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Prison : impossibles alternatives ?

Publié le mercredi 9 mars 2005 | http://prison.rezo.net/prison-impossibles-alternatives/

Prison : impossibles alternatives ?

Peut-il exister des alternatives à la prison ? Plus précisément, les propositions habituellement présentées comme des alternatives à la prison, qui affichent le plus souvent un objectif humaniste, ne sont-elles pas des illusions, voire, au contraire, ne contribuent-elles pas à banaliser la répression comme mode centrale de gestion de la cité ? Autrement dit, encore : y a-t-il d’autres alternatives à la prison que... la liberté ?

Ce dossier traite de ces questions, de front, à l’inverse de l’habitude des grands médias, où l’on ne parle des "alternatives" qu’après l’interminable discours sur la "nécessité" de la sanction, l’échec malheureux de la pénalisation et son corollaire - la récidive-contre-laquelle-il-faut-lutter, la honteuse surpopulation carcérale, l’amélioration des conditions de détention pour des motifs humanitaires etc... tous thèmes passionnants dont le traitement occupe tout l’espace de la discussion sur la prison quand il faudrait au contraire centrer le débat sur ce qui conduit à faire de la prison un espace nécessaire, obligé, incontournable, même aux yeux des plus progressistes. Pourquoi la prison est-elle considérée comme indépassable, même par tous ceux qui la critiquent comme un échec ?

Concernant les fameuses "alternatives", on peut d’abord constater que le développement des systèmes de surveillance censés se substituer à l’enfermement carcéral... ne s’y substituent pas : l’exemple des Etats-Unis est de ce point de vue édifiant. On peut au contraire formuler l’hypothèse d’une banalisation et d’une diversification des formes de répression, où les personnes sont de plus en plus couramment amenées à vivre des parcours d’alternance entre séjours carcéraux et autres contrôles judiciaires et répressifs.

Il est important, ici, de poursuivre la réflexion sur ce qui est à l’œuvre dans notre société : la tendance à la généralisation des dispositifs portant aux nues la pénalisation comme une solution à tous les maux de la société, et faisant de la répression l’alpha et l’oméga des politiques de l’Etat. Il faut bien en effet constater que le développement de l’Etat pénal se constate sur fond d’affaiblissement de l’Etat social, comme le dit en substance le sociologue Loïc Wacquant. Là où l’Etat abdique de toutes les ambitions éducatives, préventives, il ne lui reste qu’à assurer l’ordre par la domination, la répression pénale en attendant que les formes variées de contrôle social finissent de dessiner une société de contrôle généralisé où chacun n’aurait plus qu’à choisir sa peine, en pensant être libre. Belle perspective d’émancipation...

Mais le développement de l’Etat social provoque-t-il la disparition de l’Etat pénal ? Les deux cohabitent très bien aujourd’hui, constituant un pouvoir bicéphale que l’on peut illustrer par le schéma - certes caricatural, mais porteur d’une certaine vérité - du méchant et du gentil. Le pouvoir capitaliste, quel que soit le gouvernement, peut-il se passer de l’enfermement, de la pénalisation destructrice de l’humain ? Ne parlons pas des pouvoirs dictatoriaux, dont la pérennité est directement liée à l’exercice de la répression par les pires moyens, parmi lesquels la prison tient bien son rang : trop souvent nous les utilisons pour nous donner bonne conscience.

Il ne s’agit pas seulement de « faire reculer la prison » [1] mais de mettre en question son principe même. Car son principe - intolérable - est emblématique des "valeurs" - inacceptables - qui régissent cette société, celles qui justifient le pouvoir de ceux qui possèdent sur les autres, précaires et moins précaires.

Sur ces questions, les contributions de Jean-Luc Guilhem et Olivier Razac offrent large matière à réflexion et à débat.

Source : Combat contre le Sida

Dernière minute : Dans le cadre de la proposition de loi sur la récidive, votée le 16 décembre, se trouve la mesure suivante : les agresseurs sexuels condamnés à plus de 5 ans de prison seront placés sous surveillance électronique mobile. Le bracelet utilisé, contrairement au bracelet fixe déjà mis en place, est une sorte de GPS, qui permet de suivre la personne dans tous ses déplacements. C’est - hélas - l’illustration même des propos de ce dossier : on voit ici comment une technologie présentée au départ comme permettant une soi-disant alternative est finalement utilisée pour accroître la pénalisation.

[1] Punir les pauvres, Le nouveau gouvernement de l’insécurité sociale, Loïc Wacquant, Agone, 2004