Publié le lundi 17 mai 2004 | http://prison.rezo.net/jeudi-27-novembre-2003/ Le lendemain, je me fais réveiller par la porte qui s’ouvre et une voix féminine qui me demande de la suivre, je me lève, je récapitule la situation en moins de 2 secondes dans ma tête, donc : Non, tu n’es pas dans ton lit Olivier, tu es en Garde à vue pour avoir planté à coups de couteau ton collègue de travail. On me remet les menottes et me traîne au bureau de l’O-P-J, Officier de Police Judiciaire. J’entre dans un bureau, la position assise avec les menottes est assez spéciale, on se sent vraiment inférieur les mains derrière le dos en face d’un homme bien rasé, bien habillé, qui se tient droit et qui à l’air d’aimer son travail et là, c’est reparti pour raconter ma superbe histoire : - « Bon, racontez-moi les faits de A à Z, et un conseil, dites la vérité et n’essayez pas de minimiser dit l’officier d’un ton presque amical. Je sens maintenant l’officier beaucoup moins amical, et je trouve aussi original sa façon brutale de passer du vouvoiement au tutoiement. - « Non.... Pourquoi ? ... Neuf coups de couteaux ! Non, il bluff, ce n’est pas possible, d’ après le vague souvenir de la scène, j’ai du l’effleurer 2 ou 3 fois ! Ce n’est pas possible, il bluff. - « Neuf ? .... Je lui raconte toute mon histoire, il tape au clavier aussi vite que je parle, ça m’impressionne, je ne pense pas vraiment que je comprends ce qu’il m’arrive pour faire attention à de si petits détails, peut être que j’essaye de fuir la réalité. Il est maintenant 14h00, cette matinée m’a paru une éternité, je connais chaque détail de cet endroit, le moindre petit graffiti, je me suis même habitué à l’odeur. Alors que je digère mon sandwich Jambon-Fromage gracieusement offère par l’état, deux policiers entrent brusquement dans ma cellule : - « Vous me libérez ? Ca y est ? La route est embouteillée, ça doit faire 10 minutes que nous sommes sur la Nationale, au niveau de Trappes. Des questions sans réponses commencent à me traverser la tête, je deviens un peu plus réaliste sur les risques qui m’attendent, l’image d’Olivia passe toutes les 30 secondes comme des flashs dans ma tête, à chaque fois, je ressentis une impression d’adrénaline dans mon ventre. Cependant, le mot prison commence à me hanter et à devenir de plus en plus fort. J’ai eu beau questionner chaque policiers qui me paraissaient aimable pendant ma garde à vue, sur ce que je pouvais avoir au pire, mais aucun ne m’ont parlé de prison. Nous arrivons enfin, il nous a fallu ¾ d’heure pour faire Elancourt-Versailles... Nous descendons de cette voiture, je suis menotté entouré de trois policiers, il y a du monde à Versailles, je regarde le sol pour ne pas être reconnu, on ne sait jamais. Nous entrons dans le tribunal, les policiers me traînent jusqu’à un long couloir comprenant des cellules de garde à vue de chaque côtés destinées aux délinquants en attente de jugement, l’odeur est différente mais loin d’être agréable, puis l’on me jette dans une cellule située vers le fond, je m’assieds et me mets à réfléchir gravement, j’ai toujours aussi peur et un mal de ventre terrible. Si je vais en prison, que vas penser maman ? Et papa ? Olivia m’attendra t-elle ? Que vont dire mes sœurs ? Mes amis ? Et moi-même, que pourra t-il m’arriver là bas ? ... non, il faut que j’enlève à tout prix cette idée de ma tête, Olivier, ce soir tu es chez toi, maman t’a préparé un bon repas, ne t’inquiète pas. J’ai peur. J’entends des voix dans les cellules voisines, des détenus parlent d’une cellule à l’autre. Ils parlent de ce qu’ils ont fait, de ce qu’ils risquent, l’un d’eux est venu directement de la maison d’arrêt de Bois d’Erquy pour se faire juger suite à son mandat de dépôt, cela fait 6 mois qu’il est là bas, il espère vraiment rentrer chez lui ce soir, moi aussi. Le temps passe, je repense à ce graffiti que j’ai vu dans ma cellule à Elancourt, j’arrête donc de cogiter et ce qui devra m’arriver m’arriveras. Le temps est long, très long, cela doit faire 4 heures que je suis là à attendre, je ne cesse de penser à Olivia, cela va bientôt faire deux ans que nous sortons ensemble, durant ces deux ans, il n’y a jamais eu plus de 48 heures sans se voir, j’espère que je serais avec elle ce soir. Ca y est ! On vient enfin me chercher, un policier me sort de ma cellule, il me menotte, je n’en vois pas trop l’intérêt mais je ne bronche pas, j’ai d’autres soucis que ce bout de métal sur mes poignets. Nous montons un escalier, une porte s’ouvre, nous atterrissons directement dans la septième chambre correctionnelle du Tribunal de Versailles. Je me trouve assis à gauche du juge, derrière un espèce de comptoir, j’observe cette salle, sur une rangée de bancs j’aperçois : Mon père qui me fixe tristement, ma mère qui regarde le sol l’air désespéré, ma sœur amandine, mon ami Jérôme et... Olivia, les larmes aux yeux qui me fait des sourires forcés pour que je garde courage. Je fais semblant de ne pas avoir vu pour ne pas devoir lui rendre ce sourire... Puis le juge me demande de me lever, c’est un juge de permanence, il est tard il veut vite en finir, je me lève, j’ai peur. Le juge rappelle les faits, la version qu’il a est celle rendu par l’officier de police, la moitié est complètement fausse, mais je ne réplique pas, je ne sais même pas si j’ai le droit de parler. Puis, alors que je n’écoutais que vaguement, j’entends cette phrase : « étant donné la gravité des faits, et pour éviter les représailles, nous décidons de placer Olivier Soz en mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Bois d’arcy pour la durée de six mois, renouvelable une fois. » Je ne sais que dire, un silence de 5 secondes se crée dans la salle, ça me paraît durer des heures, par réflexe, je regarde Olivia, cette fois elle ne sourit plus, elle n’a pas réussi à retenir ses larmes, de même pour ma mère. Comment un être humain peut-il décider du sort d’autrui, surtout lorsqu’il a une situation stable ? Une énorme boule se forme dans ma gorge, je ne craque pas, il ne faut pas que je pleure, je ne veux pas que ma famille me voit pleurer. Les policiers m’ emmenent, je croise le détenu de ma cellule voisine qui lui, récupère ses affaires pour rentrer chez lui, je ne peux plus tenir, je pleure. L’on m’emmène jusqu’à un camion, dehors, mon père m’aperçoit, il arrive à se frayer un chemin parmis les policiers et me donne un paquet de cigarettes, je lis dans son regard : « tiens bon », Merci Papa.
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