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Comptes et mécomptes en matière pénale au 1er janvier 2004

COMPTES ET MECOMPTES EN MATIERE PENALE...

Lu dans le quotidien "Le Monde", daté du 30-31 mai 2004, sous la signature de Mme Claire BRISSET, "défenseure des enfants", dans un point de vue titré "Pitié pour les enfants d’Outreau" :
"[...]La fréquence des violences et des crimes sexuels est telle qu’à l’heure actuelle, en France, près de la moitié des détenus sont incarcérés pour des faits de cette nature [...]".

Sans en entrer dans la question fort complexe des relations entre la fréquence des délits et des crimes commis, d’une part, et l’état de la population carcérale, d’autre part, rappelons les derniers chiffres publiés par l’administration pénitentiaire à ce sujet. Elles portent seulement sur les détenus ayant fait l’objet d’une condamnation définitive (63 % de la population sous écrou) :

Détenus condamnés / situation au 1er janvier 2004 (métropole)

Viols et autres agressions sexuelles : 21,4 %
Coups et blessures volontaires....... : 16,9 %
Trafic de stupéfiants....................... : 14,1 %
Vol qualifié..................................... : 9,4 %
Homicides...................................... : 9,3 %
Vol simple...................................... : 9,0 %
Escroquerie, abus de conf., recel..... : 6,6 %
Homicides et blessures involontaires. : 5,5 %
Infractions police des étrangers......... : 2,0 %
Autres.............................................. : 5,8 %

Le poids des mots...

S’il faut comprendre "violences [sexuelles] et crimes sexuels", Mme Brisset a vu double : 21 % et non "près de la moitié". 
S’il faut comprendre "violences volontaires [sexuelles ou non] et crimes sexuels" alors Mme Brisset a raison (48 %).

Si l’on se réfère à la notion d’atteintes aux personnes, volontaires ou pas (en incluant le "trafic de stupéfiants"), on atteint même 67 %, soit 2/3 des détenus condamnés.
Vous admettrez, avec moi, que dans le contexte du Procès d’Outreau, la phrase de Mme Brisset est ambigue !

La même formule est, d’ailleurs, reprise, dans le même texte, à propos de l’affirmation suivante : "70 % des affaires d’enfants victimes de violence ou de crimes sexuels échappent à la correctionnelle ou aux asssises". Dommage que ce nombre de 70 % ne soit pas accompagné de sa source, et d’une indication sur la méthode utilisée pour l’obtenir !

Claire Brisset reprend le même chiffre, mais avec d’autres mots, dans le Journal du Dimanche daté du 30 mai : "[..] Plus de 70 % des plaintes pour viols de mineurs ne font l’objet d’aucune sanction pénale [...]".

"violence ou crimes sexuels" signifierait donc, dans l’esprit de notre auteur(e) "viols". Retour à la case prison : Mme Brisset aurait donc bien vu double !

Pierre Tournier
AFC Association Française de Criminologie