Publié le lundi 10 mai 2004 | http://prison.rezo.net/2004-belgique-on-aurait-epargne/ Enquête Justice Libérer sous conditions ? C’est lent... On aurait « épargné » 500 détenus en 1999 si tous les condamnés étaient sortis à leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle. DETESSIERES Si la libération conditionnelle suscite beaucoup d’intérêt dans l’opinion, elle est marginale par rapport aux autres types de libération anticipée. En 1999, elle ne représentait que 13,1pc des « sorties » des détenus condamnés (à l’exclusion des suicides, évasions et décès). Par comparaison, les libérations provisoires (de détenus condamnés à des courtes peines) constituaient alors 73pc du flux sortant (lire encadré ci-dessous). Mais, pour les condamnés à des peines supérieures à 3 ans, la libération conditionnelle reste la modalité de sortie principale, souligne Eric Maes, assistant au département de criminologie de l’INCC. Illustration : en 1999, 73pc des sorties de condamnés à des peines criminelles (emprisonnement de 5 ans et plus) se sont faites via des libérations conditionnelles. En revanche, seuls 3,6pc des condamnés à une peine d’1 an à 3 ans en bénéficiaient... Concrètement, la libération conditionnelle (au tiers de la peine pour les primodélinquants ; aux deux tiers pour les récidivistes) sous conditions est une faveur accordée au cas par cas. La conférence du personnel de la prison émet un avis qui tient compte de la personnalité du détenu, de sa conduite au cours de la détention, de son attitude par rapport aux faits commis et aux victimes, du risque de récidive, des possibilités de réinsertion... Le parquet et le ministre de la Justice se prononcent également, mais la décision finale revient à la Commission de libération conditionnelle, qui fixe les conditions : bien se conduire, coopérer à l’accompagnement judiciaire, ne pas fréquenter d’ex-détenus, travailler ou chercher un emploi, suivre une thérapie... Dans les prisons, on constate une forte croissance de la population des détenus condamnés à plus de 3 ans. Cela ne permet pas de conclure à une application de plus en plus restrictive de la libération conditionnelle, insiste M. Maes. Autrement dit : il serait hâtif d’en déduire une plus grande sévérité dans les pratiques de libération et donc d’y voir l’explication de l’inflation pénitentiaire. « Epargner » 500 détenus... Les données sur le nombre de libérations anticipées (qui varient en fonction du nombre de détenus entrant en ligne de compte pour l’octroi d’une libération, qui dépend lui-même du nombre annuel d’écrous, de la durée de la peine prononcée, de la récidive légale, etc.) renseignent donc fort peu sur la politique de libération elle-même, continue le criminologue. On note pourtant que le nombre de refus de libérer sous conditions a augmenté de manière constante depuis quelques années. Si le pourcentage d’octrois de libération anticipée était de 68,3pc en 1999, il est tombé à 62,6pc en 2000, 62pc en 2001 et 59,2pc en 2002. Ici aussi, plusieurs explications sont possibles. Les commissions de libération conditionnelle font peut-être montre d’une sévérité accrue. A moins que les conférences du personnel leur adressent plus de dossiers moins solides... Autre élément à épingler : les taux d’octroi de libération conditionnelle varient très fort d’une commission à l’autre (de 41,8pc à Mons à 79pc à Anvers en 2002). Contrairement aux idées reçues, les commissions flamandes libèrent davantage (69,2pc en moyenne en 2002) que les francophones (52pc). Ce qui ne veut pas dire qu’elles sont plus laxistes ! Le criminologue de l’INCC avance plusieurs justifications : une politique de proposition de dossiers différente en fonction de la conférence du personnel ; une interprétation différente des contre-indications en fonction des commissions ; une différence dans le profil des détenus et/ou dans la sévérité des faits commis ; des moyens insuffisants pour assurer la réintégration des libérés (personnel, programmes de reclassement)... La variable la plus utile pour apprécier la politique de libération, c’est le nombre de jours entre la date d’admissibilité d’un détenu à une libération conditionnelle et la date de sa libération effective, continue le criminologue. Une recherche menée sur les détenus libérés conditionnellement entre 1990 et 1999 a mis au jour des indications majeures d’une politique de libération de plus en plus restrictive au cours de cette période. En 1992, la libération conditionnelle intervenait en moyenne 4,4 mois après la date d’admissibilité ; en 1999, ce délai est monté à 8 mois, soit un quasi doublement. Ce facteur a évidemment une influence considérable sur l’inflation carcérale. En 1999, si tous les condamnés étaient sortis de prison à leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle, on aurait « épargné » plus de 500 détenus dans la population journalière moyenne. La Libre Belgique 2004 |