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lundi, 29 décembre 2003

Publié le samedi 29 mai 2004 | http://prison.rezo.net/lundi-29-decembre-2003/

lundi, 29 décembre 2003

Je n ?arrive pas à m ?endormir, comme tous les soirs. Pourtant j ?ai sommeil. Je crée dans mon imagination, la scène de ma sortie, et mes futurs jours de liberté. Je n ?ai pas assez profité de la liberté ! qu ?est ce que c ?est bon la liberté ! je pense qu ?il est préférable d ?être SDF et libre que milliardaire et à ma place..

Je me retourne dans tous les sens, décidément je ne parviendrai pas à m ?endormir. Je me lève et range entièrement ma cellule, dans mon armoire, je dispositionne des kleenex pour servir de tapis et ranger proprement mes affaires de toilettes, je récupère du mastic sur les vitres pour reboucher les trous d ?aérations qui font qu ? il fait si froid dans ma cellule.

Une heure de bricolage et de rangement Maman serait fier de moi ! Moi qui ne range jamais ma chambre !

Je me recouche, je ferme les yeux.

L ??illet bascule, un surveillant que je n ?ai jamais vu, assez jeune, la trentaine, entre dans ma cellule.
« 

- Soz, douche ?

Mais je viens à peine de fermer les yeux !

- Hein !? Quoi ? Il est quelle heure ?

- Putain mais réponds, douche ?

Putain mais comment il me parle lui, dès l ?matin ! Je suis quand même un détenu incarcéré pour avoir mis des coups de couteaux ! Il n ?a pas peur ce connard !

- C ?est bon j ?suis pas un chien merde.
- Ok, bouge pas toi j ?vais pas te rater. »

 

Le surveillant s ?en va, et referme la porte.

 

Merde, il va faire quoi ? Je saute dans le même jean que j ?ai depuis ma détention, dans le cas où il ressurgirait dans ma cellule.

 

L ??illet bascule, la porte s ?ouvre. Cette fois il y a 5 surveillants qui accompagnent le nouveau qui prend la parole :

« 

- Soz, on cherchait une cellule à libérer pour un arrivant, c ?est la tienne que j ?ai choisi, prends tes affaires et sors, c ?est la cellule à ta gauche que tu occuperas dorénavant.

Je ne veux pas changer de cellule !! J ?avais quelques repères ici ! Et tout était rangé ! Il faut que je négocie.

- Et pourquoi moi ?

- Parce que j ?aime pas ta gueule.

Un surveillant lui fait signe de se calmer par le regard, mais il fait comme s ?il n ?avait rien vu.

- Et bien dans ce cas, je ne bougerai pas. Je ne veux pas changer de cellule et encore moins pour celle d ?à côté qui était occupé par un gitan tout crade.

- Allez, prends ton paquetage et sors, si tu ne veux pas qu ?on vienne te chercher.

- Je ne sors pas. »

 

Les surveillants s ?approchent de moi, je ne fais pas le poids. Je sais qu ?il est inutile de lutter mais je m ?allonge sur mon lit et ne bouge pas. Un des surveillants m ?attrape le bras et me demande de me lever, je ne bouge pas.

 

« ALLEZ ON Y VA !! »

 

Ca y ?est, là ils sont tous sur moi à me tirer hors de mon lit. Je glisse, je tombe. Ils me traînent par terre, je cherche une prise tout en les insultant. J ?arrive à m ?accrocher au pied de mon lit, alors là, je jure que je ne lâcherai pas !!!

 

« JE NE VEUX PAS ALLER DANS CETTE CELLULE DE GITAN ! JE NE VEUX PAS ALLER DANS CETTE CELLULE DE GITAN ! JE NE VEUX PAS ALLER DANS CETTE CELLULE DE GITAN ! »

 

Ils me traînent au point que le lit suivent le mouvement. Le grincement des pieds sur le sol fait un boucan énorme, cela les énervent encore plus.

 

A force de me traîner, le lis atteint la porte et se bloque. J ?ai la tête dans le couloir. En me remuant, j ?aperçois les autres détenus qui attendent pour prendre la douche observer la scène.

 

Puis je ressens, de je ne sais où, un gros choc sur la main qui se tient au pied du lit. Je lâche prise. Ils me portent jusque dans ma nouvelle cellule puante, ferme la porte et s ?en vont. Je suis à terre. Je regarde le plafond, jauni par la nicotine et soudain :

 

JOIE

Il y a une télé dans ma nouvelle cellule !!!

 

Je me lève d ?un coup et l ?allume pour vérifier le fonctionnement. Elle marche !

 

J ?observe l ?architecture de ma nouvelle grotte. A gauche de la porte, un rideau ( sensé être blanc à l ?origine ) en plastique à moitié déchiré cachant de toilettes sales. A coté de ces toilettes, un lavabo avec seulement de l ?eau froide, que l ?on obtient en appuyant sur un bouton. Il n ?y a pas de robinets qui coule à durée illimitée en prison pour éviter que l ?on s ?amuse à inonder sa cellule. En face de ce lavabo recouvert de calcaire, collé contre le mur, un lit orné d ?une couverture marron qui pique et de deux draps blancs propres pliés. A droite du lit, une table en bois et un tabouret en plastique à moitié brûlé. Au fond de la cellule, une armoire avec deux étagères. Une odeur affreuse en ressort. Et enfin, le même type de fenêtre munie de barreaux blindés que dans ma cellule précédente.

 

On m ?appelle à la fenêtre.

 

« 

- Hééé Olivier ?

- Ouais ouais c ?est qui là ?

- C ?est Kalidou, on a vu ce qu ?il s ?est passé, avec ces fils de pute.

- Ok ok.

- T ?es un bon Olivier, ya plus d ?une tapette ici qui se serai laissai faire !

- Ces bâtards ils m ?ont mis dans la cellule d ?un gitan.

- Héé Olivier ! tu viens en promenade ce matin ?

- Ouais ouais.

- Ok ok, on va parler tous les deux.

- Si tu veux. »

 

Je retourne dans ma cellule. Il faut vraiment que je fasse de Kalidou un ami, il est très respecté ici et ils ont tous peur de lui.

 

La matinée se passe normalement, mais différemment grâce à la télé. Je me suis abruti devant les clips de M6.

 

L ??illet bascule, un surveillant entre.

« 

- Bonjour Soz tiens, t ?es là maintenant ?

- Ouais..

- Ok, promenade ?

- Ok. »

 

Je mets discrètement une fourchette dans la doublure de mon blouson en cuir, je n ?ai pas oublié Walid.
Je sors de ma cellule et tombe directement sur Kalidou, tant mieux. Walid est dans la masse des détenus, il ne me regarde même pas.
Nous arrivons en promenade, Kalidou m ?invite à marcher avec lui pour discuter. Je mets ma main dans ma poche et tiens de toute ma force cette fourchette que j ?utiliserai dans le cas où Walid chercherais à m ?attaquer.

 

« 

- Alors Olivier, ça s ?passe ?

- On est en prison, ça passe, mais pas vite, j ?essaye de survivre.

- T ?inquiète pour Walid, tant que t ?es avec moi il n ?osera même pas t ?approcher.

- Je n ?ai pas peur.

- Ok ok, ouais je voulais te parler d ?un truc, t ?es au courant qu ?il y a un arrivant qui vient ce soir ?

- Ouais, il prends ma cellule..

- Ok, donc justement, tu n ?as pas de fringues en ce moment ?

- Non, j ?ai pas encore eu de parloirs, donc j ?ai les mêmes habits que lorsque je suis tombé.

- Ouais je sais et bien à la première promenade qu ?on fera avec l ?arrivant, on lui prendra ses affaires ok ?

Si je veux m ?intégrer, il faut que je fasse la racaille, si je ne veux pas être une victime, il faut que je sois une racaille.

- Ok

- Ca roule gros. »

 

Nous continuons de marcher dans cette cour, tout en discutant. Il m ?explique comment fonctionne le démarreur d ?une voiture, comment réussir un braquage, les endroits à Paris où l ?on peut maquiller une voiture, etc.. Je fais mine d ?être intéressé par ce qu ?il me dit, et je fais semblant de connaître déjà plus ou moins ce qu ?il me raconte. En réalité, je suis surtout choqué qu ?un gars de 17 ans s ?y connaisse si bien en délinquance professionnelle..

« 
- Et dis moi Kalidou, quand tu sortiras, tu recommenceras tous ces business ?

- Tu sais, j ?ai 17 ans et j ?ai déjà connu toutes les prisons d ?Ile de France. Lorsque je sortirai, j ?arrêterai tout, et toi ?

- Moi aussi j ?arrêterai. »

Il faut surtout noter que je n ?ai jamais réellement commencé à être un délinquant, j ?ai fait une seule ( grosse ) bêtise. Mais je sens que par obligation, ma carrière de délinquant débute ici.