Publié le samedi 29 janvier 2005 | http://prison.rezo.net/de-la-sodexho-a-la-siges/ De la Sodexho à la SIGES La SIGES (Société d’Investissement de Gestion Et de Services) filiale de la Sodexho, est une Société Anonyme au capital de 624.000 Euros. Créée en juin 1985, elle prend toute son ampleur à partir de la mise en place du programme 13000 dit de gestion mixte du milieu pénitentiaire, et notamment de la loi du 22 juin 1987. Celle-ci prévoit les contrats de concession de main d’œuvre, c’est à dire la gestion du travail par des sociétés privées en détention. Son activité légale est " l’organisation de la vie dans toutes collectivités notamment les établissements pénitentiaires régis par cette loi (ils seront au nombre d’une vingtaine, mais la Siges en gérera huit) ; la gestion et la fourniture de tous services correspondant à la satisfaction des besoins des membres de ces collectivités ". Le président du conseil d’administration est Jean Pierre Cuny, né le 09 décembre 1954 à Tunis, de nationalité française demeurant au 31 rue cardinet à Paris 75017. Ses administrateurs sont, pour la société Sofinsod, M. Carton Bernard, pour la Sodexho M. Douce Patricket enfin M. Duroyon Gérard. Le commissaire aux comptes est le cabinet Befec Mulquin et associés établit au 12 rue Marguerite à Paris 75017. Le commissaire aux comptes suppléant est domicilié à la même adresse et se nomme Raffageau Jean. Le siège social est situé à Montigny-le-bretonneux 78180, au 3 avenue Newton, mais Siges possède une annexe à Neuvic sur l’Isle, 24190, au 2402 Périgueux Le But.
Ses autres filiales sont : - les Bateaux Parisiens et les Batobus à Paris mais aussi les Bateaux Nantais. A Londres et à New York elle dispose de sociétés équivalentes. - La Sofinsod, pour les self-services et les services aériens ou maritimes. - La Coreopsis, Excel, Astilbe, Loisirs développement, Etin, Altys (climatisation), Comrest, Baumira (gestion de porte feuilles), Sofomedi (promotion immobilière de bureaux), Pascal (conseil pour les affaires et la gestion), Sorepar (restauration traditionnelle), Catesco (études de marché et sondages), Emis expatriate et management international services (sélection et mise à disposition de personnel), et bien d’autres encore dans le domaine de la restauration rapide...
Sa politique pénitentiaire en France
En France la Siges est investie dans huit sites répartis comme ceci : Elle y réalise les services suivants : Il est intéressant de noter que le terme cantine est remplacé par boutique interne. Elle revendique des points forts tels que " approche personnalisée ", " expertise en multiservice ", " exigence en matière de sécurité ", " l’équilibre alimentaire et nutritionnel ". Elle contribue également à " améliorer les conditions de vie des personnes détenues ". Pour la Siges le travail est un élément moteur de réinsertion des détenus qu’elle traite. Ainsi elle met un point d’honneur à " mettre à leur disposition " des locaux et des ateliers modernes et parfaitement équipés. D’ailleurs le leader mondial de la restauration qu’est la Sodexho a pris le parti de ne pas faire appel à la sous traitance pour assurer les services énoncés précédemment, à l’inverse des autres groupements qui gèrent la douzaine d’établissements en délégation de service public (tels que Gecep, Gepsa, Dumez). Ce travail en détention n’est pas soumis à la conclusion d’un contrat de travail et même si depuis peu un " salaire minimum " existe, entre 17 et 19 francs de l’heure, la réalité est bien en deçà de ces chiffres... Elle propose donc un service global tendant au contrat unique de sous traitance comme elle a pu le faire à l’étranger où la privatisation est plus avancée. La fonction du travail en atelier est assurée sur l’ensemble de ses sites y compris en maison d’arrêt. La Siges communique systématiquement sur son rôle dans la réinsertion des détenus grâce au travail et à sa formation dans le domaine de la restauration. Réinsertion sociale, intégration au monde du travail, possibilité de stage pour les détenus gérés par la SIGES...
Exemple de parcours d’un détenu qui peut ainsi se former au magasinage et à la restauration collective : La SIGES lui permet d’acquérir des compétences dans ce domaine (mais qu’elle n’appelle pas encore professionnelle), mais aussi de reprendre confiance et de réfléchir à l’orientation qu’il veut donner à sa vie. Le détenu fait ensuite l’objet d’un placement à l’extérieur (si c’est par le biais du service de probation et d’insertion, ce sera dans le cadre d’un contrat emploi solidarité) afin de faire un stage pratique dans un restaurant Sodexho. À la fin de sa détention il lui est proposé un CDD de 1 mois puis peut être une embauche définitive : il fera alors partie de l’équipe Sodexho. Pour autant son directeur commercial, Jean-Pierre Rio n’hésite pas à rappeler que son objectif est d’abord quantitatif : la Siges doit obtenir un minimum de masse salariale. Des sanctions sont prévues dans le contrat qui les lie à l’état si ces minima ne sont pas atteints. Aujourd’hui ce sont quelque 900 000 heures travaillées par an ce qui équivaut à 700 postes permanents dans ses établissements pénitentiaires, dans des domaines variés tels que l’assemblage de télécopieurs, la mécano soudure, la confection... Mais c’est surtout le rôle de sa maison mère qui est mise en avant par le biais de la cuisine école de Châteaudun notamment et de la convention tripartite qu’elle a passé avec l’administration pénitentiaire et l‘ANPE. Pourtant elle ne donne aucune statistique quant au succès de réinsertion des détenus qu’elle a pu gérer. Quant à sa gestion du pôle santé dans ses établissements, elle s’est révélée très vite non rentable de fait. Aujourd’hui les soins qui y sont dispensés sont médiocres au point que les détenus souffrant de pathologies graves sont transférés systématiquement vers d’autres hôpitaux. La Siges s’est investie dans toute sorte de forum, de projet ou de conférences sur la réinsertion ou encore sur la prise en charge thérapeutique en matière de toxicomanie. Ainsi Hervé Létang participe pour la société au Forum Européen pour l’emploi du délinquant, et y développe des théories basées sur la " motivation de l’individu ", sans référence à aucune école particulière ou à aucun chercheur en la matière. La Siges disposerait ainsi de solutions en matière de constructions de prison, de gestion de celles-ci mais elle pense disposer également de solutions préventives à la détention.
Son développement à l’étranger
À l’étranger, la Siges dispose d’au moins 34 établissements répartis en Europe et en Australie : •Australie : centres de détention dans les états de Queensland et Western Australia (En accord avec le Département de la Justice) •Espagne : 5 centres de détention en Catalogne (En accord avec le Ministère de la justice) •Grande-Bretagne : Centres de détention de Forest Bank (Manchester) et de Blackenhurst (En accord avec le Home office) •Italie : Centre de détention de Palerme, Catane et Acireale (ministère de la justice*) •Belgique : Centre de détention d’Andenne (En accord avec le Ministère de la justice) •Pays-Bas : 21 Centres de détention dont Amsterdam (En accord avec le Ministère de la justice*)
(*) Dans ces cas la Siges a signé une convention de réinsertion avec l’autorité de tutelle.
Dans l’ensemble de ces centres, la Siges peut intervenir pour un contrat allant de la simple restauration au contrat unique -de la conception à la gestion quasi totale du pénitencier, y compris la sécurité et la gestion de la peine. Elle peut être chargée aussi des services de logistiques, de transport et de maintenance, les services de sécurité, avec le contrôle des accès et la garde des détenus... La Siges réalise 1% du chiffre d’affaire du groupe, soit 49 millions d’Euros. C’est d’ailleurs pour elle un moyen de se défendre des reproches que les activistes du monde entier lui font : il faudrait comprendre qu’elle n’est pas vraiment investie en prison, son chiffre d’affaire n’est pas assez important pour cela. La Siges n’a de cesse de parler d’elle même comme d’une entreprise citoyenne, exemplaire. Pourtant elle sait que le marché de la restauration et des services aux établissements pénitentiaires représente quelque 45,6 milliards d’Euros, dont 5,5 milliards d’euros pour le seul secteur de la restauration. Et si elle n’intervient que dans des " démocraties ", ces pays là enferment 2.500.000 personnes, dans les conditions que l’on sait, et que cette population s’accroît de 3,5% par an. D’ailleurs elle sait déjà que le taux de sous-traitance dans ce domaine n’est que de 10%. A l’avenir, ce chiffre ne devrait pas connaître de ralentissement. Le chiffre d’affaire du groupe devrait donc croître également. Il reste cependant le cas un peu à part des USA, où la Siges ne possédait que 8% des parts du CCA (Corrections, Corporation of América) mais comme leur image souffrait des couloirs de la mort, ils ont revendu au mois de juin 2001 leurs actions. En fait le cours de la dite action était en chute... Nous exigeons l’application du droit du travail en détention, un accès aux soins effectif et de qualité, le versement des minima sociaux en prison, l’ajustement des salaires sur le SMIC, la liberté d’expression, d’association, de syndicalisation et le rapprochement. Nous continuerons nos actions sans relâche contre ces entreprises qui collaborent au système pénitentiaire et exploitent les détenus. Janvier 2005 |