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Hélène vit avec la prison dans la tête

Hélène vit avec la prison dans la tête

Elle a passé plus de deux ans dans le quartier des femmes

« Bruits de portes ou de clés, cris. La prison n’est jamais silencieuse », confie Hélène, ancienne détenue à la prison d’arrêt de Brest.Archives

Le Printemps des prisons, organisé par l’association étudiante Génépi, se termine le 28 mars. Une semaine pour parler de l’univers carcéral. Hélène, Brestoise et maman de 36 ans, a passé plus de deux ans derrière les barreaux.

« Le choc. J’ai pris dix jours à la maison d’arrêt de Brest pour ne pas avoir payé des amendes. Tout ça pour un pneu lisse ! Cette contrainte par corps a été supprimée depuis. » En 1990, Hélène a 21 ans. Elle se souvient. « L’autre Hélène, dans le quartier femmes, était une toxico qui avait arraché les yeux d’un vieil homme pour de l’argent. « L’empoisonneuse de Brest » était là aussi. »

Arrivée en « grande pompe » dans le fourgon de gendarmerie, elle avait dû donner ses empreintes. Et traversé toute la prison avec une surveillante vers le quartier des femmes. Avant la fouille. « On se retrouve nue, un pied sur une chaise, avec ordre de tousser. »

La prison, elle ne l’avait vue qu’à travers les films. « J’ai demandé une cellule individuelle. Mais ils ne voulaient pas nous laisser seules la première nuit. À cause des suicides. On avait peur. On ne posait pas de question. »

Lorsque les portes se sont ouvertes pour laisser sortir Hélène, c’est pour mieux se refermer sur elle en 1997. Elle a fait quatre mois de préventive. Toujours à Brest.

Une quête pour l’enterrement du bébé

La violence entre détenues ? « Je n’en ai pas vu beaucoup. Dès qu’il y avait des tensions, les surveillantes étaient aux aguets. Et les médicaments étaient largement utilisés. Pas pour moi. Je ne voulais pas devenir un zombi. » Hélène a replongé. Quatre mois de préventive en 1999. Et en avril 2003, trois ans ferme.

Elle n’y a passé qu’un an et demi. « Je me suis retrouvée dans la cellule d’une Brestoise de 19 ans enceinte de sept mois. Mais elle a perdu son bébé. Terrible. » Trois jours plus tard, la maman endeuillée regagnait sa cellule. « C’était à nous de la prendre en charge. J’ai demandé à faire une quête pour les fleurs de l’enterrement. C’est la seule co-détenue avec qui je garde contact. »

Elle a même vu des surveillantes craquer pour ce qui était arrivé à son amie. « Ce sont des êtres humains. D’ailleurs, elles nous appelaient par nos prénoms. »

Par contre, question activités quotidiennes, ce n’était pas la panacée. « On n’avait le droit qu’à quelques ateliers cuisine, informatique, travaux manuels. On pouvait suivre des cours. Ça permettait de sortir de sa cellule. La journée en salle commune, c’était révolu. On restait dans nos 9 m2, sauf pour les promenades d’une heure. Matin et après-midi. »

La douche, c’était une fois par jour, de 7 h à 8 h. « Il n’y avait que deux douches pour 18 femmes. » On mangeait à 11 h 30 et 17 h 30. « Il n’y avait pas de petit-déjeuner. On gardait le pain du dîner et le sachet de café quotidien. Sauf à Noël : on avait en plus du chocolat en poudre. » Ainsi qu’un bon repas. Dégusté dans la promiscuité de la cellule.

« Ce qui m’a fait mal, c’est d’être séparé de mon fils et de ma mère. Et la peur qu’il leur arrive quelque chose. Mais je me contrôlais. Je craquais en sortant de prison. Les gens faisaient comme si rien ne s’était passé. Mais forcément, je ne suis plus la même. J’ai tellement encaissé. Je me suis endurcie. »

Depuis son placement extérieur en juin dernier, Hélène refait surface grâce à Émergence. L’association lui a trouvé un appartement et proposé un CES en chantier d’insertion. « En prison, j’ai passé mon examen d’entrée à la fac. Et je viens de suivre une formation au Greta pour de la téléprospection. »

Depuis mars, Hélène a aussi retrouvé son fils de 16 ans. Il était placé depuis sept ans. « Petit à petit, je regagne sa confiance. Je reconstruis ma vie. » Même si les bruits de portes ou de clés la font toujours frémir.

Delphine PRAT