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Graces et amnisties

Publié le mercredi 1er mai 2002 | http://prison.rezo.net/graces-et-amnisties/

Les grâces collectives sont désormais devenues une habitude du 14 juillet, afin de désengorger les établissements pénitentiaires. Elles excluent cependant certaines catégories d’infractions et ne représentent qu’une réduction de peine supplémentaire qui s’applique sans distinction aux condamnés. En cela, la grâce collective est la mesure dont bénéficient les condamnés la moins responsabilisante qui soit. Les grâces individuelles, qui pourraient permettre à des détenus âgés ou malades de terminer leurs jours dans le dignité en dehors de la prison, sont pour leur part en désuétude et rarement accordées.

669-Qu’est-ce qu’une grâce ?
La grâce est une mesure décidée par le président de la République. Elle dispense le condamné d’exécuter la totalité ou une partie de sa peine. Il existe deux types de grâce : la grâce collective et la grâce individuelle. Qu’il s’agisse de la première ou de la seconde, le président est entièrement libre de l’accorder ou non. La grâce est susceptible de concerner toutes les condamnations et les catégories condamnés. Pour y avoir droit, le détenu doit être condamné définitivement, c’est-à-dire que la condamnation ne doit pas pouvoir faire l’objet d’un recours. En conséquence, la personne qui attend le résultat d’un appel ou d’un pourvoi en cassation en est exclu. Par ailleurs, la grâce ne s’applique pas pour les dommages et intérêts ou les sanctions disciplinaires.
Articles 17 de la Constitution, 133-7 et 133-8 du nouveau Code pénal, chambre criminelle de la Cour de cassation, arrêt du 20 octobre 1992

670-Qu’est-ce qu’une grâce collective ?
La grâce collective est une grâce qui ne nécessite pas de démarches de la part du condamné. Elle bénéficie à de larges catégories de condamnés à l’occasion d’un événement exceptionnel, comme le 14 juillet ou l’élection présidentielle.
Les auteurs de certaines infractions en sont chaque année exclus. Par exemple, le décret de grâce du 14 juillet 2000 exclut les personnes condamnées notamment pour des crimes ou délits sur des mineurs de moins de quinze ans, terrorisme, trafic de stupéfiants, crime contre l’humanité, violences sur agents de l’administration pénitentiaire ou de la force publique, les détenus en état d’évasion…
Le décret de grâce collective prévoit une réduction partielle de peine. Pour les détenus, elle est calculée en fonction de la durée de l’incarcération restant à subir. Par exemple, pour la grâce du 14 Juillet 2000, elle est de sept jours par mois de détention. Le maximum de la réduction de peine est fixé à quatre mois.
Bien que des décrets de grâces collectives soient renouvelés chaque année depuis 1991, ils n’ont pas le caractère automatique qu’on peut leur prêter. Mais les pouvoirs publics voient dans cette mesure un moyen de limiter la surpopulation carcérale. La grâce s’applique dès la parution du décret au Journal officiel.

671-Qu’est-ce qu’une grâce individuelle ?
La grâce individuelle implique que le condamné présente une requête, appelée « recours en grâce ». Ce recours peut être effectué par le condamné lui-même, son conjoint, un ami, une association, le procureur de la République… Les demandes doivent être adressées au président de la République. Elles sont ensuite centralisées à la direction des affaires criminelles et des grâces qui instruit le dossier. Le ministre de la Justice prend une première décision et peut de sa propre initiative rejeter certaines demandes. Les avis de certaines autorités judiciaires et de l’administration pénitentiaire peuvent être demandés. C’est le président de la République qui prend la décision finale d’accorder ou non la grâce. S’il le fait, il signe le décret qui est notifié au bénéficiaire par le procureur du lieu d’incarcération. Il n’y a pas de recours possible contre la décision du chef de l’Etat.

672-Quels motifs peuvent être invoqués à l’appui du recours en grâce ?
La requête peut invoquer tout élément de fait : le détenu peut faire état de sa bonne conduite, de sa mauvaise santé, etc. En pratique, la grâce est surtout accordée dans deux hypothèses : pour un motif humanitaire (grâce médicale, par exemple) ou pour remédier à une injustice. Si un précédent recours en grâce a été tenté, il est préférable d’invoquer un élément de fait nouveau. Sinon, il est fréquent que le nouveau recours soit simplement ajouté au dossier du requérant sans être examiné.

673-Quels sont les effets de la grâce ?
La grâce dispense le condamné de l’exécution d’une partie ou de la totalité de sa peine. Elle peut être totale, partielle, conditionnelle (accordée à condition qu’il n’y ait pas de nouvelle condamnation pendant un certain délai). Lorsqu’une grâce partielle est accordée, elle a pour effet de déplacer la date de la libération et, du même coup, la date à laquelle le temps d’épreuve prend fin. Le décret de grâce peut également préciser que la période de sûreté cesse ou est réduite.
Articles 133-7 du nouveau Code pénal et 720-2 du Code de procédure pénale

674-Qu’est-ce qu’une commutation de peine ?
La commutation, qui est une forme particulière de grâce, consiste à substituer une peine à une autre. Par exemple, une réclusion criminelle à perpétuité est commuée en 20 ans de réclusion, mais tout dépend de ce que le décret de communication prévoit. Une seule commutation de peine est intervenue entre 1996 et 1999.

675-Qu’est-ce qu’une amnistie ?
L’amnistie est une loi exceptionnelle votée par le parlement qui supprime le caractère illicite de certains faits. L’amnistie fait cesser les poursuites pénales et l’exécution de la peine. L’amnistie peut intervenir alors qu’aucune peine n’a été prononcée. Les poursuites pénales qui ne sont pas encore engagées ne peuvent dès lors plus l’être. La personne déjà mise en examen bénéficie d’un non-lieu du juge d’instruction ou d’une relaxe de la juridiction saisie.
L’amnistie peut également intervenir après une condamnation définitive. Les détenus dont la peine est amnistiée sont alors immédiatement remis en liberté et les condamnations amnistiées sont effacées du casier judiciaire. Enfin, un sursis qui aurait été révoqué par une condamnation amnistiée est rétabli. Cependant, le condamné ne peut être indemnisé pour le temps passé en prison et ne peut pas non plus se faire rembourser l’amende qui a été payée.
Articles 133-9 et 133-11 du nouveau Code pénal

676-Existe-t-il des procédures de libération anticipée pour les malades en phase terminale ?
La législation française ne prévoit pas de dispositif particulier de libération anticipée pour les malades en phase terminale. Sauf dans des cas extrêmement restreints, pour des condamnés à des courtes peines qui peuvent bénéficier d’une suspension de peine pour raisons médicales, le droit français ne prévoit pas de procédure judiciaire permettant à un condamné souffrant de pathologie grave de pouvoir être soigné et mourir hors de prison.
Pour les condamnés qui n’ont pas exécuté la moitié de leur peine ou les deux tiers pour les récidivistes, seul le cadre long et aléatoire de la grâce présidentielle pourrait répondre à une exigence de mourir dans la dignité. Mais le nombre de « grâces médicales » accordées est insignifiant : en 1998, 27 dossiers ont été présentés au président de la République et 14 grâces ont été accordées ; en 1999, 33 proportions pour 18 grâces prononcées. Le peu de demandes présentées s’explique par le filtrage intensif effectué par la Chancellerie. Dans son rapport de juillet 2000, la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les prisons préconise de « revoir les procédures de grâce médicale ; rien ne justifie que cette décision relève encore actuellement du président de la République. La procédure devrait relever du juge de l’application des peines qui pourrait, pour prendre sa décision, s’appuyer sur des expertises médicales établissant que le détenu est atteint d’une maladie mettant en jeu le pronostic vital ». La Commission sénatoriale propose pour sa part dans ses 30 mesures d’urgence de « permettre une suspension de peine pour les détenus souffrant d’une maladie grave mettant en jeu le pronostic vital ».