Publié le vendredi 17 décembre 2004 | http://prison.rezo.net/vasseur-veronique-medecin-chef-a/ Médecin-chef à la prison de la Santé Comment parler encore de ce témoignage sans tomber dans la paraphrase ? Le carnet de bord de Véronique Vasseur mérite cependant que l’on y revienne, car c’est ce « pavé dans la mare », qui a relancé en janvier 2000 le débat sur la difficile condition carcérale et les violations quotidiennes des droits fondamentaux perpétrées derrière les barreaux des prisons françaises. Mais combien de temps va durer cet émoi considérable ? Les associations ne risquent-elles pas une nouvelle fois de se retrouver vite de nouveau seules dans ce combat ? C’est pour ces raisons qu’il convient de parler de nouveau ici du récit de la responsable, depuis 1993, de l’unité de consultations et de soins ambulatoires de la prison de la Santé, l’une des plus anciennes de France, bâtie au coeur de Paris, à deux pas du siège de la LDH... Le docteur Vasseur a regroupé l’ensemble des notes et des souvenirs qu’il lui a été donné de rassembler au long de ses sept années d’exercice en milieu fermé. Petit essai sur les horreurs ordinaires d’une prison vétuste et inadaptée, son récit - parfois devenu heureusement obsolète, du fait des nombreux, bien qu’insuffisants, progrès réalisés - égrène les anecdotes comme autant d’expériences vécues, dénonçant ainsi l’innommable et l’insupportable, et relevant avec un sourire les quelques aspects heureux de cette vie de misère. La condition du détenu y est ainsi révélée dans toute sa crudité, ainsi que, par ce biais, celle des professionnels de santé agissant dans ce contexte extrême. Le lecteur ne peut rester indifférent, se révolte... Un témoignage discuté, surmédiatisé et dont les conséquences resteront mémorables ; en tant que tel, le livre du docteur Vasseur se doit d’être connu, car il est difficile d’imaginer de tels faits sur notre territoire, et parce que la mémoire doit sans cesse être ravivée, et la motivation à l’action toujours alimentée. L’auteur a plusieurs fois pris la parole depuis l’édition de son livre. Elle reconnaît les progrès apportés depuis 1994, mais maintient que la situation est encore déplorable - même si elle avoue s’être « attachée à cette vie professionnelle » dans un « endroit paradoxalement assez sympathique ». Ainsi est-on à cette lecture à la fois horrifié, révolté, et parfois amusé, l’auteur ayant en effet rapporté les événements qui l’ont le plus marquée. Un récit édifiant, en un mot, dont la morale pourrait être cette citation de Dostoïevski, faite en tête de chapitre : « Si avili qu’il soit, tout individu exige d’instinct le respect de sa dignité d’homme ». Mathieu BOIDE |