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9 Atelier 4 Images et pédagogie

L’atelier « En un mot »
Animation : Mme Delaporte (directrice de l’UPR de Paris)
Pascal Rémond, Jean-Michel Piet (enseignants à la Maison d’arrêt d’Orléans)

Présentation de l’outil « En un mot »
son historique

Afin d’éviter tout discours supplémentaire, je vous propose de découvrir ce support à partir de la diffusion d’une courte séquence (trois minutes environ), d’un film (de 30 minutes) réalisé en 1996 par le Cnefases de Beaumont sur Oise sur l’enseignement en prison : « Temps de peine/temps d’apprendre ».
Ce film a été tourné à la Maison d’arrêt d’Orléans et une séquence montre justement une utilisation de l’outil « En un mot » avec un groupe de mineurs. Vous remarquerez l’exploitation orale assez spontanée des jeunes, malgré la présence de l’équipe de tournage du film. Un des premiers attraits de « En un mot » c’est cette fonction de déclencheur de l’oralisation. Le scénario utilisé dans cette séquence se nomme : « Le bruit de la mer ».
C’est un des 35 courts scénarii (environ cinq à six minutes) réalisés, il y a 10 ans par des metteurs en scène connus (Salfati, Rouffio, Vigne, Heynemen, Nadine Trintignant).
Le producteur, J.-P. Dupuy, avait demandé à Fred, auteur de la bande dessinée « Philémon » d’écrire 35 scénarii à partir de mots regroupés dans sept champs lexicaux : les mots du ciel, de l’argent, de la musique, de la peinture, de la mer, du temps, du voyage.
Ces films ont été diffusés sur Antenne 2. Ce projet avait reçu le concours financier du ministère du travail de l’emploi et de la formation professionnelle. Rien ne le destinait au départ à un usage pédagogique. Toutefois ce potentiel est remarqué et le service de l’administration pénitentiaire propose à quelques sites scolaires, dont celui de la maison d’arrêt d’Orléans de l’expérimenter.
À cette époque, Pascal Rémond, mon collègue, mettait en place un atelier vidéo. Ces deux supports périphériques à l’enseignement sont toujours utilisés à la maison d’arrêt d’Orléans, et c’est sans doute pourquoi nous sommes ici ce soir.
Voici à présent un de ces films en entier réalisé ici par Pierre Henri Salfati : « le gros billet ».
Ce film, vous l’avez deviné est extrait du champ lexical « l’argent » ; il illustre le mot « faussaire » un des cinq mots imposés par le producteur à Fred (billet, riche, tirelire, or).
Les sept séries de films sont des contes assez amusants : il y a toujours un moment où cela bascule dans l’imaginaire, le fantastique, le satirique ou le côté complètement absurde.
Outre les cassettes, nous disposons des scénarii écrits : ce sont des textes très courts de deux à trois pages pas plus, lisibles pour des publics en difficulté de lecture. C’est en cela que réside le second intérêt pédagogique de cet outil.
Avant d’en arriver au développement pédagogique qui constituera le second temps de mon exposé, nous tenons Pascal et moi même à préciser que notre enseignement ne repose en rien sur une utilisation systématique de ces outils. Ils ne sont qu’un moyen d’aborder certains groupes de mineurs notamment, récalcitrants, a priori à tout ce qui ressemble à une « classe traditionnelle ».
Ces deux outils (en un mot et l’atelier vidéo) présentent d’indéniables intérêts pédagogiques. Leur utilisation répond à des objectifs précis qui n’ont rien de récréatifs.

Intérêts et objectifs pédagogiques d’« en un mot » ;
un exemple d’utilisation

Souvent sans diplômes et/ou sans en situation d’illettrisme, notre public prioritaire (jeunes détenus ou adultes en difficulté) présente des dysfonctionnements importants :
- trouble du langage oral et écrit,
- difficultés à symboliser, à généraliser, à se détacher du contexte immédiat.
Leurs difficultés scolaires antérieures engendrent souvent des résistances,
voire des oppositions à l’égard d’une scolarisation classique.
À Orléans je travaille sur « en un mot » avec un groupe de mineurs, un groupe de CFG, un groupe de FLE. Il y a depuis peu un afflux de gens de l’est (des bulgares notamment) : faire du FLE avec cet outil n’est a priori pas facile, mais si l’un d’entre eux parle le français et nous sert de médiateur, l’outil est alors abordable.
L’image demande moins de connaissances de base que le mot écrit, elle entraîne la mise en place automatique de représentations qu’il s’agit d’organiser en un système de compréhension.
Le rôle du pédagogue est celui d’un médiateur qui permet d’optimiser la prise d’informations, d’expliquer le processus de signification et de garantir une plus grande réflexivité.
L’outil « en un mot » favorise :
- l’expression orale et écrite des représentations par
- l’étude simultanée de textes et d’images ;
- la lecture-loisir et enrichit le vocabulaire par un travail sur la recherche du sens :
- l’observation et l’analyse (codes comportementaux, codes vestimentaires...) ;
- développe l’imagination et la créativité ;
- un regard critique sur la télévision (fiction, techniques cinématographiques...).
Je voudrais insister sur un point : quand on travaille la lecture avec des adultes, on axe souvent le travail sur la lecture fonctionnelle, sur les notices, les plans, sur tous ces écrits incontournables ont ils auront besoin pour leur sortie. Dans tout cela on oublie souvent la lecture-loisir, celle des romans, des journaux, et les élèves la contournent allégrement. Ils veulent bien nous demander un conseil pour lire une facture d’eau, une lettre qu’ils ont reçue, celle d’un avocat que l’on a du mal nous même à comprendre parfois, mais pour le reste, ils abandonnent.
Par le biais de cet outil, je crois que lorsqu’ils lisent le texte du scénario avant de voir le film, lorsqu’ils savent qu’après la lecture, ils verront le film, ils rentrent dans un processus intéressant de lecture-plaisir, où l’on se représente, on se fait son cinéma tout seul. Je trouve intéressante la réflexion de ce mineur dans le film « temps de peine/temps d’apprendre » : « chacun a sa façon d’imaginer, de se représenter l’histoire ». On est bien là dans le domaine de la représentation, et les discussions, le partage qu’il peut y avoir ensuite dans le groupe se fait justement sur la tolérance de l’avis de l’autre.
Le film « le bruit de la mer » en particulier est très chargé dans ce sens. Le phénomène de l’exclusion y est abordé, l’échange et la réflexion portent souvent sur ce thème.
Revenons à l’outil. Dans la première version de « En un mot » les scénarios contenaient les photos du film et c’est justement ce que je ne voulais pas, je voulais qu’en lisant, il n’y ait pas la suggestion par les photos, que la lecture stimule l’imagination, le plaisir de la lecture. J’ai donc très vite mis des caches sur ces photos.
Voilà maintenant une façon de travailler pour provoquer l’écrit à partir d’un autre film tiré des mots de la musique.
Je ne vous donne pas le titre de suite pour ne pas dévoiler la chute. On y retrouve toujours l’esprit de Fred, ce basculement qui quitte la réalité, pour plonger dans le conte. Voici le scénario (Annexe I), je vous demande de jouer le jeu, je ne distribue en général que les deux premières pages.
Le film projeté s’appelle Le duel.
Je me suis approprié cet outil. J’en ai fait ce que j’en ai voulu en construisant mes propres exercices.

Présentation de l’outil « LIR » et de quelques exercices
Qu’en est-il à présent du second outil LIR (Lecture Image Ressources) qui découle directement d’« en un mot » ?
Seuls 14 films ont été retenus pour servir les objectifs modulaires suivants : se situer, analyser-expliciter, reconnaître-comprendre, réussir. La démarche et les exercices sont explicités, voire même imposés.
L’an dernier, Jean-Pierre Laurent a proposé d’expérimenter ce nouvel outil tiré de « en un mot ». Je vous avouerai que le mois de mai n’est pas une bonne période pour mettre quelque chose en route ; par contre une collègue vacataire qui intervenait en juillet, a utilisé le premier module, elle en a été satisfaite, mais elle ne connaissait pas du tout l’outil « en un mot ».
J’ai commencé à l’utiliser à la rentrée. J’y ai trouvé des inconvénients : le manque de liberté d’utilisation pour l’enseignant : les exercices sont imposés, on est dans l’impossibilité de visionner le film sans arrêts.
J’y ai trouvé des avantages aussi : les exercices proposés sont intéressants et sont créés avec des moyens que nous n’avons pas, en particulier pour le travail sur des photos issues du film. Je vous propose de découvrir cet outil, constitué de quatre modules.
Le premier module se compose de quatre films. Le premier de ces films, vous l’avez vu c’est « le gros billet » seul film que l’on peut voir sans interruption, sans exercices d’application, car il sert de support de présentation de l’outil.
Voici quelques exercices tirés des dix fiches, concernant le second film « les bricoleurs », on va le voir à « la méthode de LIR » et faire très rapidement certains exercices proposés. Normalement il y a douze fiches d’exercices. La première page du module nous propose des objectifs
mais aussi de travailler sur des compétences précises. Les exercices insistent souvent sur la concordance entre le texte et le film, sur le vocabulaire technique, la structuration du temps de l’espace, la place de la caméra, le plan de la pièce...
On a intérêt à voir le film plusieurs fois et à faire les exercices avant de proposer ce travail, car ce sont des activités complexes.
Il y a indéniablement des exercices très intéressants (Annexe II).

Quelques éléments de comparaison entre l’utilisation de ces deux supports
Le film « le bricoleur » s’inscrivait dans « en un mot » dans la série les mots du temps. Le mot « âge » imposé à Fred l’avait incité à écrire le scénario du bricoleur. Dans LIR on ne tient plus compte des champs lexicaux. Les films sont regroupés selon d’autres objectifs pédagogiques
Avec « en un mot » les films étaient plus libres d’exploitation par l’enseignant, du moins dans l’utilisation que nous en faisons à Orléans.
Dans LIR, les exercices doivent se réaliser dans un ordre précis et présupposent la maîtrise de la lecture.
Seul « En un mot » permet par exemple de travailler avec des FLE uniquement à partir de l’image et en pouvant ignorer l’écrit.
Sur les petits ou moyens sites pénitentiaires, comme Orléans, les groupes sont forcément hétérogènes et les non lecteurs sont regroupés avec des lecteurs. L’informatique permet de partager le groupe et de travailler avec un demi-groupe plus homogène sur ce support pendant que l’autre groupe travaille sur logiciel.
De même lorsqu’un nouveau groupe de mineurs se constitue par de nouvelles incarcérations, « en un mot » est un bon moyen de les aborder par l’image, sans connotations trop scolaires. L’image permet souvent de les accrocher à condition d’ignorer dans un premier temps l’écrit. Viendront ensuite la lecture, l’écriture, préalables à toute réalisation cinématographique. L’utilisation de l’outil dans sa découverte technique cinématographique suscite très souvent l’envie de faire un film. Je les dirige alors vers l’atelier de Pascal en leur précisant qu’ils ne pourront contourner l’écrit.
LIR est beaucoup plus axé sur cette découverte technique cinématographique et permet en ce sens de préparer les élèves à l’acquisition de la technique d’écriture d’un scénario.
Nous entrons alors plus particulièrement dans le domaine de compétences de Pascal Rémond, mon collègue à qui je passe la parole.

Genèse de l’atelier vidéo à Orléans
Dès 1986, avec le câblage de la Maison d’arrêt d’Orléans, nous proposions de réaliser une installation qui permettait d’émettre dans chaque cellule. L’atelier vidéo était en gestation car c’est lui qui devait gérer ce canal interne. J’ai alors demandé que la source de l’émission soit dans une classe ou à proximité. Je m’assurais ainsi que l’activité vidéo et l’enseignement soient un peu liés.
De 1989 à 1990, l’atelier vidéo prend forme. L’association socioculturelle achète une caméra huit millimètres, un pied et une télévision qui servira de moniteur. Un étudiant de l’Institut d’arts visuels d’Orléans vient animer cet atelier vidéo. Il réalise alors avec un groupe de détenus la première réalisation. : « L’arrivant » : un film d’une vingtaine de minutes destiné aux arrivants.
L’atelier s’enrichit à cette époque d’un ordinateur : « Amiga 2000 » qui a permis de découvrir l’infographie. L’atelier vidéo fonctionne depuis selon deux directions : infographie et réalisation.
Les détenus participent aux deux directions ou se spécialisent dans un seul domaine selon leurs désirs et leurs prédispositions.
L’infographie nous a permis de mettre en place une sorte de journal vidéo écrit diffusé sue le canal interne alors nommé « Canal 10 » car attribué à la dixième chaîne. Ce journal se présentait alors comme une forme de télétexte. Cette partie du journal s’est fortement développée sous l’impulsion d’un chef d’établissement qui voyait là un formidable outil de communication interne.
L’établissement s’est d’ailleurs investi dans la modernisation du matériel en équipant l’atelier d’appareils au format HI8 (format qui sépare les signaux de luminance et de chrominance pour une meilleure qualité d’image).

Orientations de l’atelier vidéo et réalisations
L’atelier vidéo suit donc deux grands axes : celui de la gestion du canal interne et celui de la réalisation de documents vidéo.
Concernant la gestion du canal interne :
- les diffusions du journal se font deux fois par jour entre 12 et 14 heures et après 17 heures. Elles concernent essentiellement des informations pratiques liées à la prison : spectacles, appel de candidatures pour les stages, examen du code de la route, envoi de fleurs à l’occasion des fêtes et surtout le prix des cantines ;
- de nombreuses interviews ont pu être réalisées : celles du chef d’établissement, du juge d’application des peines, de l’avocat, du juge d’instruction, mais aussi de l’évêque, du rabbin, du prêtre Guy Gilbert, du responsable du travail pénal des conseillers d’insertion et de probation.
L’autre axe de l’atelier vidéo, celui de la réalisation de documents vidéo a permis :
- d’initier les détenus à l’écriture audio visuelle. Au sein de l’atelier ils peuvent aborder toutes les phases de la réalisation d’un vidéogramme :
- écriture d’un scénario,
- scénarimage ou découpage technique,
- prise de vue,
- montage,
- infographie s’y rattachant.

Projection et discussion autour de deux films : une commande, un « produit maison »
Voici deux films de cinq à sept minutes.
Le premier est une commande de la direction régionale, l’implication pédagogique y est moins importante que dans le second.
Il concerne l’application des règles d’hygiène en restauration collective et présente la méthode HACCP. Ce film est destiné aux détenus qui travaillent à l’élaboration et à la distribution des repas.
C’est une production courte (sept minutes), d’un intérêt pédagogique différent puisqu’il s’agit d’une commande.
Projection du film « HACCP qu’est ce que c’est ? »
Il est important de remarquer les points suivants :
- c’est un travail de commande ;
- le scénario est imposé, le travail de création est donc moins important.
Il est nécessaire de beaucoup discuter avec ceux qui commandent le film car ils ne prennent pas toujours conscience de la faisabilité de certaines séquences.
On se trouve moins dans une situation pédagogique que dans une situation de réalisation professionnelle. En revanche, c’est une bonne mise à l’épreuve de nos compétences.
Le deuxième film a été réalisé pour l’Ucsa, il a pour but de présenter les actions de prévention qui ont été menées à la Maison d’arrêt d’Orléans.
Projection du second film « Prévenances »
Ce deuxième film est pour moi plus intéressant car nous avions carte blanche pour le réaliser, de l’écriture du scénario jusqu’à sa réalisation finale.
Le choix de présenter « prévenances » comme une bande-annonce est une idée des détenus qui ont travaillé à l’élaboration du scénario.
Chaque idée, chaque séquence, chaque plan du film a pu être discuté et choisi par le groupe : l’implication pédagogique est beaucoup plus forte que dans le film précédent.

Quand la vidéo devient un outil pédagogique
Voici à présent un travail sur l’écriture cinématographique avec un groupe de mineurs. La vidéo est un outil pour travailler sur la lecture d’images ou sur un décryptage plus poussé de l’écriture audiovisuelle. Les images ont leur code et le connaître permet de mieux le décrypter.
Sans faire un travail de sémiologue, il est très simple de montrer à l’aide d’exemples que le choix d’un cadrage, d’une perspective, d’une lumière, n’est pas le fait du hasard. Ce choix véhicule un contenu affectif ou intellectuel précis qu’il est facile d’analyse si on connaît les clefs du code.
L’image transmet un message incertain, elle est polysémique, elle peut prendre de multiples significations, les interprétations que l’on en fait dépendent du niveau socio culturel, de l’origine du destinataire de ces images.
C’est l’utilisation des grands principes de la photographie (angles de prise de vue, cadrage, composition) et du montage qui permettra d’infléchir la réalité vers des significations contrôlées à l’avance.
Connaître ces clefs pour la lecture d’images permet de mieux « consommer » les images et de ne plus les subir.
Dans cet esprit de mieux comprendre l’écriture cinématographique et le langage de l’image, je vais maintenant présenter un travail réalisé avec un groupe de mineurs.
Le travail vidéo avec un groupe de mineurs n’est pas systématique, et même plutôt rare. La vidéo est omni présente dans la classe, puisque l’atelier vidéo communique avec la classe et d’ailleurs, on ne peut accéder à la vidéo qu’en passant par la classe. Les détenus mineurs quand ils viennent en cours sont systématiquement attirés par tout ce matériel, certains se risquent même à demander s’ils peuvent faire un film. Je ne réponds jamais négativement, mais je précise que faire un film ne consiste pas seulement à mettre la caméra sur l’épaule pour filmer. J’explique alors qu’il y a un travail d’écriture avant de filmer et un travail de montage après avoir filmé. Généralement ces précisions suffisent à décourager la grande majorité des prétendants. Parfois certains sont malgré tout curieux de découvrir.
Je propose alors un travail simple ; réaliser une séquence d’une minute environ relatant un événement banal du quotidien. Voici le film réalisé par les détenus.
Certaines cellules des mineurs sont équipées d’un ordinateur. La salle de classe aussi. J’ai proposé de réaliser une séquence d’une minute environ relatant un événement banal du quotidien : le trajet d’un détenu de la cellule à la salle de classe. J’ai imposé le premier et le dernier plan : un détenu devant un ordinateur en cellule au début, le même détenu devant un ordinateur dans la classe à la fin.
Afin d’aborder le problème de l’ellipse spatio-temporelle, j’ai aussi imposé de contracter le temps (déplacement en temps réel d’une minute 30, déplacements dans le film d’une minute maximum).
Le plan de travail fut le suivant : élaboration du scénarimage (story-board), prises de vue, montage.
Chaque plan est représenté (dessin ou description) avec le plus de détails possibles : déplacement du personnage position de la caméra, échelle du plan, son.
Quand tout est écrit, on filme chaque plan en faisant plusieurs prises. C’est l’opération la plus délicate car il est difficile de se déplacer en détention avec une caméra et des mineurs.
Quand tous les plans sont filmés, il est nécessaire de faire du « dérushage » c’est-à-dire qu’il faut choisir le meilleur plan quand il y a eu plusieurs prises d’un même plan.
Pour la première projection on a assemblé chaque plan bout à bout. On remarque alors que cela n’a pas de sens, on ne comprend pas, la séquence n’a pas la fluidité qu’on peut remarquer au cinéma ou à la télévision.
Très vite les élèves comprennent que le problème vient de la liaison entre chaque plan.
Je reprends la lecture plan par plan et demande à quel endroit il est nécessaire de couper. Les avis sont toujours partagés et un débat s’instaure, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.
Deuxième projection. On peut envisager de mettre du son (cela permet d’aborder le problème du montage vertical). Tous ces jeunes consomment beaucoup d’images. Ils les subissent plus qu’ils ne les analysent. Ils savent cependant reconnaître quand c’est bien, il est donc facile de les sensibiliser sur la notion de ; « essayons de faire mieux » ou « que proposez-vous pour améliorer cette séquence (musique, générique, etc.) ? ».
Dernière projection. On peut ensuite proposer de faire évoluer cette séquence en ajoutant des gros plans ou des plans de coupe. Ces éléments enrichissent la narration et donnent plus de sens l’histoire. Ainsi, les gros plans de l’ordinateur n’existaient pas au départ, le plan de la cellule te la phrase « Les vrais criminels sont-ils punis ? » non plus. Tous ces plans ont été rajoutés.
On pourrait en ajouter d’autres pour enrichir le document.
Dans la dernière version, les jeunes ont voulu mettre un titre. Ils se sont aperçu qu’il fallait travailler sur la musique parce que certains passages musicaux sont mieux adaptés à certaines séquences que d’autres. Ils ont ensuite choisi le caractère, la police, la couleur et le mode de défilement pour le générique.
Ce genre de travail est désormais assez facile à réaliser grâce à l’apport du « tout numérique ». Il suffit d’un ordinateur muni d’une carte d’acquisition vidéo et d’un logiciel de montage pour réaliser ce genre de séquence.
Au préalable, deux cours ont été nécessaires pour aborder la terminologie spécifique au cinéma :
- mouvement de caméra (plan fixe, panoramique, plongée, contre- plongée, etc.)
- échelle des plans (plan d’ensemble, plan demi-ensemble, plan moyen, etc.).
Bien que techniquement assez simple, ce genre de réalisation nécessite un investissement personnel important. Pour une minute de vidéo, il faut environ huit heures de travail. De plus, les déplacements en détention sont souvent difficiles à gérer. En contrepartie, ce travail ouvre en contrepartie des voies pédagogiques intéressantes.

Jean-Michel Piet
Travailler sur le montage du film est important car il permet aux élèves de comprendre le sens du mot fiction. Quand ils regardent un film, on ne sait pas ce qui se passe dans leur tête : ils prennent souvent tout au premier degré et pensent que certains héros peuvent réellement exister et qu’un passage à l’acte, c’est facile, naturel.
Quand on fait le film pour les arrivants, un surveillant a avoué qu’il ne pouvait plus, lui aussi regarder la télévision le cinéma de la même façon parce qu’il devinait les découpages, il savait que le cadrage excluait ce que l’on ne voulait pas montrer.
Même si le film se dit informatif c’est quand même une fiction parce que l’on n’a pas le droit de tout filmer et le surveillant s’était rendu compte du comment on pouvait se faire abuser. Un des principes sous jacent à l’utilisation de ce genre de matériel, c’est d’amener le spectateur et le jeune en particulier à se poser de questions sur tout ce qu’il voit, à avoir un sens critique.
Il faut quand même dire que Pascal a une maîtrise de cinéma.
Pascal Rémond  : La maîtrise de cinéma n’apporte pas la technique.
Ce que j’ai fait moi cela s’appelle plutôt maîtrise d’animation culturelle.
Ce qui est intéressant dans ce travail de l’atelier vidéo, c’est aussi tout ce qui se passe sur le canal interne. Dans mon emploi du temps, je consacre une heure et demie par à la vidéo le samedi matin.
Pour faire un film on y passe beaucoup de temps, mais moi j’y passe beaucoup de temps aussi, c’est sûr qu’il faut s’investir. L’atelier vidéo permet de faire des films qui s’ils avaient été commandés comme le HCCP auraient coûté cher. En échange ce que je demande au niveau de l’institution c’est qu’elle rende possible un investissement régulier dans le suivi du matériel pour qu’il soit performant et ne devienne pas obsolète.

Annexe I
Début du scénario du film « L’épreuve » de la série « En un mot »

Annexe II
Exercices extraits de la méthode « LIR »

Annexe III
Exercices extraits de la méthode « LIR »

 
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