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La famille à l’épreuve de la prison

Publié le jeudi 17 juin 2004 | http://prison.rezo.net/la-famille-a-l-epreuve-de-la/

 Numéro 511, 9 décembre 1999
La famille à l’épreuve de la prison
http://www.lien-social.com/archives/dossiers1999/511a512/511-4.htm

À l’occasion du dixième anniversaire de la ratification de la convention internationale des droits de l’enfant, la Fédération des relais enfants parents organisait, le 29 novembre dernier au Sénat, une journée d’échanges et de confrontations d’expériences « autour des questions suscitées par la continuité des liens familiaux dès lors qu’ils sont ébranlés par une procédure ou une sanction pénale »
Au 1er janvier 1999, le nombre d’hommes détenus en France était de 50 932, le nombre de femmes détenues, à la même date, de 2029, le total concernant entre 80 et 100 000 enfants. Mais il y a également un très fort accroissement du nombre des mineurs incarcérés car - les chiffres sont d’Élisabeth Guigou, Garde des sceaux - 692 mineurs étaient en prison au début de l’année, contre 975 exactement six mois plus tard.

Œuvrant depuis une quinzaine d’années pour le maintien des relations entre l’enfant et son parent incarcéré, la Fédération des relais enfants parents [1] a toutefois choisi de donner un double éclairage à sa journée d’études : d’une part un propos centré sur les relations de l’enfant avec un parent incarcéré, d’autre part un propos sur les relations entre un enfant délinquant et incarcéré avec son ou ses parents. Se voulant « permettre une approche globale et syncrétique de la fonction parentale », ce pont entendait approfondir les questions suivantes : à quoi sert un parent ? Comment être parent dès lors que l’éducation de l’enfant n’est pas, au quotidien, assumée ? Quels sont les prérogatives et les apports spécifiques du parent dans l’éducation de son enfant ? Peut-on rendre le parent responsable de la déviance de son enfant ? Les deux thématiques choisies - incarcération d’un parent, incarcération d’un jeune délinquant - ont donc été présentées du point de vue de l’enfant, et de celui de son (ses) parent (s).

Ouvrant le colloque, la ministre de la Justice a rappelé qu’il était de l’intérêt même de la société de maintenir les liens familiaux, de créer véritablement des unités de vie familiale (UVF), de repenser l’accueil des enfants de moins de dix-huit mois avec leur mère en détention, et celui des plus grands lorsqu’ils viennent visiter leur parent incarcéré. Un programme 4000 est ainsi en cours de réalisation en vue de la création de six nouveaux établissements, qui chacun intégreront des parloirs adaptés aux jeunes enfants ; de même, 128 emplois supplémentaires de surveillant pour les mineurs délinquants, a-t-elle annoncé, seront débloqués avec le prochain budget ; à terme, c’est-à-dire « d’ici un an, un an et demie », les quartiers pour mineurs ne devront pas excéder quinze ou vingt places ; des groupes de paroles destinés aux parents concernés par la délinquance et/ou l’incarcération de leur enfant seront, d’autre part, mis en place ; des lieux d’accueil des familles seront envisagés, comme à Fleury-Mérogis.

Les professionnels - juges (des enfants ou d’application des peines), psychologues et psychiatres - ont rappelé l’importance de cette séparation non choisie : prévenir l’enfant de ce qui lui arrive, travailler avec le parent incarcéré, parler de ses parents à l’enfant, même très jeune, pendant la séparation, s’interdire tout jugement sur la transgression des parents, maintenir, coûte que coûte, le lien familial ; des idées ont été émises, tel l’envoi des bulletins scolaires au parent détenu... Il a été souligné à quel point les transferts pour désencombrement d’établissement pénitentiaire pouvaient malmener les droits familiaux. La prison déshumanise, déresponsabilise, et l’incarcération érode les capacités parentales, d’où l’importance du travail du réseau organisateur de cette journée.

Mais jusqu’où aller dans le maintien des liens familiaux en cas de maltraitance ou d’abus ? Quelle frontière entre la prise en compte des droits de l’enfant et son « intérêt supérieur », comme dit la loi ? Peut-on concevoir une thérapie familiale en UVF ? Etc.

Un petit film a été projeté, dans lequel est évoquée la question la plus récurrente « Quand est-ce que tu rentres ? », mais aussi la difficulté de répondre, le cas échéant, « dans dix ans »... De même, le psychiatre Bernard This lira une lettre chargée d’émotion dans laquelle un père incarcéré au septième mois de grossesse de sa femme lui raconte comment son enfant l’a « reconnu » lors de sa première permission de sortie.

Il s’agit bien là de différencier la séparation de l’abandon... Accompagnements d’enfants au parloir, création d’espaces-enfants en détention, ateliers d’expression, permanences éducatives, hébergement mère-enfant, etc. : l’action du relais enfants parents « contribue à enrichir les dispositifs d’action sociale les mieux adaptés aux mutations de la famille », et « le soutien de ces enfants passe par l’aide à la parentalité dans une société où certaines familles sont de plus en plus fragilisées ». Pionniers en la matière, les cinquante professionnels de l’enfance - aidés par 400 volontaires - du Relais pourraient à bon droit, dans les mois qui viennent, se voir confortés dans leur action.

Joël Plantet

Tél. 01 46 56 79 40. La fédération rassemble des relais dans dix régions françaises, et un en Belgique. Elle propose par ailleurs sept sessions de formation pour l’an prochain.

[1] relais enfants parents - 46, rue Charles Floquet - BP 38 - 92122 Montrouge cedex