Saisine no 2002-34
AVIS et RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité à la suite de sa saisine, le 13 décembre 2003, par M. Michel Dreyfus-Schmidt, sénateur du Territoire de Belfort.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le
13 décembre 2002 par M. Michel Dreyfus-Schmidt, sénateur du Territoire de Belfort, suite au décès de deux mineurs détenus au quartier des mineurs à la maison d’arrêt de Lyon Saint-Paul.
La Commission a demandé les pièces du dossier au parquet du tribunal de grande instance de Lyon et le rapport d’enquête au garde des Sceaux. Elle a procédé à l’audition du directeur des prisons de Lyon.
- LES FAITS
Le 26 avril 2002, M. G., né le 29 novembre 1984, et M. B., né le 13 avril 1985, qui occupaient une même cellule au quartier des mineurs de la prison Saint-Paul à Lyon, mirent le feu à leurs deux matelas qu’ils avaient dressés contre la porte. Sous l’effet de la chaleur, celle-ci se déforma et ne put être ouverte rapidement de telle sorte que les deux détenus ne purent être sauvés.
À plusieurs reprises, M. G avait demandé à changer de cellule, non en raison d’une mésentente avec son codétenu, mais, semble-t-il, parce qu’il voulait être au premier étage avec d’autres mineurs qu’il connaissait.
À deux reprises, et notamment le matin du 26 avril, il avait indiqué qu’il mettrait le feu à sa cellule s’il n’obtenait pas satisfaction. Il résulte des mentions d’un procès-verbal de police que M. G. avait fait l’objet de procédures en octobre 1999 et décembre 2000 pour des incendies volontaires.
Le changement avait été refusé pour ne pas créer un phénomène de clan au premier étage et parce qu’il y avait alors vingt-huit mineurs dans quatorze cellules ce qui aurait impliqué plusieurs mutations.
- AVIS
1. Selon l’expert judiciaire, les matelas, très certainement en mousse de polyuréthane, se sont rapidement enflammés en s’écoulant, bloquant toute possibilité d’échappatoire. Cette mousse en brûlant dégage une petite quantité de gaz cyanhydrique associé à une grande quantité de monoxyde de carbone en raison du manque d’oxygène.
Selon le rapport de l’inspection de l’administration pénitentiaire, les matelas étaient conformes aux normes (moins de trois ans d’ancienneté, traitement ignifugé). Des matelas mieux protégés mais plus chers sont utilisés dans les cellules du quartier disciplinaire, d’après le directeur de l’établissement.
Les mineurs peuvent obtenir en cantine cigarettes et allumettes.
2. Ce n’est que lors de son audition par la Commission que le directeur a appris que M. G. avait des antécédents en matière d’incendie volontaire.
Les chantages pour obtenir un changement de cellule seraient fréquents, portant notamment sur l’annonce d’un suicide ou de violences exercées contre un codétenu.
Se pose une nouvelle fois le problème de la qualité des informations dont dispose le personnel pour apprécier exactement une situation que ce soit sur le plan psychiatrique, psychologique ou des antécédents.
- RECOMMANDATIONS
1) Des études pourraient être faites pour rechercher des matelas présentant de meilleures garanties contre le feu, étant observé qu’aux prisons de Lyon, il y a eu sept incendies de cellule en 2000, huit en 2001 et trois du 1er janvier au 26 avril 2002 dont respectivement deux, quatre et deux au quartier des mineurs.
2) Le personnel pénitentiaire remplit une lourde tâche dans le but d’adapter ses réponses aux situations individuelles dans l’intérêt des détenus mais aussi de la sécurité. Il doit disposer d’un maximum d’informations sur la personnalité des détenus, issues des dossiers judiciaires et de l’avis de spécialistes, ainsi qu’au moyen d’entretiens individuels comme l’a prévu le garde des Sceaux dans sa réponse à la Commission nationale de déontologie de la sécurité (courrier du 8 août 2003 - saisine 2002-25).
La Commission regrette une nouvelle fois de n’être pas suivie lorsqu’elle recommande que soit créé un véritable dossier pénitentiaire allant au-delà de ce que prévoient les textes actuels. Ce dossier pourrait être constitué par la fiche annexée au mandat de dépôt lors de l’incarcération et éventuellement par une expertise médicale demandée par le directeur de l’établissement à un expert judiciaire.
Adopté le 4 septembre 2003
Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis à M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, dont la réponse a été la suivante :