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(2004) Saisine no 2004-3 et Saisine 2004-3 bis pour connaitre les conditions d’accès aux soins pour Mme R. détenue

Saisines no 2004-3 et 2004-3 bis

AVIS ET RECOMMANDATIONS
de la Commission nationale de déontologie de la sécurité à la suite des saisines des 8 janvier et 28 avril 2004, par M. Robert Bret, sénateur des Bouches-du-Rhône.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 8 janvier 2004, par M. Robert Bret, sénateur des Bouches du Rhône, des difficultés d’accès aux soins des détenus hospitalisés à l’hôpital Pasteur de Nice et plus précisément sur la situation de Mme R., « qui a vu annuler ou reporter des soins et des opérations qu’elle devait subir, du fait du manque d’escortes policières ».
Le 27 janvier 2004, la Commission a demandé une enquête administrative sur les conditions dans lesquelles s’effectuaient les escortes de détenus au sein de l’hôpital Pasteur.
La Commission a entendu la détenue à la maison d’arrêt de Toulouse où elle avait été transférée.
La CNDS s’est déplacée à l’hôpital Pasteur où elle a visité le pavillon E2 et a recueilli les observations du professeur Q., responsable de l’unité médico-légale.
Elle a eu un entretien avec Mme C. chargée de mission au ministère de la Santé pour la prise en charge sanitaire des détenus.
Le 28 avril 2004, M. Robert Bret saisissait à nouveau la CNDS sur les conditions d’intervention du GIPN deMarseille à la maison d’arrêt des Baumettes le 16 mars 2004, où fut utilisé contre Mme R. le pistolet paralysant Taser W-26.
Elle a recueilli les déclarations de M. Gx, directeur par intérim de la maison d’arrêt pour femmes (MAF) au moment des faits, ainsi que celles de la directrice adjointe de l’établissement. Elle a procédé à l’audition du commandant A., chef du groupement d’intervention de la police nationale (GIPN) de Marseille. Elle a entendu le docteur R. en poste à l’UCSA des Baumettes.

SUR L’ACCÈS AUX SOINS

- LES FAITS

Incarcérée à la prison des Baumettes puis transférée à la MAF de Nice, suite à un incident, Mme R. est hospitalisée sur demande de l’unité de consultation et de soins ambulatoires de Nice au pavillon E2, un des services de l’unité de médecine légale de l’hôpital Pasteur, du 6 août au 9 février 2004.
La dégradation de son état de santé général, divers problèmes de santé font suspecter l’existence de pathologies graves. Une série d’examens spécialisés puis des interventions chirurgicales sont prescrits lors de cette hospitalisation.
Mme R. dénonce les conditions d’hospitalisation au pavillon E2 : exiguïté de sa chambre (6 m2), manque d’hygiène, non-respect de l’intimité des malades, manque de personnel soignant, malgré un dévouement noté des professionnels de santé. L’accès aux soins serait très dépendant du bon vouloir des policiers affectés à la garde dans ce service. Deux examens importants, planifiés longtemps à l’avance et qui doivent être faits dans d’autres bâtiments de l’hôpital et pour lesquels Mme R. a subi une préparation lourde et pénible, sont annulés du fait de l’absence d’escortes policières, le jour prévu. Deux interventions chirurgicales sont reportées pour les mêmes raisons.
Une intervention primordiale pour vérifier un diagnostic de pathologie grave, prévue en octobre 2003 selon Mme R., n’a eu lieu que le 20 janvier 2004. Mme R. déclare que, lors de la dernière consultation au bâtiment E2, lui ont été prescrits des examens qui ne seront pas faits, l’administration pénitentiaire l’ayant fait réincarcérer précipitamment, suite à la médiatisation d’un incident communiqué par Mme R. à l’Observatoire international des prisons. Il s’agissait d’un incident entre l’infirmière du service et un des policiers arrivés en retard pour assurer une escorte. L’infirmière avait été interpellée pour outrage et aussitôt conduite au commissariat. La Commission a été saisie de cette affaire (saisine n° 2004-2).
Mme R. expose par ailleurs que son dossier médical ne l’a pas suivie lors des transfèrements de la prison de Nice à celle des Baumettes, puis lors d’un nouveau transfèrement vers la maison d’arrêt de Toulouse. Elle n’aurait pu de ce fait recevoir les soins et les traitements requis par son état de santé, ni n’aurait pu bénéficier d’un suivi approprié par l’UCSA de Toulouse.
Le professeur Q., responsable du service de médecine légale et de l’unité hospitalière du bâtiment E2, indique que le problème majeur dans toutes les unités hospitalières des services de médecine légale est celui des escortes annulées, évaluant le taux d’annulation des soins entre 20 % et 40 % selon les périodes du fait de l’absence ou du retard des fonctionnaires de police.
Concernant Mme R., il a relevé que, sur six mois d’hospitalisation, pour 71 escortes programmées, dont 11 avaient été classées « prioritaires », 17 ont été annulées. Il a précisé à la Commission : « Dans mon service, aucune escorte pour urgence vitale n’a jamais été annulée. » Il explique qu’« un tiers du temps de travail est consacré à l’organisation et aux négociations avec l’administration pénitentiaire et les services de police pour les escortes, au détriment de l’activité médicale ».
Il estime que les relations avec les personnels de police qui sont en place de façon permanente sont bonnes. Selon lui, la nature des problèmes avec l’administration pénitentiaire est uniquement technique.
Concernant l’accès des détenus à leur dossier médical, il déclare que les certificats médicaux et les comptes rendus sont remis aux détenus, voire l’intégralité du dossier s’ils en font la demande selon les dispositions de la loi du 4 mars 2002. Les copies des pièces importantes du dossier médical hospitalier sont transmises à l’UCSA de l’établissement pénitentiaire où les détenus sont transférés à leur sortie de l’hôpital, ainsi que les résultats des examens parvenus après leur sortie de l’hôpital.
Questionné par la Commission sur le suivi et l’accès aux soins de Mme R., le professeur Q. a indiqué que les résultats des examens n’ont pas établi de pathologie nécessitant le maintien d’un matériel d’assistance respiratoire, que les autres diagnostics de pathologies graves n’ont pas été confirmés par les résultats des examens ni par les consultations de spécialistes. Le 9 février 2004, Mme R. a quitté le service car « son état ne nécessitait plus d’hospitalisation ».
Il a porté à la connaissance de la Commission un courrier de Mme R. dans lequel elle rend hommage au dévouement du personnel soignant, se laignant uniquement des fonctionnaires de police. Devraient être parvenus à Mme R. deux courriers, l’un daté du 7 janvier 2004 qui établit que son état ne nécessite plus le recours à l’oxygène, et celui du 11 décembre 2004 qui fait le point sur les pathologies graves suspectées au départ, clairement écartées par les résultats. Il indique avoir reçu quelques jours plus tard une lettre de Mme R. qui, mécontente, faisait part à l’équipe soignante de sa déception. Selon le professeur Q., « cette patiente était très difficile à prendre en charge sur le plan médical ».
Le docteur R., praticien hospitalier à l’UCSA des Baumettes et qui assure certaines consultations des arrivants, a vu Mme R. dans ce cadre en février 2004, venant de Nice. Il n’a pas eu à sa disposition, à ce moment-là, le dossier médical de l’UCSA de Nice. Lui ont été remises par le greffe la fiche médicale et la fiche de liaison infirmière. Il y avait un résumé, mais pas de compte rendu d’hospitalisation définitif. Il y avait des soins à faire concernant une cheville pour laquelle elle avait une attelle. Le docteur R. a indiqué que l’état de santé de Mme R. n’était pas incompatible avec la détention. Il a précisé que normalement les détenus sont revus dans le cadre d’une consultation posthospitalisation dans les huit ou quinze jours.
Il a eu l’occasion de rencontrer Mme R. dans les semaines suivantes, lorsqu’elle se rendait à l’infirmerie pour des soins.
Questionné sur l’appareil médical qui accompagnait Mme R. à son arrivée aux Baumettes en février 2004, le docteur R. a expliqué qu’à la demande de l’administration pénitentiaire il s’était déplacé jusqu’à un local pour identifier cet appareil et dire si elle pouvait l’avoir en cellule. Il a indiqué à l’administration pénitentiaire qu’il s’agissait d’un extracteur d’oxygène, mentionné dans le courrier médical. D’autres détenus disposaient déjà de ce type d’appareil sans que cela ne pose de problèmes. Mme R. avait donc intégré sa cellule avec cet appareil dans lequel il n’y a pas de réserve d’oxygène ; « c’est une extraction de l’oxygène de l’air ambiant ».
Quelques semaines après sa sortie de prison, intervenue en juin 2004,
Mme R. a transmis à la Commission un certificat médical d’un praticien hospitalier d’un CHU qui l’a examinée en juillet 2004, qui indique que Mme R. présente des pathologies graves du système respiratoire, et qui a constaté « l’incohérence totale des traitements qui ont été mis en place pendant son incarcération ».

- AVIS

Sur le suivi médical
Mme R. est connue par l’administration pénitentiaire comme une détenue difficile et aussi par le personnel de l’UCSA des Baumettes comme une « patiente difficile à soigner ». Elle s’est fait connaître lors d’une incarcération antérieure, en 1999, pour des menaces de destruction, dangereuse pour les personnes, faites sous condition, ayant concerné à la fois des surveillantes et le personnel soignant - et pour lesquelles elle a été condamnée à quatre mois d’emprisonnement en juin 2002. Lors de sa détention, aux Baumettes, son état de santé se dégrade (perte de poids important, divers problèmes de santé) et amène entre autres à ce que lui soit prescrit une assistance respiratoire par un extracteur d’oxygène. Suite à un incident avec une surveillante, elle est transférée à la prison de Nice.
L’UCSA de Nice la fait hospitaliser pour des examens. La Commission, qui a visité le pavillon E2, a constaté l’exiguïté des locaux, la vétusté, l’inconfort et les difficultés d’accès qui caractérisent ce service, rendant vraisemblablement très difficiles les soins, le maintien de l’hygiène et un respect minimum de l’intimité des patients. Pas de sanitaires dans les chambres, un seul WC dans le couloir. Les conditions de travail du personnel médical (une seule infirmière, une aide soignante à temps partiel) sont mauvaises, sources très certainement de tensions, et de fatigues supplémentaires. L’assujettissement de la plupart des interventions des soignants auprès des détenus aux impératifs de sécurité, dans un tel contexte, est certainement une gageure quotidienne pour tous, pour les soignants comme pour les deux fonctionnaires de police qui assurent dans ce service une garde permanente. Les détenus bénéficient pour les visites de leurs proches d’un seul recoin de couloir.
Il n’appartient pas à la Commission de formuler un avis sur cet état des lieux mais elle ne peut que constater ses conséquences : Mme R. a vu reporter plusieurs fois des examens importants, repousser une intervention chirurgicale décisive pour établir si le pronostic vital est ou non en jeu, et a pu en concevoir beaucoup d’angoisse et le sentiment, durable, que sa sécurité n’avait pas été suffisamment prise en considération.
La Commission constate que le médecin qui voit Mme R. à son arrivée aux Baumettes au début de février 2004 n’est pas informé des résultats des examens faits en janvier à l’hôpital Pasteur. Il ignore, par exemple, que son état ne nécessite plus le recours à l’oxygène. Le 16 mars 2004, Mme R. est encore en possession de son extracteur d’oxygène.
La Commission n’a pu établir si les éléments du courrier du 11 février 2004 établi par l’hôpital Pasteur, qui ne pouvaient que rassurer Mme R. sur son état de santé, ont été effectivement transmis à l’UCSA de la MA de Nice ou/et reportés sur la fiche de liaison et sur le dossier médical de l’UCSA des Baumettes ; et si le dossier médical UCSA deMme R. l’a bien suivie, dans des délais raisonnables, au vu de ses transfèrements successifs. Elle estime que le suivi médical de Mme R., la continuité de ses soins n’ont pu qu’en pâtir.
Le dossier médical de Mme R. est certainement archivé à la MAF de Toulouse, son dernier établissement d’incarcération. La Commission a invité Mme R. à faire la demande de consulter son dossier médical, comme le lui permet la loi du 4 mars 2002.

Sur les escortes policières annulées ayant entraîné une annulation de soins ou d’examens
Le directeur de l’hôpital Pasteur saisi le 18 décembre 2003 par l’Observatoire international des prisons a confirmé, le 6 janvier 2004, les difficultés liés aux escortes policières et fait valoir qu’un projet de relocalisation de l’unité d’hospitalisation était prévu « avec des conditions de proximité des services chirurgicaux qui permettront de réduire le nombre de gardes de chambres sécurisées à l’intérieur des unités traditionnelles pour les mois à venir ».
Mme C., chargée de mission au ministère de la Santé, a confirmé à la Commission les difficultés d’accès aux soins pour les détenus, liées aux problèmes d’escortes non assurées pour les déplacements des détenus de la prison vers l’hôpital, pour des examens ou des consultations spécialisées, ou pour les déplacements à l’intérieur de l’hôpital lors d’hospitalisations. En cas d’annulations répétées des escortes, il arrive qu’un examen qui n’était pas urgent du fait des annulations devienne une urgence et que la santé des détenus subisse un préjudice certain. Elle a indiqué que beaucoup des problèmes de coordination entre les services de soins de la pénitentiaire et les services de police seront résolus dans le cadre de la mise en place des UHSI. « L’unité sécurisée de Nice est appelée à disparaître.
C’est l’UHSI  [1] de Marseille qui sera compétente pour Nice. »
L’IGPN, en charge de l’enquête administrative, après consultation des services de police du commissariat central de Nice, des responsables de la maison d’arrêt et de l’hôpital Pasteur, a transmis ses conclusions d’où il ressort que jamais ni l’intégrité physique des malades ni le pronostic vital n’ont été en jeu dans les cas de retards ou d’annulations d’escortes de détenus survenus à la suite d’une insuffisance d’effectifs disponibles.
Soulignant l’état de « saturation au niveau du travail des trois administrations concernées (police, administration pénitentiaire, hôpital), elle a confirmé le report d’un tiers des escortes demandées par le service de soins. Elle a fait valoir que la charge incombant au service de police pour les escortes et les gardes avait augmenté de 40 %en 2003, par rapport à 2002. L’IGPN a exposé enfin que » face à la défection pour ces taches de la compagnie d’assistance administrative et judiciaire qui a vu ses effectifs très réduits, le centre de commandement et d’information (CIC) avait dû alors puiser sur les effectifs de voie publique pour, au jour le jour, gérer au mieux les demandes et la nécessité de répondre à la tache prioritaire de la police qui est d’assurer de manière continue la sécurité des citoyens. »

- RECOMMANDATIONS

1. Comme elle l’a fait dans le dossier 2004/2, la Commission ne peut que préconiser l’accélération du programme d’ouverture des unités hospitalières sécurisées interrégionales dont la mise en place prévoit, notamment en matière d’escortes à l’intérieur de l’établissement, qu’un protocole pose le principe d’un effectif de police ou de gendarmerie proportionnel aux besoins, et l’implantation des unités destinées aux détenus au sein des services actifs de l’hôpital le plus près possible du plateau technique.

2. La Commission préconise que soit rappelé à l’administration pénitentiaire et aux unités d’hospitalisation des services de médecine légale qu’ils doivent veiller à ce que les dossiers médicaux des patients détenus, remis aux personnels d’escortes sous pli scellé, soient transmis dans les plus bref délais à l’UCSA de l’établissement où ont été transférés les détenus.
Que leur soit rappelé que tout compte rendu d’examen ou d’intervention postérieurs à la sortie du patient doit être acheminé dans les plus brefs délais à l’UCSA de l’établissement pénitentiaire où est effectivement incarcéré le détenu.

SUR L’INTERVENTION DU GIPN, LE 16 MARS 2004

- LES FAITS

Les déclarations de Mme R.
Incarcérée aux Baumettes depuis sa sortie d’hôpital en février, Mme R. se rend à l’infirmerie, le 16 mars vers 10 h, pour des soins. Elle croise une détenue travaillant à la bibliothèque - à laquelle elle commande des ouvrages - puis un éducateur qui lui fixe rendez-vous pour l’après-midi même.
De retour, vers 10 h 45, dans sa cellule, elle reçoit son courrier à 11 h puis constate une coupure d’électricité à 11 h 30, qu’elle signale aussitôt à la surveillante. Celle-ci lui répond qu’elle va s’en occuper. À 12 h, elle ne reçoit pas son plateau repas, demande des explications, reçoit la même réponse. Inquiète, allongée sur son lit, elle entend des mouvements en détention entre 14 h et 14 h 30, suivis d’un silence inhabituel. Elle aperçoit alors le haut du casque d’un policier du côté de la fenêtre. Celui-ci est en train de placer un micro caméra, d’autres policiers sont postés à l’extérieur.
Puis elle remarque la présence d’un dispositif sous la porte. Vers 15 h, elle s’approche de la fenêtre, interpelle les policiers : « Les trèfles à quatre feuilles, ce n’est pas par là ! [...] La porte s’est brusquement ouverte, on m’a tiré dessus. L’impact m’a mis par terre, comme une décharge électrique dans tout le corps. J’ai eu très mal, une accélération cardiaque, j’étais paralysée, j’ai cru mourir. » Elle dit qu’un photographe est entré avec les policiers dans la cellule et a pris une photo avant de ressortir aussitôt. Une autre photo a été prise dans le couloir. Elle fait l’objet d’une fouille à corps par trois surveillantes dans une pièce voisine. Son bandana et ses attelles sont arrachées. Elle est conduite à l’infirmerie où des brûlures et des hématomes sont examinées par le docteur R. et plus tard constatées par son avocat. On lui fait passer un électrocardiogramme. Puis elle est hospitalisée.
Mme R. a exposé que lui était imputé le projet de faire sauter sa cellule, à partir de la dénonciation mensongère d’une autre détenue. Mme R. dément avoir eu un tel projet, fait valoir qu’elle n’avait aucun intérêt à un nouvel incident, ayant demandé une suspension de peine qui, selon elle, avait toutes les chances d’être accordée.
Mme R. a porté à la connaissance de la Commission que le docteur R. a refusé d’établir un certificat de constatation, ce jour-là, et n’a pas accédé à cette demande après sa sortie de prison. La Commission a demandé à Mme R. de lui adresser une copie de son courrier au docteur R., demande restée sans suite.

L’administration pénitentiaire
Le 16 mars 2004, M. Gx, le directeur par intérim du CP des Baumettes, se trouve en réunion au centre pour peines aménagées avec M. Gz, le directeur des Baumettes, et la directrice adjointe de la MA des hommes, Mme H..
Il est prévenu par téléphone par la chef de service pénitentiaire qu’une détenue, « indicatrice fiable », lui a fait parvenir un papier selon lequel la détenue Mme R. projetterait de faire exploser la porte de sa cellule à l’ouverture au moyen d’un dispositif de sa confection.
Prenant en compte les antécédents de Mme R. qui, en 1999, s’était retranchée dans l’infirmerie et avait menacé de faire sauter la détention, « ayant retenu deux surveillantes et des personnels infirmiers », il estime alors très sérieuse cette menace. Il informe aussitôt de la situation M. Gz, le directeur des Baumettes, et se rend à la prison. Il recueille sur place les premiers éléments, le fait que Mme R. s’est rendue le matin même à l’infirmerie pour un soin puis a regagné sa cellule. Il prend connaissance du
morceau de papier qui a alerté les surveillantes sur lequel est écrit notamment : « Attention avec l’oxygène de R. ; elle va essayer de le bidouiller pour que cela explose à l’ouverture de sa porte ; elle n’a pas digéré sa fouille. Elle a un portable. Bidon ou pas ? »
Lors de son audition, le directeur, M. Gx, a informé la Commission qu’une fouille de la cellule de Mme R. avait été faite la veille, le 15 mars, où avait été saisi « un circuit imprimé de télécommande de télévision ».
Du compte rendu établi par la direction de la prison, il ressort la chronologie suivante :M. Gx se rend à la cellule deMme R. vers 11 h 40. Il regarde par l’œilleton, d’où il n’obtient qu’une vision partielle de la cellule, et pas de visibilité sur la porte. Il observe que la détenue n’est pas agitée. Il informe de la situation la direction régionale de l’administration pénitentiaire, vers 11 h 55, et demande au CORSEC de procéder à la sécurisation de la zone et à l’évacuation des cellules voisines. Vers 12 h 05, il est rejoint parMme H., directrice de permanence, et contacte le parquet. Il adresse vers 12 h 30 au vice-procureur un compte rendu de la situation.
Le parquet établit alors une réquisition « d’un artificier pour assister le personnel pénitentiaire ». À 13 h 45, un capitaine de police et un artificier arrivent sur les lieux. Lors d’un contact téléphonique avec le GIPN, les directeurs des Baumettes reçoivent la consigne de ne pas entamer des négociations avec la détenue et d’attendre leur arrivée. À 14 h, le GIPN arrive, puis les pompiers. À 14 h 15, un point téléphonique est fait avec Mme D., de permanence à l’administration, C. et avec la direction régionale.
À 14 h 50, le commandant du GIPN, après repérage à partir de l’extérieur de la cellule, et au moyen d’endoscopes, a décidé une intervention « dès que les mains de la détenue ont été visibles ». À 14 h 55, les policiers du GIPN ont pénétré dans la cellule et ont maîtrisé la détenue au moyen d’un pistolet électrique Taser.
Après l’intervention du GIGN, les artificiers ont fouillé la cellule de Mme R. « où rien n’a été trouvé ».
Le directeur M. Gx a contesté auprès de la Commission les déclarations de Mme R. qui dit avoir eu des échanges avec la surveillante, à son retour en cellule, au moment de la coupure d’électricité et lorsque son repas ne lui est pas servi à 12 h. « Mme R. était silencieuse depuis 11 h 40, ce qui nous étonnait et nous a paru anormal. » Il a précisé que, dès l’arrivée du GIPN, la direction s’était tenue à proximité mais n’avait pas été sollicitée autrement que pour l’accès côté fenêtre de la cellule. Puis les policiers ont
placé des endoscopes côté porte et côté cellule. Le GIPN n’aurait transmis aux directeurs présents aucune information après cette observation, concernant la présence ou non d’un dispositif explosif sur la porte. Remarquant à un moment la présence, à côté des policiers, de deux personnes qui n’étaient pas en uniforme et qui n’étaient pas des négociateurs, le directeur de la MAF s’est alors renseigné. Apprenant qu’il s’agissait d’un journaliste et d’un photographe, M. Gx a avisé aussitôt M. Gz, directeur des Baumettes, présent lui aussi sur les lieux, qui lui a répondu « de les faire partir ». Le commandant A., chef du GIPN, est intervenu pour dire qu’ils étaient accrédités par son service. M. Gx a informé immédiatement la direction régionale de la présence de ces journalistes.
M. Gx n’a pas assisté à l’entrée du GIPN dans la cellule. C’est le directeur des Baumettes, M. Gz, qui a vu la sortie de la détenue portée par un fonctionnaire de police. Celle-ci avait l’air prostrée. Il était procédé à une fouille à corps, puis Mme R. a été conduite à l’infirmerie « où le personnel médical était présent depuis 14 h ». C’est le directeur des Baumettes, M. Gz, qui a reçu l’information d’un des membres du GIPN qu’il avait été utilisé le pistolet paralysant Taser pour neutraliser Mme R.

Les déclarations du GIPN
Requis par la direction départementale de la sécurité publique, alors qu’un artificier et un capitaine de police sont déjà sur les lieux, le GIPN de Marseille se rend rapidement à la MAF. Le commandant A a exposé qu’il avait « peu d’éléments au départ » : l’identité de la détenue et les faits de 1999 où Mme R. s’était retranchée dans l’infirmerie des Baumettes avec des personnels en menaçant de faire sauter la détention. Le GIPN s’était rendu, à l’époque, sur les lieux où « invitée fermement par les agents de la sécurité à sortir du local, Mme R. s’était rendue sans violence après avoir ouvert la vanne de la bouteille d’oxygène ». Si l’engin artisanal avait été évalué comme inoffensif, le risque d’explosion était réel, à cause de l’oxygène et de divers autres produits chimiques présents à l’infirmerie. Le commandant A. a précisé que, présent sur les lieux, il n’avait pas eu à intervenir personnellement.
Sur place, l’administration pénitentiaire l’informe de ce que la détenue se trouve dans sa cellule. On lui dit qu’elle a une bouteille d’oxygène et que la direction des Baumettes prend au sérieux le mot transmis aux surveillantes par une détenue où il est écrit que Mme R. serait susceptible d’avoir confectionné un engin qui explosera à l’ouverture de la porte. L’administration pénitentiaire communique au commandant A. que Mme R. a des liens avec le milieu nationaliste corse. Et enfin le directeur M. Gx signale que Mme R. est dépressive.
Afin d’avoir des informations plus précises sur l’attitude de la détenue, son état physique, la nature de l’engin, le GIPN installe un dispositif d’observation du côté fenêtre. L’absence de dispositif apparent sur la porte est constatée.
Le commandant A. explique qu’il avait alors deux options : « Une possible négociation ou l’intervention avec effet de surprise. » Il fait part alors à M. Gx de son appréciation : que la négociation n’était pas sans risque, l’éventuelle présence d’engin explosif n’étant pas encore totalement écartée et aussi à cause de l’état dépressif de la détenue. Il a bien observé que Mme R. est « frêle » et dit craindre le contact physique avec ses fonctionnaires lors de leur intervention.
Le directeur, M. Gx, a donné sa préférence à l’intervention sans négociation.
Le commandant A. a donné l’instruction à son équipe d’utiliser le taser « si la détenue esquissait le moindre geste pouvant laisser entendre une action d’un déclenchement éventuel d’un engin ».
À l’entrée des hommes du GIPN, la détenue s’est retournée, leur a fait face et s’est dissimulée dans le recoin près du lit sur le sol. « Ne voyant plus ses mains, un de mes collègues a tiré. » Voyant l’état physique de Mme R., le tireur aurait stoppé l’action du Taser avant le cycle des cinq secondes. Un des fonctionnaires l’a alors prise dans ses bras et l’a sortie de la cellule, puis elle a été remise aux surveillantes pour une fouille dans une pièce voisine.
Sur l’utilisation du Taser, le commandant du GIPN a exposé qu’elle était la plus appropriée au regard de la situation, évitant tout contact avec l’intéressée et les risques physiques en résultant, tout en supprimant l’usage éventuel d’une arme à feu à caractère létal.
Il n’a remarqué aucune trace de brûlure ni de blessure. « Elle était choquée psychologiquement. »

Les indications du docteur R.
Le 16 mars après-midi, d’astreinte, le docteur R. est en consultation dans un autre bâtiment de la prison lorsqu’il reçoit en début d’après-midi un appel d’une infirmière qui l’informe que Mme R. s’est barricadée dans sa cellule et que la pénitentiaire s’inquiète de l’éventuelle dangerosité de l’extracteur d’oxygène. Le docteur R. fait transmettre que l’appareil n’est pas susceptible d’exploser étant donné qu’il n’a pas de réserve d’oxygène, qu’un livret avec ses caractéristiques est dans le dossier médical de Mme R., enfin qu’il autorise l’infirmière à le remettre à la pénitentiaire. Il dit recevoir un deuxième appel de la chef de service pénitentiaire, R., qui repose la même question concernant le potentiel explosif de l’appareil : « Je lui dis que non et lui reparle du livret. »
Plus tard le docteur R. est rappelé par l’infirmière qui l’informe qu’une intervention de police a eu lieu. Elle lui donne un bref état de santé de Mme R. Il se rend aussitôt sur place et examine Mme R. après avoir fait sortir les surveillantes. On lui dit qu’il a été fait usage sur elle d’une arme particulière, un appareil qui envoie une décharge électrique dans le but de neutraliser la personne. Prenant en compte cette information, le docteur R. évalue l’état de vigilance de Mme R., observe une rougeur diffuse type coup de soleil sur un de ses bras. « Il n’y avait pas de brûlure du 2e degré. » Il effectue un électrocardiogramme.
Le docteur R. a précisé qu’il ignorait le voltage de la décharge électrique. L’état de Mme R. ne nécessitait pas d’évacuation immédiate, mais, pour la soustraire « à la pression énorme, psychologique et physique », il a avancé l’hospitalisation qui avait été programmée deux jours après pour des examens en la faisant conduire le soir même à l’hôpital.
Questionné par la Commission, le docteur R. a déclaré n’avoir reçu de Mme R. aucune demande de certificat de constatation ce jour-là, ni après, ni même récemment. À sa connaissance, aucune demande ne lui a été adressée par Mme R. portant sur la transmission de pièces médicales.

Sur la présence d’un journaliste et d’un photographe dans la prison
Les deux journalistes étaient avec le GIPN depuis dix jours en vue d’un
reportage sur le GIPN de Marseille. Le commandant A. déclare avoir informé dès son arrivée le directeur de la prison des Baumettes de leur présence et avoir indiqué qu’ils avaient les autorisations. Il est intervenu, suite à une altercation entre un responsable de la prison et le photographe, pour préciser que les journalistes étaient accrédités. Cependant les journalistes devaient négocier eux-mêmes la prise de photos auprès de la direction de la prison. Le commandant A. a déclaré que le photographe n’est pas entré dans la cellule de Mme R., que les journalistes se tenaient dans le périmètre de sécurité établi dans le couloir, qu’il n’y a pas eu de prises de photo de l’utilisation du Taser. Des photos ont été prises uniquement à l’extérieur de la cellule. Il informe la Commission que, le lendemain, il y a eu de nombreux appels téléphoniques de l’administration pénitentiaire interdisant la publication de toutes les photos prises lors de cette intervention.
Questionné sur la communication à la presse, il a déclaré que « les informations ont été normalement communiquées administrativement aux directions d’emploi puis vraisemblablement au cabinet du ministre où une communication à la presse a pu en découler ». Le lendemain il a reçu un appel du fabricant du Taser qui demandait des détails, informé par la presse, et demandait les coordonnées du journaliste pour faire une campagne de presse. Le commandant A. dit avoir répondu par la négative à toutes ces questions.
Le directeur central adjoint de la sécurité publique a tenu à préciser à la Commission « qu’en aucun cas, il ne s’est agi d’expérimentation du Taser [...] Le commandant A. a pris la mesure qui lui paraissait la plus adaptée en fonction des éléments portés à sa connaissance et de l’urgence d’intervention et du caractère non létal de l’arme. »

Les éléments recueillis auprès du photographe J. N.
J. N. a commencé à travailler avec le GIPN le 15 mars 2004. Le reportage était prévu sur trois mois. Il était convenu que le GIPN appelle J. N. selon les interventions. Le 16 mars, il a fait le matin même une séance photo avec une équipe du GIGN qui devait assurer une escorte de détenus de la prison des Baumettes au palais de justice. Vers 13 h 30, il est reparti avec l’équipe du commandant A. à la prison. Les policiers du GIGN se sont présentés cagoulés à l’entrée de l’établissement. Rien n’a été demandé aux journalistes, ils n’ont pas été contrôlés, J. N. précisant qu’il avait son appareil et son matériel autour du cou. Rendu sur place, il se tient constamment auprès du commandant A., note la présence de trois responsables de l’administration pénitentiaire, dont l’un lui demande ce qu’il fait là.
Le commandant A. lui a expliqué que tout était en règle. J. N., assistant à tous les échanges entre celui-ci et les représentants de l’administration pénitentiaire, entend les informations communiquées par la direction au commandant A. : « C’est une terroriste corse qui a confectionné une bombe et qui menace de se faire sauter. » Il entend le commandant A. poser des questions sur l’appareil d’assistance respiratoire mais dit ne pas avoir entendu la réponse. « Le commandant A. a demandé aussi si la détenue était malade. » Il indique qu’une chef de service pénitentiaire a appelé à un moment une surveillante qui apportait d’autres informations répercutées immédiatement au commandant A.
Questionné par la commission, J. N. a indiqué qu’à aucun moment il n’a entendu évoquer la possibilité d’entamer une négociation avec la détenue, ni de la bouche des responsables de l’AP ni du commandant A. En contradiction avec les déclarations du commandant A., J. N. dit avoir suivi les deux fonctionnaires qui ont pénétré dans la cellule. Sur le seuil, il a tenté de faire une photo, mais « la mise au point était difficile du fait de l’absence de champ ». Il a eu le temps d’apercevoir la détenue, chétive et le pied dans le plâtre. Il s’est rendu compte que les policiers étaient surpris par l’aspect de Mme R. C’est le deuxième fonctionnaire entré qui tenait le Taser et en a fait usage. J. N. déclare n’avoir pris aucune photo dans la cellule.
Le lendemain, J. N. a reçu un appel sur son portable du fabricant du Taser.
A. d. Z. lui a dit qu’il avait été informé par le commandant A. que le Taser avait été utilisé. A. d. Z. présentait la détenue comme « une dangereuse terroriste corse ». A. d. Z. lui a demandé de lui communiquer des photos afin de les utiliser à des fins publicitaires. Le photographe a refusé et a ajouté : « J’ai su que c’était lui qui avait informé l’APF et la presse locale. »
J. N. a réitéré plus tard auprès du commandant A. son engagement de ne pas communiquer à la presse les photos.

- AVIS

Sur l’intervention du GIPN à la prison des Baumettes
À partir d’éléments transmis par la pénitentiaire, le procureur de la république fait une réquisition pour un artificier « en appui au personnel pénitentiaire ». La direction départementale de la sécurité publique a décidé de diligenter sur place une équipe du GIPN, l’artificier s’étant déjà rendu sur les lieux.
La Commission a entendu que le GIPN exerce des missions prioritaires d’intervention sur des forcenés ou des prises d’otages, assiste des forces de police pour l’interpellation d’individus dangereux. Le commandant A. du GIPN de Marseille a défini la situation qu’il a trouvée comme « une situation de crise ».
Il a pris connaissance d’un morceau de papier rédigée par une autre détenue qui évoquait la possibilité d’une action de Mme R. avec l’oxygène de sa bouteille pour faire exploser la porte à l’ouverture, l’administration pénitentiaire présentant Mme R. comme une détenue corse apparentée au milieu nationaliste corse [2].
Le GIPN, dont le professionnalisme et la compétence ne sauraient être a prioriremis en question, a évalué ces informations mais aussi la situation qu’il a trouvée sur place. Le commandant A. a constaté sur place que la détenue, « frêle » et le pied immobilisé par des attelles, calme pendant l’observation, était enfermée dans sa cellule, seule. Qu’elle ne manifestait aucune agitation ni ne tenait de propos étayant l’hypothèse d’une situation de crise. L’électricité était coupée depuis 11 h 30. Des renseignements sont obtenus sur l’absence de dangerosité de l’appareil présent dans la cellule. Grâce aux endoscopes, le commandant A. a constaté l’absence de dispositif explosif sur la porte. Par ailleurs, toutes les mesures de sécurité ont été prises (évacuation des cellules voisines et du personnel pénitentiaire). Le GIPN est si rassuré sur l’absence de danger que c’est un agent pénitentiaire qui ouvre la porte de la cellule aux policiers pour qu’ils s’engouffrent dans la cellule, très tranquillement, comme a pu le constater la Commission sur une des photographies prises avant l’intervention.
Il est établi que le photographe a bien suivi les policiers du GIPN dans leur
intervention, placé « en troisième position », même s’il est resté sur le
seuil. On ne peut que s’interroger sur ce qui a pu conduire le commandant A. à écarter l’option du dialogue avec Mme R. qui n’était, en la circonstance, ni une forcenée, ni une preneuse d’otage, mais une détenue dans sa cellule. La Commission rejette l’explication de l’emploi du Taser « en place d’une arme à caractère létal », n’imaginant pas que le GIPN aurait pu, en la circonstance, opter pour l’utilisation sur Mme R. d’une arme à feu.
La Commission estime qu’aucun des éléments réels recueillis n’est venu soutenir qu’il ait été nécessaire de « neutraliser »Mme R. nonobstant l’enjeu considérable constitué par l’équipement, récent et à titre expérimental, des fonctionnaires du GIPN d’un Taser dont l’utilisation en la circonstance apparaît non seulement disproportionnée mais injustifiée.
Tous ces éléments tendent à accréditer fortement l’hypothèse que la présence de journalistes et notamment d’un photographe aient pu peser dans le choix d’intervention du GIPN et notamment qu’ait été écartée l’option de la négociation.

Sur l’attitude de la direction de la prison
La Commission s’inquiète de l’attitude passive de l’administration pénitentiaire dans cette affaire. Représentée sur place par trois directeurs, l’AP fait valoir qu’une fois le GIPN déplacé elle s’est tenue à l’écart de toute prise de décision. Cette mise à l’écart est en partie démentie par le photographe qui est resté constamment aux côtés du commandant A. et entend, par exemple, l’échange entre celui-ci et la direction concernant l’extracteur d’oxygène, et qui atteste de nombreuses allers et venues du commandant A. auprès de la direction. La Commission relève qu’une fouille de la cellule de Mme R. avait été faite la veille et que le rapport d’incident daté du 15 mars à 11 h notait la saisie de médicaments. La Commission s’étonne qu’après son audition le directeur M. Gx ait fourni deux rapports pour la même fouille, le deuxième daté du 15 mars mais à 12 h rapportant qu’« un circuit imprimé de télécommande de télévision a été saisi et remis au CORSEC pour analyse » : information qui ne figurait pas dans le dossier et ne paraît pas avoir été communiquée ce jour-là au GIPN.
Il ressort des investigations et des auditions de la Commission que l’administration pénitentiaire et la prison des Baumettes sont restés marquées par l’incident de 1999 qui avait traumatisé les surveillantes et les soignants, mais aussi qu’elles étaient informées des plaintes et démarches répétées de Mme R., l’année 2003 et l’année 2004, concernant sa situation, mettant en cause la prison, qu’elle avait fait connaître à l’Observatoire international des prisons l’incident de l’hôpital Pasteur (saisine 2004-2) aussitôt médiatisé, et qu’elle avait saisi un parlementaire, puis la CNDS en janvier 2004.
Il est fortement probable qu’on a cru utile de « grossir » la personnalité de la détenue, en communiquant au GIPN que Mme R. est « une dangereuse terroriste corse » tout en la présentant et la décrivant comme une mythomane qui d’ailleurs ne faisait pas l’objet d’une surveillance particulière comme « DPS  [3] ».
On ne peut que relever les déclarations contradictoires de la pénitentiaire et du GIPN concernant la responsabilité de la prise de décision d’une intervention sans négociation.
De tous ces éléments, la Commission retire que l’autorité compétente dans la prison, l’administration pénitentiaire, a bien autorisé le GIPN à une neutralisation inutile de Mme R. Il est inacceptable qu’assurée de l’absence de danger aucun élément n’étant venu étayer le soupçon d’un projet malveillant deMme R., l’administration pénitentiaire n’ait pas repris ses prérogatives et assumé ses responsabilités qui demandaient que le GIPN se retire, que Mme R. soit extraite de sa cellule par les surveillants pour une éventuelle nouvelle fouille et qu’une enquête interne soit menée concernant les éléments avancés par la détenue informatrice.
Concernant l’entrée non contrôlée d’un journaliste et d’un photographe dans la prison, la direction des Baumettes fait valoir que le commandant A. était garant des personnes du groupe.
La Commission s’étonne qu’une accréditation de journalistes faite par le ministère de l’Intérieur n’ait pas été portée à la connaissance du ministère de la Justice comme semble l’attester a posterioril’embarras de l’administration pénitentiaire.

- RECOMMANDATIONS

1. La Commission recommande que soit rappelé au ministère de l’Intérieur et au ministère de la Justice que toute intervention de corps de police spécialisés en prison s’effectue dans le respect des prérogatives de l’autorité compétente sur place, en l’absence du préfet : celle de l’administration pénitentiaire représentée par sa direction (article D. 266 du Code de procédure pénale).

2. La Commission recommande que soit rappelé aux fonctionnaires du GIPN l’article 9 du décret du 18 mars 1986 portant Code de déontologie de la police nationale aux termes duquel l’usage d’une arme (en l’espèce, le Taser) doit être strictement nécessaire et proportionnel au but à atteindre.

3. La Commission attire l’attention du ministère de l’Intérieur sur ce que révèle cette affaire en la circonstance, une politique de médiatisation systématique et peu maîtrisée des interventions des services de police par les fonctionnaires de police eux-mêmes.

4. Elle s’inquiète de la perméabilité, active, de l’institution et de ses agents aux pressions commerciales d’une entreprise privée, intéressée par le marché potentiel, très lucratif, que constitue l’équipement de la police.

5. Elle condamne la transmission par les services de police à la presse et au fabricant du Taser d’éléments sur la situation pénale de Mme R., de plus non avérés, qui lui sont préjudiciables. Elle préconise un rappel à l’ordre pour que soit respectée l’obligation de discrétion et de secret professionnel rappelée par l’article 11 du décret susvisé.

6. Elle recommande à M. le garde des Sceaux, ministre de la Justice, de tirer les conséquences de l’inobservation des article D. 277 et suivants du Code de procédure pénale par des agents de l’administration pénitentiaire qui ont laissé pénétrer dans un établissement des personnes non autorisées.

Adopté le 5 octobre 2004

Conformément à l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission a adressé cet avis à M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, à M. Dominique de Villepin, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales, à M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé et de la Protection sociale, dont les réponses ont été les suivantes. En réponse au courrier du directeur général de la police nationale, le président de la CNDS a écrit à nouveau au ministre de l’Intérieur.









[1] Unité hospitalière sécurisée interrégionale

[2] Du dossier il ne ressort pas que Mme R. ait été incarcérée pour des faits liés à une activité terroriste. Mme R. est effectivement corse et sa famille vit dans cette île

[3] 3 Détenu étant particulièrement surveillé