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3 Méthode

Publié le mercredi 22 décembre 2004 | http://prison.rezo.net/3-methode/

3. Méthode

 3.1. Le Centre Pénitentiaire de Marseille

C’est actuellement le troisième établissement par ordre de grandeur en France. Situé dans le neuvième arrondissement, le domaine pénitentiaire des Baumettes s’étend sur plus de trente hectares. Il fut construit dans les années 30 pour remplacer trois prisons, Les Préventines (établissement pour femmes), Chave et Saint Pierre (établissements pour hommes). Les plans de ses structures, très proches de celles adoptées pour la prison de Fresnes, ont étés imposés à l’architecte Gaston Castel. Les premières utilisations de ces locaux demeurent liées aux soubresauts de la Seconde Guerre Mondiale. Les premiers détenus furent en effet des résistants, des communistes et des juifs sous la direction des allemands et de la police de Vichy. Ce n’est qu’à partir de 1945 que la « Prison des Baumettes » servit réellement de Maison d’Arrêt aux autorités françaises. Aujourd’hui le CPM accueille près de 1700 détenus et son budget annuel avoisine les 35 millions de Francs.

L’établissement est constitué de quatre structures :

 ? La Maison d’Arrêt pour hommes a pour vocation d’accueillir les détenus prévenus en attente d’un jugement définitif, les détenus condamnés à une peine dont le reliquat n’excède pas un an et ceux en attente d’orientation vers les établissements pour peine.
Elle est organisée en quatre bâtiments de détention. La Bâtiment A comprend le Service Médico Psychologique Régional (SMPR), l’unité pour handicapés, le centre d’accueil (détenus arrivants) et la détention. Le Bâtiment B comprend une population pénale spécialement classée pour le travail en concession et en formation professionnelle et la détention. Le Bâtiment C comprend une population pénale travailleurs. Le Bâtiment D comprend le quartier d’isolement, le quartier disciplinaire et la détention.

 ? Le Centre Pénitentiaire pour Femmes (CPF) est composé de deux quartiers. Un quartier Maison d’arrêt qui accueille les détenues prévenues dans l’attente d’un jugement définitif, les détenues condamnées à une peine dont le reliquat n’excède pas un an et celles en attente d’orientation vers un établissement pour peine. Une nurserie accueille les mères incarcérées et leurs enfants jusqu’à l’age de 18 mois. Le quartier Centre de Détention Régional accueille les condamnées devant subir un temps d’incarcération n’excédant pas cinq ans, le régime de centre de détention est principalement réorienté vers la réinsertion sociale des condamnées

 ? Le Centre pour Peines Aménagées (CPA)
Cette structure opérationnelle depuis 2002 est implantée dans les locaux de l’ancienne prison hôpital des Baumettes. Elle regroupe un centre de peines aménagées qui a pour vocation d’assurer l’exécution des courtes peines d’emprisonnement en donnant la priorité à l’insertion et un quartier de semi liberté pour hommes.

 ? Le CORSEC regroupe les moyens de sécurité de l’établissement et assure le suivi de toutes les autorisations d’accès au Centre Pénitentiaire. Elle gère également certains services transversaux comme les transfèrements, les parloirs, le vestiaire...

Les effectifs du Centre Pénitentiaire
Les effectifs de référence du personnel de surveillance comptent 622 agents dont 540 surveillants mais en 2001 l’établissement annonçait un sous effectif, notamment de personnel de surveillance, parmi les 607 agents affectés, 579 étaient réellement en activité. L’équipe de direction comporte un Chef d’établissement, un adjoint au Chef d’établissement, une Directrice des Ressources Humaines et cinq directeurs de structure. On compte également deux directeurs techniques et deux attachés d’administration.

 3.2 Mise en place de l’étude

 La référente de l’étude au sein de l’établissement est la Psychologue des personnels. Elle travaille en réseau avec les formateurs et la médecine de prévention. Une cellule de soutien rejoint le médecin de prévention, l’infirmière, l’assistante sociale et la psychologue. Le travail avec les formateurs consister à former et informer l’encadrement (notamment les premiers surveillants) à la prise en charge et à l’orientation des gens qui viennent de vivre des situations traumatiques ou qui rencontrent des difficultés. La psychologue des personnels est en contact régulier avec l’encadrement, à l’occasion des réunions bi-hebdomadaires de l’ensemble de l’équipe de direction (rapports de directions) et à l’occasion de rencontres informelles. Elle intervient également dans la formation des élèves et des stagiaires qu’elle rencontre au cours d’une réunion d’information. De plus une entrevue est proposée à chaque nouvelle personne mutée dans l’établissement. La psychologue travaille également avec les organisations syndicales quant à la prise en charge des personnels en difficultés.
 Elle dispose donc d’un réseau de travail très étendu dont elle a bien voulu nous faire profiter ce qui a énormément facilité la mise en place de l’étude, dès lors que le projet a été accepté nous n’avons pas rencontré de réticences quant aux modalités de déroulement. Ainsi, l’équipe de direction, rassurée par des contacts réguliers en rapport de direction et une présentation du projet à l’ensemble de l’équipe, encouragée par le Directeur, la Directrice des Ressources Humaines et la Psychologue, s’est vite faite à l’idée de notre présence au sein de l’établissement. Certains on d’ailleurs manifesté un intérêt prononcé pour le travail mené, la démarche adoptée et les résultats qui pourraient ressortir de l’étude.
 Nous serions pourtant tentés de dire que le plus difficile restait encore à faire, obtenir la confiance et la participation des surveillants. Comme le souligne Lhuilier et Aymard (1990), les représentations et rôles qui sont attribués au chercheur, les motivations à la coopération, les résistances, les difficultés rencontrées, les demandes plus ou moins explicitement exprimées éclairent des problématiques organisationnelles et renseignent sur l’image que cette communauté professionnelle a d’elle-même. On remarque comme elles que la première question que l’on rencontre est celle du rapport intérieur extérieur, l’intérieur étant multiple (Administration Pénitentiaire, groupe des surveillants ou encore groupe d’affinités). La réaction rencontrée le plus fréquemment fut une sorte d’élan "paternaliste" suscité par un statut de jeune étudiante stagiaire. « La pauvre petite, il faut bien l’aider ». Chacun s’appliquait donc à expliquer les détails du fonctionnement de l’administration ou de l’établissement, à faire part de ses réflexions, nous permettant ainsi de recueillir des informations nombreuses et riches. Dans cette phase d’observation, la bonne disposition des gens nous permettait de soumettre nos idées, les ébauches de questionnements, d’échanger sur leur pertinence par rapport au terrain, de réajuster nos hypothèses et surtout d’acquérir le vocabulaire courant.
 Cette phase fut également l’occasion de se construire une certaine légitimité. En premier lieu, la psychologue des personnels veilla à nous intégrer au sein de son réseau de travail. Sa confiance et son soutien encouragèrent son entourage à en faire autant. Par ailleurs, une bonne connaissance théorique et empirique du milieu carcéral nous permis de construire une place à part entière au sein du réseau d’affinités.
 En détention, nous retrouvons les phénomènes décrits par Lhuilier et Aymard (90). En effet, lors de la phase de passation des questionnaires, il était plus difficile d’expliquer longuement notre démarche et les personnes n’en n’avaient pas le temps, l’environnement y étant par ailleurs peu favorable. Ainsi, même si une note de présentation avait précédé notre arrivée, en entendant le terme de stagiaire les agents nous imaginaient nécessairement membres de l’administration pénitentiaire, assistante sociale, psychologue ou autre, cela semblait faire bien peu de différence. Pour d’autres nous avions un rôle d’évaluation, envoyée par le ministère ou je ne sais quel organe de contrôle, nous devions soigneusement être mises à l’écart.
 Nous tenons ici à souligner le rôle central du Premier Surveillant. Si ces derniers nous accueillaient de façon positive, nous accordaient leur confiance, il était alors facile de rencontrer les agents. Ceux-ci s’organisaient entre eux pour que le travail soit assuré tout en permettant la passation des questionnaires dans les meilleures conditions possibles (anonymat, confidentialité, etc. ) A l’inverse si le premier surveillant était mal informé, ressentait notre présence comme encombrante voire douteuse (« Qu’est-ce qu’elle vient faire ici un jour férié celle là »), on opposait à nos requêtes des raisons évidentes de sécurité et les refus de participation des agents augmentaient considérablement.
 Néanmoins, une présence régulière (dimanches et jours fériés compris), une constance et une persistance dans l’intérêt et la volonté de dialogue et l’instauration de relations personnalisées nous permirent de voir les résistances diminuer.
 Deux groupes demeurèrent plus difficiles d’accès, les anciens et les femmes. Les anciens sont généralement disposés à discuter avec vous, mais refusent catégoriquement de remplir un questionnaire arguant que cela ne sert à rien, que ça n’a jamais fait avancer les choses, qu’à chaque étude on leur promet monts et merveilles et que ça n’a jamais changé leur quotidien. Outre une tendance à vous reléguer au statut de personne extérieure qui ne pourra donc jamais réellement comprendre leur métier, ces personnes manifestent ici une déception face à de nombreuses promesses non tenues, face à une administration dans laquelle ils ont cessé de croire. Il s’agissait alors de favoriser le dialogue même informel et de respecter le choix de chacun. Quant aux femmes, en détention homme, elles participaient autant que les hommes. Mais au Centre Pénitentiaire pour Femmes, notre présence a essentiellement suscité de la défiance. Certaines personnes me demandaient pourquoi nous leur demandions à elles de remplir un questionnaire. D’autres me signifièrent, gentiment, que l’objet de mon étude semblait bien éloigné de leurs préoccupations actuelles. Il fallut se rendre à l’évidence, les douloureux événements qu’avait récemment connus la structure laissaient à chacun un goût amer. De plus, suite à ces événements, une nouvelle organisation du travail venait d’être mise en place et nécessitait de la part des surveillante un travail plus important en terme de charge de travail et de volume horaire rendant les surveillantes indisponibles pour participer à une étude dont les objectifs leur semblaient bien flous.
 

3.3. Recueil des données

 3.3.1. Approche quantitative

 ? Mesure de l’épuisement professionnel

 Le Maslach Burnout Inventory (MBI) (Cf. Annexe 1) construit par Maslach et Jackson (1986) mesure trois dimensions indépendantes constitutives de l’épuisement professionnel, ce sont les dimensions d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et d’accomplissement personnel. L’épuisement émotionnel renverrait au fait que la personne est « vidée nerveusement », a perdu tout entrain, n’est pas motivée par son travail. La dépersonnalisation correspondrait à des attitudes négatives, cyniques envers le public auprès duquel on intervient. Truchot et Fisher (2002) la considèrent comme une stratégie de coping car en traitant de façon impersonnelle le public, la personne se protège en échappant à leur demande. Quant à l’accomplissement personnel, lorsque celui-ci serait réduit, la personne s’évaluerait négativement, ne s’attribuerait aucune capacité à faire avancer les choses. Cette dimension est considérée comme la conséquence de la perte de l’efficacité personnelle, notamment lorsque la situation n’est plus perçue comme contrôlable. Le MBI met l’accent sur la dimension de dépersonnalisation. En effet, cette déshumanisation de la relation a un impact considérable sur ces professions où la relation à l’autre est centrale. Le MBI est composé d’affirmations telles que « je me sens frustré par mon travail », le sujet doit alors dire dans quelle mesure il éprouve le sentiment exposé. Dans cette étude le MBI vise à évaluer le Burnout des surveillants du centre pénitentiaire de Marseille. La version que nous utilisons est la traduction établie par Girault (1989).
 

Principe général
Face à chaque proposition le sujet estime la fréquence avec laquelle il a éprouvé ces derniers temps, le sentiment exposé. Il a pour consigne de répondre en utilisant l’échelle suivante : 0 : Jamais
 1 : Quelques fois par an
2 : Une fois par mois
 3 : Plusieurs fois par mois.
 4 : Une fois par semaine
 5 : Plusieurs fois par semaine
 6 : Tous les jours

Composition
Le MBI est composé de 22 items répartis en trois sous échelles correspondant aux trois dimensions : Epuisement Emotionnel (EE), Dépersonnalisation (DP) et Accomplissement personnel (AP).
Sous échelle EE : 9 items tels que « je me sens vidé par mon travail »
Sous échelle DP : 5 items « Je ne me soucie pas vraiment de ce qui peut arriver à certains détenus »
Sous échelle AP : 8 items « je m’occupe efficacement des problèmes des détenus »

Les scores
La somme des réponses aux items d’une sous échelle indique le score du sujet à la dimension correspondante. Le score constitue une variable continue. Les scores d’Epuisement Emotionnel se situent entre o et 54, ceux de dépersonnalisation entre 0 et 30 et ceux d’accomplissement personnel entre 0 et 48. Les personnes que l’on déclare en burnout obtiennent des scores élevés aux sous échelles EE et DP associés à un score faible en AP. En revanche les personnes que l’on déclare en AP obtiennent des scores faibles aux sous échelles EE et DP associés à un score élevé en AP.
Notons que des scores élevés sur des échelles EE et DP sans abaissement considérable du score en AP peuvent témoigner d’un processus en cours d’installation.
Maslasch et Jackson ont défini des bornes qui correspondent à une équi répartition d’un grand nombre d’employés américains sur chacune de ces dimensions. Girault (1989) c’est également chargé d’établir les bornes françaises.

 Fort Moyen Elevé
EE
DP
AP 0-18
0-5
0-33 19-26
6-9
34-39 27-54
10-30
40-48

 

 ? Evaluation des stratégies d’adaptation

 Cousson et al (1996) ont établit une échelle française de mesure des stratégies de coping (Cf. Annexe 1). Il s’appuient sur une définition de Lazarus et Falkman (1984) selon laquelle « Le coping correspond aux efforts cognitifs et comportementaux constamment changeants, destinés à gérer les exigences externes et/ou internes spécifiques qui sont perçues comme menaçant ou débordant les ressources d’une personne ». C’est donc une stratégie momentanée et non une disposition stable.
 Cette échelle française est une traduction de l’échelle de Vitaliano (1985) inspirée des différentes versions de la "Ways of coping Checklist » de Lazarus et Falkman. Cette échelle comporte 27 questions et mesure trois dimensions comprenant chacune 9 items :
 Le coping centré sur le problème : Il correspond aux efforts pour résoudre le problème, suivre un plan d’action, se battre, se sentir plus fort, prendre les choses unes par unes, trouver des solutions.
Ex : item 7 : « J’ai pris les choses une par unes »
 Le coping centré sur l’émotion : Il renvoie au fait de se sentir mal, de se culpabiliser, de souhaiter changer la situation, d’essayer de tout oublier, de s’autocritiquer
Ex : item 22 : « j’ai pensé à des choses irréelles et fantastiques pour me sentir mieux »
 La recherche de soutien social comprend deux dimensions :
La recherche de soutien informatif et matériel : demander des conseils, une intervention concrète, l’aide d’un professionnel, discuter pour en savoir plus.
Ex : Item 10 : « J’ai demandé des conseils à une personne digne de respect et je les ai suivi »
La recherche de soutien émotionnel : accepter la sympathie d’autrui, parler à quelqu’un de ce que l’on ressent, exprimer ses émotions, ne pas s’isoler
Ex : Item 2 : « j’ai parlé à quelqu’un de ce que je ressentais »

 ? Administration des questionnaires

 L’effectif théorique était fixé à 150 sujets. Une note de service annonçait la réalisation de l’étude et sollicitait la participation du plus grand nombre. Le recrutement s’est fait sur les différentes structures, sur le temps et le lieu de travail des agents et dans une salle de détente à l’extérieur de la détention. La procédure adoptée était la suivante, présentation de l’étude et des règles déontologiques dans lesquelles elle s’inscrit, réponse aux différentes questions. Les questionnaires sont auto administrés mais l’enquêteur reste à disposition. Un temps en fin de passation permet de répondre aux dernières questions et d’élargir le dialogue. Le temps de passation est fixé à trente minutes or échanges informels et interruptions, en réalité les passations étaient souvent plus longues.
 L’impossibilité d’avoir accès à une liste des surveillants comprenant leurs caractéristiques et la nécessité de nous rendre à la rencontre des agents, nous ont conduit à utiliser une méthode d’échantillonnage sur la base du volontariat. C’est néanmoins une méthode d’échantillonnage non représentatif qui ne permet pas de généraliser les résultats obtenus.

 Les variables descriptives sont les suivantes
Variables socio-démographiques :
Le sexe (homme, femme)
L’age (réponse libre)
Le statut matrimonial (marié(e), célibataire, en concubinage, PACSé(e), en union libre, veuf (ve) )
Le niveau d’étude (certificat d’étude, BEPC/ CAP, BAC, supérieur au BAC)

Variables relatives à l’habitat :
Chauvenet et al (1994) soulignent que de nombreux agent résident à plus de 2h00 de trajet de leur lieu de travail. Par ailleurs Goldberg et Goldberg (1981) évoquent les trajets comme source de stress.
 Le lieu de résidence (Marseille ou pas)
Les temps de trajet (pour les personnes ne résidant pas à Marseille)

Variables relatives à la situation professionnelle
 Le grade (surveillant ou surveillant principal)
 Le type de poste occupé
Service posté : Les équipes tournent et travaillent de nuit. Les journées sont de 6 heures.
Module : Les équipes tournent, ne travaillent pas la nuit, les journées sont de 10 heures.
Poste fixe : Travail au même poste avec horaires ‘de bureau’. En détention (au contact de la population pénale) ou hors détention.
Le bâtiment : Cette information visait seulement à nous permettre de retrouver la personne pour la deuxième phase de l’étude.
L’ancienneté est abordée par plusieurs questions : l’ancienneté dans la pénitentiaire, au Centre Pénitentiaire de Marseille, au poste occupé. L’age d’entrée dans l’Administration Pénitentiaire. Ces indicateurs ont également été utilisés par l’étude de Neuveu, (2001).
Motivation pour entrer dans l’Administration pénitentiaire : cette question est en relation avec l’idée selon laquelle on n’entre pas dans l’Administration Pénitentiaire par vocation.
Changements envisagés : cette question est reliée au fait que l’on considère que les projets de mobilité des personnes témoignent d’un mal être au sein de leur fonction.

 

 3.3.2. Approche qualitative

 ? Objectif de l’approche qualitative complémentaire

L’approche qualitative est ici développée dans un second temps. Le but de cette démarche est de compléter, illustrer et approfondir les dimensions étudiées au cours de la phase quantitative. L’enquête par entretien étant l’instrument privilégié de l’exploration des faits dont la parole est le principal vecteur. D’une part en ayant accès aux pensées construites, activités sociales inhérentes à la vie en société qui consiste à se fabriquer une image, une représentation de ce qu’elle est. Il s’agit alors d’analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques, de mettre en évidence les systèmes de valeurs et les repères, normatifs à partir desquels ils s’orientent et se déterminent. D’autre part en étudiant les faits expérienciés nous analyserons l’articulation entre l’épreuve personnelle et les enjeux collectifs (Blanchet et Gottman, 1992)
L’enquête par entretien à usage complémentaire postérieure à un questionnaire peut avoir plusieurs fonctions. Dans un premier temps elle peut permettre de réinterroger les personnes sur des points précis, après exploration du questionnaire. Dans ce cas les entretiens aident à interpréter les questionnaires et à construire les hypothèses. Dans notre cas il s’agissait plutôt de contextualiser les résultats obtenus préalablement par questionnaire. Les entretiens complémentaires permettent alors l’interprétation de données déjà produites, d’enrichir la compréhension des régularités mises en évidence (Blanchet et Gottman, 1992)

 ? Préparation

 Une étude qualitative peut notamment être préparée par le biais de l’observation directe. L’enquêteur se rend sur le terrain, regarde ce qui se passe, interroge des informateurs et essaie de contrôler leurs dires par des vérifications. L’observateur participant, lui, s’intègre au groupe en participant à des activités tout en s’efforçant de faire oublier son statut (Berthier, 1998). La méthode d’observation utilisée dans cette étude se situe à l’intersection de ces deux démarches. Il s’agissait à la fois de s’intégrer au groupe en participant à des activités, à la fois de regarder ce qui se passe et d’interroger des formateurs.
 L’observation permet de préciser ces objectifs, de formule des hypothèses provisoires qui guident la pré enquête. Cette dernière consiste en des recherches bibliographiques, des entretiens avec des informateurs privilégiés (Berthier, 1998). Dans notre cas nous avons rencontré d’anciens surveillants, des personnes ayant effectué des recherches sur les surveillants, des personnes travaillant auprès des surveillants, des membres de l’encadrement et des surveillants. Ces entretiens et un premier aperçu des données recueillies au cours de la phase quantitative nous ont servi à établir un guide d’entretien.

 ? Construction du guide d’entretien semi directif (Cf. Annexe 2)

Dans ce type d’entretiens, l’enquêteur s’est fixé des zones d’exploration et veut obtenir que le sujet traite et approfondisse certains thèmes (Berthier, 1998). Dans notre cas il s’agit d’approfondir la question des modes d’adaptation aux situations professionnelles, nous avons donc choisi comme point de départ les thèmes auxquels étaient relatifs les situations stressantes décrites dans le questionnaire. Ce sont les relations avec la population pénale, les collègues, la hiérarchie ou l’administration, ou encore le rapport entre vie professionnelle et vie extra professionnelle. Afin d’explorer différents aspects de cette question nous demandions également quels conseil, quels "tuyaux" ils donneraient à une personne qui viendrait juste de renter dans l’administration pénitentiaire. La question des changements personnels perçus permettait d’étudier les incidences du métier de surveillants dans la sphère intra psychique.

 ? Réalisation des entretiens

 L’effectif théorique des entretiens était fixé à 30 interviewés recrutés sur la base de leurs résultats au MBI. Nous cherchions en effet à distinguer le discours de personnes en burnout (Score élevé en épuisement émotionnel et en dépersonnalisation associé à un score faible en accomplissement personnel), le discours de personnes en accomplissement personnel (score faible en dépersonnalisation et en épuisement émotionnel et élevé en accomplissement personnel) et celles qui correspondaient au profil moyen. Pour des raisons d’effectif nous avons retenu comme étant en accomplissement personnel toutes les personnes ayant un score élevé en accomplissement personnel quel que soit leur score en épuisement émotionnel et en dépersonnalisation. Les surveillants correspondant à l’un des trois profils sont listés. Ceux qui, au cours de la passation du questionnaire, avaient préalablement accepté de participer à la seconde phase de l’étude sont tirés au sort en utilisant une table de hasard (Berthier, 1998). Les personnes mutées, en congés longue maladie ou qui refusaient finalement de participer étaient retirées de la liste et une autre personne était tirée au sort. Si la personne était toujours favorable à participer nous fixions avec elle une date et une heure qui lui étaient confirmées par convocation.
La durée des entretiens était fixée à une heure. Sur proposition du chef d’établissement, les entretiens réalisés en dehors du temps de travail étaient tout de même rémunérés. Les agents étaient reçus dans les locaux de la médecine de prévention, à l’extérieur de l’établissement. Une brève introduction rappelant l’objectif de l’étude les principes déontologiques auxquels elle répond, nous permet également de solliciter la permission d’enregistrer. Aucun refus ne nous a été opposé sur cette question.
Au cours de l’entretien le répondant explore avec l’aide de l’enquêteur, la question de départ, l’enquêteur induit de façon privilégiée l’auto exploration au niveau des thèmes du guide évoqués spontanément par le sujet (Berthier, 1998). En cas de non évocation spontanée, l’enquêteur induit les thèmes à l’issue de la phase non-directive. Chaque thème induit est à nouveau exploré comme l’a été la question de départ.

 3.4. Analyse des données

 3.4.1. Analyse des données quantitatives

 Les scores établis pour chaque dimension du MBI et de la ‘Ways of Coping Checklist’. Une analyse d’homogénéité interne est réalisée pour chaque questionnaire (alpha de Chronbach). Les scores sont ensuite corrélés entre eux et aux variables descriptives, les corrélations significatives à .001 donnent lieu à des analyses de régression. Les mêmes analyses sont réalisées au sein des groupes burnout, accomplissement personnel et profil moyen. Les procédures statistiques sont réalisées à l’aide des logiciels SAS et Statview.

 

 3.4.2. Analyse des données qualitatives

 Les données qualitatives ont fait l’objet de deux analyses complémentaires, une analyse thématique et une analyse lexicale.

 ? Analyse thématique

 L’analyse qualitative permet de repérer les énoncés significatifs même lorsque leur apparition dans un corpus est minimale voir unique. L’analyse thématique est une des méthodes d’analyse qualitative. Elle consiste à sélectionner les thèmes, repérer leur variation au sein du corpus et rechercher les éléments expliquant cette variation. La première étape décrite par Berthier (1998) est donc un travail de découverte des catégories, des concepts, idées et points de vue permettant le classement et l’organisation des informations. Les catégories sont ensuite organisées sous forme de grille. La grille vise à ordonner le caractère hétérogène du corpus d’entretien. Elle est ensuite utilisée pour procéder à des analyses transversales et comparatives du matériel recueilli. Ces analyses se font en terme de spontanéité, de fréquence d’apparition, de saillance et de typicité du thème par rapport au discours de l’ensemble du groupe. Un thème est considéré comme spontané lorsqu’il est abordé sans induction de la part de l’enquêteur. Lorsqu’un thème est abordé plus souvent par un groupe que dans les deux autres, on dit qu’il est fréquent. Enfin, les thèmes typiques et saillants caractérisent le discours du groupe et lui confèrent un relief singulier, ils traduisent également l’importance accordée au thème, cette dernière ressort par ailleurs avec le volume discursif utilisé pour l’évocation d’un thème.

 ? Analyse lexicale

 L’analyse lexicale est réalisée à l’aide du logiciel ALCESTE qui est un outil d’aide à l’interprétation d’un corpus d’entretiens ou autres. ALCESTE va dégager des polarités dans l’usage des mots qui pourront être prises par l’utilisateur comme autant de "fais bruts" sur lesquels appuyer sa démarche interprétative. Le logiciel procède à un découpage du corpus en unités de contexte qu’il distingue en classes d’énoncés en fonction de la distribution différenciée du vocabulaire. On obtient ainsi des classes de discours ou univers discursifs construite sur l’apparition d’un vocabulaire spécifique au sein des unités de discours qui les constituent. Les classes également associées aux unités de contexte.