Nous nous proposons dans cette partie de présenter l’institution pénitentiaire marocaine dans son aspect organisationnel, en dénombrant et analysant ses moyens d’action. Nous présenterons ensuite quelques aspects du déroulement de la vie quotidienne des détenus et comment cette vie est agencée par le règlement intérieur des prisons. Enfin, nous tenterons de présenter et d’analyser les méthodes de traitement utilisées pour la rééducation des détenus, d’en mesurer la portée et d’évaluer les résultats.
L’Administration Pénitentiaire est une Direction du Ministère de la Justice. La particularité de sa mission lui confère une certaine autonomie de gestion. En effet, elle a toujours été installée dans des locaux propres, séparés de ceux du reste du département de la justice. Elle a son propre personnel et ses propres services centraux et extérieurs qu’elle gère de manière autonome. L’autonomie de l’Administration Pénitentiaire est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs : historique, technique psychologique et social. Historiquement, 1956 voit le "service pénitentiaire", qui relevait jusque là de la Direction de la sécurité publique [1], confié au jeune Ministère de la Justice. Le Dahir du 16 Mai 1956, portant création de la Direction Générale de la Sûreté Nationale [2] dispose dans son article 3, que « le service de l’Administration Pénitentiaire est placé sous l’autorité du Ministre de la Justice ». Le 16 Octobre de la même année, il est érigé en Direction d’Administration Centrale et est pour la première fois coiffé par une personnalité Marocaine. Le problème de la gestion s’est très vite posé. Il fallait assurer une transition en douce sans rupture brutale entre l’ancien et le nouveau système. Il était aussi nécessaire en attendant que les problèmes juridiques du rattachement soient résolus, de continuer à faire fonctionner les établissements pénitentiaires. Aussi, le service érigé en Direction de l’Administration Pénitentiaire, va assurer la continuité du service public des prisons dans les mêmes conditions qu’auparavant, avec les mêmes personnels et dans les mêmes locaux. Du point de vue technique, la mission de l’Administration Pénitentiaire est une mission post-judiciaire. Elle intervient à la fin du processus pénal pour l’exécution des peines privatives de liberté prononcées par les tribunaux. Son rôle consiste à garder les détenus et à tenter de les améliorer en vue de leur réinsertion sociale ultérieure. Ce rôle est incompatible avec le rôle traditionnel de la justice et plus particulièrement des tribunaux qui ont pour fonction de « dire le droit ». C’est une mission qui échappe au judiciaire. Cette fonction extrajudiciaire nécessite une administration et des personnels extrajudiciaires. D’autre part, les organisateurs de la jeune Administration de la Justice à l’époque avaient d’autres problèmes à résoudre et n’étaient pas disposés à consacrer le peu de temps dont ils disposaient pour réorganiser un service qui, somme toute, était assez bien structuré et qui pouvait très bien continuer de fonctionner tout seul. La solution consista alors à lui laisser l’initiative de gérer les affaires pénitentiaires sous le contrôle du Ministre et du Secrétariat Général. Il en est résulté une situation originale qui se traduit par des relations qui s’apparentent plus à la tutelle qu’à des rapports hiérarchiques. Avec le temps, la solution de fortune devint une habitude puis une coutume. Aujourd’hui, les fonctionnaires de l’Administration Pénitentiaire se considèrent comme étrangers au Ministère de la Justice. Au service du personnel, les agents pénitentiaires mis à la disposition du Ministère sont comptabilisés avec les « détachés". Les anciens fonctionnaires conservent leur affiliation à la mutuelle de la Sûreté Nationale. Les personnels de l’Administration Pénitentiaire n’admettent pas d’être dirigés par des cadres originaires du "Ministère" qu’ils considèrent comme intrus et qu’ils qualifient d’"envahisseurs", "Mig 23" ou autres qualificatifs qui traduisent à la fois leur refus et leur impuissance. Ce comportement dénote de leur part un sentiment particulariste et un esprit farouche d’autonomie par rapport aux "civils", qui se sont développés avec le temps et depuis 1956. Il faut dire enfin que, sociologiquement, les agents de l’Administration Pénitentiaire sont très solidaires. Cette solidarité peut trouver son explication dans les risques du métier courus par cette catégorie de personnel et surtout dans leur origine commune des classe défavorisées. Il existe aussi au sein de ces personnels des affinités plus étroites et restreintes qui s’expliquent par la composition stratifiée des effectifs, due aux recrutements massifs des lendemains de l’indépendance. Ces recrutements étaient influencés par des affinités régionales (forte proportion de Slaouis de 1956 à 1958), par des événements nationaux (intégration des agents de l’ex-zone Nord en 1958) ou par solidarité partisane (Istiqlal et Choura de 1956 à 1965). La généralisation progressive du système du mérite entre 1963 et 1967 a conduit, sur la base du recrutement par voie de concours à opérer une sorte d’homogénéisation du personnel dont l’origine géographique ou l’appartenance politique ne sont plus considérées comme références ou titres de recrutement. Le premier statut du personnel est promulgué le 1er Avril 1967. Il sera abrogé et remplacé par un décret plus élaboré en 1974, dont les principales innovations sont :
- l’élévation du niveau d’instruction et de recrutement des agents ;
- l’institution du principe de la carrière par l’introduction des avancements à l’ancienneté et par voie de concours internes ;
- la substitution au terme de « surveillant » celui de surveillant éducateur (en prévision peut être de l’organisation plus tard des activités postpénales, sans passer par la refonte du texte).
Un autre décret pris en 1976, définit la mission de l’Administration Pénitentiaire au sein du Ministère de la Justice. Ces deux textes font de l’Administration Pénitentiaire une Direction du Ministère de la Justice, chargée de l’exécution des peines privatives de liberté, organisée en deux échelons, un échelon central et un autre extérieur et dotée de moyens humains et matériels appropriés.
1-L’organisation de l’administration pénitentiaire
Administration Publique à compétence nationale, l’Administration Pénitentiaire est constituée de services centraux auxquels échoit la mission de direction, de coordination et de contrôle (I) et de services extérieurs chargés de l’exécution matérielle des décisions de justice (II).
a-Les services centraux
La mission de ces services telle qu’elle ressort du décret n° 2-75-60 du 14 Avril 1976 [3] consiste, dans les limites des attributions de l’Administration Pénitentiaire en : "L’exécution des décisions de justice prononçant une peine privative de liberté ou ordonnant la détention préventive" ainsi que "L’organisation des mesures de protection sociale, d’assistance et de surveillance post-pénales". Les services centraux "élaborent la politique pénitentiaire et gèrent les établissements pénitentiaires" disséminés sur le territoire National.
L’organisation qui ressort du texte est la suivante :
- 1) Direction Générale ;
- 2) Service Administratif et Financier ;
- 3) Service de la formation technique et de la production ;
- 4) Service de l’inspection ;
- 5) Service des études et de l’action sociale ;
- 6) Service autonome des unités de production.
Cette structure a été modifiée en 1980, par le groupement des activités des différents services sous la houlette de deux Divisions et un service de l’inspection, puis en 1986 par l’érection d’une 3° Division. Le texte relatif à ces modifications serait en cours d’approbation. s’il est adopté, l’Administration pénitentiaire qui deviendra la "Direction de la Réforme Pénale et de la rééducation" comprendra les trois divisions qui sont déjà opérationnelles à savoir :
- La Division des affaires judiciaires et de la rééducation ;
- La Division des affaires administratives ;
- La Division des affaires financières ainsi que le service de l’inspection.
A - Le Directeur général
Le Directeur de l’Administration Pénitentiaire à un rang de Directeur d’Administration Centrale. Il est nommé par Dahir (équivalent de décret loi) sur proposition du Ministre de la Justice. Il dispose d’un secrétariat particulier et d’un bureau d’ordre et est assisté par un administrateur. Il exerce des fonctions de Direction, d’organisation de coordination et de contrôle de tous les services pénitentiaires. Il prononce, sur délégation du Ministre de la Justice, les nominations et
promotions et gère les crédits alloués a l’Administration Pénitentiaire. Il effectue des tournées d’inspection de tous les établissements. Durant l’inspection, il se substitue de plein droit au Directeur de l’établissement pénitentiaire visité.
B ’ La division des affaires judiciaires et de la rééducation
Cette division est chargé de la mission principale de l’Administration Pénitentiaire. C’est elle qui veille à l’exécution des décisions de justice prononçant une privation de liberté, ainsi qu’à la rééducation des détenus et à l’assistance postpénale. Elle se compose de deux services :
- le service de l’exécution des peines ;
- le service de la formation et de l’action sociale.
Le service de l’exécution des peines centralise toutes les opérations et les informations relatives à l’exécution des peines, à la contrainte par corps et à la détention préventive. Il tient le fichier central des détenus présents ainsi que le fichier des évadés, et contrôle la régularité de l’écrou et le décompte des peines. Il contrôle l’action des greffes des services extérieurs et exerce sur eux un pouvoir d’instruction. Il veille à l’équilibre des effectifs aussi bien qualitativement que quantitativement. Ses membres réunis en commission de transfèrement jouent un rôle de commission d’orientation des détenus condamnés sur les différents établissements, compte tenu de leur région d’origine, de la durée de leur peine ainsi que des disponibilités et des possibilités d’hébergement. Il élabore mensuellement des statistiques sommaires sur les détenus incarcérés.
Enfin, il instruit les demandes relatives à la grâce et à la libération conditionnelle. Le service de la formation et de l’action sociale s’occupe de l’instruction et de la formation professionnelle des détenus. Il assure en liaison avec les services compétents du Ministère de l’Education Nationale et ceux du département de la formation professionnelle un enseignement général du CEP au baccalauréat ainsi que des cours de formation professionnelle sanctionnés par des diplômes. Il est compétent pour assurer toute activité relative à la culture ou ayant un caractère social ou d’assistance aux détenus ou à leur famille. La mission d’assistance post-pénale lui échoit. Cependant, le peu de moyens financiers et humains dont dispose l’Administration Pénitentiaire en ce domaine, constitue un obstacle incontournable à son action et ne lui permet pas de faire face aux différents problèmes qu’il a pour tâche de résoudre.
C ’ La division des affaires administratives
Elle est chargée de toutes les affaires ayant un caractère administratif ou général et se compose de trois services :
- le service du personnel,
- le service de l’équipement,
- le service des études pénitentiaires.
Le service du personnel est chargé du recrutement, de la formation et de la gestion du personnel.
Il organise les concours relatifs au recrutement et à la promotion interne. Il organise les séminaires les journées d’études et les stages de formation et de recyclage. Il tient le fichier central du personnel et les dossiers individuels des agents. Il élabore les projets de textes réglementaires relatifs au personnel. Enfin, il prépare et instruit les dossiers disciplinaires et propose l’octroi de récompenses et décorations. Il convient de signaler ici que la commission disciplinaire de l’Administration pénitentiaire est l’une des plus sévères, sinon la plus sévère de l’Administration Marocaine. Le service de l’équipement est chargé de pourvoir les services centraux et extérieurs en tout ce qui est nécessaire à leur fonctionnement. Il est chargé de la construction, de l’équipement et de l’entretien des locaux. Il lance les appels d’offre et conclut les marchés de fournitures et de travaux dont l’Administration a besoin. Il s’occupe du transport des détenus et des marchandises et élabore un programme hebdomadaire des transports. Il gère le parc automobile. Il assure le ravitaillement des établissements pénitentiaires et leur approvisionnement périodique en matériel et fournitures diverses. Le service des études est chargé de l’étude et de la mise au point des techniques pénitentiaires. Il élabore les statistiques pénitentiaires et les centralise. Il gère le fond documentaire de la Direction et dispose d’une bibliothèque technique ouverte à tous les services ainsi qu’aux agents sur autorisation spéciale. Il élabore les études relatives aux détenus et aux différents établissements et arrête les normes de traitement des détenus.
D ’ La division financière
Elle est chargée des questions se rapportant aux finances de la Direction et se compose de deux services :
- le service du budget,
- le service autonome des Unités de Production.
Le service du budget est chargé de l’élaboration et de l’exécution des prévisions budgétaires. Il s’occupe de l’engagement, de la liquidation et de l’ordonnancement des dépenses dues aux agents, aux détenus et aux fournisseurs. Il centralise les recettes et contrôle la comptabilité "deniers" des
établissements. Il est chargé de la régie des dépenses. Le service autonome des unités de production est chargé de l’organisation du travail productif des détenus et de la commercialisation des produits artisanaux ou agricoles des établissements pénitentiaires. Ce service fonctionne de manière autonome. L’arrêté du Ministre des Finances en date du 1er Avril 1978 (B.O. n° 3405) lui accorde une autonomie de gestion qui se traduit par :
- une affectation des recettes,
- commercialisation des produits,
- comptabilité privée.
Son intégration au sein de la Division Financière constitue, en limitant son autonomie, le seul obstacle à ce qu’il soit assimilé à une entreprise publique.
E ’ Le service de l’inspection
Les établissements pénitentiaires sont soumis à une multitude de contrôles. Les uns sont formels et réglementaires, les autres étant des contrôles moraux. En matière de contrôle institutionnels, le 1er contrôle est celui du parlement, à travers les questions écrites ou orales des députés ainsi qu’à l’occasion de la discussion des textes de loi. Un contrôle judiciaire est assuré par le parquet en ce qui concerne la régularité des écrous et leur légalité. L’Inspection Générale des Finances, l’Inspection du Trésor et la Cour des Comptes assurent chacun en ce qui le concerne la gestion financière et la tenue des comptes de pécule ou des deniers appartenant aux détenus. Les commissions de surveillance des prisons, prévues par le code de procédure pénale et présidées par les gouverneurs des provinces et préfectures exercent un contrôle sur l’hygiène et la salubrité des locaux. En plus de ces contrôle extérieurs, l’Administration pénitentiaire possède ses propres organes d’inspection et de contrôle, il s’agit du service de l’inspection dont la mission consiste à s’assurer de la bonne gestion des établissements et effectuer des enquêtes pour son propre compte ou pour le compte des autres services. L’autorité et le prestige des vérificateurs sont très grands. Choisis parmi les Directeurs et les chefs de services chevronnés. Leurs compétences sont très étendues. Ils sont habilités à contrôler la gestion administrative, la gestion comptable, la tenue des écritures légales et réglementaires [4], la propreté et la salubrité des locaux de détention ainsi que la manière de servir et le comportement des agents et de leurs chefs. Le service assure également la gestion et le contrôle sanitaires sous la responsabilité d’un médecin affecté au service central qui organise et coordonne l’action sanitaire dans les prisons. Les agents de ce service qui se trouvent en mission dans un établissement, exercent des prérogatives peu communes, ils exercent un pouvoir disciplinaires sur le personnel. En franchissant la porte de l’établissement, et jusqu’à son départ, l’inspecteur se substitue au Directeur dont il s’érige en chef hiérarchique [5]. En matière de contrôle informel, l’opinion publique exerce à travers les média un contrôle moral des établissements et du personnel pénitentiaire. Très souvent, des articles se rapportant à un événement mettant en cause la direction ou le personnel d’une prison ou le mauvais traitement des détenus ou de leur famille sont à l’origine d’enquêtes et de sanctions. Ainsi de contrôle informel, le contrôle de l’opinion publique se transforme en contrôle institutionnel. Un dernier contrôle est enfin exercé par des organisations internationales telles que "Amnesty International" ou les associations de défense des droits de l’homme. La limitation de leur action à une catégorie donnée de détenus diminue largement leur champs d’action, de même, les pouvoirs publics n’approuvant pas les attitudes de ces organismes qu’ils jugent "cavalières" [6], n’entretiennent pas de relations avec elles ou presque. Leurs requêtes restent la plupart du temps sans suites. Cependant, soucieuse de son image de marque, l’Administration Pénitentiaire évite de se mettre dans le collimateur des contrôles informels qui s’expriment à grande échelle à travers les mass-média.
b-Les services extérieurs
La mission de l’Administration centrale ne saurait être accomplie en dehors de ses services extérieurs. Si les services centraux planifient, organisent et contrôlent, l’essentiel de l’action pénitentiaire s’exerce dans les prisons, véritable cheville ouvrière du système. Un échelon intermédiaire qui devrait assurer la coordination et l’animation au niveau intermédiaire n’a pas encore vu le jour, malgré, les dispositions réglementaires prises en ce sens depuis plus de dix ans.
A ’ Les directions régionales
Prévues par le décret du 10 Octobre 1978 [7], elles sont chargées dans la limite de leur circonscription territoriale :
- de contrôler l’exécution des décisions judiciaires prononçant une peine privative de liberté ou ordonnant la détention préventive,
- de veiller à l’application des mesures de protection sociale d’assistance et de surveillance post-pénales,
- d’assurer la gestion des crédits qui leur seront délégués et la gestion du personnel dans la limite de leur compétence.
Chaque Sous Direction Régionale devra obligatoirement comporter au minimum deux services, à savoir un service administratif et financier et un service de l’exécution des peines, de l’action sociale et du contrôle. L’implantation et l’aire géographique de ces Sous Directions sont les suivantes.
1) - La Sous Direction Régionale de Casablanca dont l’assise territoriale s’étend sur limites territoriales de la compétence des cours d’appel de Rabat et Casablanca.
2) - La Sous Direction Régionale de Fès, dont les limites territoriales correspondent à celles des cours d’appel de Fès, Méknès, Oujda et Tanger.
3) - La Sous Direction Régionale de Marrakech dont les limites territoriales correspondent à celle des cours d’appel de Settat, Marrakech et Agadir.
Ces Sous Directions n’ont pas encore vu le jour, faute de cadres compétents pour les diriger et des disponibilités budgétaires nécessaires pour leur fonctionnement et leur équipement. Nous ajouterons une troisième cause qui n’est pas moins décisive que la pénurie des cadres ou la rareté des ressources, à savoir la résistance au changement. En effet, en cas de matérialisation de ces sous directions régionales, et vu leur compétence, elles constitueraient un véritable échelon décentralisé et un écran entre les services centraux et les établissements pénitentiaires. Les responsables que nous avons interrogés ne sont pas tous prêts à adhérer à ce qu’ils considèrent comme "une dilution de l’autorité" du "service central". Il s’agirait de leur pouvoir personnel à notre avis. En tous les cas, la déconcentration envisagée devrait alléger considérablement la masse de travail exécuté par les agents de l’administration centrale et leur permettre de vaquer à d’autres tâches. Mais cela dépendra en dernier ressort de la volonté des responsables et de l’idée qu’ils se font de cet échelon intermédiaire dont les compétences sont clairement définies.
B ’ Les prisons ou « établissements pénitentiaires »
Ces établissements sont répartis en 3 grandes catégories. A l’origine le classement des établissements pénitentiaires ayant pour but de fixer l’indemnité annuelle allouée aux cadres de Direction, était subordonné à la situation administrative du Directeur. Depuis une quinzaine d’années, l’idée a évolué et le classement rationalisé. Ainsi, c’est la catégorie de l’établissement qui détermine le profil du Directeur. Ces catégories sont fixées selon des normes arrêtées à l’avance et relatives à la situation géographique, au nombre et au type des détenus qu’il est appelé à recevoir. La première catégorie comprend les prisons affectées à l’exécution des peines longues ou moyennes ainsi que les établissements sis dans villes sièges des cours d’appel. La deuxième catégorie comprend les prisons desservant des tribunaux de Première Instance. La troisième catégorie comprend les établissements de moindre importance et les maisons d’arrêt. Sur le plan de l’organisation administrative, chaque prison est organisée comme suit :
- 1 Direction, assurée par un Directeur ou surveillant-Chef secondé par un agent du même grade pour les grands établissements,
- 1 service du greffe qui s’occupe de l’exécution des peines et de la situation pénale des détenus.
- 1 service de l’économat qui s’occupe de la comptabilité des biens appartenant aux détenus, de la comptabilité vivres et matières de l’établissement ainsi que de la cantine des détenus.
- 1 service social et éducatif.
- 1 service général, chargé de la surveillance, de l’organisation de la vie en détention et de la discipline des détenus.
- 1 service sanitaire assuré par un infirmier et dans les grands établissements par un médecin conventionné ou assujetti au service civil.
Les établissements sont divisés en pavillons et en quartiers dont un quartier pour les femmes. A l’intérieur de ces pavillons ou quartiers, les prévenus sont séparés des condamnés et les mineurs des adultes.
C ’ Les magasins généraux
Ils sont au nombre de trois. Deux sont situés dans l’enceinte d’établissements pénitentiaires, le troisième, crée en septembre 1987 a été installé dans les bâtiments de l’ancienne prison désaffectée de Safi. Ces magasins assurent le ravitaillement des prisons en vivres et vêtements au fur et à mesure des achats et des besoins exprimés par ces dernières. Le magasin général nord, sis à la Maison Centrale de Kenitra dessert les prisons du nord et de l’oriental. Le magasin central sis à la Prison Civile de Casablanca (Ghbiela), dessert les prisons du centre et du sud. Le magasin sud sis à Safi, devrait relayer celui de Casablanca pour le ravitaillement des villes côtières au Sud de Safi. Pour l’approvisionnement en armes, munitions et effets d’uniforme, le Magasin de Kenitra a une vocation nationale. Ces magasins dépendent, en matière de gestion, de la Division des Affaires Administratives. Cependant, leur personnel est placé sous l’autorité hiérarchique du chef d’établissement.
D ’ Le centre de formation des cadres pénitentiaires
Créé en 1975 à Rabat dans les locaux de l’ex-maison de réforme des femmes détenues de Rabat- Souissi, ce centre a assuré pendant quelques années la formation des cadres pénitentiaires. En vertu du décret portant statut particulier du personnel de l’Administration pénitentiaire, les agents pénitentiaires devraient y effectuer un séjour de Six mois avant d’être affectés aux établissements. De même à l’occasion des promotions de grade, ces agents devraient effectuer un stage de perfectionnement. Ce centre dont l’organisation est fixée par le décret n° 503-78 du 17 Mai 1978 [8] est actuellement en veilleuse et ses locaux sont occupés par le service des méthodes et informatique du Ministère de la Justice. Nous y reviendrons dans d’autres développements relatifs à la formation du personnel. Cette description sommaire de l’organisation de l’institution pénitentiaire devra être complétée par une analyse des moyens mis à sa disposition pour mener sa politique de réadaptation et de réinsertion sociale des détenus.
2-Moyens d’action de l’administration pénitentiaire
Pour l’accomplissement de sa mission, l’Administration pénitentiaire dispose de moyens variés et complémentaires qu’on peut grouper en deux catégories, à savoir : - les moyens humains et les moyens matériels.
a-Les moyens humains
L’élément humain est primordial dans l’action pénitentiaire. L’institution dispose d’un personnel diversifié qui appartient à ses cadres propres ; elle compte également sur le concours d’un personnel vacataire, bénévole, détaché ou mis à sa disposition par son administration d’origine.
A ’ Les cadres pénitentiaires
Il s’agit des personnels régis par le décret n° 2.73.688 du 12 Novembre 1974. Au 31 Décembre 1985, ils étaient 2756 agents dont 370 femmes et 20 assujettis du service civil [9] répartis comme suit :
- 1 Inspecteur
- 6 Administrateurs Adjoints dont 2 femmes
- 3 Commissaires Judiciaires
- 19 Directeurs de 1ère classe dont 1 femme
- 9 Directeurs de 2ème classe
- 60 Directeurs de 3ème classe dont 1 femme
- 6 Rédacteurs
- 193 Surveillants-Chefs dont 7 femmes
- 385 Surveillants-Chefs Adjoints dont 35 femmes
- 1977 Surveillants éducateurs dont 305 femmes
- 18 Agents Publics
- 5 Agents d’exécution dont 5 femmes
- 54 Agents occasionnels dont 15 femmes
- 21 Médecins dont 20 civilistes.
Le texte susvisé définit le régime juridique de ces catégories de personnel qu’il assimile à un corps paramilitaire, mais ne définit pas leurs attributions respectives, ce qui est parfois à l’origine de situations paradoxales, notamment au niveau des responsabilités intermédiaires. Nous approcherons cette catégorie à travers trois axes qui nous paraissent intéressants, à savoir le mode et les conditions de recrutement et d’avancement, la formation professionnelle et la discipline.
1)Le recrutement et l’avancement
Comme nous l’avons signalé au début de ce chapitre, le recrutement du personnel pénitentiaire se fait en règle générale sur la base de concours internes et externes, ouverts aux nationaux âgés de 21 ans au moins et de 45 ans au plus, ayant une taille minimum de 1,65 m pour les hommes et 1,58 m pour les femmes, une acuité auditive et visuelle de 15/20 sans correction et remplissant les conditions de moralité et de bonne santé exigées par la réglementation générale de la fonction
publique. L’avancement de grade peut avoir lieu par l’une des trois voies suivantes :
1°- Le concours, cependant, il est de moins en moins utilisé. Depuis 1956, aucun concours n’a été organisé en vue du recrutement de Directeurs de prison de 3ème classe. Cette voie aurait permis aux fonctionnaires remplissant les conditions exigées par les textes d’accéder à ce grade à titre de "candidats externes".
2°- L’examen professionnel ouvert aux agents qui remplissent les conditions exigées par la réglementation en vigueur, notamment celle de l’ancienneté dans le grade.
3°- Le choix, procédé très utilisé notamment en faveur des agents qui finissent leur carrière.
Enfin, jusqu’à l’extinction totale du cadre des surveillants, les agents ayant effectué 14 ans de services en cette qualité ou en qualité de gardien auront accès au grade de surveillant éducateur sans aucune autre formalité. Un projet d’amendement du texte régissant les personnels pénitentiaires prévoit que nonobstant toutes dispositions d’avancement prévues au statut particulier du personnel de l’Administration pénitentiaire, il peut être procédé chaque année à la nomination directe de fonctionnaires pénitentiaires qui se seraient tout particulièrement distingués par leur professionnelle, leur sens du devoir, leur esprit d’abnégation et leur courage dans les conditions ci-après :
Pour le grade de surveillant éducateur, dans la limite de 5 postes parmi les surveillants ;
Pour le grade de surveillant-chef adjoint, dans la limite de 5 postes parmi les surveillants éducateurs ;
Pour le grade de surveillant-chef, dans la limite de 5 postes parmi les surveillants-chefs adjoints ;" [10]
Ces différentes promotions pourront être, le cas échéant, prononcées à titre posthume. En ce qui concerne l’organisation et le déroulement de la carrière pénitentiaire, deux traits caractéristiques le distinguent, entre autres, des différentes carrières offertes par la fonction publique. La première caractéristique est qu’il s’agit d’une fonction, ou l’avancement est possible de la base au sommet, soit par voie de concours, soit au choix pour l’accès aux différents grades et sans aucun blocage. La deuxième caractéristique est le principe de proportionnalité. Aussi le nombre des surveillants éducateurs est (ou doit être) proportionnel au nombre des détenus.
- Celui des surveillants chefs adjoint est égal à 1/3 de l’effectif des surveillants éducateurs.
- Celui des surveillants chefs est égal à 1/10° de l’effectif des surveillants éducateurs [11].
Ces dispositions permettent une création d’emploi des différents niveaux de compétence, non plus en fonction des moyens offerts par le budget général de l’Etat, mais en fonction des besoins réels du service en hommes. Néanmoins, il faut nuancer cette affirmation, car, si le texte admet le principe d’une relation proportionnelle entre population pénale et effectifs chargés de la surveillance, aucune précision n’est fournie à cet effet. Contrairement aux dispositions des articles 8 et 10 de ce décret qui fixent le nombre des surveillants chefs et des surveillants chefs adjoints respectivement à 1/3 et à 1/10° des effectifs chargés de la surveillance, la rédaction finale de l’article 5 est très vague. Cet article est rédigé comme suit :
"Article cinq : - Les effectifs des personnels chargés de la surveillance sont fixés compte tenu de la population pénale et pour une prestation quotidienne de huit heures de service".
Pour des raisons de politique budgétaire, les autorités financières ne pouvaient tolérer qu’une règle de Droit consignée dans un texte juridique puisse remettre en question la règle de base du budget général de l’Etat, basé sur le critère des "moyens" et la remplacer par une autre conception, à savoir celle du budget par "objectifs". En outre, une telle disposition aurait crée un certain automatisme dans la création d’emplois de l’Administration pénitentiaire. C’est pour ces raisons qu’ils se sont farouchement opposés au projet jusqu’à obtenir la re formulation de cet article. Pour illustrer la portée de l’article dans sa version actuelle, nous comparons la situation des effectifs telle qu’elle est aujourd’hui, et telle qu’elle aurait été si le principe de la proportionnalité avait été admis dans sa version originale. A la date du 31 Décembre 1986, 1209 agents étaient chargés de la surveillance de plus de 27.000 détenus, soit un agent pour 23 détenus, vingt quatre heures par jour et 365 jours par an, si on tient compte d’une prestation de 8 heures par jours, d’un repos hebdomadaire de deux jours par semaine, d’un congé annuel de un mois par an et d’une moyenne de 15 jours d’absence pour raisons de santé ou permissions exceptionnelles, l’effectif réel dont le surveillant est chargé serait de 100 détenus pendant 8 heures. Si l’article 5 était adopté dans sa version originale il fixerait le nombre des surveillants à 11 pour 100 détenus soit 2970 surveillants. Nous analyserons plus loin l’impact de cette insuffisance en ressources humaines.
2)La qualification du personnel des prisons
Jusqu’en 1973-74, la formation du personnel s’effectuait selon la méthode empirique dite du "plongeon" ou "sur le tas". Ce procédé était inspiré par les pratiques préconisées au cours du 19° siècle par la Belge D’HAUSSONVILLE, qui sans croire en l’efficacité d’une école pénitentiaire, [12] estimait plus opportune la création d’une "Maison Centrale modèle", qui servira de pépinière aux futurs cadres de surveillance qui y eussent accompli leur stage de formation. Dans le même esprit, et sous l’impulsion d’un autre belge, le coopérant V.VAN HEMERLRYJCK, des stages d’initiation étaient organisés à la Maison Centrale de Kenitra. Les surveillants étaient systématiquement recrutés à cet établissement où ils effectuaient un séjour variant entre 20 jours et 1 mois. Il faut souligner que l’établissement en question, qui n’avait pas encore connu l’encombrement actuel était considéré comme un modèle d’ordre et de discipline. Les agents stagiaires y apprenaient, en plus d’une initiation sommaire au Droit pénal et à l’histoire pénitentiaire, les différent techniques de sécurité et de pratique pénitentiaire. Le contenu du programme était limité mais portait sur l’essentiel de la vie carcérale. Plusieurs cadres ainsi formés, ont vite gravi les échelons de l’hiérarchie et se trouvent aujourd’hui aux leviers de commande des établissements. Ceci est dû à leur bonne initiation et sensibilisation à la vie professionnelle. Leur réussite démontre l’efficience d’un minimum de formation bien dispensé et judicieusement programmé. L’inconvénient de cette formation était son insuffisance sur le plan théorique. En effet elle était axée sur les techniques de sécurité et négligeait les sciences criminelles qui sont le fondement du traitement pénitentiaire. L’initiation juridique était également insuffisante et se limitait aux règles relatives à l’exécution des peines. Au terme de son stage, le surveillant était incapable de se situer juridiquement par rapport aux détenus, ce qui ne manquait pas d’engendrer des abus et des situations illégales. De même, la formation accomplie dans une maison centrale, basée sur le système de l’encellulement individuel avec de grands ateliers bien organisés et des équipements collectifs assez élaborés, contrastait violemment avec la situation de la quasi totalité des établissements pénitentiaires qui pratiquent l’emprisonnement en commun et qui ne disposent souvent pas d’ateliers ou d’équipements collectifs (foyers - terrains de sports - bibliothèques etc.) et dont les chambres se transforment pendant le jour en réfectoire, salle de classe ou atelier de sparterie. Cette formation présupposait des facultés d’adaptation exceptionnelles chez les stagiaires, ce qui n’était souvent pas le cas. Arrivés en "Prison Civile", les agents oubliaient tout ce qu’ils avaient appris et devaient réapprendre d’autres pratiques parfois dictées par la conjoncture. En 1973 et 1974, des stages furent organisés dans les centres de formation de la Sûreté Nationale et duraient deux mois, pendant lesquels les stagiaires recevaient un enseignement pratique sur le maniement des armes et le maintien d’ordre. Des cours de Droit pénal et de pratique pénitentiaire étaient assurés par le personnel de l’Administration Centrale. Impressionné favorablement par ces centres de formation, le Directeur de l’Administration pénitentiaire décida de créer un "institut pénitentiaire". Un planning fut établi en ce sens. Des agents furent choisis et confiés aux services de formation de la DGSN pour suivre un stage de formateur. Entre-temps le bâtiment de la Maison de réforme de Rabat-Souissi, occupé par l’institut National des études judiciaires fut récupéré pour abriter "l’institut. L’équipement en a été prélevé sur les stocks des établissements pénitentiaires et la nourriture des stagiaires sur celle des détenus. En l’absence d’un texte qui l’organise, l’établissement reçoit le premier groupe de nouvelles recrues le 3 Mai 1975, pour un stage de 2 mois. Des installations sportives furent édifiées sur une superficie de 2 hectares prélevés sur le jardin potager de la prison civile du Souissi. La formation consistait en des cours magistraux sur les droits et obligations des détenus, l’histoire pénitentiaire et le droit pénal, dispensés par les hauts fonctionnaires et les magistrats en fonction à l’Administration Centrale, et des cours de pratique pénitentiaire. La formation paramilitaire était assurée par les formateurs pénitentiaires, avec l’assistance d’instructeurs de la Sûreté Nationale pour l’enseignement relatif aux armes et de la protection civile pour les cours de secourisme.
Le programme quotidien était comme suit :
- Deux heures d’éducation physique
- Deux heures d’entraînement militaire
- Deux heures d’enseignement théorique
- Deux heures d’enseignement pratique.
En 1978, un texte relatif à la création et à l’organisation du "Centre de Formation des Cadres Pénitentiaires" fut promulgué. Paradoxalement, le Centre ferma ses portes à partir de la même date. Aucune formation n’a été depuis dispensée aux agents recrutés. Depuis deux ans, des stages sont organisés dans les centres de formation de la Gendarmerie Royale de CASABLANCA. Les locaux du centre de formation ont été réoccupés par le service informatique et méthodes du Ministère de la Justice. On ne peut pas fonder de grands espoirs sur une telle formation dont le moins que l’on puisse dire d’elle est qu’elle est entachée d’improvisation. L’initiation confiée aux services de la gendarmerie royale semble favoriser l’aspect paramilitaire de la fonction pénitentiaire en vue de renforcer la discipline.
3)Les Droits et obligations des agents pénitentiaires : La discipline
Les agents pénitentiaires ont plus d’obligations que de droits. D’ailleurs le texte portant statut particulier du personnel pénitentiaire n’en mentionne aucun ; par contre il cite une série d’interdictions et d’obligations. Parmi les droits des agents, ont peut citer le droit à une indemnité
professionnelle de risques égale à 70 dirhams par mois, pour compenser les dangers auxquels leur expose le côtoiement de criminels dont ils ont la garde et qui commettent sur eux parfois des actes d’agression. Les autres droits sont ceux communs à tous les fonctionnaires, sous réserve des dispositions contenues dans leur statut particulier. En matière d’obligations, le personnel de l’Administration pénitentiaire ne peut ni constituer, ni appartenir à un syndicat [13] ; il doit résider dans la ville où il exerce et répondre de jour comme de nuit à toute réquisition de ses chefs ; il est astreint au port de l’uniforme et parfois au port d’une arme ; il ne peut être électeur ou éligible si ce n’est en matière d’élection des représentants du personnel au sein des commissions administratives paritaires. En ce qui concerne la discipline, il est soumis à toutes les règles d’une discipline militaire [14]. Dans la pratique, les règles de discipline militaire se ramènent à une exigence de soumission totale et inconditionnelle du subordonné à son supérieur hiérarchique, quels que soient leur rang respectif. Cette conception négative de la discipline, dont nous analyserons les conséquences au chapitre consacré aux relations humaines, exclut tout esprit d’initiative et empêche toute communication entre la base et les échelons supérieurs. Le pouvoir disciplinaire de l’Administration est exorbitant. En l’absence d’organismes syndicaux qui pourraient défendre efficacement les droits des agents, ceux-ci sont très sévèrement traités. Il faut dire aussi que les infractions sont fréquentes et parfois très graves. Le conseil de discipline fonctionne toute l’année. Les sanctions prononcées sont très sévères et parfois sans aucune commune mesure avec la faute commise [15]. A tout moment, la carrière d’un agent subalterne peut être brisée sur la foi d’un rapport de ses chefs. Le "marché du jeudi" [16] ne désemplit pas, et les agents concernés acceptent la décision du conseil sans broncher. Soit par ignorance de leur droit de recours, soit par résignation ou par crainte de l’Administration. L’inconsistance de certains dossiers disciplinaires, les cas de détournement de la loi ou les multiples vices de forme auraient constitué autant de motifs d’annulation des décisions disciplinaires prononcées. Cependant il est très rare qu’un agent attaque la décision qui le sanctionne. Les cas de recours sont très rares. Cette conception de la discipline conditionne, à un échelon plus bas, le comportement des surveillants à l’égard des détenus. En effet, les agents se défoulent sur les détenus au risque de se voir sanctionner et le cercle vicieux se transforme en spirale qui ne finit jamais de s’élargir.
B ’ Les cadres extra-pénitentiaires
En plus des cadres pénitentiaires, l’Administration bénéficie du concours d’un certain nombre de spécialistes contractuels, détachés ou parfois bénévoles, il s’agit de médecins, de vétérinaires, d’instructeurs, instituteurs etc.
1)le personnel médical.
Des médecins du secteur public ou du privé sont liés à l’Administration pénitentiaire par des conventions de droit commun, pour fournir des prestations à temps partiel. La surveillance médicale de chaque établissement est assurée par un médecin généraliste. De jeunes médecins effectuent leur service civil dans l’infirmerie des prisons. Des cabinets dentaires sont animés par des médecins dentistes dans les grandes prisons. Leurs convention est analogue à celle des médecins généralistes. Un psychiatre et un phtisiologue assurent le fonctionnement des infirmeries spécialisées situées respectivement à Kenitra et Aïn Ali Moumen. Ces médecins sont assistés par des infirmiers issus des cadres de surveillance.
2)Le personnel enseignant
Au début des années 70, le personnel instructeur était réduit à un certain nombre de prédicateurs qui se rendaient en prison pour prêcher la bonne foi et présider la prière collective. Dans certains établissements, il s’occupaient des classes d’alphabétisation, selon la méthode des écoles coraniques. Certains établissements connaissaient une organisation plus élaborée de l’enseignement. Tel est le cas de la Maison Centrale de Kenitra ou de la prison civile de Casablanca. Mais, là encore, l’activité culturelle dépendait plus de certains fonctionnaires et de leur initiative en la matière que d’une action systématique et organisés de l’Administration. A partir des années 70, un certain nombre d’instructeurs seront mis à la disposition de l’Administration pénitentiaire par leur administration d’origine pour servir dans ses établissements. En plus de ces personnels mis à la disposition du service, des personnes assurent à titre bénévole et sans contrepartie, des prestations dans les différents établissements où l’enseignement est organisé. Enfin, pour l’enseignement professionnel qui est organisé par le département chargé de la formation professionnelle, un certain nombre d’instructeurs sont mis à la disposition de l’Administration et servent à plein temps dans différents centres de formation. A la date du 31 Décembre 1984, ces personnels étaient au nombre de : 49 instituteurs, 17 professeurs, 21 prédicateurs, 13 instructeurs et 5 assistants sociaux. Un certain nombre de visiteurs bénévoles offrent leurs services dans les différents domaines. L’ensemble du personnel pénitentiaire et extra pénitentiaire conjugue les efforts en vue de conserver et de restituer à la société ses éléments perturbateurs après les avoir amélioré. Mais, leur effort ne saurait être d’aucune utilité sans les moyens matériels qu’ils sont appelés à mettre en oeuvre.
b-Les moyens matériels
Les moyens matériels dont dispose l’Administration pénitentiaire, consistent essentiellement en un certain nombre de prisons, plutôt éparpillées que réparties sur le territoire national (voir carte pénitentiaire ci-après). Ces établissements présentent une grande diversité tant du point de vue de leur typologie que de celui de l’infrastructure d’accueil qu’ils composent. Leur conception et leur implantation ne répondant pas à une logique qui reposerait sur une hiérarchisation ou une répartition régionale de l’infrastructure pénitentiaire, nous amène à nous poser la question de savoir s’il existe une typologie nationale dans ce domaine.
A ’ Typologie pénitentiaire
Les prisons ne sont pas construites n’importe comment, ni toutes faites de la même manière. Elles obéissent à des règles très strictes et sont différenciées selon leur "type". Ainsi, compte tenu de la finalité assignée à un établissement pénitentiaire, il est conçu architecturalement et doté de moyens de sécurité, appelés "obstacles inertes", en conséquence. L’affectation des détenus condamnés ou prévenus aux différents établissements se fait sur la base de critères typologiques propres à chaque Etat, en tenant compte de ses préoccupations primordiales et des orientations de sa politique en la matière. Ainsi, la typologie Française, par exemple, est basée sur l’idée de sécurité. Les détenus sont répartis sur les différentes prisons, bien sûr suivant le mode de traitement retenu pour eux par le centre National d’orientation, mais aussi compte tenu de la gravité de leur délit, de la durée de la peine et surtout du danger réel ou potentiel qu’ils peuvent représenter pour l’établissement, leur codétenus ou eux mêmes. La typologie anglaise repose sur l’idée d’empêcher l’évasion, et le danger que représenterait une évasion réussie. Au Maroc, il y a un début de classification des établissements qui a tendance à reposer sur une association des deux idées, mais que l’encombrement empêche d’être mise en pratique.
1)La typologie Française
Elle est basée sur une classification des détenus et des établissements pénitentiaires [17]. Ces derniers se divisent en deux grandes catégories : les maisons d’arrêt et les établissements destinés à l’exécution des peines. Les maisons d’arrêt sont de petites prisons destinées à recevoir les prévenus en attente de jugement. Compte tenu de l’encombrement que connaissent les prisons françaises d’une part, et pour des raisons sociales et de famille, les détenus dont le reliquat de la peine est inférieur à un an peuvent le purger dans la maison d’arrêt la plus proche de leur domicile si l’encombrement ou le manque de places ne s’y opposent pas. Dans la grande majorité des maisons d’arrêt, il existe un quartier de haute sécurité. Quelques unes possèdent un pavillon de semi liberté qui permet au détenu de chercher un travail et de se familiariser progressivement avec la vie libre. Les établissements d’exécution des peines se subdivisent en Maisons Centrales, Centres de détention et établissements spécialisés.
a) - Les Maisons Centrales
C’est la catégorie qui offre le maximum de sécurité. Elle est destinée à recevoir des détenus condamnés à de longues peines, et se subdivise en deux types de prisons soumises à la même réglementation, mais dont l’organisation et le fonctionnement sont différents. Ainsi, il existe des maisons centrales fermées à sécurité renforcée et des Maisons Centrales fermées à sécurité ordinaire. L’effectif des premières est très réduit, permettant des conditions de surveillance plus grandes. Elles sont destinées à recevoir les détenus condamnés particulièrement dangereux qui y sont soumis au régime de l’isolement individuel nocturne. Ils ne sont réunis pendant le jour que par groupes de 2 à 5 dans les ateliers ou dans les préaux et toujours sous haute surveillance. Les secondes reçoivent les condamnés à de longue ou moyennes peines. Ils y sont soumis à l’isolement nocturne individuel et passent la journée en commun dans les ateliers ou les activités sportives et culturelles.
b) - Les centres de détention
Il s’agit d’établissements qui bénéficient d’un régime plus libéral et se subdivisent en deux catégories : les centres fermés et les centres ouverts. Les régimes de détention y est identique à l’exception des permissions de sortie dont les modalités d’octroi sont différentes. y sont dirigés les condamnés qui paraissent susceptibles de bénéficier d’un régime fondé sur la confiance. Le régime de détention qui y est appliqué comporte par rapport à celui des autres établissements, des avantages importants. Ainsi, les pensionnaires peuvent prétendre à des permissions de sortie plus fréquents, à un droit de visite plus souple et à des activités collectives (sports, arts etc.). Dans cette catégorie, des établissements sont réservés aux jeunes condamnés qui s’y trouvent séparés de leurs aînés. D’autres établissements offrent la possibilité d’un travail à l’extérieur soit dans les champs soit dans les chantiers extérieurs.
c) - Les établissements spécialisés
Ils sont destinés à recevoir les condamnés dont l’état de santé, l’âge ou l’infirmité exigent des conditions particulières de détention. Il s’agit de prisons-hospices ou quartiers pour malades chroniques ou handicapés physiques, ou enfin d’établissements ou quartiers ayant une vocation médico - psychologique recevant les condamnés atteints de troubles mentaux ou du comportement.
2)La typologie Anglaise
L’organisation pénitentiaire anglaise [18] est caractérisée par une double classification : celle des détenus et celle des établissements.
Les détenus sont classés en quatre grandes catégories :
- Catégorie "A" : Ceux dont l’évasion serait particulièrement dangereuse.
- Catégorie "B" : Ceux pour lesquels des conditions très strictes de sécurité ne paraissent pas nécessaires, mais dont l’évasion doit être rendue très difficile.
- Catégorie "C" : Ceux qui peuvent être placés dans un établissement ouvert et ne paraissent avoir ni la capacité ni les ressources personnelles pour une tentative d’évasion.
- Catégorie "D" : Ceux qui peuvent être normalement placés dans une prison ouverte.
A cette classification des détenus correspond une classification des établissements pénitentiaires qui se trouvent répartis en trois catégories distinctes :
a) - "Local prisons" :
établissements fermés, ils sont situés généralement au centre de la ville et destinés à recevoir soit les prévenus, soit les condamnés à des courtes peines. Ils présentent une grande analogie avec les maisons d’arrêt françaises.
b) - "Closed training prisons"
Il s’agit d’établissements fermés qui reçoivent les condamnés des catégories "A", "B" et "C". Les condamnés des catégories "A" et "B" sont placés dans les prisons à sécurité renforcée dénommés "Dispersal Prisons". Ceux de la catégorie "C" sont enfermés dans les prisons fermées de type traditionnel, avec une assez grande liberté de mouvement à l’intérieur où leur sont assurées des activités variées de travail, d’éducation et de récréation.
c) - "Open training prisons"
Ce sont des établissements de type ouvert qui ne comportent pas de murs de clôture ou de grille, en principe. La sécurité y est assurée par le personnel de surveillance, mais repose largement sur une discipline librement consentie par les détenus. En contrepartie ceux-ci jouissent d’une grande "liberté" de mouvement à l’intérieur de la prison, et peuvent intervenir dans l’agencement de leur vie carcérale. En fin de peine, les prisonniers peuvent sortir à l’extérieur pour chercher du travail où même travailler à l’extérieur le jour et rentrer le soir à la prison pour le coucher. Ces établissements servent aussi de lieu de transit entre la vie carcérale et la mise en liberté pour les condamnés à de longue périodes, qui y séjournent en fin de peine pour préparer leur libération.
3)Essai de typologie marocaine
Il n’existe pas de typologie nationale propre en matière pénitentiaire. Les circonstances historiques de l’édification des prisons au Maroc ainsi que les aménagements imposés ou empêchés par la conjoncture ont eu pour résultat l’absence de toute idée globalisante qui puisse systématiser l’ensemble. Cependant, l’infrastructure existante peut permettre d’en esquisser les contours compte tenu de l’architecture des différentes prisons et de la manière dont la sécurité y est assurée.
Ainsi, on peut dégager quatre catégories d’établissements.
a) Les établissements fermés à très haute sécurité.
Ce sont des établissements destinés à recevoir les détenus dangereux ou condamnés à ces peines très longues ou à la peine capitale en instance d’exécution. Généralement, le mode d’emprisonnement qui y est pratiqué est l’encellulement individuel selon les principes du systèmes Auburnien [19], avec une variante pennsylvanienne pour les détenus dangereux et les condamnés à mort. Ces prisons sont entourées d’un mur d’enceinte lisse, haut d’une dizaine de mètres et d’un chemin de ronde où circulent des agents armés de jour et de nuit. L’accès au chemin de ronde est interdit aux détenus sous n’importe quel prétexte. Le dispositif extérieur de sécurité est complété par un "mirador" qui domine toute la prison et où un ou plusieurs agents montent la garde jour et nuit. A l’intérieur, la détention est divisée en pavillons et quartiers destinés à opérer le tri des différentes catégories de prisonniers et comportant notamment :
- des quartiers cellulaires
- le pavillon disciplinaire
- le quartier de l’isolement
- le quartier des condamnés à mort
qui obéissent chacun à une réglementation particulière adaptée à la catégorie qui s’y trouve incarcérée. Des "écluses" de sécurité limitent le mouvement des détenus entre les quartiers et permettent d’organiser la circulation des prisonniers entre les quartiers ou dans les couloirs de façon à éviter que plusieurs détenus ne se trouvent même temps au même endroit. Le type de ces établissements est la Maison Centrale de Kenitra, la prison civile d’Essaouira et celle de Taza.
b) Les Etablissements fermés à sécurité ordinaire
Ce sont des établissements qui, théoriquement, ne sont pas affectés à l’exécution des peines. Cependant, dans la pratique et pour juguler la crise démographique d’une part et ou égard à la situation économique et sociale des familles des détenus, ou y "tolère" le séjour de prisonniers condamnés à des peines moyennes ou à des réclusionnaires en fin de peine. Ces prisons sont un équivalent et un complément des maisons d’arrêt [20]. Le mode d’emprisonnement qui y est pratiqué est l’emprisonnement en commun. C’est-à-dire que les prisonniers d’une même catégorie sont enfermés dans des locaux collectifs. Ils comportent souvent plusieurs quartiers et doivent au moins permettre la séparation entre les hommes et les femmes d’une part, les prévenus et les condamnés d’autre part ainsi qu’un isolement des mineurs et des jeunes condamnés. Les détenus travaillent rarement dans ces établissements, ce qui a pour cause et conséquence l’absence des ateliers.
c) Les établissements "semi ouverts"
Il s’agit de trois pénitenciers agricoles où les détenus travaillent pendant le jour en plein air dans les champs sous une surveillance parfois très relâchée, souvent confiés à eux même sans surveillance. Pendant la période des récoltes, il arrive que certains détenus soient chargés de la garde des fruits et passent plusieurs nuits dehors dans les champs. Sous le protectorat, ces détenus étaient loués aux fermes avoisinantes pour y effectuer les travaux agricoles. Depuis l’indépendance, cette pratique a disparu. Les pénitenciers reçoivent les condamnés à des peines de 2 à 5 ans d’emprisonnement ainsi que certains réclusionnaires qui ont purgé une partie de leur peine et dont le comportement en détention justifie un assouplissement du régime qui leur était appliqué.
d) Les établissements ouverts.
Une expérience sans lendemain a été tentée au début des années 60, mais pour des raisons diverses, il lui a été mis fin en 1970. Il s’agit de la maison de réforme du Souissi ou étaient incarcérées les jeunes détenus jugées récupérables. La maison de réforme n’était pas une prison au sens conventionnel, c’était plutôt un foyer sans murs d’enceinte ni barreaux. Les fenêtres grandes et très basses pouvaient être françaises facilement cependant aucune évasion n’y a été enregistrée.
B - L’infrastructure pénitentiaire du Maroc
L’infrastructure pénitentiaire consiste en 39 établissements situés dans les différentes régions du Royaume avec une forte concentration vers le centre et le nord. Ces établissements sont répartis comme suit :
1)Une Maison Centrale
Situation à Kénitra, elle reçoit les détenus condamnés à de très longues peines, les condamnés à mort ainsi que les condamnés dangereux. Construite en 1930 suivant les normes de l’encellulement individuel de type "auburnien", le système d’emprisonnement qui y était pratiqué était jusqu’à la fin des années 60 basé sur l’isolement pendant la nuit et le travail en commun dans les ateliers pendant le jour. Ce régime a reçu des modifications des aménagements et des arrangements imposés par les circonstances ou les événements (encombrement, révoltes, mutineries, catégories spéciales de détenus). Cet établissement conçu pour héberger 425 détenus, en héberge aujourd’hui plus de 1.500, soit près de 4 fois sa capacité, d’où de graves problèmes de sécurité et d’hygiène.
2)Des pénitenciers agricoles.
Trois sont opérationnels depuis les débuts du protectorat alors qu’un quatrième est en cours d’aménagement. Les trois pénitenciers en service sont situés respectivement dans les domaines agricoles de l’Administration Pénitentiaire sis a Aïn Ali Moumen (près de Settat), à l’Adir (près d’El Jadida) et à l’OUTITA (région de Sidi Kacem). Ils exploitent des terres agricoles dont la superficie totale dépasse 4.000 hectares. Ils sont destinés à recevoir les condamnés d’origine rurale, qui peuvent être maintenus dans un milieu proche de leur milieu d’origine. La nécessité de décongestionner la maison centrale ou les autres prisons oblige à y enfermer les condamnés sans tenir compte de cette origine. Actuellement le seul critère retenu pour l’affectation des prisonniers est la durée de la peine. Les pénitenciers reçoivent les détenus dont le reliquat de la peine à subir est compris entre 2 et 5 ans. Des détenus condamnés à des peines supérieures y sont également admis.
3)Les prisons d’exécution
Elles sont situées à Taza, Essaouira, Chaouen, Safi, Ouezzane et reçoivent les détenus condamnés à des peines variant entre Six mois et deux ans. Cependant, compte de l’encombrement des établissements, ces prisons renferment des condamnés à des peines supérieures et même des réclusionnaires.
4)Les Maisons d’Arrêt
Ce sont des prisons destinées à recevoir les prévenus en instance du jugement ou condamnés dont le reliquat de la peine à subir est inférieur ou égal à six mois. Sous réserve du nombre de places disponibles. Leur taille est très variable. Elles sont situés auprès des tribunaux de 1ère instance et des cours d’appel. Certains de ces établissements sont très grands et comportent des quartiers où sont exécutées des peines assez longues. Elles sont implantées à :
- RABAT
- CASABLANCA (deux prisons)
- MARRAKECH
- INEZGANE
- MEKNES
- OUJDA
- FES
- TANGER (deux prisons)
- KENITRA (prison civile)
- KHEMISSET
- EL JADIDA
- BENI MELLAL
- KHOURIBGA
- EL KELAA DES SRAGHNA
- ERRACHIDIA
- BERKANE
- NADOR
- AL HOCEIMA
- SEFROU
- TETOUAN
- LARACHE
- IFRANE
- KARIAT BA MOHAMED
- ASILAH
- KSAR KEBIR
- OUED LAOU
- LAAYOUNE
- BEN GUERIR
- ET BEN SLIMANE.
5)Les projets
D’autres établissements sont en cours de réalisation, il s’agit de deux complexes pénitentiaires sis à Salé et à Casablanca, de deux prisons civiles à Ouarzazate et Khénifra ainsi qu’une ferme pénitentiaire dans la région de Nador. En plus de ces réalisations l’Administration pénitentiaire envisage la construction de 11 prisons civiles et d’un pénitencier agricole. Le pénitencier sera localisé dans la région de Fquih Ben Salah. Les prisons civiles seront implantées à :
- MOHAMMEDIA
- SIDI BENNOUR
- BOULMANE
- AGADIR
- TAN TAN
- DAKHLA
- TIZNIT
- BEN AHMED
- AZILAL
- OUED ZEM
- FIGUIG.
Il est à remarquer que onze projets sur les douze prévus se situent au Sud de Casablanca ; ce qui constitue à notre avis une prise de conscience du déséquilibre géographique existant dans l’implantation des établissements actuellement en service. 120 Maisons d’arrêt sont également prévues, leur localisation sera auprès des juges résidents. La réalisation de cet ensemble de projets portera le "parc" pénitentiaire à 122 maisons d’arrêt, 42 prisons, 5 pénitenciers et 3 Maisons Centrales. Soit 173 établissements pénitentiaires au lieu des 39 existants. La gestion d’une telle infrastructure implique la disposition d’un nombre suffisant de cadres administratifs, techniques et de sécurité, compétents et opérationnels. Or, le talon d’Achille du système pénitentiaire Marocain se trouve être l’élément humain. Jusqu’à présent, les services extérieurs ont pu fonctionner plus ou moins bien grâce à des facteurs multiples dont notamment l’existence de quelques cadres moyens expérimentés. Mais lorsqu’il faudra recruter en masse pour garnir un grand nombre d’établissements, cette compétence sera diluée. Il faudrait à notre avis revoir la formation du personnel dans le sens de l’amélioration. Le recrutement devrait être plus sélectif pour les cadres, par l’introduction de tests psychotechniques d’aptitude, et être suivi d’une formation solide et approfondie que seule une école pénitentiaire pourra fournir. La création d’une école pénitentiaire est une nécessité qu’il faut envisager sérieusement. A cet effet, le concours de l’autorité gouvernementale chargée de la formation professionnelle pourra être sollicité et l’assistance de pays amis sera un atout supplémentaire et un gage de réussite. Sur le plan organisationnel, le besoin d’un échelon décisionnel intermédiaire se fait de plus en plus sentir. Une hiérarchisation des établissements pénitentiaires au niveau régional serait une solution rationnelle aux problèmes posés par la centralisation de l’Administration pénitentiaire et décongestionnera les circuits et le processus de décision. Enfin, il serait souhaitable de réactiver les quartiers ou les établissements spécialisés touchés par l’abandon depuis le début des années 70 [21] sous le poids de la poussée démographique.