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Négligences en série avant un suicide

Publié le jeudi 21 octobre 2004 | http://prison.rezo.net/negligences-en-serie-avant-un/

Maison d’arrêt de Nice (06) :
Négligences en série avant un suicide

L’Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants :

Le 22 juillet 2004, un jeune détenu s’est suicidé à la maison d’arrêt de Nice (Alpes-Maritimes). Ce décès est survenu sans qu’aient été prises de dispositions de protection spécifiques, alors qu’il était signalé comme suicidaire et qu’il venait de s’automutiler.

Le jeudi 22 juillet, vers 13 heures 30, Monsieur A., âgé de 18 ans, est retrouvé pendu dans la cellule « arrivant » qu’il occupait seul. Il avait été écroué à Nice deux jours plus tôt, après que la mesure de semi-liberté dont il bénéficiait lui ait été retirée pour évasion. Dans la nuit du 21 au 22 juillet, Monsieur A. s’est ouvert les veines et a été soigné par un docteur de SOS médecin. Au matin, il a été conduit au service de médecine générale de la prison (UCSA). Le service médico-psychologique régional (SMPR) de la maison d’arrêt, joint par l’OIP, indique qu’il l’avait pour sa part reçu le mercredi 21 juillet et qu’il était prévu qu’il ferait l’objet d’un suivi psychologique quotidien. Le SMPR affirme ne pas avoir été informé le jeudi matin de son acte d’automutilation et qu’il s’apprête à « demander aux services pénitentiaires de revoir la chaîne de circulation de l’information ». De son côté, la direction de l’établissement relève que « de toute façon, ce détenu avait été vu par le SMPR en entretien arrivant et devait bénéficier d’autres consultations ». Par ailleurs,
elle remarque que « tous les actes d’automutilations n’entraînent pas de façon systématique un signalement rapide au SMPR », soulignant qu’en l’occurrence,
« la blessure était bénigne et que le détenu avait bien été soigné puis vu par le service médical ».

Outre cette automutilation qui aurait dû alerter les services pénitentiaires, les renseignements portés à son dossier administratif impliquait de leur part une vigilance accrue. Y figurait en effet la mention « ne pas mettre en cellule seul », transcrite à la maison d’arrêt de Grasse, où il était maintenu en détention jusqu’au 8 mars 2004, date de sa semi-liberté. En dépit de ce signalement explicite, le détenu était resté seul dans une cellule du quartier arrivant jusqu’à son décès. Sur ce point, la direction de la maison d’arrêt estime que cette recommandation « n’était plus d’actualité puisqu’elle s’arrêtait au 8 mars » et qu’ elle « ne savait pas du tout pourquoi il était demandé de ne pas placer seul ce détenu ». Par ailleurs, elle indique « que les textes prévoient l’encellulement individuel pour les jeunes de moins de 21 ans (article D.516 du Code de procédure pénale) ». Elle fait valoir, enfin, qu’elle s’est conformée à l’article D.89 du code de procédure pénale, qui proscrit le placement en cellule d’une personne de moins de 21 ans avec un co-détenu plus âgé. Aucun autre détenu du quartier arrivant n’étant âgé de moins de 21 ans le jour de son arrivée, monsieur A. a donc été placé seul dans ce quartier. Le SMPR souligne pourtant
« qu’à l’évidence la fiche pénale préconisait un placement en cellule double afin de prévenir un geste suicidaire » et que, depuis ce décès, il est envisagé avec les services pénitentiaires d’éviter de placer seul un jeune détenu fragile au quartier arrivant. L’établissement accueille une cinquantaine de détenus âgés de moins de vingt-et-un ans.

L’OIP rappelle que
- « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. » (art. L.1110-1 du Code de la santé publique).
- « la période l’accueil présente des risques élevés de suicide. Il apparaît en effet qu’une part non négligeable de ceux-ci sont survenus dans les 48 heures suivant l’écrou (...). Une vigilance particulière doit être accordée aux personnes dont la notice délivrée par l’autorité judiciaire (...) signale un tel risque. (...) La prise en charge individualisée et rapide des détenus auteurs d’actes auto-agressifs, quelle qu’en soit leur gravité est primordiale . En effet, une étude a démontré que (...) le taux d’automutilation a été 6 fois supérieur chez les détenus morts par suicide ». (Circulaire du 29 mai 1998 sur la prévention du suicide)
-« les détenus âgés de moins de vingt et un ans peuvent être placés en cellule avec d’autres détenus de leur âge soit pour motif médical, soit en raison de leur personnalité » (art. D.516 du Code de procédure pénale)
- la Cour européenne contrôle « si les autorités savaient ou auraient dû savoir qu’il y avait un risque réel et immédiat que [le détenu] ne se suicide, et, dans l’affirmative, si elles ont fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elle pour prévenir ce risque » (CEDH, Keenan c/ Royaume-Uni, 3 avril 2001)