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2004 08 Soins et traitements

Publié le mardi 21 décembre 2004 | http://prison.rezo.net/2004-08-soins-et-traitements/

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Le principe de l’équivalence
Les Directives de l’OMS sur le VIH et le sida dans les prisons, publiées en 1993, affirment comme principe général que les détenus ont droit, sans discrimination, à des soins de santé, y compris des mesures préventives, qui équivalent à ceux disponibles dans la communauté. La plupart des services de santé des prisons font de leur mieux pour fournir les meilleurs soins possibles aux détenus qui vivent avec le VIH/sida, qu’ils réfèrent souvent à des spécialistes de l’extérieur pour des soins et diagnostics spécifiques au VIH. Toutefois, des détenus rapportent qu’ils reçoivent des soins et traitements médicaux d’une qualité inférieure à ceux reçus dans la communauté ou dans un autre établissement de détention.

Autres préoccupations : une augmentation du nombre de détenus malades, le fait que les prisons ne soient pas outillées pour soigner les détenus dont l’état requiert des soins et traitements soutenus ou à long terme (y compris des soins palliatifs) et la difficulté d’accès aux thérapies alternatives.

Les traitements antirétroviraux
Sans traitement, la plupart des personnes séropositives au VIH développeront éventuellement des maladies associées à l’infection à VIH (morbidité) et décèderont (mortalité). La norme de traitement de l’infection à VIH inclut une combinaison de médicaments antirétroviraux, appelée thérapie antirétrovirale fortement active (HAART). Au Canada, les détenus vivant avec le VIH/sida se voient prescrire la HAART. Les régimes de ces traitements sont complexes - certains médicaments doivent être pris avec de la nourriture, d’autres à jeun, certains une fois par jour, d’autres deux fois, plusieurs d’entre eux à des heures précises et régulières de la journée, tous les jours. Le respect du régime prescrit pour ces médicaments est crucial au maintien d’une bonne santé. Plusieurs études ont montré qu’il faut prendre de 90% à 95% des doses tel que prescrit, pour parvenir à une suppression optimale du VIH dans l’organisme. Les interruptions de la HAART sans indication médicale peuvent avoir de graves conséquences sur la santé de l’individu et pour la santé publique.

Or il se produit des interruptions sans indication médicale (et sans le consentement du patient) de la HAART dans des prisons fédérales et provinciales. En plus des données épidémiologiques, des témoignages en font état. Des détenus affirment être laissés sans leurs médicaments antirétroviraux pendant plusieurs jours, ou ne pas recevoir les médicaments à l’heure prescrite, ou ne pas recevoir la dose prescrite. Des manquements au régime se produisent parce que des commandes de médicaments ont été omises, ou parce qu’un détenu est trop malade pour aller chercher ses médicaments à l’unité de santé, ou en cas de ségrégation ou d’isolement. Des détenus ont aussi rapporté avoir manqué des doses de leur HAART lors de l’arrestation, de l’incarcération, de comparutions devant des tribunaux, ou de transfèrement entre les systèmes provincial et fédéral, ou même d’un établissement à un autre du même système. Des détenus signalent avoir été remis en liberté sans qu’on leur donne une certaine réserve de médicaments (ou avec une réserve insuffisante pour avoir le temps de trouver un approvisionnement dans la communauté).

Un traitement adéquat contre la douleur
Des détenus vivant avec le VIH/sida affirment ne pas recevoir de médicaments appropriés contre la douleur. Dans plusieurs prisons, on est réticent à donner des narcotiques pour le contrôle de la douleur, à cause de la « philosophie » de tolérance-zéro du système carcéral à l’égard de la drogue. Le problème est aggravé par les attitudes envers les utilisateurs de drogue, qui requièrent habituellement des doses plus fortes de médicaments contre la douleur que les non-utilisateurs parce qu’ils ont développé une tolérance aux narcotiques (ce qui peut porter à croire que ces détenus réclament de plus fortes doses d’anti-douleur pour « se droguer », « planer » en prison). Or, en l’absence d’anti-douleur appropriés, des détenus peuvent se tourner vers les drogues illicites, et l’injection non sécuritaire, pour calmer leur souffrance.

Enquêtes de coroners
Bon nombre de ces manquements ont été mis en lumière en 1997, au cours de l’enquête sur le sort de Billy Bell, un détenu qui est décédé de causes liées au sida au pénitencier de Kingston. À l’enquête sur les circonstances de sa mort, une spécialiste de la clinique de VIH de l’Hôpital général de Kingston, la Dre Sally Ford, a témoigné de l’incapacité de la prison à offrir à Billy les soins de qualité que ses patients reçoivent à l’extérieur. La pharmacie de la prison manquait parfois d’AZT et Billy n’obtenait pas ses doses de ce médicament anti-VIH pendant plusieurs jours. Billy a aussi éprouvé des difficultés à obtenir des médicaments adéquats pour le contrôle de sa douleur.

Plusieurs des problèmes mis en relief par cette enquête ont été déplorés à nouveau dans une autre enquête de coroner, à Kingston au début de 2001, quant à la mort du détenu Michael Joseph LeBlanc. LeBlanc avait probablement contracté le VIH et le VHC pendant son incarcération dans une prison fédérale. En novembre 1999, il est décédé au Regional Hospital du pénitencier de Kingston dans des conditions inhumaines sur les plans physique, psychologique et émotionnel.

 

Recommandations

Les prisons doivent assurer que les détenus reçoivent des soins, des traitements et du soutien équivalents à ceux offerts aux personnes vivant avec le VIH dans la communauté. Ceci inclut notamment un accès au moins équivalent aux éléments suivants :

la même norme pour le contrôle de la douleur, y compris au moyen de narcotiques lorsque médicalement indiqué ;

un accès normal aux médicaments en essais cliniques et aux thérapies alternatives et complémentaires ;

l’accès à l’information sur les options de traitement ;

un traitement antirétroviral sans interruption non indiquée ;

des stratégies de promotion de la santé pour ralentir la progression de leur maladie - y compris la nutrition adéquate, la vaccination et des programmes pour le traitement de la toxicomanie.

À plus long terme, l’approche aux soins de santé en prison devrait évoluer d’un système réactif de déclaration quotidienne de malaises vers un système proactif favorisant le dépistage précoce, la prévention et la promotion de la santé.
 

Lectures complémentaires
Une étude récente qui montre que l’incarcération est un facteur indépendant associé à l’interruption de la HAART - T. Kerr et coll., « Determinants of highly active antiretroviral discontinuation among injection drug users », Journal canadien des maladies infectieuses, 2004, 15(suppl. A) : 86A. Conférence canadienne de la recherche sur le VIH/sida, Montréal, 13-17 mai 2004.

R. Lines, « Un décès met en lumière le traitement de détenus vivant avec le VIH/sida », Bulletin canadien VIH/sida et droit, 1997-98, 3(4)-4(1) : 31-33. (www.aidslaw.ca/francais/Contenu/docautres/bulletincanadien/Hiver9798/24LINES1F.html). Voir aussi G. Betteridge, « Enquête sur la mort d’un détenu atteint de coinfection à VIH et VHC - Combien d’autres encore ? », Revue canadienne VIH/sida et droit, 2001, 6(1). www.aidslaw.ca/francais/Contenu/docautres/bulletincanadien/Vol6nos1-22001/f-prisons2.htm

Troisième version révisée et mise à jour, 2004. On peut télécharger ce feuillet à partir du site Web du Réseau juridique <http://www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/prisons.htm> ou le commander auprès du Centre canadien d’information sur le VIH/sida (courriel : aidssida@cpha.ca). Il est permis de faire et de distribuer (mais non de vendre) des copies de ce feuillet, en indiquant que l’information provient du Réseau juridique canadien VIH/sida. Pour information, veuillez contacter le Réseau juridique (tél. : (514) 397-6828, téléc. : (514) 397-8570, courriel : info@aidslaw.ca). This info sheet is also available in English.

Financé par Santé Canada dans le cadre de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les constats, interprétations et points de vue exprimés dans cette publication sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les positions ou politiques officielles de Santé Canada.

© Réseau juridique canadien VIH/sida, 2004

 
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