pour être efficaces, les inspections doivent obéir à certaines conditions. Elles doivent être fréquentes et régulières, couvrir l’ensemble des services et activités de l’établissement, s’assurer de la qualité des relations entre le personnel et les détenus. La règle 55 précise aussi que les inspecteurs doivent être nommés par une autorité compétente et exige qu’ils soient qualifiés et expérimentés ; autant de qualités nécessaires pour déceler les abus, pratiquer de saines évaluations, établir des rapports et formuler des recommandations qui inspirent le respect. Inspections impromptues Les inspections, investigation et méthode Les rapports d’inspection Inspections spécialisées 11. Dans tous ces domaines, les inspections sont généralement confiées à des membres d’organismesextérieurs spécialisés dans une discipline particulière. Ces inspecteurs pourraient - et idéalement devraient - appartenir à un corps d’inspection professionnel rattaché à des ministères, directions et services n’ayant rien à voir avec l’administration pénitentiaire. L’enseignement et la formation professionnelle, s’ils sont assurés par des organismes extérieurs ou s’ils conduisent à des diplômes reconnus sur le plan national, sont souvent l’objet d’évaluations de la part d’experts de l’Education nationale. L’administration pénitentiaire ne peut que tirer profit d’inspections indépendantes menées dans un maximum de domaines. Ses demandes budgétaires auront de meilleures chances d’aboutir si elles s’appuient sur des recommandations d’experts indépendants. Objectivité et indépendance 13. L’indépendance est garantie jusqu’à un certain point par l’emploi d’inspecteurs qualifiés et expérimentés. Elle peut se trouver renforcée si les inspecteurs sont responsables devant une personne ou un organisme indépendant ou, au moins, une autorité supérieure indépendante de l’administration pénitentiaire. Tel est le cas dans certains pays où les inspecteurs ont des comptes à rendre au ministre plutôt qu’au directeur de l’administration pénitentiaire. Quand un tribunal est saisi d’une affaire mettant en cause les droits des détenus, les juges peuvent charger une personne de confiance de veiller à l’exécution des décisions judiciaires et de faire leur compte rendu au tribunal. Plus généralement, un médiateur de justice devrait être chargé de visiter régulièrement les prisons et d’apporter des réponses quand leur administration est accusée de défaillance. Ce médiateur devrait veiller plus particulièrement au respect des droits de l’homme des détenus. Les membres du parlement et des commissions parlementaires compétentes devraient aussi se soucier des conditions de vie en prison et procéder à des visites d’inspection régulières. 14. Dans beaucoup de pays existent depuis longtemps des commissions de surveillance chargées d’un établissement particulier qu’elles visitent régulièrement, se montrant toutes les fois attentives aux plaintes des détenus. Ces commissions sont souvent présidées par un magistrat et comprennent des membres motivés et expérimentés qui pratiquent une profession en rapport avec la prison. Dans d’autres pays, un juge spécialisé dans l’application des peines peut être chargé d’activités d’inspection. 15. Le risque est réel qu’avec le temps les personnes ou organismes chargés de missions d’inspection deviennent plus ou moins “ cooptés ” et qu’ils établissent des relations anormalement étroites avec l’administration pénitentiaire, les inspecteurs cessant d’être véritablement indépendants dans leur évaluation des principes et de la pratique pénitentiaires. Une trop grande familiarité avec l’institution et ses agents, l’acquisition de “ vieilles habitudes ” amèneront les inspecteurs à se satisfaire de conditions de détention inacceptables. Il faut, pour empêcher cela, organiser les inspections de manière à ce qu’elles ne consistent pas à de simples visites officielles et ouvrir la prison au contrôle d’organismes plus indépendants. Implication et rôle des ONG et d’autres personnes et groupes non officiels Attention particulière aux personnes vulnérables Inspections internationales 19. Un grand pas en avant a été accompli à l’occasion de la nomination, en 1985, d’un Rapporteur spécial chargé par les Nations unies de visiter les lieux de détention et d’examiner toute question en rapport avec la torture. Le rapporteur doit réunir des informations fiables quand des sévices lui sont signalés et y réagir sans délai ; il expose ensuite les informations recueillies au gouvernement concerné dans le but d’assurer la protection des droits des individus à leur intégrité physique et mentale (document n° 4 des Nations unies). Le rapporteur peut, en principe, enquêter sur des faits survenus dans tout pays membre des Nations unies, que celui-ci ait ou non ratifié la Convention contre la torture (adoptée en 1984 et entrée en vigueur en 1987). Les Nations unies ont aussi créé un Comité contre la torture chargé d’étudier les rapports des Etats signataires de ladite Convention sur les mesures prises pour abolir la torture ou les conditions de détention assimilables à des actes de torture. Ce Comité peut aussi mener des enquêtes s’il est informé qu’un Etat signataire de la Convention use de pratiques pénitentiaires inacceptables. Prévention des situations portant préjudice aux détenus 21. Le Comité européen contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a été prévu par une Convention européenne signée par vingt-quatre Etats qui s’obligent à permettre et à faciliter la libre circulation des membres du Comité dans n’importe quel lieu de détention, que les visites soient annoncées ou pas. L’objet de ces visites est de procéder à des évaluations générales des conditions de détention plutôt que d’entendre des plaintes individuelles et de prévenir ou de détecter ce que les conditions de détention peuvent avoir d’inhumain ou d’injuste. 22. Le Comité est constitué de membres permanents choisis parmi des personnes de haute moralité, connues pour leur compétence dans le domaine des droits de l’homme ou ayant une expérience professionnelle dans les domaines couverts par la Convention (article 4 de la Convention). Le Comité coopte des experts pénaux qui l’assistent au cours de ses visites. Chaque visite fait l’objet d’un rapport adressé au gouvernement concerné. Le rapport fait état tant des aspects positifs et des améliorations survenues depuis une précédente visite que des points qui demandent à être améliorés. Le gouvernement concerné peut répondre en deux temps : apporter un commentaire immédiat ; établir le compte rendu des actions entreprises pour remédier aux défaillances signalées dans le rapport. Le rapport reste confidentiel sauf si le gouvernement concerné en accepte la publication - ce qui, jusqu’à présent, a toujours été le cas. 23. La Convention n’a pas doté le Comité du pouvoir de contraindre un gouvernement à procéder à telle ou telle amélioration. Naturellement, dès lors qu’ils ont ratifié la Convention, les gouvernements ont marqué leur volonté d’accueillir positivement les remarques du Comité. Si, dans le pire des cas, un pays refusait de suivre les recommandations du Comité, celui-ci pourrait publier son rapport en l’assortissant d’une déclaration publique, ce qui s’est produit une seule fois jusqu’à présent. L’existence de la Convention européenne et du Comité ont permis un travail remarquable en matière d’inspection internationale. Il faut espérer que le système sera étendu au plan mondial, sous l’égide et l’autorité des Nations unies. Les particuliers et les ONG doivent intervenir pour hâter la création d’un sous-comité des Nations unies contre la torture inspiré de l’exemple européen. Les progrès accomplis 25. La règle 55 spécifie que les inspections visent, entre autres objets, à favoriser la réalisation des objectifs de l’administration pénitentiaire. Le personnel des prisons doit en conséquence être informé de l’importance des inspections comme moyen de parvenir à un niveau d’application convenable des principales normes en matière de traitement des détenus, y compris celles incluses dans les documents internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le personnel doit pouvoir être informé du contenu des rapports d’inspection, en discuter les résultats et participer à la réalisation des améliorations nécessaires. Les rapports peuvent être aussi l’occasion de féliciter et récompenser le personnel pour la qualité de son travail. Les rapports d’inspection ne doivent en aucun cas susciter la résistance du personnel ou l’exercice de représailles à l’égard des détenus qui se sont plaints. Les rapport d’inspection constituent, pour l’administration centrale, de précieux indicateurs des forces et des faiblesses du système pénitentiaire dont elle a la responsabilité ; ils apportent, aussi bien au plan local que national, d’utiles justifications à des demandes de crédits supplémentaires. La publication des rapports d’inspection [1] Cf. supra, chapitres V et VII |