Publié le mercredi 20 avril 2005 | http://prison.rezo.net/4-politique-de-reduction-de-la/ Les mesures actuelles en matière de réduction de la demande au sein des prisons consistent principalement à dissuader les usagers de drogues avec des contrôles renforcés, tels que les fouilles des cellules et les dépistages aléatoires combinés à des sanctions ou à des pertes de privilèges. Par exemple, en Suède, les prisonniers font en moyenne deux à trois analyses d’urine par mois. Face à un nombre croissant d’usagers de drogues, les systèmes pénitentiaires ont mis en place des unités spécialisées de soins des toxicomanes (par exemple aux Pays-Bas), des services de drogues centralisés dans des prisons spécifiques (Irlande et Autriche) ou ont « importé » l’expertise en matière de prise en charge des toxicomanes d’agences extérieures. Depuis 1995, on note une expansion des services destinés aux usagers de drogues en prison (Ambrosini, 2001) et des mesures pour prévenir la transmission des maladies infectieuses. Par rapport à la communauté toutefois, les retards sont importants. L’offre actuelle en matière de services de soins aux toxicomanes ne correspond pas aux besoins estimés à plus de 50 % d’usagers de drogues parmi la population carcérale. Étant donné que beaucoup d’usagers de drogues retournent en prison plusieurs fois avec des problèmes identiques ou plus graves de consommation et de maladies infectieuses, les administrations pénitentiaires ont dû reconnaître la nécessité de lutter contre la toxicomanie, la consommation de drogues, les risques connexes et les conséquences sanitaires de façon plus systématique en milieu carcéral. Une évolution récente dans beaucoup de pays de l’UE qui reflète cette prise de conscience est l’adoption de véritables « stratégies de lutte contre la drogue en prison », des directives sur les soins et le traitement des détenus toxicomanes ou l’élaboration de normes de qualité pour des services spécifiques. Les stratégies relatives à la consommation de drogues en prison prévoient généralement diverses mesures pour traiter des prisonniers, dissuader la consommation de drogues et réduire l’offre de drogues. Récentes stratégies, directives ministérielles et normes de services sur la consommation de drogues en prison dans l’UE et en Norvège Traitement de la toxicomanie Les spécialistes externes des drogues jouent un rôle important en matière de soutien aux toxicomanes dans la plupart des systèmes, voire dans tous les systèmes pénitentiaires européens. Toutefois, l’étendue de la couverture et le niveau de services fournis dans les prisons varient considérablement entre et au sein des pays. Les exceptions notoires en termes de couverture sont : l’Écosse, qui dispose de conseillers en matière de drogues dans chaque prison ; l’Espagne, où les services de prise en charge sanitaire des toxicomanes sont disponibles dans 71 prisons sur 73 ; la Suède, où un tiers du nombre estimé de détenus ayant des problèmes de drogues étaient concernés par des programmes d’incitation au traitement en 2000 ; l’Angleterre et le pays de Galles, où, depuis 1999, toutes les prisons disposent d’équipes externes spécialisées (CARAT - Counselling Assessment, Referral Advice and Throughcare Services) destinées à répondre aux besoins des prisonniers toxicomanes de l’admission à la postcure - bien qu’un obstacle majeur semble le manque de possibilités d’abouchement (Spacca, 2002). En Écosse, les détenus peuvent à présent bénéficier de soins intérimaires au cours des douze premières semaines suivant leur libération afin de faciliter leur retour dans la communauté. Les services fournis par des agences externes concernent l’information et la formation sur la prévention des drogues en général, les programmes d’incitation au traitement et la préparation à la sortie, y compris des orientations vers des traitements au sein de la communauté et des programmes postcure. En Belgique et en Grèce, les organisations non gouvernementales (ONG) sont jusqu’à présent les premières à assurer les services limités disponibles pour les usagers de drogues en prison. En Allemagne, des agences externes et des services de drogues internes spécialisés travaillent dans les prisons depuis le milieu des années 80, et en 2000, plus de 350 conseillers en matière de drogues fournissaient leurs services dans les prisons allemandes ; toutefois, l’étendue de ces services varie entre les différents États fédéraux (Länder). En 2000, la tendance à impliquer des professionnels externes était encore importante en France, et en Italie, les services publics en matière de drogues, Ser.T., ont noté une hausse conséquente du nombre de patients, en raison de leurs nouvelles responsabilités concernant les prisonniers. Le plan national espagnol sur les drogues (2000-2008) considère comme une priorité la participation de spécialistes externes en matière de prise en charge sanitaire des usagers de drogues en prison, et les plans de coopération pluriannuels entre les prisons et les ONG se sont traduits par le fait que la moitié du personnel des services de soins aux toxicomanes (Grupo de Atención a Drogodependencias - GAD) dans les prisons espagnoles sont des experts d’ONG externes. Services fournis La désintoxication est en général proposée par les services médicaux des prisons ou dans des unités spécialisées de désintoxication, mais on note souvent l’absence de normes de qualité. Un programme grâce auquel 1 200 à 1 500 détenus ont bénéficié d’une cure de désintoxication par an a été décrit comme « un moyen essentiellement non structuré et non contrôlé, sans suivi ou planification à long terme » (Department of Justice, Equality and Law Reform, 1999). Toutefois, des normes de qualité commencent à être instaurées, par exemple l’ordonnance Prison Service Order de décembre 2000, qui exige que toutes les prisons en Angleterre et au pays de Galles fournissent des services de désintoxication qualifiés. Dans certains pays, les agences externes participent aussi directement aux traitements à long terme des toxicomanies. Au Danemark et en Norvège, par exemple, des petits programmes internes pour les usagers de drogues sont gérés par des agences externes spécialisées en matière de drogues (« modèle d’importation ») et il existe des traitements de substitution dans les prisons espagnoles, françaises et italiennes. En Espagne, le degré de couverture élevé a été atteint grâce à l’implication massive des services de drogues externes. Neuf pays de l’UE disposent de programmes de traitement axés sur l’abstinence dans les prisons, et la Norvège compte un programme d’incitation au traitement. Le nombre total de places est très faible par rapport au nombre estimé de détenus ayant des problèmes de drogues. Néanmoins, en Espagne, 8 984 prisonniers ont participé aux 18 programmes de sevrage disponibles en 2000, et en Angleterre et au pays de Galles, 3 100 admissions ont été enregistrées en 2000-2001 dans 50 programmes de traitement intensif. En Suède, 10 % des centres pénitentiaires, pouvant accueillir 500 prisonniers, sont réservés au traitement volontaire et obligatoire des usagers de drogues (Lýsen, 2001), et en Finlande, 18 % des nouveaux prisonniers participent à des programmes de réinsertion pour problèmes d’alcool ou de drogues (Jungner, 2001). La prison autrichienne Favoriten, exclusivement spécialisée dans la prise en charge des toxicomanes, dispose de 110 places de traitement ; le Danemark compte 30 places et l’Irlande 9. Le programme norvégien d’incitation au traitement peut prendre en charge 18 détenus par an Traitement d’abstinence et unités de sevrage dans les prisons dans certains pays de l’UE et en Norvège Hormis la Grèce, la Suède et deux Länder de l’Allemagne (la Bavière et le Bade-Wurtemberg), des traitements de substitution sont désormais disponibles en prison dans tous les pays de l’UE et en Norvège. Néanmoins, même dans les pays où un pourcentage élevé d’usagers de drogues à problème dans la communauté suivent un traitement de substitution, les prisons appliquent principalement une politique de désintoxication. En Allemagne, en France et aux Pays-Bas, les taux en prison sont estimés entre 1 et 4 % (Stöver, 2001 ; WIAD-ORS, 2001), contre une couverture de 30 à 50 % dans la communauté. La plupart des politiques de maintien en prison recommandent le traitement uniquement pour les courtes peines, pour les détenues enceintes et pour ceux qui souffrent de toxicomanie depuis longtemps ou de problèmes mentaux ou physiques graves. L’initiation des traitements de substitution en prison est rare, bien qu’elle soit légalement possible dans la plupart des pays. La principale exception est l’Espagne, où les taux de substitution sont similaires au sein et à l’extérieur des prisons. Traitements de substitution en prison dans l’UE et en Norvège Dix pays de l’UE et la Norvège gèrent des unités de sevrage en prison. L’objectif de certaines de ces unités est non seulement de protéger les détenus non dépendants des drogues, mais également de fournir un traitement aux toxicomanes. Les prisonniers en traitement de substitution à la méthadone ne sont généralement pas admis dans les unités de sevrage. Les vingt départements d’accompagnement des toxicomanes sans drogue dans les prisons néerlandaises peuvent accueillir 446 détenus ; néanmoins, un tiers de la capacité est restée inutilisée en 1999, et une évaluation sur vingt ans de la prise en charge de la toxicomanie en milieu carcéral a conclu à des résultats décevants (Rigter, 1998). La Suède dispose de 356 places en unités de traitement de sevrage, et en Finlande, où actuellement 10 % des dispositifs pénitentiaires sont sans drogue, une expansion à 50 % est envisagée. Le Portugal a récemment ouvert sept unités de traitement de sevrage avec 195 places, considérées comme une « grande réussite », et prévoit deux unités supplémentaires. Toutefois, une analyse dans le domaine de la recherche sur les soins en addictologie en milieu pénitentiaire (Rigter, 1998) a permis d’aboutir à une pénurie de résultats fiables et valides à l’échelle mondiale. Prévention des maladies infectieuses Beaucoup de pays tentent de suivre les principes généraux et les recommandations spécifiques figurant dans les directives de l’OMS sur l’infection au VIH et au sida dans les prisons (OMS, 1993). Plusieurs mesures de réduction des risques sont difficiles à mettre en place, en raison de leur connotation politique, du fait de la réticence du personnel et parce qu’elles ne sont pas considérées appropriées dans le milieu carcéral. Le tableau figurant ci-après présente certaines des mesures de prévention des directives de l’OMS et la façon dont les pays de l’UE et la Norvège les mettent en ouvre. Même si la portée de ces mesures semble encore insuffisante dans beaucoup de pays, on note certaines avancées (20). Des programmes d’échange de seringues peuvent désormais être mis en place dans toutes les prisons espagnoles (21), le Luxembourg et le Portugal discutent de leur introduction. Davantage de pays recommandent la mise à disposition d’eau de Javel diluée pour les prisonniers et la mise en ouvre de cette mesure a progressé. |