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2 Population et méthodes

Publié le samedi 13 novembre 2004 | http://prison.rezo.net/2-population-et-methodes/

L’étude a été réalisée selon un protocole soumis et approuvé lors de l’appel d’offre de l’OFDT de 1999. Une étude de cohorte rétrospective a été mise en place à partir de la population des sortants de la maison d’arrêt de Fresnes [1](région parisienne).
Cet établissement est le premier ayant mis en place un Quartier Intermédiaire Sortant en 1992. La population carcérale de la maison d’arrêt de Fresnes était constituée de 2 220 détenus au 1er janvier 1998 dont 2 123 hommes (95,6 %) et 97 femmes (4,4 %) alors que sa capacité d’accueil est de 1 780 détenus, ce qui correspond à un établissement de taille importante. Entre le 1er avril 1998 et le 1er janvier 1999, 6 920 détenus ont été incarcérés dans cet établissement, dont 6 503 hommes (94 %) et 417 femmes (6 %).

2.1. Constitution de la cohorte
2.1.1. Critères d’inclusion
L’étude a été effectuée auprès des détenus libérés entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1997. L’année 1997 a été choisie car elle correspond à la première année de la mise en place des traitements de substitution en prison.
2.1.2. Critères d’exclusion
Les détenus transférés durant l’année 1997 de la prison de Fresnes à un autre établissement n’ont pas été inclus dans l’étude.
2.1.3. Identification des sujets inclus dans la cohorte
Les données permettant d’identifier les détenus ont été obtenues à partir des fiches d’écrou du greffe de la maison d’arrêt. Si le détenu avait plusieurs fiches d’écrou correspondant à plusieurs incarcérations et sorties, seule la dernière fiche d’écrou relative à la dernière incarcération a été prise en compte. Les informations sur les détenus disponibles sur les fiches d’écrou et recueillies pour l’étude étaient :
- le nom ;
- le prénom ;
- la date et le lieu de naissance ;
- le numéro d’écrou ;
- la date d’incarcération ;
- la date de libération.
Une liste des détenus libérés en 1997 a ainsi été constituée. Cette liste a été constituée à partir d’une recherche manuelle, les données n’étant pas informatisées au moment de l’enquête, c’est-à-dire durant le premier trimestre 2001. Un numéro identifiant aléatoire a été attribué à chaque détenu sur cette liste initiale.

À partir de cette liste initiale, deux sous-cohortes ont été distinguées selon que les sujets étaient nés en France et dans les DOM ou qu’ils étaient nés à l’étranger ou dans les TOM.
Ceci était nécessaire pour la recherche du statut vital et des causes de décès, les procédures n’étant pas tout à fait les mêmes selon que la personne est née en France ou à l’étranger.
Il n’a pas été possible d’accéder au fichier du ministère de la Justice permettant de connaître le nombre et les dates des réincarcérations pour les prisonniers dans d’autres établissements.

2.2. Procédures de recherche du statut vital et des causes de décès
2.2.1. Préparation des fichiers
Le service du greffe et des fiches pénales a préparé un fichier pour chaque sous-cohorte comportant les informations suivantes : n° identifiant, nom, prénoms, date et lieu de naissance et sexe. Ces fichiers ont été adressés à l’INSEE via l’INSERM à l’aide de disquettes protégées par mot de passe pour retrouver les personnes décédées ; une fois les personnes décédées identifiées, l’INSERM a complété les informations concernant les causes de décès.
2.2.2. Recueil de données sur le statut vital et les causes de décès
L’accès aux données relatives au décès des personnes inscrites au Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (RNIPP) dans le cadre des recherches dans le domaine de la santé est autorisé et effectué suivant le décret n° 98-37 du 16 janvier 1998.
La demande a été effectuée auprès de l’unité 472-CRI-IFR69 de l’INSERM et précédée par l’envoi d’une copie certifiée conforme de l’autorisation délivrée par la CNIL à l’INSERM U 472. Deux demandes séparées ont été effectuées :
- une pour les sortants nés en France et dans les DOM,
- une pour les sortants nés à l’étranger et dans les TOM.
Les fichiers contenaient les informations suivantes :
- un numéro d’enregistrement à 9 chiffres ;
- le numéro identifiant ;
- le nom patronymique ;
- le prénom ;
- la date de naissance ;
- le code lieu de naissance ;
- la commune de naissance ;
- DOM ou pays de naissance ;
- le sexe.
Cette liste a été préparée par le Greffe, saisie dans un fichier informatique et transmise à l’INSERM. L’INSERM a transmis les fichiers à l’INSEE par réseau télématique.
L’INSEE a complété le fichier concernant les informations relatives au statut vital extraites du RNIPP.
Les fichiers ont ensuite été transmis de l’INSEE à l’unité 472-CRI-IFR69 de l’INSERM par réseau télématique ; celle-ci a transmis au Service Commun 8 de l’INSERM le fichier rendu anonyme pour compléter les causes de décès.
Les causes de décès pour les sujets de la cohorte sont recherchées dans le fichier national des causes de décès (SC8-INSERM) par appariement sur le sexe, la date de naissance, la date de décès et le lieu de décès (département et commune). Le programme informatique utilisé prend en compte des divergences sur le jour de naissance ou le jour de décès mais pas sur les deux simultanément. Les données suivantes ont été transmises à l’ORS PACA :
- cause initiale (principale) du décès : maladie ou traumatisme étant à l’origine de la séquence des évènements morbides ayant entraîné la mort ;
- la cause immédiate du décès : maladie terminale, traumatisme ou complication ayant directement entraîné la mort ;
- causes associées : états morbides, facteurs ou états physiologiques ayant contribué au décès, mais sans être directement à l’origine de la cause initiale ;
- mois et année de décès et identifiant.
Les causes de décès étaient codées selon la Classification internationale des maladies 9 (CIM9).
Le statut vital a été recherché entre janvier 1997 et avril 2001 pour les sortants nés en France ou dans les DOM et juin 2001 pour ceux nés à l’étranger ou dans les TOM.
Les causes des décès identifiés ont été obtenues de l’INSERM pour la période 1997-1998, un délai de trois ans environ étant nécessaire pour constituer le fichier des causes de décès pour une année donnée.
Pour les décès de cause inconnue, une démarche a été entreprise par la MILDT auprès du Procureur de Paris pour obtenir l’autorisation que l’IML de Paris fournisse l’information sur les causes de décès pour les cas autopsiés dans son établissement.

2.3. Étude descriptive de la mortalité des sortants
2.3.1. Choix de la population de référence
Les Ratios Standardisés de Mortalité (SMR) concernant les sortants de prison ont été estimés pour les décès survenus dans l’année suivant la libération de chaque détenu.
Deux types de comparaisons ont été effectués : l’une avec la population générale et l’autre avec la catégorie des ouvriers-employés.
En effet, les caractéristiques sociodémographiques des détenus diffèrent de celles de la population générale. Une étude effectuée par l’INSEE sur 1 700 détenus en France, dans le cadre du recensement de la population en 1999 a montré que la majorité (61,6 %) des prisonniers appartient à la catégorie sociale des « ouvriers-employés » avant leur incarcération. Ce pourcentage est plus élevé que pour la population générale (47,7 %, tableau 1). Par ailleurs, la mortalité varie en fonction des caractéristiques sociodémographiques : les ouvriers et employés ont une mortalité plus importante que celle des autres catégories sociales actives (Jougla, 2000).

Ne disposant pas d’informations individuelles sur la catégorie socioprofessionnelle des détenus inclus dans la cohorte, il n’était pas possible de standardiser sur cette variable dans l’analyse. Deux populations de référence ont ainsi été retenues :
- la population générale, classe d’âges 15 - 84 ans,
- la catégorie « ouvriers-employés », classe d’âges 20-54 ans : pour les décès survenus au moment de la retraite, l’ancienne profession est souvent inconnue au niveau des certificats de décès ; il est ainsi préférable de se limiter à la classe d’âges 20-54 ans. Les catégories ouvriers et employés ont été regroupées car leurs espérances de vie sont similaires ; de plus, la déclaration des professions au moment du décès est imprécise et ces deux catégories sont parfois confondues lors de la déclaration à l’état civil.

Tableau 1 : Caractéristiques socioprofessionnelles d’un échantillon « France entière » de détenus avant leur incarcération (Kensey, 2000)
Métiers : Détenus (%) soit (%) de la Population générale
Artisans commerçants : 10,9 % soit 7,9 %
Ouvriers : 49,8 % soit 36,4 %
Employés : 11,8 % soit 11,3 %
Professions intermédiaires : 9,6 % soit 17,8 %
Agriculteurs : 0,9 % soit 4,4 %
Cadres supérieurs 3,3 % soit 13,2 %
Sans profession : 13,7 % soit 9,0 %

2.3.2 Analyse statistique
Des tests du chi-2 et des tests non paramétriques ont été utilisés dans la comparaison des différents groupes. Des SMR ont été calculés par la méthode de standardisation indirecte pour 3 classes d’âges (les 15-34, 35-54 et 54-84 ans), pour toutes les causes de décès confondues et pour chaque cause de décès séparément. Le degré de signification statistique et les intervalles de confiance ont été calculés en utilisant une loi de Poisson. Ces calculs ont été effectués à l’aide du logiciel STATA.

2.4. Étude cas-témoins dans la cohorte
Pour étudier les facteurs associés à la mortalité des sortants, le protocole initial prévoyait une étude cas-témoins dans la cohorte, les cas étant constitués par les décès observés dans celle-ci et les témoins étant les sujets non décédés.
2.4.1. Nombre de sujets nécessaires
Étant donné le peu d’études réalisées sur la mortalité suite à une incarcération, l’évaluation du nombre de décès attendus dans la population de l’étude était basée sur :
- les taux de mortalité de l’étude anglaise réalisée par Seaman [2] (10 % de décédés chez les toxicomanes durant l’année suivant la libération) ;
- la proportion de toxicomanes en milieu carcéral estimée à 22 % [3] ;
- le flux de sortants de la maison d’arrêt de Fresnes évalué à 6 000 personnes, dont 1 320 toxicomanes : ainsi il avait été estimé que parmi 1 320 détenus toxicomanes sortis de la maison d’arrêt de Fresnes au cours de la période comprise entre le 25 mai 1997 et le 25 mai 1998, 10 % seraient décédés durant l’année suivant leur libération.
- le taux de mortalité dans la population adulte, évalué en 1998 à 9,2 pour mille ; compte tenu des conditions de vie des détenus, l’hypothèse d’un taux de mortalité de 1 % parmi les détenus libérés non toxicomanes a été faite.
Au total, le nombre de ces décès dans la population de l’étude (toxicomane et non toxicomane) avait été estimé à 180. Il était ainsi prévu d’inclure 360 témoins sélectionnés au hasard parmi les sortants non-décédés en estimant à 20 % la prévalence de la toxico-dépendance dans la population sortante afin de mettre en évidence un odds ratio (OR) de 2 (avec une puissance de 0,8 et un risque de première espèce de 0,05).
Le nombre de décès observés étant plus faible (voir chapitre « Résultats »), le nombre de témoins par cas a été révisé. En faisant la même hypothèse concernant la prévalence de la toxicomanie parmi les détenus et en tenant compte du nombre de décès observés [4] (n=40 parmi les sujets nés en France), il serait possible de mettre en évidence un OR de l’ordre de 3 en prenant 10 témoins par cas (avec = 0,8 et = 0,05, test bilatéral).

[1] Une maison d’arrêt est un établissement recevant les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à un an

[2] SEAMAN (SR.), BRETTLE (RP.), GORE (SM.), Mortality from overdose among injecting drug users recently released from prison : database linkage study. Brit Med (J.), 316(7129):426-8, 1998 Feb 7

[3] Rotily (M.), Weilandt (C.), Dos Santos Pardal (M.), Hariga (F.), landolo (E.), Kall (K.), Munarirz (J.), avec le réseau européen de prévention de l’infection et des hépatites virales en milieu carcéral. Facteurs de risques liés à l’injection de drogues en milieu carcéral : une enquête européenne. Les délinquants usager de drogues en prison et après libération. p. 157-184, mars 2000

[4] Compte tenu du nombre relativement faible de décès observés pour réaliser une étude cas-témoins, le calcul de puissance a été effectué sur les 40 cas de décès survenus pendant la période 1997-1998. Ce calcul a été réalisé avant d’avoir obtenu l’information selon laquelle 15 des personnes décédées avaient été transférées à Fresnes pour raison médicale